6. Aslander

— Tout va bien, Siobhane ?

Pour une fois, je n'avais aucun désir de me moquer pour la simple et bonne raison que je savais ce que pouvait causer un voyage en navire lorsqu'on avait le mal de mer. Cashel était de ce genre-là ; ce n'était jamais beau à voir. Surtout quand il se mettait à vomir partout, sur mes chaussures y compris.

Je n'étais donc pas venu pour la titiller, même si ça s'avérait très stimulant. Je prenais plaisir à nos petites joutes verbales, peut-être parce qu'elles me rappelaient un vieil ami perdu depuis longtemps, qui parfois, s'invitait dans ma tête et hantait mes rêves. Ce n'était pas une mauvaise chose de se tourner vers le passé, de se remémorer tout ce qu'on avait vécu, mais il y avait cette nostalgie, cette douleur. Quand on était un loup, on vivait plus longtemps ; on perdait bien plus de gens qu'on ne l'aurait voulu. Et on en arrivait à regretter plus qu'à apprécier.

Siobhane me rappelait Arthur. J'ignorai si c'était une bonne chose. J'ignorai si ça me faisait plus de bien que de mal. Après tout, peut-être que ça ne tenait qu'à une impression. Une réminiscence du passé ; de celles qui m'attaquaient en ce moment.

— Allez-vous-en, lâcha-t-elle à travers le battant de la porte.

Je souris. Nous n'étions pas fait pour nous entendre elle et moi, de ça, j'en étais persuadé, mais je ne trouvais pas sa compagnie désagréable. Au contraire. C'était drôle de la voir se battre contre elle-même. Drôle de seulement l'imaginer coucher avec moi dans sa tête. Elle avait avoué, alors forcément, je n'allais pas l'oublier sous prétexte qu'elle avait été fiévreuse. Je voulais juste trouver le moment pour le placer. Encore une fois.

— J'ai peut-être quelques petites herbes qui pourraient vous aider.

C'était Bryn qui m'avait donné cette petite bourse d'herbes, sachant que Cashel serait du voyage, même s'il n'allait pas changer de forme. De ça, j'en aurais mis ma main au feu.

— Fais attention, mon ami ; j'ai toujours raison. Alors si tu ne veux pas que ta main finisse carbonisée, j'y réfléchirais à deux fois !

La voix d'Arthur résonna, presque comme s'il avait été à côté de moi. Je secouai la tête et chassai l'impression.

— Si c'est de l'Aconitum napellus, vous pouvez vous la garder !

Sa voix était assourdie, mais pas moins claire. Je fronçais les sourcils, avant d'éclater de rire, parce que c'était plus fort que moi.

Voilà qu'elle croyait que je voulais l'empoisonner ! Elle avait donc si peu foi en moi ?

— La reine des poisons ? Sérieusement, Siobhane ? dis-je, en faisant référence à l'Aconit qu'elle venait de citer. Vous me blessez.

J'étais sûr qu'elle secoua la tête en faisant la moue. Je n'étais pas des plus agréable avec elle, ni même des plus sympathique, mais tout de même.

Je n'avais jamais été pour cette forme de mort ; cette bassesse. Seuls les perfides usaient de poison.

— Cessez de vous moquer de moi, Sire, railla-t-elle.

Ça sonnait bien étrangement dans sa bouche. Je m'appuyai contre le battant de la porte, observant le couloir. Il ne semblait y avoir âme qui vive.

— Je pensais que nos rapports changeraient avec notre dernière conversation. J'ai décidé de me fier à vous.

— Vous avez donc accepté l'idée que vous aviez un fils ?

Je grimaçai. L'idée était inconcevable, mais elle ne pouvait pas le savoir. Je n'avais jamais commis d'erreur. Pour la simple et bonne raison que je ne cautionnais pas. Lorsque je couchais avec une femme, nous étions tous les deux protégés. Il ne s'agissait même pas du fait que j'étais Empereur, ça aurait été présomptueux, même pour moi.

Non. J'avais peur d'exposer un possible enfant à ce que j'avais vécu. Mais ça, encore une fois, Siobhane ne pouvait pas le savoir.

D'aucuns auraient dit qu'il y avait une chance sur dix, mais ça me suffisait. Le risque était trop grand. Les Dieux m'aimaient pour la plupart, mais n'était-il pas vrai de dire que l'amour, parfois, s'accompagnait d'épreuve et de perte ?

— Connaissez-vous quelqu'un qui s'appelle Ani ?

Elle soulevait trop de questions, se faufilant dans mon passé avec la délicatesse d'une armée sur un champ de bataille. Ça remuait la poussière au sol, provoquant des tourbillons qui bientôt deviendraient des tornades.

Elle appelait la tempête.

— Peut-être... pas. Ne poussez pas votre chance non plus.

Le bruit du loquet. Je m'écartai et me retournai pour la voir ; pâle, les yeux brillants. Un peu trop. La mer ne lui réussissait pas.

— Vous êtes vraiment...

— Siobhane, nous avons déjà eu cette conversation me semble-t-il, la morigénai-je doucement.

Elle me fusilla du regard.

— Me prenez-vous donc pour une simple d'esprit ?

Voilà ; j'avais encore envie de la faire sortir de ses gonds. C'était de sa faute ; elle me poussait à le faire.

— Loin de moi cette idée, très chère. Vous n'avez pas toutes les cartes en main, c'est tout. Je ne suis que votre humble serviteur en vous faisant remarquer que...

Une sorte de grognement s'échappa de sa bouche. Si elle avait pu me frapper, l'aurait-elle fait ?

— Un préservatif, ça peut... craquer ! Vous avez très bien pu, dans un moment d'égarement, faire votre... votre petite affaire sans aucune protection ! Pourquoi diable l'idée d'avoir un fils vous est-elle à ce point inconcevable ?!

Je clignai des yeux.

Un moment d'égarement ? Vraiment ? Un frisson remonta le long de mon épine dorsale. Lentement.

J'inspirai.

La bûche crépitait dans le foyer. Les flammes projetaient un halo coloré et mouvant sur le sol et le mur.

Une coupe de vin était renversée au sol et les dernières gouttes s'étaient taries.

Arthur se tenait devant l'âtre. Il portait encore une partie de son armure et le sang séché n'était pas sans rappeler les dernières traces de vin à même les pierres.

— Je crois que j'aimerais avoir des enfants. Un fils. Et une fille.

Je souris. Ça lui ressemblait bien tout ça.

— Ils seraient l'avenir de ma lignée. Faisant traversez mon nom à travers les âges.

Ma blessure me faisait encore souffrir. J'aurais du mal à bouger le bras pendant quelques jours. Peut-être même quelques semaines. Le coup que j'avais reçu aurait pu mettre fatal. J'aurais pu cesser d'exister en à peine une seconde. Et lui, il pensait aux enfants qu'il aurait probablement un jour.

— Ce serait une bonne chose, non ?

Il se tourna vers moi, un sourire flottant sur ses lèvres charnues. Son regard était fait de braises incandescentes. Deux lumières dans la nuit.

— C'est même une très bonne chose, répondis-je, honnête.

Il hocha la tête et redevint pensif quelques minutes. Tout me semblait trop calme après la bataille que nous venions de gagner in extremis. Dans mes oreilles, ça bourdonnait encore des cris de ceux qui étaient morts.

— Je sais ce que tu penses.

J'arquai un sourcil :

— Vraiment ?

C'était devenu un jeu entre nous et à ma grande surprise, il le faisait de mieux en mieux. Je n'étais pas pressé de le laisser pour mener à bien une guerre à laquelle il devrait participer de loin. Mais là était mon devoir.

Je porterais sa bannière avec fierté.

— Tu ne veux pas d'héritiers, souffla-t-il. J'ignore ce que ça fait que de vivre décennie après décennie, siècle après siècle, mais l'âme ne reste pas la même tout le long du chemin.

Oui. Il avait raison. Elle changeait ; se modelant au fur et à mesure de l'existence. Tout comme l'animal que je portais en moi.

Au début, peut-être était-ce un cadeau que de pouvoir vivre si longtemps, mais l'était-ce jusqu'au bout ?

Avais-je envie de condamner quelqu'un à vivre une vie de lycan ?

Le bateau dut tanguer. Siobhane, dont l'équilibre semblait être une notion totalement abstraite, partie sur le côté, battant des bras comme si ça allait l'aider. Ma main attrapa le creux de son coude et je la maintins droite, sa hanche venant effleurer la mienne.

J'étais plus grand qu'elle. La dominant d'une façon qui aurait pu contenter la bête en moi. Mais elle était juste curieuse. Mon loup n'avait pas besoin de prendre les commandes pour une unique raison ; lui et moi n'étions réellement qu'un. Ce que je pensais, il le pensait. Il n'y avait pas de délimitation entre l'homme et l'animal. Riju y avait veillé.

— Je peux me débrouiller, marmonna-t-elle, en mâchant ses mots, les rendant à la limite de l'incompréhensible.

Je levai les yeux au ciel et la relâchai au moment même où le sol bougea de nouveau.

Je l'avais peut-être fait un peu exprès ; j'avais l'habitude d'être en mer. Cette fois-ci, elle me percuta, tout en douceur et ses mains se retrouvèrent sur mon torse pendant qu'elle tentait de trouver un semblant d'équilibre.

Je cherchais, dans son visage, un lien envers Aloysius. Elle était sa sœur ; il y avait forcément un peu de lui en elle. Tout comme l'inverse aurait dû être vrai.

Je ne savais où chercher.

Ses yeux et son regard ? Les traits ciselés de son visage ? La forme de ses yeux ? Son expression ? Parfois, ce n'était qu'un détail, qu'une impression même. Mais là, je n'aurais su dire. Siobhane releva la tête et sembla se rendre compte de notre promiscuité.

Elle se figea et rougit. Ça colora ses joues et mangea ses pommettes.

Ça donna de l'éclat à son faciès tout entier.

La chaleur de ses paumes fourmillait contre ma peau, sous ma chemise.

— Vous ne percevez donc rien ?

J'avais besoin de demander encore. D'être sûr qu'elle ne pouvait attraper aucune bride de ma vie. En soi, ça n'aurait pas été dramatique. J'aimais à croire que j'étais trop vieux pour qu'elle comprenne ce qu'elle aurait vu. Son pouvoir n'avait pas grand-chose à voir avec ce que j'avais déjà rencontré, d'où cette incertitude qui me tenaillait et qui me poussait à m'interroger. Siadhal était vieux lui aussi et rien ne l'avait empêchée de savoir un pan de son histoire ; suffisant pour comprendre.

— Qu'est-ce que je verrais ? Les gens de pouvoir ont cette fâcheuse tendance à détourner le regard.

— Moi aussi je détourne les yeux. Nous le faisons tous. Mais c'est ce qui différencie l'homme du roi.

Mon sourire se fit nostalgique. Je me souvenais des paroles de Myrddin. Elle les avait adressées à Arthur, pas à moi ; et c'était resté gravé à jamais. Comme la lame figée dans la pierre.

— Je n'étais pas destiné à être homme du peuple.

— Vraiment ? N'êtes-vous pas pourtant le fils de Souverains ?

Notre position était la même. Siobhane continuait de me fusiller du regard et moi, je continuais de m'interroger.

— Cela fait-il de moi un héritier quelconque ? J'ai vécu très longtemps loin de chez moi, Siobhane. Trop longtemps pour que ce soit ma demeure, d'ailleurs.

Là où nous allions aujourd'hui était mon chez-moi.

Là où j'avais grandi et où j'aurais dû mourir.

Elle fronça les sourcils, mais n'en demanda pas plus.

— Vous ne m'avez pas répondu, soufflai-je.

Elle se recula et se redressa.

— C'est le néant. Je ne sais absolument rien de vous. Hormis que vous avez probablement un fils.

Je soupirai. Nous y étions de nouveau. Elle n'en démordrait pas. Enfin, jusqu'à ce que j'aie certaines réponses. Voilà pourquoi nous allions en Tasmanie après tout.

— Que ferez-vous lorsqu'il s'avérera qu'il n'en est rien ?

Son visage se ferma et son expression se fit... résigner ? Quelle était son histoire ? Quel fardeau reposait donc sur ses épaules pour qu'elle se lance ainsi à la quête d'un être qui n'existait pas ? J'aurais aimé comprendre. Saisir ce qui m'échappait à ce point. L'entrevoir plus justement. Mais il ne m'était pas donné de le faire.

— Et si c'est moi qui ai raison ? Que ferez-vous ?

Je fis la moue.

— Et si nous marchions un peu ? dis-je.

Je n'attendis pas sa réponse et lui offrit mon bras. Elle était suspicieuse, mais décida de lâcher un peu de lest. Nous remontâmes lentement le couloir, bercé par le remous des vagues et de la mer tout entière.

— Vous avez rencontré quelques-uns de ces enfants qui nous sont si chers, commençai-je. Ne pensez pas que je suis homme à ne pas vouloir d'enfants pour des raisons triviales. Ou que sais-je. Connaissez-vous bien le peuple des loups ?

L'expression sur son faciès fut fugace, mais pas assez rapide pour m'échapper.

— Un peu.

Elle mentait éhontément, mais qu'importe. Là n'était pas tant la question.

— Nous ne sommes pas immortels ; mais j'ai tendance à le croire, vu notre longévité. Nous traversons bien souvent les âges et les époques, si tant est que cela nous soit permis. N'est-ce pas l'apanage de tous les êtres surnaturels ?

Elle hocha la tête, pensive. Elle avait été quelque chose avant. Alors, elle comprenait. Nous nous retrouvâmes sur le pont supérieur, à l'air libre. Parfois, ses doigts s'enfonçaient dans mon avant-bras ; toujours lorsque le bateau semblait beaucoup bouger, la rendant incertaine.

— Pourquoi vivons-nous plus longtemps que les humains ?

— Votre question est étrange.

Je souris. Bien sûr qu'elle l'était.

— Pourquoi devrions-nous vivre plus longtemps ? Qu'est-ce que ça nous apporte ? La connaissance ? La puissance ?

Siobhane sembla y réfléchir. Pendant bien des années, je m'étais interrogé. J'avais essayé de saisir pourquoi nous étions appelés à fouler la Terre aussi longtemps. Y avait-il seulement une réponse ?

— Savourons-nous plus ? Apprécions-nous chaque instant à sa juste valeur ? Après tout, ces moments se perdent dans un tas d'autres.

La vie était longue, donnant cette impression de cycle sans fin.

— Quel rapport avec votre fils ?

Pensait-elle qu'en le disant encore et encore, ça prendrait sens pour moi ? Que ça revêtirait une certaine réalité ?

— C'est un poids que de vivre trop longtemps, Siobhane. Les humains ne peuvent le comprendre, voilà pourquoi tant nous jalouse, voilà pourquoi ils voudraient trouver un remède à la mortalité. Mais que savent-ils vraiment ? Je vois ça comme un fardeau. Notre longévité est notre fardeau. La croix que nous portons à travers les âges.

Je levai la tête pour voir Cashel. Il se laissait porter par les courants, ses magnifiques ailes déployées dans un ciel limpide.

— Vous êtes probablement le seul loup sur Terre à penser ainsi, finit par dire Siobhane après un long silence.

— Détrompez-vous. Nous finissons tous par penser ainsi. À un moment ou à un autre, notre immortalité devient notre pire cauchemar.


Siobhane finit par aller s'allonger un peu. Elle semblait réellement éprouvée par cette virée sur l'eau. Siadhal apparut au moment même où elle disparut ; ayant sûrement attendu dans un coin.

— La Reine Naata a été prévenue de notre arrivée imminente, dit-il.

Je hochai la tête. Naata était une femme de caractère, comme j'aimais en avoir dans mon entourage. Elle n'avait pas été choisie pour rien. Elle était dure ; peut-être un peu excessive parfois, mais elle était aimée et respectée. Certains la considéraient comme la réincarnation d'une Déesse ; sa beauté était presque mortelle. D'aucuns auraient dit que la regarder était comme de fixer trop longtemps le soleil et de finir aveugle. Je crois que ça l'amusait beaucoup. Elle en jouait un peu, à sa façon. Je l'avais connu enfant. Alors qu'elle n'était qu'une petite fille en colère, en quête d'une vengeance qui ne pouvait être dispensée. Là était son fardeau à elle. Je l'avais prise sous mon aile. J'avais aidé à forger la magnifique femme qu'elle était devenue et j'en étais fier. Comme un père aurait pu l'être.

— Elhe sera-t-elle là pour nous accueillir ?

Siadhal secoua la tête.

— Non, Sire. Il semblerait qu'une affaire la retienne.

— Je comprends.

Mains dans le dos, je laissai mon regard porter au loin. Siadhal ne bougea pas et un léger sourire étira la commissure de mes lèvres.

— Tu as quelque chose à me demander ?

— Est-ce vrai, Sire, ce que raconte la femme ?

Au-dessus de nos têtes, Cashel glatit.

— Avez-vous vraiment un fils ?

— Dis-moi, serait-ce donc une si mauvaise chose pour toi d'avoir un enfant ?

— Elle le croit vraiment, répondis-je.

Peut-être parce que ça donnait un sens aux visions qu'elle avait. Une réalité. Un poids particulier auquel elle se raccrochait.

— Oui, elle semble persuadée de l'existence d'un enfant qui serait le mien.

Au loin, la Terre. Nous arrivions. Au cœur de cet endroit ; les plus vieilles légendes que le monde ait portées. Au cœur de la Tasmanie vivait une vieille tribu.

Vivait ma famille.

Le bateau accosta dans un petit port. Siobhane réapparut, vêtue d'un pantalon en toile et d'un haut ample, d'une jolie couleur. Elle ne put ignorer mon bras pour descendre et fit la moue en y glissant sa main. Elle était toujours un peu pâlotte, mais lorsque ses pieds foulèrent la terre ferme, cela sembla la rasséréner. Elle observa son environnement avec une curiosité sincère.

— Majesté.

Un homme d'un certain âge nous attendait, accompagné de la garde Royale. Ses membres portaient fièrement les couleurs de notre royaume, avec la touche de Naata ; nous étions chez elle après tout.

— Angus, le saluai-je. Comment vous portez-vous ?

— Bien, Majesté. C'est toujours un honneur de vous avoir parmi nous.

— Vous savez flatter mon égo, mon vieil ami !

Je vis Siobhane lever les yeux au ciel. Je lui offris mon plus beau sourire et Siadhal ricana non loin d'elle.

Nous nous éloignâmes des pontons, nous mêlant à la foule sans aucune difficulté. Beaucoup me saluèrent chaleureusement quand d'autres se contentaient d'observer notre petit cortège.

— Aslan.

La voix sembla être portée par le vent. Je croisai le regard de Siadhal et lui fit signe de continuer d'avancer avec les autres. Je crus sentir le regard de Siobhane sur moi, mais mon attention était déjà entièrement happée par la femme qui se trouvait plus loin, à quelques mètres.

Elle ne se mêlait pas à la foule ; les gens la contournaient sans même s'en apercevoir ; pour eux, c'est comme s'il n'y avait personne. Pourtant, sa présence était réelle. De ça, j'en étais sûr, parce que je pouvais le sentir, le percevoir, presque.

Sa peau, d'un chocolat clair semblait plus sombre par endroits. Elle avait des cheveux de jais traissés, lui arrivant jusqu'aux hanches.

Un épais collier encerclait son cou quand un autre lui tombait entre les seins.

Et ses yeux, ses yeux étaient translucides.

— Aslan.

Derrière cette apparence, je savais qui chercher.

Yhi. Lumière et création. Le soleil.

Je fermai les yeux pour saluer la Divinité qui se tenait devant moi. Je sentis la présence de Cashel à mes côtés. Il avait quitté sa peau d'aigle.

— Sire.

Lorsque je rouvris les yeux, Yhi se tenait juste devant nous, diablement transcendante dans ce corps savamment choisi, modelé.

— Fils des Dieux, il y avait longtemps que tu n'avais pas foulé la Terre de nos ancêtres.

Sa voix était étrange. Salvatrice et tentatrice.

— As-tu entendu nos demandes ?

Sa main se retrouva sur ma joue. Elle avait la peau douce et la chaleur de sa voix était remplie d'amour.

— La Grande Karora pleure l'absence de son enfant.

Je souris avec tendresse. Avec regret et douleur.

— Indra me manque aussi.

Yhi hocha la tête, elle aussi pleine de douleur.

— Viendras-tu avec moi ?

Je tournai la tête pour voir, plus loin, Siobhane nous observer. Lorsque la Divinité appela son pouvoir, le visage de Siobhane se flouta. Pour disparaitre.


Ça tournoyait. En moi.

Les idées se mêlaient aux pensées qui devenaient des souvenirs.

Des vestiges des vies passées.

C'était un tourbillon qui ne s'arrêtait pas. Je tournai dans le vide.

Je me purifiai, pour marcher dans le Domaine des Dieux. Je délestai mon corps de tout ce qui n'avait pas besoin d'être.

Le temps s'effilocha. Il coula entre mes doigts, comme de l'eau l'aurait fait. Comme des grains de sable.

J'étais hors de mon corps, ne pouvant refuser cette part de moi. Ce qui m'avait été octroyé il y a longtemps par ce qui n'avait été qu'un enfant alors.

Lorsque je repris connaissance et conscience, je reconnus l'endroit où je me trouvais. Des flammes éclairaient le lieu, projetant des ombres mouvantes tout autour d'elles. Une odeur de fleurs flottait dans l'air.

Je me redressai, mon torse fendant la surface de la source dans laquelle j'avais été plongé.

Je me sentais entier. Calme. Réfléchis. Vif d'esprit.

— J'ai presque cru que je devrais te faire du bouche-à-bouche.

La voix de Dogan brisa un silence installé depuis un certain temps. Trop à son goût probablement.

— Avoue que ça ne t'aurait pas déplu, ajouta-t-il.

Je quittai la table de pierre totalement immergée et grimpai les quelques marches pour quitter le bassin. Dogan était accroupi, ses yeux brillant par intermittence.

— Quand tu me parles comme ça, je suis tout émoustillé, tu le sais bien, Dogi.

Il se releva de toute sa hauteur.

Il était immense. Sa tresse pendait dans son dos et les bijoux qu'il portait n'étaient pas une insulte à sa masculinité.

Chacun avait sa valeur. Sa signification ; surtout pour son peuple.

Je m'avançai jusqu'à lui et il me donna l'accolade :

— Bienvenue chez toi, mon frère. 

*

*     *

*

Siobhane ne démord pas de cette idée d'un fils pour notre Kaizer ! 🙊 Elle est plutôt bornée, avouons-le, mais ça ne semble pas totalement déplaire à Aslan 😋 Qui semble trouver de plus en plus intéressant de la titiller ; attention à ce train là ça risque de devenir son sport favori ! 🤭😇

Nous avons plongé un peu dans les souvenirs d'Aslander. Apparition d'une nouvelle Divinité que nous reverrons 🧐 Qui est Indra ? Qui est cet enfant qu'une Divinité pleure ? 🤔

Nous arrivons dans la tribu d'Aslan. Les réponses de Siobhane seront-elles au rendez-vous ? Tout reste à voir ! 🙊

Nous avançons tout doucement et c'est plutôt agréable avec ces deux-là. J'espère qu'ils vous plaisent autant qu'à nous...  😇

Des bisous les filles 

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