6. Siobhane

Me suis fait eu !!! 😭😂 J'ai mis un PDV hier alors qu'il y a un anniversaire aujourd'hui (ce 10.03.2018@kinder-100 je te déteste pour le principe 🙈😋
Joyeux anniversaire ma belle et que tout le monde profite de ce PDV en avance, parce que là, c'est vraiment gratuit !!!!! 😖😚

Siadhal était celui que je connaissais le plus dans notre cortège, je me focalisai donc sur lui. Aslander n'étant plus là, je me doutais bien qu'il fallait suivre un certain protocole pour pouvoir entrer sur ce nouveau territoire que je découvrais. Le peu de paysage que j'avais vu était époustouflant. Il y avait une végétation luxuriante, qui laissait place à un désert tout particulier, puis une chaîne de montagne enneigée. C'était impressionnant. Un bref séjour en Nouvelle-Zélande me permettait de faire un lien quant aux paysages qui se trouvaient sous mes yeux. Nous passions du tout ou tout en quelques kilomètres. C'était invraisemblable sur une si petite île.

Je jetai un coup d'œil à l'un des hommes d'Aslander que j'avais rencontré pour la première fois sous sa vraie forme. Cashel. L'aigle. Il avait quelques tatouages, mais rien qui ne ressemblaient à un scellé d'une quelconque magie. Non, c'était des marques de son clan à n'en pas douter. Il était assez fin, mais son corps était musclé. Il semblait très sûr de lui. Les vêtements qu'on lui avait donnés me rappelaient certains souvenirs d'une autre époque. Ici, le temps semblait s'être arrêté. Nous n'étions pas montés dans des voitures, nous avions eu droit à une très grosse calèche, évidemment très modernisée. Assez pour que l'on sente à peine que des chevaux la tiraient.

Je n'avais posé aucune question, mais au vu des personnes présentes ici, je savais déjà que nous allions au-devant de la Souveraine. Je me souvins du livre qu'Arzhel m'avait laissé. À présent, je savais pourquoi il l'avait fait. La Reine de Tasmanie, autrement dit la Koning qu'Aslander avait placée là, était très vieille. Elle était d'origine aborigène et portait donc un nom de circonstance. Elle s'appelait Naata Nungurrayi. J'avais tenté de comprendre la façon dont les noms aborigènes fonctionnaient, mais n'en avais pas eu pleinement le temps. Je savais juste qu'elle était d'une ancienne famille de lycans, très proche de celle d'Aslander. Ce n'était donc pas étonnant qu'elle soit à cette position.

Quand notre cortège arriva enfin devant ce qui me semblait être le palais, mon émerveillement s'intensifia. Ce n'était pas un bâtiment que j'avais en face de moi, mais bien une œuvre d'art. Le temple était aussi beau que le Deity d'Aslander. L'architecture en elle-même était très épurée, mais elle restait grandiose de par sa hauteur. Je me demandais s'il était possible d'aller en haut de cette magnifique tour qui semblait toucher le ciel. Cashel secoua ses épaules et regarda dans la même direction que moi. Deux aigles décollèrent brusquement en piaillant. Ils étaient magnifiques.

Un éclat rouge me força à détourner le regard du ciel. Quand je rouvris les yeux, je découvris la Reine Naata. C'était une grande femme, mince et musclée, très musclée. Elle portait un ensemble qui jadis m'aurait fait penser à un habit de guerre dans les tribus indiennes. Elle portait une brassière en cuir, qui était particulièrement bien rembourrée pour la protection. Un lien de cuir était tressé dans son dos pour retenir correctement sa poitrine. Ses cheveux de feu étaient relevés sur le haut de sa tête en une haute coiffure très ordonnée. Son pantalon semblait lui aussi fait pour le combat, car il portait des renforcements un peu partout. Elle avait de grosses bottes, elles aussi dans un cuir souple, épais et assez foncé. À sa hanche, une immense lame entourée de plusieurs liens en cuirs. Que représentaient-ils, là était la question.

Elle posa sa main sur le pommeau et pivota enfin vers nous, un air mutin sur le visage. Ce dernier était fin et beau, intemporel aurait été le mot adapté pour ce genre d'éclat. Ses yeux brillaient de la présence de sa moitié, une puissance qui n'était pas à cacher puisque je la ressentais jusqu'au creux de mon ventre.

Soudain, un aigle poussa un long cri et piqua brusquement vers le sol. Sans y prêter une grande attention, la Reine Naata tendit sa main gantée vers lui. La magnifique bête se posa là où elle devait être et poussa un piaillement. Cashel marmonna quelque chose que je ne compris pas.

— Ne sois pas mauvais, Shel, fit la voix rauque de la Reine.

J'étais à moitié cachée derrière Siadhal. Ce dernier était droit et semblait concentré sur ce qui était en train de se passer. Peut-être que Cashel connaissait l'aigle, qui sait ? Apparemment, les vassaux d'Aslander n'étaient au final qu'une belle et grande famille. Je n'avais jamais été fan des aigles. En plus, le Mage qui s'occupait de cet animal n'avait pas du tout été mon ami. Je ne leur faisais donc pas totalement confiance pour ne pas me faire de mal.

La reine se pencha vers l'animal et lui murmura quelque chose. L'aigle frotta son bec contre sa joue et repartit en volant majestueusement au-dessus de nos têtes.

— C'est donc vous le fauteur de trouble, remarqua Naata.

J'étais vieille pour certaines personnes, mais d'apparence je ne ressemblais qu'à une humaine. Je n'avais pas forcément perdu de ma verve, mais je m'étais calmée sur les disputes que je pouvais engager. Ne pas pouvoir riposter vous donnait le don d'être maître dans l'art de la manipulation.

— Siobhane suffira, dis-je d'une voix ferme en m'écartant de Siadhal.

Je vis son petit sourire à lui, mais ne relevai pas. Je fis un pas vers la Reine, mais les deux aigles nous survolèrent d'assez près pour que je n'avance pas plus. Il y avait deux autres gardes vers les marches qui menaient à l'intérieur de l'édifice.

— Peur des aigles ? souffla-t-elle.

Elle siffla de façon stridente. Je courbai l'échine quand les deux aigles me frôlèrent de leurs serres. Une fois, puis deux fois.

— Nous ne sommes pas là pour que tu montres de talents de dresseuse, Naata.

Ce n'était pas des métamorphes ? J'aurais juré le contraire.

Je regardai le nouveau venu. Il était plutôt grand et bien bâti. Son visage était carré, mais il ne semblait pas mauvais. Au contraire, il s'approcha de nous et siffla sèchement, faisant reculer les aigles une bonne fois pour toutes.

C'est quand il se pencha vers moi pour presser son front contre le mien que je vis sa natte. Très longue. Siadhal voulut le retenir, mais la peau de l'homme frôla la mienne. Un courant d'air chaud balaya mon visage et je fermai mes yeux en savourant la sérénité qui me parvint de lui. C'était rare que je rencontre ce genre de personnes. Des personnes qui contrôlaient assez bien leur esprit pour me donner simplement ce qu'ils souhaitaient que je voie.

— Tu ne devrais pas, remarqua Siadhal à voix haute.

Je sentis la puissance de l'homme qui se trouvait dans mon espace personnel. Je sentis surtout la marque de sa magie qui recouvrit mon corps pour me reconnaître. Cela faisait longtemps qu'un sorcier ne s'était pas présenté à moi comme à son égal.

— Je ne crains de pouvoir vous rendre votre salut, murmurai-je à l'inconnu.

— Cela ne me dérange pas, admit-il.

— Dogan, grogna la Reine. Que fais-tu ici ? Tu devrais être avec notre Empereur. Dois-je te rappeler ta mission ?

— Dois-je te rappeler les bonnes manières, Nana ? remarqua la voix chaleureuse de l'homme.

Il se redressa, mais le souvenir qu'il m'avait donné s'accrocha à toutes les parcelles de mon corps. C'était quelque chose d'assez intime pour que je chérisse ces images. Pour que je les garde pour moi, dans un coin bien protégé de mon esprit. L'homme devant moi était vieux et très puissant. Il était assez maître de son esprit pour le contrôler d'une façon tout à fait organisée. Si bien que je pouvais accepter son toucher sans avoir peur de crouler sous ses souvenirs. Tout ce que je verrais de lui, il le contrôlerait. Il le choisirait. Je regardai d'un peu plus près l'homme devant moi. Il avait sans aucun doute des origines aborigènes. Sa peau était mate, mais pas foncée. Presque chocolat. Il portait une tenue toute en cuir, mais différente de celle de la Reine. Elle était plus actuelle dirons nous. La seconde chose qui me sauta aux yeux fut tous les pendentifs qu'il avait. Les vieux loups aimaient avoir certains souvenirs. Plus particulièrement des objets qui portaient en eux des mémoires.

Le dénommé Dogan en avait beaucoup. Plusieurs pendentifs, plusieurs chaînes, plusieurs colliers. Ses bracelets recouvraient pratiquement ses avant-bras. Une de ses oreilles avait trois boucles d'oreilles, toutes différentes. L'autre était recouverte sur toute la longueur du cartilage d'anneaux. Certains étaient en or, d'autres en ivoire je crois. Je n'aurais su le dire. Pas d'argent en tout cas, c'était un lycan.

Il y avait quelque chose de très viril chez lui, mais je n'arrivais pas à savoir ce que c'était. Sa présence, sa puissance. L'odeur qu'il dégageait et qui me rappelait d'innombrables souvenirs.

Des bras s'enroulèrent autour de mon ventre nu. Je fermai mes yeux et savourai le baiser que je reçus sur le creux de ma nuque. Une profonde tristesse m'envahit.

Il ne se doutait pas que j'allais partir.

Il ne se doutait de rien et j'allais briser une partie de lui en le faisant, mais je l'avais assez protégé.

Je l'avais assez sauvé de tous ceux qui lui avaient voulu du mal.

Il fallait que je parte à présent.

Il fallait que je l'abandonne.

Il fallait que je le laisse derrière moi.

Il me prenait trop de choses.

Il me poussait à retourner sur une route que j'avais depuis longtemps abandonnée.

Son odeur était boisée. Et il y avait une touche de fleur. Les essences d'huiles que je mettais dans son bain en étant les coupables.

— Tu es pensive.

Je l'étais. Après toutes ces années passées ensemble, il me fallait partir.

Partir loin de lui avant qu'il ne me change de trop.

Car c'était ce qu'il était devenu à mes yeux.

Un antidote.

À chaque poison, il y avait un antidote.

Toujours.

Sa prise se fit plus forte.

Elle me tira un soupir d'aise.

Je pivotai dans ses bras et posai ma main sur sa joue, mes lèvres frôlant les siennes.

— Je vais m'en aller, murmurai-je.

Il me regarda pendant de longues secondes avant que son doigt ne frôle ma lèvre.

— Je sais, admit-il.

— Tu vas me manquer, Arthur, soufflai-je.

Un sourire, puis mes doigts frôlèrent sa tempe. Son corps partit sur le côté, mais je réussis à le faire glisser dans son lit.

Je caressai son torse nu une dernière fois, posant mon oreille contre son cœur.

Ses battements étaient réguliers.

Tout irait bien pour lui.

Un coup de museau dans ma hanche me poussa à me redresser. Gabrok tira sur mon poignet avec ses crocs, poussant un léger grognement.

— J'arrive, dis-je en le repoussant. Laisse-moi lui dire adieu.

J'avais dit adieu à tant de personnes dans ma vie que j'avais arrêté de les compter. Seules les plus importantes étaient restées là, dans ma mémoire. À tout jamais.

Dogan me sourit un peu plus en comprenant que j'avais pensé à quelque chose de particulier. Cet homme était intrigant et il m'était sympathique, ce qui en ce moment, était assez rare.

— Suivez-moi, vous devez sûrement être épuisée de votre voyage.

Il ne me tendit pas son bras, mais sa main était dirigée vers moi. Je le suivis, ne faisant pas attention à l'air dégouté de la Reine Naata. Elle pivota vers Siadhal et Cashel et se mit à parler avec eux.

Dogan me montra un chemin qui menait vers un jardin. C'était particulier. Je ne comprenais pas trop pourquoi il m'amenait là.

— Un ami m'a dit que vous étiez venu en Australie pour une raison toute particulière, admit-il en croisant ses mains dans son dos, bloquant sa natte.

Je cessai de marcher quand nous arrivâmes en plein milieu d'un jardin luxuriant. Pourquoi est-ce que je suivais un inconnu ? Pourquoi Siadhal ne venait-il pas ? Pourquoi Aslander n'était-il pas là lui non plus ? M'avait-il amenée ici pour m'y laisser pourrir ? Il ne me connaissait pas encore cet idiot.

— Je vois sur votre visage que vous êtes suspicieuse, Siobhane, remarqua Dogan. Ne le soyez pas avec moi, s'il vous plaît. Je ne vous veux aucun mal.

Je croisai mes bras sur mon ventre et fermai un instant les yeux. Quand je les rouvris, Dogan était toujours aussi calme et patient.

— Vous êtes très vieux, je n'en doute pas. Je ne doute pas non plus qu'Aslander vous ait déjà raconté beaucoup de choses me concernant.

— Détrompez-vous, m'arrêta immédiatement Dogan. Je compte me faire un jugement moi-même. Et une femme étrangère à notre peuple proclamant que notre Empereur a un enfant dans la nature m'intrigue beaucoup plus que vous ne pouvez l'imaginer.

Son sourire était sincère, je le voyais bien. Seulement, j'avais toujours été méfiante et cela ne changerait pas de si tôt. Pourquoi est-ce que je me sentais en confiance avec lui ? Est-ce qu'il utilisait une quelconque magie ? Ou était-il simplement un homme qui tentait de m'aider ?

— J'ai l'impression d'avoir raconté la plus grosse idiotie de tous les temps.

— Vous n'en êtes pas loin connaissant notre Kaizer.

Je levai les yeux au ciel.

— Ce n'est pas un saint.

— Je n'oserais dire le contraire, admit Dogan en souriant.

Je posai mes mains sur mes hanches et réfléchis un instant. Si cet homme était assez vieux pour se protéger de moi et qu'il me laissait le bénéfice du doute, c'est qu'il savait forcément quelque chose me concernant.

— Vous n'êtes pas un Mage, remarquai-je.

Le sourire de Dogan fut mi-figue mi-raisin et je m'en voulus. Peut-être n'était-ce pas un sujet dont il souhaitait parler.

— Notre peuple n'en a jamais vraiment eu besoin. Et nous n'avons plus de Guide depuis longtemps maintenant.

Je détournai brusquement le regard. J'aurais dû être un de ces Guides. Pour ce peuple.

J'aurais dû rester sur le droit chemin et leur prodiguer toutes sortes de conseils pour qu'ils puissent tous s'épanouir dans un monde qui n'était pas forcément le leur à la base.

J'aurais dû être là pour mon peuple.

Parce qu'au final, les Mages n'étaient pas notre famille.

Nous étions avant tout des Guides spirituels pour nos animaux.

Je frottai mes bras, nerveuse et mal à l'aise face à tout ça. Si Dogan connaissait les guides, alors il était beaucoup plus vieux que je ne l'avais pensé. Première erreur de ma part.

Je reculai d'un pas quand je le vis s'approcher. Il secoua la tête, mais ne s'arrêta qu'à distance d'un bras. Il tendit l'un des siens, ses doigts me frôlant presque.

— Touchez-moi et vous saurez.

Je regardai cette main tendue. Je n'étais pas sûre de vouloir connaître toutes les informations venant de lui. Pourquoi devais-je être aussi curieuse à chaque fois ? Quelle idée franchement.

Lentement, je fis en sorte que ses doigts frôlent mon épaule. Le souvenir m'avala malgré moi. J'aperçus Aloysius, mais aussi Aslander. Je ne vis pas le quatrième homme qui se trouvait derrière Dogan sûrement, mais les rires fusèrent. Il y avait une ambiance. Les quatre hommes se chamaillaient visiblement.

Le souvenir se modifia pour laisser place à une immense cérémonie. Je ne reconnus pas tout de suite l'endroit. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas été dans les jardins qui abritaient notre peuple dans l'Ancien Temps.

Pourtant, les fleurs étaient là. Les champs. Et cette magnifique tour qui était la nôtre. Il y avait beaucoup de gens qui se pressaient autour de Dogan. Son souvenir était encore très vif. Il n'y avait quasiment rien de flou devant moi.

Puis, j'aperçus l'estrade sur laquelle se tenaient les mages.

J'aperçus plusieurs personnes.

Dont moi.

Avant mes erreurs.

Avant mes fautes.

J'avais une magnifique cape rouge qui m'entourait et se soulevait avec les bourrasques de vent. J'étais à la droite d'Aloysius et à mes pieds, Gabrok. Il était si beau. Il me manquait tellement. Il avait été l'un de mes plus fidèles compagnons.

Dans les plus sombres moments aussi. Malgré lui.

J'avais entraîné bien trop de loups dans ma déchéance.

Et pour ça, j'étais encore punie.

Je rompis le contact avec Dogan. Il m'avait déjà vue. Il m'avait déjà vue dans une situation qui n'était plus d'actualité.

— Aslander ne vous a peut-être jamais vu, mais moi si. Ce jour-là, vous êtes devenus l'une de nos Guides. Vous étiez magnifique. J'étais très jeune et je ne comprenais pas encore l'importance des Mages pour notre espèce, mais vous étiez...

— S'il vous plaît, murmurai-je, n'en parlez à personne. Cette femme que vous... avez vu ce jour-là n'existe plus. Elle est morte. Je ne suis ici que pour aider cet enfant.

La panique venait de me prendre à la gorge, comme à chaque fois que je retombais dans des souvenirs qui n'étaient pas les miens. Non. Je ne voulais pas céder à tous ces sentiments qui étaient aussi contradictoires qu'étouffants.

Je voulais simplement aider.

Je voulais simplement terminer ma mission.

— Vous étiez Celle-Qui-Hurle, Siobhane.

Je grimaçai et tins ma gorge, sentant l'air se raréfier. Quand il voulut me rattraper, je tapai dans sa main. Je fis brusquement demi-tour et m'éloignai de lui en courant.

Bizarrement, je trouvai un endroit sûr au milieu du jardin. En dépassant une couronne de haie, j'avais découvert un petit espace aménager pour pouvoir profiter du son de la fontaine. Et même si je n'avais pas envie de le revoir après notre discussion, je fus soulagée que Dogan vienne me retrouver.

Il s'installa par terre, son énergie chaude et vibrante s'accrochant à mes pieds qui n'étaient qu'à quelques centimètres de lui.

— Il faut que tu comprennes, murmurai-je. Je ne suis plus une Guide. Et encore moins une Mage. Je suis humaine. Je dois simplement remplir ma mission.

— Je ne voulais pas te troubler, admit Dogan, naturellement. Je n'en parlerai pas à Aslander. Il le découvrira bien assez tôt par lui-même.

— A-t-il trouvé l'enfant ? soufflai-je.

Dogan me jeta un coup d'œil étrange.

— Il n'y a aucun enfant esprit dans notre tribu, me répondit-il le plus gentiment possible. Je ressens leur arrivée, à travers le Temps du Rêve tu sais. Et rien ne m'a été soufflé.

Je lui souris avec tendresse.

— Merci de me le dire.

— Cela ne va pas arrêter Aslander. Le connaissant, il va revenir ici pour te demander une description de l'enfant.

— Tu pourrais la récupérer dans mon esprit.

Dogan secoua la tête et se redressa.

— Je ne récupèrerais rien dans ta tête, Siobhane. Loin de moi l'idée d'aller fouiller dans tout ce que tu as vu. Mais je veux bien t'amener à lui. Qu'il te montre lui-même où se trouve le problème.

— Tu me dis toi-même que tu n'as rien senti, soupirai-je, déçue. Comment cela pourrait-il en être autrement ?

— Car tu vois des choses que nous ne voyons pas. Allez ! Viens ! On va faire un petit tour ! Tu en as grand besoin.

Je me redressai et observai Dogan. Il semblait excité de m'amener là où il le voulait. Aslander m'avait bien fait comprendre que je n'avais pas le droit d'aller dans les tribus, mais si c'était Dogan qui m'embarquait, cela ne semblait pas poser de trop gros problèmes. Non ?

Nous ne croisâmes ni Siadhal, ni Cashel et encore moins la reine Naata sur notre chemin. Ce qui était étonnant, mais peut être que Dogan faisait ce qu'il veut.

Je le suivis avec précaution, puis à un moment il me fit signe de traverser la haie. Derrière se trouvait un magnifique cheval qui avait une robe toute particulière. Le blanc n'était pas ma couleur préférée chez une telle bête et avec ce temps, je ne comprenais pas comment il pouvait survivre. Ma foi, c'était une expérience comme une autre.

— Il n'y en a qu'un ? soufflai-je.

— Ton toucher ne me fait pas peur, Siobhane. Tu n'as rien à craindre me concernant.

Je retins un soupir. Heureusement que j'avais mis un pantalon. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas monté à cheval, mais c'était comme le vélo n'est-ce pas ? Ça ne s'oubliait pas.

— Je me placerai derrière pour que tu ne sois pas obligée de t'accrocher à moi, d'accord ?

Je lui jetai un coup d'œil et posai mes mains sur mes hanches.

— Nous ne nous sommes pas croisés dans une autre vie n'est-ce pas ? Tu es juste fort sympathique, ou très bon manipulateur.

— Tu es visiblement très directe avec les gens que tu apprécies. Je prends ça pour une marque de respect.

Je haussai mes épaules et pivotai vers le cheval. Je frôlai son encolure et des images éparses me venant de lui m'apparurent. Encore une fois, ce n'était pas la même chose que chez un humain et c'était donc plus contrôlable. Je posai ma main sur la selle, m'y agrippai et poussai sur mes jambes. Mon pied qui était dans l'étrier me permit de mettre assez de puissance dans mon saut pour atterrir sur le dos de l'animal. Je me calai sur l'avant de la selle. Dogan m'y rejoignit de façon encore plus souple. Aucune partie de son corps ne me touchait, même ses jambes. C'était intéressant.

— Est-ce loin ? soufflai-je.

— Si tu es impatiente, oui, admit Dogan.

Je retins un rire et le laissai mener la danse.

Si parfois, je sentis le corps de Dogan peser contre le mien, me pousser légèrement ou simplement me frôler, je n'eus pratiquement aucun vrai souvenir. Seulement des réminiscences. Il se contrôlait extrêmement.

Je ne savais pas si c'était une bonne chose que je vienne ici, mais j'en avais envie. J'en avais besoin. Je devais voir de mes propres yeux qu'il n'y avait pas l'enfant que je cherchai.

Dogan fut silencieux durant tout le chemin et je respectai ce silence en observant les paysages, sagement. Bientôt, un seul chemin s'ouvrit à nous et les grandes broussailles qui cachaient les abords d'une réserve m'indiquèrent notre arrivée imminente.

Nous passâmes une grande arche en bois, qui étaient recouverts de beaucoup de breloques. Je n'en connaissais pas la moitié, mais je savais que c'étaient des charmes de protections. Mon instinct me le soufflait.

La réserve s'ouvrit à nous. Elle était bien plus grande que je ne me l'imaginais vue de l'extérieur. Plusieurs tentes immenses pullulaient tout au long du chemin. À vrai dire, Dogan poussait le cheval à sortir du petit sentier qui circulait à travers la réserve. Plusieurs personnes sortirent des tipis, nous observant. Ma tenue me semblait donc déplacée ici. C'était assez étrange.

Je tentai de voir des visages qui auraient pu ressembler à celui que j'avais vu. Mais rien. L'enfant avait la peau claire et pas foncée. Tous les gens qui se trouvaient ici étaient basanés. Ce n'était pas faute d'avoir cherché.

— Dogan, soufflai-je, je crois que je me suis trompée.

— Peut-être que oui, peut-être que non. Aslan cherchera pour toi, ne t'inquiète pas. Il n'est pas du genre à abandonner des enfants esprits dans la nature.

Je hochai la tête. Dogan était rassurant à sa façon, mais il se pouvait que j'aie tort. Pire, il se pouvait que ma vision ne se déroule pas maintenant. Ce doute m'était venu quand Aslander m'avait soutenu que ce n'était pas possible qu'il ait un enfant. Peut-être que c'était vrai. Peut-être que ma vision ne se déroulait pas maintenant, mais il y a longtemps. Ou peut-être que ça ne s'était pas encore déroulé.

Dogan poussa le cheval à s'arrêter. Il descendit en premier, puis me tendit sa main, sans aucune crainte. Je réussis à détourner le regard pour descendre seule. J'aperçus la grimace de Dogan, mais ne la relevait pas. Il devait comprendre que même en contrôlant les souvenirs qu'il me dispensait, j'allais rêver de lui cette nuit et de certaines choses qu'il aurait sûrement préféré garder pour lui.

— Ici, c'est la tente du chef. On y entre que si on y est invité. D'accord ?

— Noté, acquiesçai-je.

— Je suppose que tu n'es jamais venu dans une tribu. L'essentiel est de suivre les règles que je te donne.

Je me mis en mode écoute et avec une très grande attention, j'enregistrai toutes les paroles de Dogan. Il m'entraîna vers une autre tente et entra à l'intérieur en me faisant signe de faire de même.

En quelques minutes, je rencontrai visiblement une femme qui était sa sœur. Une lycan elle aussi. Moins vieille que lui, mais elle avait son âge. Elle me poussa à retirer tous mes vêtements pour m'en mettre des plus adaptés à la chaleur prégnante de la réserve. Je me retrouvai avec une longue tunique en lin. Dogan, qui était sorti un instant, revint avec des bottes d'une autre époque puisqu'elles étaient en peau d'animal. Je les passai sans un mot. Je l'avais déjà fait.

Dans une autre vie.

Deux autres femmes entrèrent dans la tente et se mirent à s'occuper de mes cheveux. Ils étaient assez longs pour qu'elles s'amusent et je me retrouvai avec d'immenses tresses magnifiques. L'une d'elles y glissa une plume.

La sœur de Dogan, Unya, me donna un pendentif. Je remarquai que c'était un croc de loup. Pas un petit, non. Un énorme. Je ne compris pas sa signification, mais elle me le glissa au cou. Je ne le touchai pas de ma main, l'observai juste pendre entre mes seins. La tunique était assez lâche pour que je sois obligée de faire attention à mes mouvements. Je reçus une ceinture en cuir magnifiquement tressée. Unya la serra à ma taille pour que la tunique ne bouge pas trop.

Elle échangea quelques mots avec Dogan, puis les femmes s'en allèrent. Je restai assise au milieu de la tente, ne sachant pas quoi faire.

— Tu t'es déjà purifiée ? s'enquit Dogan en s'asseyant devant moi.

Je penchai doucement la tête.

— Tu veux dire en tant que sorcière ?

— Tu es une personne à l'esprit élevé, Siobhane, remarqua Dogan. Peu m'importe que tu sois sorcière, lycan, humaine ou autre chose. Tu portes en toi une âme qui a vécu énormément d'épreuves.

— Je fais de la méditation. Assez pour pouvoir calmer mes... problèmes.

Dogan haussa un sourcil et posa ses mains sur ses genoux, paume vers le haut. Il prit une longue inspiration.

— Concentre-toi alors.

Je fermai mes paupières. Les bruits qui me parvenaient de dehors étaient étouffés par le tissu épais du tipi.

— Parle-moi de cet enfant que tu as vu.

Je pris le temps de rassembler mes pensées sur ce mystère. Je récupérai les souvenirs épars de mes rêves, ainsi que certaines de mes visions. Entrer en état de transe était pour moi dangereux. Les visions pouvaient prendre le dessus et me donner de vilains cauchemars. Plus je me concentrais sur une personne, un événement, plus j'entrevoyais toute sa vie, tout son enchaînement.

— Dans mes rêves, il est au sein d'une tribu comme celle-ci. Grâce aux signes et aux dessins que j'ai pu récupérer, ainsi qu'à l'aide d'Arzhel, j'ai découvert que seules deux tribus utilisaient ces dessins.

— La mienne et une autre, comprit Dogan.

— Oui. Les deux se trouvant ici d'après l'ouvrage que j'ai lu.

— Qu'as-tu vu d'autres ?

— Le serpent, murmurai-je. Le Serpent arc-en-ciel. Il protégeait un enfant. Du moins, les symboles m'ont permis de comprendre ça.

— Si le serpent et l'enfant étaient ensemble, ça peut aussi vouloir dire que l'enfant esprit était surveillé par un dieu, me fit remarquer Dogan toujours d'une voix extrêmement douce. As-tu vu l'enfant ? Peux-tu me le décrire ?

— Il était frêle. Malade, me corrigeai-je. Il semblait s'amuser avec...

Je ne me rappelais plus le nom. Comment l'enfant l'avait-elle appelée ? Cet esprit.

— Ne réfléchis pas trop, dis-moi simplement comme ça te vient.

C'est là que la vision grimpa.

Comme un vieux souvenir qu'on tentait de dépoussiérer.

L'adolescent grogna de douleur avant de rouler sur le dos et de gémir un peu plus fort. La souffrance qui lui tordait les entrailles faisait couler des larmes sur ses joues.

Une femme se pencha sur lui et caressa sa tempe. Elle semblait aussi triste que son enfant. Car la douleur d'une mère était reconnaissable entre mille.

— Ça fait mal... Maman, ça fait tellement mal.

— Je sais Ani. Je sais.

Sur son visage, cette déception de ne pas pouvoir aider sa chair. De ne pas pouvoir soulager son enfant.

De ne pas savoir quoi faire.

De ne pas pouvoir le faire.

Quel déchirement.

Quelle tristesse.

— Je vais te chercher du lait de pavot, murmura la femme.

L'adolescent se roula un peu plus en boule après le départ de sa mère.

Encore une fois, l'ombre derrière lui se solidifia.

Je fus surprise de la personne que je découvris.

Le jeune garçon qui venait de se matérialiser s'agenouilla immédiatement en face de l'adolescent. Il prit ses mains dans les siennes et les serra avec force.

Salil ? souffla la voix de l'adolescent.

Un bruit me fit sursauter et je basculai de nouveau dans la tente. Dogan m'observait avec un regard d'aigle. Dans l'entrée du tipi se tenait un vieil homme. Assez pour que je sois impressionnée par le charisme qui émanait de lui.

Dogan pivota sa tête et salua le chef. Car, au vu des pentacles qu'il avait sur le torse, c'était bien le chef. Aucun doute. Ne sachant pas comment le saluer, je restai assise là où j'étais.

Un geste de sa main me fit bondir sur mes pieds. Dogan ne me retint pas, je pris donc ça pour une invitation.

Avant de sortir de la tente, je pivotai vers mon guide et levai un doigt.

— Tu connais Ani ? soufflai-je.

— Tout le monde connait Ani, Siobhane, répondit Dogan avec un grand sourire.

Je haussai un sourcil. Tout le monde vraiment ? Bon sang de... une main me tira en dehors du tipi. Je ne sentis aucune image s'infiltrer en moi et compris immédiatement de qui il s'agissait.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? Je croyais vous avoir interdit de venir ! s'écria Aslander.

Pendant un instant, je restai sans bouger, observant bien plus que sa main sur mon bras. Le torse d'Aslander était à quelques centimètres de mon nez. Je pouvais voir les poils sur son torse, même s'il n'en avait pas beaucoup.

Pourquoi était-il torse nu ?

Mon regard s'aventura plus bas pour être sûr que ce n'était pas une vision encore farfelue de la part de mon cerveau.

Nope. Il avait un pantalon de cuir qui avait presque la même couleur que la tunique que je portais et qui m'arrivait au-dessus des genoux.

La peau d'Aslander était légèrement hâlée, mais elle tira quand même vers le blanc plus que le marron. Il y avait quelques cicatrices que je pouvais distinguer facilement. Il se tenait si près de moi que même son odeur me frappa.

En relevant mon regard enfin sur le visage d'Aslander, je sentis mes joues rouges et chaudes. Oh bon sang ! J'étais vraiment une gamine face à cet homme.

Je me dégageai de sa prise et reculai d'un pas pour qu'il sorte de mon espace personnel. Son visage était crispé. Il ne semblait vraiment pas content.

Dans mon dos, je sentis Dogan s'approcher. Il posa ses deux mains sur mes épaules. Je reçus de sa part plusieurs souvenirs que je ne pris pas forcément en compte. Il devait le faire exprès pour me déstabiliser.

— Dogan ? C'est toi l'imbécile qui l'a amené ?

Il nous observa tour à tour, puis après une grimace, me tira hors de la prise de Dogan. Je voulus protester, mais Aslander leva un doigt pour m'arrêter. Quel petit...

— Pourquoi l'as-tu amené ici ? C'était idiot ! Et elle ne devait pas...

— Elle t'aide à trouver un enfant esprit, ne repousse pas l'aide qui est toujours la bienvenue, remarqua Dogan, sagement.

Je faillis rire devant son ton presque paternaliste.

— Tu m'as toi-même dit qu'il n'y en avait pas et aux dernières nouvelles, je te crois plus toi qu'elle.

— Désolé, grimaça Dogan.

— Pas de problème, marmonnai-je.

Pendant qu'Aslander maugréait sur les gestes inconsidérés de Dogan qui était visiblement une personne très proche de lui, je sentis un autre regard sur nous.

Je pivotai lentement et vis de nouveau le Chef. Il fit un geste de sa main pour me dire d'approcher.

Puis, il se tourna et s'avança dans un petit sentier qui s'égarait dans une petite forêt qui se trouvait à l'intérieur même de la réserve.

J'hésitai à le suivre pendant un instant.

Je regardai rapidement du coin de l'œil Aslander. Il était toujours en colère. Bon, au moins, ça me faisait une petite revanche n'est-ce pas ?

Je réussis à m'éloigner sans me faire voir pour rejoindre le chef de la tribu.

Peut-être que lui pouvait m'aider à trouver Ani.

Ce n'était pas un enfant, mais bien un adolescent. Les enfants-esprits mourraient très jeunes.

J'espérai vraiment qu'il n'était pas trop tard pour le sauver.

Je m'enfonçai sous le couvert des arbres, ne sachant pas du tout à quoi m'attendre.

J'étais dans un monde était un Rêve. J'étais dans une culture où ce que vous voyiez pouvait cacher mille et un secrets. Il fallait simplement être attentif à ce que les Divinités vous présentaient.

Les conseils d'Arzhel étaient somme toute utiles au final.

Je devais penser à le remercier. 

*

*          *

*

Aloors on pense quoi de notre reine Naata ? 🧐 Même si ce n'était qu'un bref aperçu ? Elle m'a l'air badass alors bon !!! 😍😁

Et Dogan ? Dogan il est... plutôt pas mal et il va être un très bon allié ET ami pour Siobhane à n'en pas douter ! 🤔😎 J'adore surtout le moment où il dit : mais tout le monde connait Ani, comme si c'était une évidence de ouf !  Ça l'est d'après vous ? 🤔🤔🤭

Tout se précise ; les visions de Siobhane concernant l'enfant qui ne serait autre que... Ani ? Notre Ani ? Vraiment ? 🤔🤨

Et puis la vision sur Siobhane et Arthur, vous en pensez quoi ? Serait-ce le même Arthur qu'Aslander a connu et chéri ? Allez savoir 🤫🙊

La suite le 16 ; parait qu'il y a un anniversaire... 😶😚

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