5. Siobhane
En ce 01.03.2018 nous avons deux anniversaires ! Deux 😁 Du coup pour faire plaisir à nos lectrices, surtout à celles qui laissent toujours plus qu'une trace de leur passage, voilà un PDV avec peut-être quelques petites révélations... 😏
Joyeux anniversaire @kedemo et @Letchi-des-Isles !!!!!!! On vous aime les filles ❤️😘
Je poussai un grognement quand Killian me souleva dans ses bras. Les images de sa vie m'étaient assez connues pour que je ne sois pas dans l'embarras en voyant la naissance de ses enfants. Il pensait sûrement à eux. Je lui tapotai le dos avant qu'il ne me repose par terre. Il rit en voyant ma tête.
— Est-ce que ça compte comme secret professionnel ? souffla-t-il en tapotant sa tempe.
J'éclatai de rire avant d'acquiescer. Killian et Curtis partaient. Ils rentraient aux États-Unis, me laissant seule ici. Seule pour ma mission. C'était la première fois depuis tout ce temps auprès d'eux que je me séparai de leur présence. Je m'étais beaucoup attachée et pour rien au monde je ne les oublierais. Il se pouvait que je reste ici jusqu'à ma mort. C'était même très plausible. Mais je ne pouvais pas le dire à Killian. Sinon, il ne s'en irait pas et ferait sûrement rappliquer Dean. Je devais d'ailleurs téléphoner à ce dernier pour prendre de ces nouvelles. Il était celui qui m'avait permis de venir jusqu'ici. Il était aussi devenu mon confident au fil des années passé sous sa protection. Je lui devais beaucoup.
Curtis s'approcha et me fit son plus beau sourire. Je le lui rendis avec une grande sincérité. L'émotion m'étreignit la gorge et je regrettai de ne pas pouvoir le prendre dans mes bras.
— Je vais garder mes ébats sexuels pour ma femme et moi, murmura-t-il. Mais sache que tu es dans mon cœur, Sio. Reviens-nous vite, d'accord ? Ça va me manquer de t'entendre jacasser.
Je lui tirai la langue et tendis ma main. Il ne bougea pas et ma main fit le tour de sa joue, sans le toucher. C'était très compliqué de ne pas caresser les loups que j'avais rencontrés dans cette meute. Alors, avec les enfants de certains d'entre eux, nous avions convenus ce genre de gestes pour que je puisse faire « comme si » je pouvais les toucher sans leur faire de mal. Curtis me souffla un baiser avant de grimper dans le taxi à la suite de Killian. Je leur fis de grands signes jusqu'à ce que la voiture disparaisse.
Killian m'avait proposé de rentrer avec eux deux fois avant d'accepter de partir en me laissant derrière lui. Il m'avait aussi dit de faire attention à certains des hommes d'Aslander. Je savais lesquels étaient le moins enclins à m'accepter. J'en avais conscience. J'arrivais dans un cercle très fermé de personnes qui avaient été ensemble pendant des siècles.
J'étais une étrangère.
J'étais une personne à qui on ne pouvait faire confiance.
Je sursautai quand Siadhal se plaça devant moi en fronçant les sourcils. Je pouvais sentir son questionnement, mais à propos de quoi, là était la question.
— Grosminet ? dis-je en regardant au-delà de lui.
Il n'y avait que le grand portail qui séparait le temple du reste de la ville. Je retins un soupir. Cela était très étrange d'être seule dans un endroit aussi dangereux que celui-ci. Oh, je n'avais jamais été du genre farouche, mais je n'avais aucun pouvoir.
Et je n'avais aucun ami ici.
C'était dans cet endroit, sans aucune présence familière, que j'allais finir ma vie.
— C'était quoi ça ?
Je me figeai quand la main de Siadhal se leva vers mon visage. Il reproduit le geste que j'avais eu avec Curtis. Oh, ça ? Je fis la moue avant de soupirer.
— C'est un truc. Que j'ai inventé avec les enfants de la meute de Dean.
— Pour ne pas les toucher ? insista Siadhal. C'est une caresse ?
Je l'observai pendant quelques secondes, cherchant à comprendre sa curiosité. Je ne la comprenais pas forcément. Pourquoi voulait-il savoir ça ? Ce n'est pas comme s'il allait un jour me demander des caresses, non ?
Je ne pus m'empêcher de glousser face à ma pensée. Le rire agita ma poitrine et je dus me contrôler pour seulement m'arrêter. Siadhal haussa un sourcil et dut retenir un sourire.
Je le contournai pour l'abandonner. Je me dirigeai vers ma chambre pour pouvoir réunir quelques livres que j'avais emportés de la bibliothèque. Arzhel m'avait invitée à le faire, donc je m'étais servie. Malheureusement, il n'y avait pas grand-chose pour m'aider. Hormis toutes les histoires concernant la culture des lycans, ainsi que celle du pays d'Australie, mais aussi celles des aborigènes. J'avais lu énormément sur le temps du Rêve.
J'enfilai un pantalon qui était une taille haute avec une chemise blanche. Je nouai mes cheveux au-dessus de ma tête et récupérai la petite pile de bouquins qui se trouvait sur mon bureau. J'en ouvris un et sur le chemin me mis à lire avec plaisir les pages anciennes qui se trouvaient sous mes doigts. Étrangement, je n'avais pas beaucoup de visions de ces livres. Souvent, je voyais toutes les personnes qui avaient lu l'ouvrage, mais c'était plutôt silencieux dans ces livres. Sûrement parce que peu de personnes les lisaient.
Je tentai de ne pas me perdre tout en lisant un paragraphe particulièrement compliqué. Mes ballerines faisaient de petits bruits sur la pierre de cette partie du temple. La bibliothèque était vieille, mais elle me semblait être rénovée. Je pris le dernier tournant qui me semblait juste sans trop lever le regard.
Je me heurtai brutalement à un torse. Mes livres tombèrent, mais des mains me rattrapèrent avant que je ne me casse la figure.
— Pardon ! m'exclamai-je.
Je croisai le regard amusé d'Aslander. Il portait une très belle tenue qui le mettait en valeur. Cet homme avait une classe à vous faire douter de votre propre potentiel. Cet idiot.
— Vous ne vous êtes pas fait mal ? dit-il en veillant à ce que je sois stable sur mes pieds.
Être en sa présence me rappelait le temps où j'avais été à la tour des Mages. Là où on apprenait tout ce dont on avait besoin pour pouvoir s'épanouir dans notre rôle. J'avais été Celle-Qui-Hurle. J'avais grandi dans une meute qui, à l'époque, se trouvait en Irlande.
J'avais passé ma vie à rester en contact avec des loups, à les aider à évoluer, à les protéger à leur parler. Jusqu'à ce que je bascule là où je n'aurais jamais dû. J'avais à l'époque un précepteur qui m'avait appris énormément sur l'animal qui m'avait été octroyé. Mais aussi tous mes autres pouvoirs que j'allais développer à terme en tant que Mage. Nous étions les aînés des Sorciers. Nos successeurs avaient été nombreux. Nous avions tenté de leur apprendre tant de choses. Des principes. Des grandes lignes de conduite. Certains avaient réussi, c'était ceux que l'on appelait les sorciers et les sorcières de lumière. Les autres avaient sombré, emportant avec eux des années de travail et d'ardeur à défendre une cause qui n'était même plus la nôtre.
Aloysius avait toujours fait partie des grands. Son comportement était semblable à celui que gardait Aslander en ma présence. Comme dans l'Ancien temps.
— Non, non, ça ira.
Aloysius avait été aussi l'un de mes précepteurs. On y échappait rarement quand l'un des membres de votre famille était si bien placé.
— Merci, soufflai-je en le voyant se pencher pour ramasser les livres.
Comme s'il l'avait remarqué, il plaça celui que j'étais en train de lire sur le dessus de la pile. Je les repris, sans le toucher. Même si avec lui, la précaution n'étant pas tant pour me protéger de ses souvenirs à lui, mais bien plus que ceux que je me créais de lui. J'en avais la possibilité avec lui vu que je ne voyais pas sa vie. C'était la sensation la plus étrange que j'avais récoltée depuis tout ce temps.
— Je vous cherchai, admit-il.
Je haussai un sourcil, suspicieuse à présent. Notre dernière conversation avait été assez chamboulante pour que j'évite de le croiser de nouveau. Aloysius lui parlait à lui. Mais pas à moi. Si ça me dérangeait ? Énormément. Mais je n'étais pas prête à revoir mon frère. Il m'avait prévenue. Le temps s'écoulait et ma punition arriverait bientôt à son terme.
Tout comme ma vie.
— Ah bon ? soufflai-je. Et qu'est-ce que vous me voulez ? Je n'ai encore rien fait de mal aujourd'hui.
— Pourquoi tant de méfiance ?
Son petit sourire ne m'échappa aucunement. Je retins ma moue habituelle en voyant ça chez lui et me remis en mouvement. Il me rattrapa en maugréant quelque chose.
— Je croyais que notre dernière conversation avait ouvert une porte, Siobhane.
Je me mordis la lèvre avant de regarder l'entrée de la bibliothèque devant moi. J'avais les mains prises et elles étaient fermées.
— Laissez-moi vous ouvrir.
Il le fit et me tint les portes le temps que je rentre dans mon endroit préféré ici. Je ne vis pas le Conseiller de l'Empereur. Il devait être occupé ailleurs.
Je me dirigeai sur l'îlot central de la bibliothèque pour déposer mon fardeau sur une des longues tables qui étaient à disposition.
— En quoi puis-je vous aider ? dis-je.
— J'aimerais que vous nous accompagniez, Siadhal et moi, pour vous savez... les bonbons d'Eryn. Elle ne cesse de les réclamer et avant que Tamsyn ne devienne folle j'aimerais remédier à la situation. Hadrien et Elisia seront du voyage.
Je détournai le regard de son visage serein et calme pour observer l'ouvrage sous mes mains. Il essayait d'être prévenant, c'était une bonne chose, n'est-ce pas ? C'était peut-être un signe qu'il acceptait un peu plus ma présence.
Je fronçai les sourcils quand il s'installa de l'autre côté de la table, les coudes devant lui et les mains liées.
— Je tenais à m'excuser de mon comportement envers vous lors de votre arrivée.
Je sentis mon regard s'écarquiller légèrement. L'Empereur qui s'excusait ? Ça ne devait pas être fréquent. Même si Aslander semblait être un homme décent, comme tous les mâles de son espèce il tenait à avoir raison pour garder la face, sous-entendu le pouvoir. Ce que je pouvais comprendre. J'avais vu des Alphas se faire dévorer par leur meute parce qu'ils étaient trop faibles pour les aider. Dans ces moments-là, les loups avaient des comportements qu'on voyait surtout chez les félins, on mettait le meilleur à la place du maître.
— Avez-vous vraiment besoin de ma présence pour aller chercher des friandises ?
Mon envie limitée pour l'accompagner se tenait en une pensée. Je ne voulais pas donner plus de raisons à Piers de me frapper. Et je n'avais pas les armes nécessaires pour lui rendre ses coups.
Aslander pencha doucement sa tête, comme s'il venait de comprendre la pensée que je venais d'avoir concernant son homme.
— Siadhal sera le seul à nous accompagner, insista-t-il. Et je crains qu'il ne puisse se débrouiller sans vous. Tout comme Eli, Had et Eryn. Pourquoi gâcher le plaisir des enfants ?
Je ne pus retenir un sourire. Je secouai la tête. Il savait au moins me faire culpabiliser pour aller chercher des bonbons avec les enfants. J'espérais simplement ne pas croiser ce maudit Piers. J'étais presque sûre que je pouvais redevenir violente rien que pour lui.
C'est ainsi que je me retrouvai dans une grosse voiture, conduite par Aslander lui-même. Siadhal se trouvait à ses côtés. J'étais à l'arrière, à ma droite Eryn. Et dans les places encore derrière nous, il y avait Hadrien et Elisia qui chantaient à tue-tête. J'aperçus plusieurs rues toutes aussi grandes les unes que les autres. C'était impressionnant. Tout comme le magasin de friandises devant lequel nous nous garâmes.
Aslander sortit Eryn, puis me tendit sa main. Plus par réflexe, je m'extirpai seule de la voiture. Il ne releva pas et laissa Siadhal aider les deux autres bambins.
Aslander n'avait pas encore compris que je ne voyais rien en le touchant et pourtant, il cherchait mon contact. Il n'avait pas peur et ça me rendait peureuse. Pourquoi ? Je n'en avais aucune idée. Je n'avais pas été tactile avec quelqu'un depuis toutes ces années et voir cet homme me tendre sa main me rendait presque suspicieuse. Malheureusement pour moi, ce n'était que de la galanterie de sa part. Comme tous les vieux loups qui avaient connu une autre éducation, il avait des manières.
Je regardai la devanture du magasin et son nom. Candy World. Ouais, c'était le monde des bonbons ici à n'en pas douter. Les trois enfants sautillaient. Chacun prit une de nos mains et nous fûmes traînés à l'intérieur. Eryn tirait Aslander, Hadrien parlait avec Siadhal et moi, Eli m'expliquait toutes les sortes de bonbons qui pouvaient exister ici. C'était très instructif soit dit en passant.
À l'entrée, une dame leur confia à chacun un gros seau. Aslander m'en tendit, mais je refusai d'un petit signe de tête. Il s'approcha de moi, laissant Siadhal surveiller les gamins. Ils n'étaient pas les seuls ici, mais semblaient à peine s'en rendre compte. Visiblement, ils ne vivaient pas leur séjour au Deity comme une prison. C'était bon à savoir.
— Comment cela fonctionne-t-il, votre pouvoir ? me questionna Aslander. Si vous touchez ce seau, qu'est-ce que vous pourriez voir ?
Je poussai un long soupir. C'était normal qu'il veuille les détails. Je pouvais le comprendre. Mais c'était toujours aussi pesant de devoir expliquer tout ça.
— C'est comme un écho, expliquai-je en avançant parmi les rayons.
Aslander avait gardé le seau et suivait mon regard pour voir sur quoi mon choix s'arrêtait. Il n'était pas idiot. Cela faisait longtemps que je n'avais pas mangé de friandises et vu que je vivais sûrement mes derniers mois, je pouvais faire des folies.
— Un fourmillement de pensées, lui indiquai-je. Je vais le toucher et voir toutes les personnes qui l'ont touché. La façon dont elles l'ont pris, utilisé. Des choses comme ça.
— Cela est valable aussi pour les humains que vous touchez, n'est-ce pas ?
Sa question était légitime. J'avais touché Siadhal. Rhys m'avait touchée et je pouvais encore piocher dans les souvenirs qui me venaient de lui et qui concernaient Aslander. Il y en avait tellement. Tamsyn ne m'avait pas touchée, mais j'avais effleuré des objets qui portaient sa marque. J'avais eu quelques échos. Par exemple, je savais qu'elle avait une fille, mais je n'avais pas réussi à voir ni le père, ni le visage de l'enfant. Je ne voulais pas voir ses choses et pourtant elles me parvenaient.
— Si je touche une personne ou qu'elle me touche, je vois toute sa vie. Toutes ses erreurs. Tous ses mensonges. Tous ses doutes. Toutes les épreuves qu'elle a pu traverser. Tous ses traumatismes.
— Toutes ses joies ? souffla Aslander en me regardant de côté.
Je m'arrêtai un instant pour l'observer. Il me rendit la pareille et quelque chose passa entre nous. Oui. Toutes ces joies, même si parfois, les personnes avaient plus de regrets que buts atteints.
— Les humains, tout comme les créatures surnaturelles qui peuplent ce monde, ne sont pas des personnes joyeuses. Nous nous battons pour survivre. Nos batailles nous rendent plus forts et nous permettent d'atteindre nos buts. Mais au final, qu'est-ce qui vous traumatise le plus, Kaizer ? Vos blessures ? Ou vos guérisons ?
Il ne répondit rien, me prouvant qu'il y avait matière à réfléchir. Je le forçai à s'arrêter devant un immense pot de nounours au chocolat, fourré à la guimauve. Je les pointai et il eut un petit sourire. Il en prit quelques-uns qu'il mit dans le petit seau et se remit en mouvement.
Pour certains bonbons, vous deviez les placer dans un petit sachet séparé au creux de votre seau, tout simplement parce qu'ils étaient un peu plus chers que les autres. Cela permettait au vendeur de peser le tout et d'afficher le bon prix. Nous en étions presque à la fin du magasin quand je me décidais à lui révéler la vérité.
— Voulez-vous savoir la chose la plus étrange qui vous concerne Aslander ? murmurai-je.
Il pivota lentement et dut comprendre que j'avais vu beaucoup le concernant. Il m'avait touchée plusieurs fois malgré lui.
— Ma vie n'est pas un long fleuve tranquille, admit-il.
— Vous avez sûrement connu beaucoup de personnes, de très vieilles personnes, soufflai-je. Si vous connaissez mon frère, alors je peux nommer trois autres personnes que vous avez connues grâce à lui ou en relation avec lui.
Il grimaça, mais m'écouta. Je fis un pas vers lui, tout en gardant une distance de sécurité qui était ancrée en moi depuis des années maintenant. En silence, on se regarda.
— Je ne perçois rien de votre vie, chuchotai-je comme si c'était un secret. Je ne perçois rien vous concernant.
Délibérément et pour me le prouver à moi-même, je posai ma main sur son torse, juste à côté de son épaule. Rien ne vint. Aucune image. Seulement la chaleur de son corps et les battements de son cœur feutré par sa peau et ses muscles. Je n'avais pas le droit de le toucher ainsi, mais personne ne pouvait m'en empêcher hormis lui.
Et il ne me repoussa pas.
— Rien, insistai-je.
Je me reculai lentement, retirant ma main. Son regard s'était modifié. Il était un peu plus froid à présent. Comme s'il avait peur que je sache. Quelque chose que je n'aurais pas dû savoir.
J'allais ajouter un commentaire, mais deux petits monstres débarquèrent dans nos jambes. Hadrien regarda le contenu du seau d'Aslander, qui était le mien par extension et se mit à dire tous ceux qui n'étaient pas bons. Le coquin.
Eryn me tira à sa suite pour que je choisisse à sa place. Je restai avec elle le reste du temps que nous passâmes dans le magasin. Aslander semblait à la fois pensif et intrigué de loin. Comme si ce que je venais de lui révéler l'avait poussé à réfléchir.
Bientôt, Siadhal vint nous récupérer. Eli ronchonna, mais se laissa faire.
Avant de grimper dans la voiture, Aslander me tendit mon sachet. Je le pris sans le regarder et m'assis sur mon siège. Il referma ma portière et je sentis son regard jusqu'à ce qu'il se place derrière le volant pour nous ramener.
Ce soir-là, je le passais dans la bibliothèque, sans croiser personne. Killian et Curtis me manquaient déjà. Je refermai un livre et posai ma joue contre mon bras. Je m'endormis malgré moi là où je trouvais.
Le jeune homme semblait fragile malgré la force qui se dégageait de lui. La femme le regardait avec de grands yeux. Le Deity était imposant derrière eux.
Je pouvais l'apercevoir.
Il y avait un léger souffle de vent. Le jeune homme tendit sa main à la femme en face de lui et elle l'attira brusquement à lui. Le jeune homme ressemblait étrangement à Aslander.
L'enfant... C'était l'enfant.
Je basculai brusquement dans la réalité, bondissant sur mes pieds. Je poussai un cri de surprise en tombant nez à nez avec Aslander.
— Que faites-vous ici ? remarqua-t-il. Votre chambre n'est-elle pas plus attirante que cet endroit ?
Je posai une main sur ma poitrine, tentant de reprendre mon souffle. Ce n'était pas une bonne idée d'avoir une crise cardiaque maintenant.
— Ne dormez-vous jamais ? soupirai-je en refermant mon livre.
— De temps en temps, admit Aslander en se levant à son tour.
Je voulais vraiment lui poser la question, mais ce n'était vraiment pas une bonne idée. N'est-ce pas ? Tant pis, je devais quand même le faire. Nous n'en serions pas à notre premier sujet de discorde.
J'espérais seulement que ce genre de discussion ne réveillerait pas plus de visions le concernant, lui, moi, un lit. Je frémis et repoussai cette idée.
— Je... Est-ce que vous avez des enfants, Aslander ? m'enquis-je.
Le regard qu'il me lança me força à me tortiller devant lui comme si j'avais dit une méchanceté et que je devais la reprendre.
— Je crois que l'enfant que je cherche est votre fils, lâchai-je.
Aslander ferma ses yeux et pinça l'arête de son nez. Je l'entendis prendre une très longue inspiration avant qu'il ne me regarde de nouveau. Pendant un instant, je ne sus si c'était l'humain ou le lycan qui m'observait. C'était très déstabilisant.
— Vous plaisantez, gronda-t-il.
Je serrai le livre contre moi avant de secouer la tête et d'agiter ma main. Je ne voulais pas en dire plus. Qu'est-ce que je pouvais ajouter de toute façon ? Pas grand-chose. Je m'extirpai de la banquette et allai ranger le livre que j'avais.
Bizarrement, Aslander m'attendait à l'entrée de la bibliothèque. Qu'est-ce que j'avais dit là ? Pourquoi est-ce que je disais toujours la mauvaise chose bon sang ?
Il me tint la porte et je me glissai dans l'ouverture, m'échappant de sa chaleur et de son doux parfum. Je m'avançai dans le couloir en silence alors qu'il ronchonnait dans mon dos, ses pas un peu plus lourds que les miens.
— Nous partons dans l'après-midi pour la Tasmanie, remarqua-t-il quand nos chemins furent prêts à se séparer.
Je pivotai vers lui, le souffle court. Que venait-il de dire ? Était-ce parce que je venais de dire que c'était son fils ?
— J'ai dit qu'on irait, pas que vous pourriez entrer au sein du sanctuaire de la tribu, précisa-t-il.
Il pivota et commença à s'en aller. Ah non ! Pas comme ça ! Quel idiot !
— Vous allez reconnaître l'enfant sans savoir à quoi il ressemble ? m'inquiétai-je en le rattrapant dans sa marche rapide.
— Aller dormir, Siobhane. Le soleil se lève bientôt et aux dernières nouvelles vous êtes humaine.
— Je n'ai jamais été fan du sommeil, remarquai-je. Vous avez un fils qui vous attend quelque part, qu'est-ce que ça vous fait ?
— Je n'ai pas d'enfant, gronda-t-il en me jetant un coup d'œil.
Il ralentit le pas en voyant que je courrais presque à côté de lui pour tenir la marche.
— Vous en êtes sûrs ? Pas de dérapage incontrôlé ?
Il s'immobilisa et gonfla ses joues.
— De ... dérapage ? s'exclama-t-il. Mais bon sang, je suis l'Empereur. Je ne dérape pas.
— Vous parieriez la vie de cet enfant sur cette certitude ? insistai-je.
Aslander leva les yeux au ciel et s'arrêta. Il posa ses mains sur mes épaules et me fit pivoter vers le couloir qui abritait ma chambre, en sens inverse.
— Aller dormir, avant de faire une autre poussée de fièvre. Vous ne voudriez pas manquer le voyage de demain.
Je voulus protester, mais il agita ses mains et disparut dans les couloirs, les épaules tendues. Je haussai les miennes et allai dans ma chambre. Je pris un long bain brûlant avant de gagner quelques heures de sommeil.
Mes rêves furent agités. Je ne récupérerais pas énormément à cette allure. Je me coiffai et enfilai une robe que j'affectionnai. Je terminai ma natte tout en regardant dehors. Le temps n'était pas trop couvert. Notre traversée ne serait pas trop dangereuse.
Devais-je dire à Aslander que j'avais le mal de mer ?
Ce fut Siadhal encore une fois qui nous accompagna. Je soupçonnai l'aigle qui tournait au-dessus de ma tête d'être l'un des hommes d'Aslander. Ce dernier parlait avec l'homme qui s'occupait de la navette entre l'Australie et la Tasmanie. Je m'éclipsai un instant vers la plage. Je retirai mes ballerines et plongeai mes pieds dans le sable doux. Je gémis de bonheur. C'était une sensation qui ne se trouvait nulle part ailleurs.
Je me mis à courir vers l'eau, me rappelant à quel point j'avais toujours aimé ses étendues de bleus. Mais à quel point elles ne m'aimaient pas. Je pris une longue inspiration, remplissant mes poumons d'un air marin que j'appréciais. J'avais passé une bonne partie de mon enfance sur l'ile d'Irlande. J'appréciais être entourée d'eau.
Je laissai la mer caresser mes pieds et m'agenouillai pour en profiter au maximum. L'eau était froide, mais j'aimais ça. Le bas de ma robe s'imbiba lentement. Heureusement qu'elle n'était pas blanche. Tant que l'eau restait dans le bas de la robe, ça irait.
Lentement, la vision grimpa m'arracha un soupir.
Il se tenait devant moi, de toute sa hauteur, de toute sa splendeur. Son regard ne me lâchait pas, me donnant l'impression d'être aussi forte que la mort elle-même. Et pourtant, je ne l'étais pas. J'allais bientôt mourir que je le veuille ou non.
— Il y a forcément un moyen, souffla-t-il.
Je secouai la tête et glissai ma main sur sa nuque. Il se pressa brusquement contre moi, m'arrachant un léger bruit. Son front contre ma joue, ses hanches contre les miennes.
— On a fait un beau rêve, mon Seigneur, murmurai-je. Simplement un beau rêve.
Un raclement de gorge m'extirpa de ma vision de façon douloureuse. Je grimaçai en me redressant, égouttant ma main de l'eau qui s'y attardait.
— Connaissez-vous quelqu'un qui s'appelle Ani ? soufflai-je en pivotant vers Aslander.
Son visage n'exprima rien. Il haussa ses épaules et secoua la tête.
— Non, je ne connais personne portant ce prénom.
Je regardai l'horizon et restai un instant en paix avec l'idée de ma mort. L'idée que je ne pourrais pas aider tous ceux que je devais. L'idée que certaines de mes visions ne pourraient jamais être résolues.
— Ani. Ani, fais attention. Fais attention à toi. Je t'aime. Je t'aime tellement. Fais attention.
Je relâchai la pression que j'exerçai sur mes souvenirs et tout se calma enfin, suivant le ressac régulier de la mer.
— Le bateau nous attend, souffla Aslander.
Je relevai ma robe sur mes pieds nus et je le suivis.
Nous grimpâmes sur une grande passerelle qui nous mena sur un magnifique bateau. J'étais presque sûre que ce n'était pas le bateau habituel pour joindre les deux endroits, mais à quoi chercher ? L'Empereur était à bord après tout.
Il me fallut dix bonnes minutes avant de me cacher dans les toilettes du bateau et de vomir le petit déjeuner du matin.
Je glissai contre le mur et tentai de garder le reste à l'intérieur, mais rien ne me fut épargné.
Pas même Aslander qui toqua à la porte pour savoir si j'allais bien.
Bon sang.
*
* *
*
Alooooooors ? 🙊 qu'est-ce qu'on pense de ce PDV ? Siobhane pense de plus en plus à son échéance et du coup elle avoue à notre Kaizer qu'elle ne voit rien de lui ! 🤔 va-t-il plus la toucher....? 🙊😏😇
Et cette histoire d'enfant ! Aslander aurait-il un fils quelque part qui aurait besoin d'être sauvé ? Je vois que beaucoup d'entre vous croient que l'enfant des visions est Aslander lui-même... Alors toujours persuadée maintenant ? 😯😵
Je veux vos avis sur nos personnages ! Que pensez-vous de Siobhane ? D'Aslander ? De Siadhal ? ☺️
Des bisous les filles et encore de joyeux anniversaires ! Psssst les concernées, vous avez été gâtées ? ☺️😘
Tchuuuuuu 😘🤩
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