3. Siobhane
En ce 08.02.2018, Un joyeux anniversaire à @yoliyola2000 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Le seul moyen pour moi de terminer cette mission était de tuer le roi sans qu'il me soupçonne.
J'étais déjà pour lui une confidente. J'avais réussi à faire bien plus que m'insinuer sous sa peau. J'avais réussi à faire de lui mon pantin.
J'étais manipulatrice et je savais très bien gérer tous les hommes que je croisais. Était-ce important ? Non. Tant que je remplissais mon rôle. Je voulais supprimer cet homme et je pouvais très bien le faire de manière totalement détournée. J'étais consciente de toutes les choses qui m'entouraient, surtout le loup qui avait posé sa tête contre ma cuisse. Il dormait, ou du moins, se reposait.
Rares étaient les moments où il était complètement endormi. Après tout, il était celui qui me protégeait des idiots qui pensaient pouvoir m'atteindre. Ce n'était pas un Alpha. Ceux-là avaient trop de préoccupations pour seulement être utiles. Ils voulaient protéger et enfermer. J'étais une Mage qui faisait bien plus que ça.
Ma main gratta l'oreille du loup qui gronda doucement. Je souris en sentant le Roi entrer. Il était vêtu de son armure, comme on pouvait les imaginer. Magnifiques, brillantes. Pourtant, de là où j'étais, je pouvais très bien voir les marques qu'il avait récoltées à cause de ces batailles.
Il se battait fièrement.
Il s'était toujours très bien battu.
Depuis le peu d'années que je le connaissais, je savais très bien de quoi il était capable.
L'idiot.
Il m'avait fait confiance à cause de ma nature.
Il avait vu en moi une personne liée à la vie de façon intrinsèque. Liée aux loups. Liée aux animaux qui protégeaient cette terre.
Il avait vu en moi un espoir de repeupler correctement son royaume qui avait été décimé par la maladie et la guerre.
_ Siobhane, souffla-t-il. Je suis heureux que tu sois là.
_ Tu sembles épuisé...
Ma voix était douce et calme. Personne n'aurait pu deviner ce que je comptais faire de cet homme. Ce que je comptais faire de son cadavre.
Le Roi observa le loup sur mes genoux. Il était habitué à sa présence. Tout comme je l'étais. Depuis longtemps, Gabrok était devenu une extension de ma personne. J'étais lui et il était moi.
C'était un loup immense avec des poils longs, pour se protéger du froid. Il venait des anciennes terres de Russie. Il se protégeait ainsi.
_ La bataille est longue, admit-il en se délestant de son épée.
Elle était immense et lourde. Je le savais, car je l'avais déjà prise entre mes doigts. Je me redressai et Gabrok gronda sourdement. Je claquai de la langue. Il se rallongea en soupirant de façon bruyante.
Je m'approchai du Roi qui se trouvait devant moi. Mes doigts glissèrent vers l'attache de son épaulette. Je la détachai habilement et la déposai sur le mannequin en paille prévu à cet effet.
Il ne dit rien, me laissa faire, jusqu'à être débarrassé entièrement de son armure. Je déposai la dernière jambière sur son portant et pivotai pour observer son corps. Il était extrêmement bien bâti et les muscles jouaient sous sa peau dorée par le soleil. Il fit rouler son épaule et je le vis grimacer.
_ Laisse-moi m'occuper de ça, soufflai-je.
Ma main se posa sur son bras et il m'observa avec une grande attention. Lentement, je souris et laissai mes doigts glisser sur sa peau.
Sa main ne tarda pas à s'enrouler autour de ma nuque. Il se pencha pour m'embrasser et je le laissai faire.
Cette nuit-là, je me levai du lit dans un silence tout particulier. Gabrok dormait au bout du lit, sa respiration douce et rassurante. Tout comme celle de l'homme qui se trouvait au centre de la couche.
Le drap était froissé sur le bas de son corps, dévoilant son torse abîmé. Il dormait profondément.
Gabrok ouvrit un œil et bâilla.
Il se redressa et m'observa bouger.
J'enroulai un tissu autour de mes hanches et m'approchai de mes affaires qui étaient dans un sac en toile non loin du feu. J'en tirai une longue dague et la cachai dans mon dos.
Je revins lentement vers le lit, sous le regard brillant du loup.
Je posai un doigt sur ma bouche et il se rallongea, son museau sur ses pattes.
Je fis le tour de la couche et me positionnai à côté du lit.
Je m'assis lentement à côté du Roi.
Un Roi qui n'était pas en sécurité là, sous mes yeux.
J'allais lever la dague quand quelqu'un frappa à la porte.
Je la fis disparaître de ma main en une seconde et me mis sur mes pieds, tirant le tissu que j'avais sur mes épaules.
Gabrok gronda soudain.
Je pivotai lentement vers la fenêtre qui se trouvait à ma droite. L'air frais entrait sans discontinuité.
Je fronçai les sourcils en voyant quelque chose s'approcher dans la nuit.
Était-ce une flèche ?
Je n'eus pas le temps de le comprendre, car on me plaqua par terre.
Je clignai des yeux, la flèche à quelques centimètres de mon nez.
_ Alerte ! hurla le Roi, qui s'écarta de moi.
Venait-il de me sauver ?
Je grognai et roulai dans le lit où j'étais. Je n'avais pas bien dormi la nuit d'avant et je n'allais pas bien dormir dans cette chambre de toute façon. Il y avait trop d'écho pour moi. J'allais voir la vie de beaucoup de personnes ici, je le savais bien. C'était aussi pour ça que je bougeais rarement de chez moi. Je ne pouvais pas me permettre de dormir n'importe où. Surtout pas dans un temple aussi vieux que moi. Je soupirai et me redressai sur le matelas. Cela faisait longtemps que je n'avais pas rêvé de Gabrok. Je frémis en frottant ma hanche qui était marquée d'une rangée de crocs de loups. J'étais peut-être une personne qui avait été liée à ces animaux, mais une fois que vous ne pouviez plus les maîtriser, leur vengeance était terrible.
Je glissai hors du lit et allai tirer le rideau qui m'abritait du grand soleil de la journée. Je m'étirai avant d'aller me laver rapidement. La douche était magnifique comme toute la chambre. Il y avait du parquet, qui s'enchainait avec une faïence extrêmement colorée ici dans la pièce d'eau.
Je me levai rapidement et trouvai une serviette douce et qui sentait étrangement bon. À vrai dire, elle sentait l'odeur d'Aslander. Orange et lavande. Quelqu'un devait laver le linge avec un savon tout particulier. J'écartai la serviette de mon nez en secouant la tête.
Aslander était un homme occupé. Je pouvais le comprendre. Il était aussi, après tous ses siècles, très secret. Ce que je pouvais totalement comprendre aussi de mon côté, puisque j'étais moi-même comme ça. Seulement, ce qu'il ne comprenait pas, c'est que j'étais là pour aider.
Pas pour autre chose.
Je pris une profonde inspiration et allai enfiler une longue robe. J'aurais bien trop chaud pour ne serait-ce qu'enfilé un pantalon. Je laissai mes cheveux glisser sur mes épaules et ne passai aucun bijou que j'avais pris. Ils étaient tous à moi et tous nettoyer, mais je ne voulais aucune résonnance aujourd'hui. Pas même la mienne.
Les gens offraient des bijoux sans avoir l'histoire de ces objets. C'était dangereux pour des personnes comme moi qui voyaient tout. Littéralement tout.
Je sortis de la chambre et m'aventurai dans les couloirs. Hier, je n'avais pas pu aller bien loin. À vrai dire, Killian m'avait suivie, mais il n'avait pas été très confiant de le faire sans l'accord direct d'Aslander. Je voyais bien que Killian respectait l'Empereur. Je le respectai aussi, certes. Dans une moindre mesure pour cette mission.
Je longeai le premier couloir qui me ramenait à la pièce principale de cette belle dépendance qui se trouvait derrière le grand temple où Aslander nous avait accueillis. C'était un bien grand mot, mais c'était bien le cas.
J'allais sortir dans le jardin qui se trouvait sur ma gauche quand une douleur fulgurante traversa ma cage thoracique. Je retins un cri et tombai à genoux, le souffle court. Je serrai mes bras contre moi, tentant de contenir la douleur.
Mon souffle se coupa et l'air me manqua.
Je fermai les yeux, me concentrant au maximum pour faire passer la crise. J'entendis mon souffle rauque devenir sifflant.
Pas maintenant bon sang...
Après quelques secondes d'horreur et de douleur, je réussis à m'asseoir sur mes fesses et à reprendre mon souffle.
Les pics de douleurs étaient supportables à présent et j'arrivais facilement à respirer.
Je savais que cela n'irait pas en s'arrangeant.
J'en avais conscience. C'était aussi pour ça que je devais trouver ce garçon.
Je me redressai et tombai nez à nez avec Siadhal. Je me figeai l'espace d'un instant avant de secouer ma robe, comme si de rien était.
_ Tu sens la maladie, souffla-t-il.
Je secouai la tête et agitai la main. Il fronça de nouveau le nez et haussa un sourcil.
_ Plus maintenant. Je n'ai jamais sentis ça. Comme si ta maladie repartait.
Ce qui était un peu vrai dans les faits. La malédiction d'Aloysius suffisait à me garder en état de fonctionnement la plupart du temps.
_ Pas besoin de commentaire là-dessus, Grosminet. As-tu vu Killian et Curtis ?
Il me regarda, sans répondre. Ouais, ça voulait sûrement dire non, n'est-ce pas ? Je soupirai et le contournai, ma main massant mes côtes. C'était encore douloureux, mais ça ira. Je longeai le magnifique jardin où des milliers de fleurs poussaient. C'était tout simplement céleste. Cela me rappelait les anciens temples, quand mon ancien peuple foulait encore les terres de ce monde. Y avait-il un Mage ici qui prenait soin de cette nature ? J'espérai que non, je n'étais pas connue parmi les miens pour avoir fait de belles choses.
Siadhal me suivit. Sauf que comme il ne disait rien, je réussis à me perdre une bonne dizaine de fois. Il n'intervint qu'une seule fois. Pour m'interdire de me rendre dans l'aile gauche du Deity. Je n'avais pas cherché à comprendre. J'avais enfin atteins une grande salle qui faisait apparemment office de cuisine. Il y avait plusieurs personnes qui y évoluaient. Une jeune femme me proposa même de quoi manger. Je pris avec plaisir le thé qu'elle m'offrit et allais le boire au beau milieu du jardin. C'était magique ici. Cela me faisait énormément de bien.
Jusqu'à ce que j'ouvre les yeux pour les poser sur le visage lisse de Siadhal. Il ne m'appréciait pas, je pouvais le sentir. Ce n'était pas de ma faute si j'avais dû me faire entendre d'une tout autre manière. Je ne pouvais pas l'en blâmer, mais s'il pouvait arrêter de polluer mon air ça m'arrangerait aussi.
_ Tu comptes bouger ? soupirai-je.
Il secoua la tête.
_ Tu comptes être utile ? Parce que si ce n'est pas le cas, tu peux aller vaquer à tes occupations. Ce n'est pas comme si je pouvais blesser quelqu'un ici.
Son visage m'apprit que non, il ne pouvait pas.
Je ne cherchai pas plus mes compagnons de route. Ma petite conversation avec Aslander le jour précédent m'avait fait comprendre que j'allais devoir me débrouiller seule. J'avais donc réussi à trouver un plan de la ville. Je n'avais pas les chaussures adéquates pour faire de grandes balades, mais ce n'était pas important. Je devais commencer à chercher où étaient les tribus et je devais commencer à trouver quel était le problème de cet enfant.
Hormis que c'était urgent pour moi évidemment.
Je savais que je devais aider cet enfant. Vraiment.
Du peu que j'avais compris, le Temps du Rêve était quelque chose de particulier ici. C'était bien plus qu'une sorte de paradis, bien plus qu'une sorte de monde où les esprits évoluaient. C'était l'évolution du monde. C'était l'endroit où tout le monde se rendait pour poursuivre son cycle de vie. Là où les divinités avaient tous les droits.
Je savais aussi que les enfants-esprits étaient ceux qui maintenaient ce Rêve intact. Je savais qu'ils étaient protégés à cause de cette croyance, mais surtout parce qu'ils étaient très fragiles. Au-delà du fait qu'ils étaient sûrement le maillon manquant à la chaine de notre élévation spirituelle au même titre que des divinités, ils étaient là pour une raison.
Nous faire croire. Croire au sens de la foi.
Les humains avaient beau croire en des dieux tous diversifiés ; nous les êtres surnaturels avions bien plus de connaissances là-dessus. Nous avions bien plus de contacts.
Je savais qu'aller dans le centre de Sydney ne serait pas une mince affaire, mais je pouvais m'en sortir. J'avais déjà découvert des territoires bien plus grand et par mes propres moyens.
Quand je trouvais enfin la sortie, Siadhal était à deux doigts de ricaner toutes les minutes. Je ne relevai pas. Il ne me proposa pas de voitures et donc je choisis malgré moi la marche comme moyen de locomotion. Je déroulai la carte et trouvai rapidement l'office de tourisme dessus. À vue de nez, j'allais mettre deux heures pour l'atteindre. Et merde.
Tant pis. Je n'avais que ça à faire de mon temps et ce n'était pas Aslander qui allait bien vouloir m'aider. Je devais prendre moi-même les choses en mains.
Quand le soleil fut bien haut dans le ciel, donc aux alentours de midi, je m'arrêtai devant un petit camion qui abritait toutes sortes de nourritures biologiques. Je tirai de ma poche la carte bleue que Dean m'avait donnée en me disant d'utiliser autant que je voulais. J'étais à deux pas d'un beau parc. Je m'étais battue pour arriver dans le centre même de Sydney. J'étais presque sûre que Siadhal avait pu me suivre sous sa forme, il l'aurait fait. Seulement, niveau politique et communication, le Kaizer ne devait pas apprécier de voir ses hommes se balader ainsi dans sa ville.
Le peuple d'Australie vivait en harmonie, les loups au nez et à la barbe de tous. Aslander était une figure connue pour les humains, mais pas sous les traits d'un Empereur lupin aussi vieux que le monde. J'étais persuadée qu'il travaillait dans l'ombre du gouvernement australien et avait largement son poids dans la balance. Le territoire ne serait pas aussi bien géré dans le cas contraire.
Siadhal prit quelque chose à son tour et me suivit pour le manger à l'ombre d'un grand arbre. Il y avait une certaine activité. Là, il y avait un groupe de jeunes qui travaillaient tranquillement. Ici, une famille dont le père jouait avec le plus jeune. Là, une personne qui lisait tranquillement un livre. Un vieux monsieur qui regardait les gens passés.
J'appréciais ce genre d'ambiance, même si depuis toutes ces années j'avais appris à m'en méfier. Les personnes qui s'arrêtaient pour vous saluer, vous toucher. J'avais vu bien trop de choses pour me rajouter la vie des personnes dont j'ignorais l'existence.
_ Qu'est-ce que tu vois dans ton rêve ? s'enquit Siadhal en croquant un bout de son sandwich.
Je regardai la petite galette fourrée que j'avais prise. Elle avait l'air très appétissant, mais parler de mes rêves me coupait l'appétit en général. Je poussai un petit soupir et reposai ma nourriture dans son petit sachet.
_ Un petit garçon, répondis-je d'une voix incertaine. Un petit garçon blanc qui se trouve en face d'un vieil aborigène qui lui explique quelque chose sur le Temps du Rêve. Le petit semble tout comprendre. Il semble même comprendre pourquoi il va mourir jeune.
Siadhal m'observait avec grands yeux. Il savait ce que devenaient les enfants-esprits. Il en avait déjà rencontré à n'en pas douter. Est-ce que cela l'immunisait de la perte de ces magnifiques petits êtres qui n'avaient rien demandé ?
_ Le petit a déjà quelques... tatouages sur le corps. Comme si le fait qu'il soit un enfant esprit était marqué sur sa peau. Seulement, je n'arriverais pas à les reproduire. Dans mon rêve, je les vois de loin.
Je regardai les autour de moi avant de soupirer de nouveau. C'était comme un poids, très lourd, très important sur mes épaules.
_ Ce que je ressens, c'est cette urgence de faire quelque chose. Un malheur va arriver et il faut que je le sauve.
_ Parfois, il y a des choses qui sont écrites, murmura Siadhal.
Je ne répondis rien à cela et me contentai de manger ma nourriture. Siadhal avait vécu des épreuves terribles au cours de sa vie. Des épreuves qui allaient le marquer, pour toujours. Était-ce des expériences qu'il aurait pu éviter ? Je n'en savais rien. Le destin était une terrible notion. À la fois rassurante et effrayante. Si j'avais été destinée à tuer toutes ces personnes ? À leur faire du mal ? Je ne voulais pas y croire.
Siadhal me donna le top départ pour bouger de nouveau. Sans s'en rendre compte, il m'amena directement à l'office du tourisme. J'avais mal aux pieds et un peu chaud, mais sinon ça allait. La crise de ce matin ne m'avait pas trop affectée. Tant que je restais consciente durant celle-ci, en général, la journée était bonne.
Je regardai le petit homme en face de moi avec une moue de colère. Il y avait beaucoup de monde dans l'office du tourisme, si bien que nous ne pouvions traîner ou embêter les gens. Je comprenais pourquoi il voulait en terminer vite, mais je ne pouvais pas repartir sans ces renseignements !
_ Comment ça, vous ne pouvez pas me renseigner ? soufflai-je. Je sais très bien que des visites sont autorisées. Pourquoi je n'en aurais pas le droit ?
_ Seuls les Australiens peuvent aller dans les réserves, Madame, répondit tranquillement l'employé en face de moi.
Il était de l'autre côté de son guichet et heureusement pour lui, parce que sinon je me serais déjà occupée de lui.
_ Si vous êtes en vacances ici, vous devez présenter une motivation particulière.
_ C'est-à-dire ? grognai-je.
_ Scientifique, souffla Siadhal à mes côtés.
Je pouvais très bien entendre son ton amusé. L'homme lui jetait des petits coups d'œil, comme s'ils se connaissaient. Je n'aimais pas du tout ça.
_ À qui dois-je adresser ma demande ? soupirai-je.
_ À ceux qui s'occupent de l'entretien des réserves, répondit sagement l'employé.
Il me tendit une carte que je pris en le remerciant. Je ne lui avais pas demandé combien de temps ça allait prendre, car j'avais peur que cela concerne le jour de ma mort.
Je ressortis de l'office un peu plus énervée. Comment était-ce possible de rendre tout ça aussi difficile ? Était-ce un message de la peur de mon cher frère ? Merde. Et merde.
_ J'espère que cette compagnie répond vite, marmonnai-je.
Je pris la carte et lus à voix haute le nom. Je fermai un instant les yeux et les rouvris très lentement sur la personne qui se tenait à côté de moi.
_ Ne me dis pas que le Aslander Valendyr qui s'occupe des réserves se trouve être le Kaizer d'Australie ?
_ Qui donc ? releva Siadhal.
Je poussai un cri de rage et lui envoyai la carte à sa figure. Il ricana avant de bondir pour me rattraper. Je marchai aussi vite que possible ne faisant pas forcément attention à mon environnement. Je faillis me prendre de plein fouet un cycliste qui arrivait à toute vitesse. Je l'évitai de peu avant de m'arrêter à gauche du trottoir, sur un espace relativement serein. Je frottai mes yeux et décidai de rentrer.
J'allais bien trouver une solution, n'est-ce pas ?
***
J'étais en train de masser mes pieds douloureux quand la porte de ma chambre s'ouvrit sur Killian et Curtis. Ils venaient prendre des nouvelles sur l'avancée de mes recherches. Je leur fis remarquer ma mésaventure et les deux se moquèrent. Je les renvoyais d'où ils venaient sans échanger plus avec eux. Je passai l'heure suivante à griffonner des images dans mon carnet. Quand une espèce de dessin étrange revint pour la quatrième fois, je me mis en tête de trouver une bibliothèque.
Dans un aussi gros temple, il y avait forcément des livres sur toute la culture qu'était le peuple des loups en Australie. Je réussis à tirer l'information à Killian. J'avais trouvé les deux loups dans une grande salle, qui était apparemment l'équivalent d'une salle commune.
Killian m'avait grossièrement dessiné le chemin. Je trouvai enfin une grande porte qui ressemblait à sa description. Je poussai le battant lentement et me fis silencieuse. Comme dans toutes les bibliothèques dans lesquels j'entrais. Siadhal n'était pas là pour m'embêter donc je pouvais faire ce que bon me semblait.
Je restais interdite devant les nombreuses rangées hautes et majestueuses de tous les ouvrages qui se trouvaient ici. Au centre de cette bibliothèque, il y avait un grand îlot en bois foncé qui abritait plein de tables. Sûrement pour étudier.
Un homme y était assis, le nez plongé dans deux gros ouvrages. Il semblait prendre des notes. Peut-être était-ce le bibliothécaire ? Je pouvais surement lui demander où se trouvaient les ouvrages concernant les tribus aborigènes.
Je m'avançai lentement, le bruit de mes ballerines léger sur la pierre claire qui avait été utilisé pour construire cette magnifique pièce. Je grimpai les quelques marches de l'ilot et croisai le regard de l'homme derrière de petites lunettes. Il semblait très charmant et pas assez vieux pour avoir des cheveux blancs ou d'autres signes avant-coureurs. D'ailleurs, il semblait comme moi avoir la petite quarantaine.
Ces cheveux étaient un peu en bazar sur le haut de sa tête, mais son sourire était franc et honnête. Il me fit du bien sur ce territoire hostile à ma présence.
_ Bonjour, dis-je avec un temps de retard.
_ Enchanté, répondit l'homme. Puis-je vous aider ?
_ Je m'appelle Siobhane, me présentai-je en me rappelant mes bonnes manières.
Je ne tendis pas ma main cependant et l'homme ne sembla même pas s'en apercevoir. Son regard était un peu plus intrigué maintenant que je lui avais révélé mon identité.
_ Arzhel, dit-il à son tour.
C'était un bon beau prénom.
_ Je suis désolée de vous déranger pendant vos recherches. Je ne suis que de passage ici et j'aurais aimé me renseigner sur les tribus aborigènes qui peuplent le territoire d'Australie.
_ Des ouvrages en particulier ? s'enquit-il en se levant.
Il était un peu plus grand que moi. Il portait un pantalon beige, ainsi qu'une chemise entrouverte sur le haut de son torse. Il semblait fatigué, mais pas forcément énervé par ma présence. Si c'était le bibliothécaire et qu'il n'avait pas souvent de visite, il allait forcément m'aider !
_ Pas vraiment. Je ne sais pas trop ce que je recherche.
Puis, je me rappelai mon dessin. Je le tendis au dénommé Arzhel. Il se figea un instant en voyant mon papier et le signe qui s'y déroulait. Était-ce vraiment une bonne idée ?
_ Je suis désespérément en recherche d'une aide plus que bienvenue, dis-je du bout des lèvres.
_ Alors, je vais être votre sauveur, répondit-il en souriant.
Sa voix, riche d'un timbre rauque, me rassura. Avais-je trouvé un allié ici ?
_ Venez avec moi, dit-il en descendant de l'ilot, mais de l'autre côté de la plateforme.
Il y avait quatre escaliers qui permettaient de monter sur l'estrade que formait l'ilot. C'était très beau et très bien entretenu. Pas une seule poussière.
Je suivis les épaules larges de l'homme qui me conduisit à travers les rayons. Il s'arrêta devant une petite armoire qui déverrouilla. Je fus surprise qu'il le fasse pour moi et il se sentit obliger de m'expliquer son geste.
_ Ces ouvrages sont assez vieux pour être possiblement abîmés par la poussière. Nous les laissons à l'abri ici.
_ Et c'est votre devoir de bibliothécaire de les protéger, assenai-je en hochant la tête.
Il eut un petit sourire et secoua la tête. Quoi ?
_ Tenez, m'indiqua-t-il.
La rangée qu'il pointait abritait beaucoup d'ouvrages. Il m'en pointa un qu'il prit le temps de sortir avec soin. Je tendis mes mains et il y déposa l'ouvrage avec une lenteur toute calculée.
_ Ce livre vous donnera les éléments de base constituant les tribus. Celui-ci vous donnera les emplacements des différentes tribus restantes sur notre territoire. Il faut savoir qu'elles sont difficilement accessibles. Faites-vous des recherches particulières ?
_ Pour un article scientifique, mentis-je. Il faut que j'aie du contenu.
Son nez se fronça et je rougis. Si c'était un loup, je pouvais faire une croix sur mon mensonge. Ses yeux se braquèrent sur moi et la lumière qui s'en dégagea pendant un instant m'apprit mon imprudence.
_ Pardon, admis-je. Ce n'est pas pour ça, mais il semblerait que cette excuse soit la seule acceptée pour pouvoir faire des recherches.
_ Pas de problème, remarqua Arzhel en haussant ses épaules. Il faut juste savoir que les bibliothèques sont ouvertes à tout le monde.
_ Merci beaucoup en tout cas. Je m'intéresse simplement à leur fonctionnement.
Je pris l'autre livre qu'il m'avait indiqué et me remis en marche vers l'ilot pour pouvoir m'installer tranquillement. Il revint à sa place après avoir fermé à clé l'armoire. Il déposa les clés non loin de moi en souriant et se réinstalla sur chaise à deux mètres de moi.
Je me plongeai dans le livre, à la recherche d'indice qui me permettrait de comprendre pourquoi ce jeune garçon se trouvait là-bas.
Et surtout, pourquoi avait-il tant besoin de mon aide ?
Je n'avais pas besoin de celle d'Aslander pour ça, n'est-ce pas ?
Après quatre heures de lecture intensive, je me redressai en grimaçant. Mon compagnon de lecture m'avait apporté un thé dont le goût m'avait étonnamment surprise. J'étais curieuse de savoir comment il avait compris mes envies en matière de thé.
_ Avez-vous trouvé ce que vous cherchez ? s'enquit sa belle voix.
Je reposai la tasse de thé en buvant la dernière gorgée. Je secouai la tête et soupirai.
_ Pas vraiment, admis-je. Ce livre traite de toute la culture des tribus. Même si c'est extrêmement intéressant et très enrichissant, cela ne m'explique pas mon problème. Ni pourquoi un si petit enfant qui ne semble pas avoir d'origines particulières se trouve au beau milieu d'une tribu aborigène. Et ce deuxième livre, tout aussi enrichissant, ne présente pas le symbole que je cherche.
_ Vous pouvez me le remontrer ? me demanda-t-il en tendant sa main.
Je lui donnai mon dessin. Il remonta ses petites lunettes demi-lune sur son nez et observa pendant quelques instants mon croquis. Je retins mon souffle quand il se leva et disparut dans les rayons. J'attendis avec une grande patience, mais je ne pus m'empêcher de sourire quand je le vis revenir avec un livre ouvert dans les mains.
_ Voilà ce que vous cherchez, dit-il en déposant l'ouvrage devant moi.
Il y avait une multitude de symboles. De son doigt fin, Arzhel me pointa celui que je cherchais. En dessous, il y avait le nom d'une tribu.
_ Est-elle encore sur ce territoire ? soufflai-je, impatiente.
Arzhel alla se réinstaller sur sa chaise et se frotta le menton.
_ Elle se trouve en Tasmanie, sous la protection entière du Kaizer, ainsi que la Koning qui est en charge de ce territoire. Si vous vouliez visiter une tribu, ce n'est vraiment pas la bonne.
Je le regardai, sentant la petite étincelle d'espoir qui venait de poindre se faire souffler par une bourrasque de vent.
J'abandonnai ma précieuse aide dans son donjon pour retourner vers Killian et Curtis. Je savais qu'ils voulaient qu'on mange ensemble ce soir. Une journée éreintante et productive. Seulement, j'avais l'impression que le destin était contre moi. Littéralement.
Arzhel avait raison. N'importe quelle autre tribu, j'aurais peut-être réussi à gérer un aller-retour express avec Aslander, mais ce dernier ne m'aimait pas et ça allait continuer comme ça.
Je retrouvai les autres directement dans la salle commune. Les tables étaient couvertes de nourritures et tout sentait divinement bon. Mon ventre gargouilla.
J'aperçus les garçons et les rejoignis. Je m'installai aux côtés de Killian, prenant leurs conversations au vol. J'étais en train de goûter une délicieuse soupe de lentilles quand le Kaizer lui-même s'installa en face de moi.
Je me figeai un instant avant de relever mon regard sur lui. Je repoussai mes cheveux de mes épaules et son sourire narquois s'accentua.
_ En quoi puis-je vous aider, Kaizer ? dis-je d'une voix que j'espérais claire.
Siadhal, qui se trouvait à quelques places de nous parmi les Servaes du Temple, sembla ricaner dans sa barbe. Maudit chat. Qu'avait-il raconté à son Empereur ?
_ Il paraît que vous avez fait une longue marche aujourd'hui, remarqua Aslander.
_ Vous proposeriez-vous pour un massage de ma voute plantaire ?
Je clignai des yeux, agitant mes cils, comme une brave petite femme soumise. Il ricana, un son rauque qui éveilla des souvenirs en moi. Je ne voulais pas me l'avouer, mais Aslander remuait quelque chose en moi. Une vieille émotion. C'était là, ça s'agitait et bientôt cela ressortirait. En bien ou en mal ? Je n'en savais rien.
Certains pouffèrent à ma phrase, Siadhal fit la moue. Je me moquais ouvertement de son Empereur et alors ?
_ J'ai cru comprendre que vous deviez contacter quelqu'un pour vous rendre dans ces tribus. Avez-vous un nom ? s'enquit Aslander, un sourire un peu mauvais sur les lèvres.
Mauvais ou taquin ? Je n'en savais rien. Je n'arrivais pas à savoir s'il me détestait sincèrement ou si mon arrivée n'avait juste pas été la bonne.
_ J'ai trouvé une aide au sein même de votre bibliothèque. Je devrais m'en sortir.
_ Je pourrais vous prêter une voiture si vous le vouliez, admit-il en souriant un peu plus.
_ Mes pieds devraient tenir.
_ Tu as été à pied jusqu'au centre ? s'écria Curtis. Pourquoi tu...
_ Grosminet avait besoin d'une promenade, grognai-je.
Aslander ne put retenir un ricanement et Siadhal maugréa quelque chose de son côté. Killian et Curtis ne prirent même pas la peine de cacher leur hilarité.
Par la porte de la salle commune, ma précieuse aide apparut. Il s'approcha, le nez dans des papiers.
Je souris et me redressai, agitant ma main vers lui.
_ Arzhel ! l'appelai-je. Merci encore pour ton aide !
Aslander se redressa vivement et observa l'homme s'approcher de nous. Il semblait consterné. Arzhel lui semblait amusé. Il tapota l'épaule du Kaizer et je me sentis idiote.
Quoi ? Il le connaissait ?
_ Zhel, qu'as-tu encore fait ? grogna Aslander.
_ Tout ira bien ne t'inquiète pas. Siobhane cherchait simplement des ouvrages pour ses recherches.
Aslander commença à grogner sur Arzhel, pendant que je me tournai vers Killian.
_ Ce n'est pas le bibliothécaire ? soufflai-je.
Killian éclata de rire de nouveau.
_ Tu as rencontré la deuxième personne la plus importante de ce territoire, Siobhane. Arzhel est le Conseiller d'Aslander. Il n'a rien d'un bibliothécaire.
_ Tu l'as aidée en plus ? maugréa Aslander. Ne peux-tu donc pas te mêler de tes affaires maudit Conseiller ?
J'écarquillai les yeux et relevai mon regard sur Arzhel. Il baissa ses lunettes et me fit un clin d'œil avant de répondre à la répartie d'Aslander sur le ton de la plaisanterie.
Où étais-je encore tombée bon sang ?
Au loin, une nouvelle personne entra dans la pièce. Je reconnus son énergie immédiatement. C'était celle d'un Mage. D'un Mage puissant.
C'était à la fois vivifiant, vivant et totalement addictif.
J'adorais cette odeur qui se dégageait de nos pouvoirs. Pour certains c'était plus sucré que d'autres.
Le regard de l'homme croisa le mien.
Une autre personne qui allait me détester, n'est-ce pas ?
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Alors alors ! Vous pensez quoi de cette suite ? 😊 Siobhane cherche des réponses par ses propres moyens et bon, heureusement qu'elle peut compter Arzhel comme un allié ! Sinon, je pense que ça pourrait s'avérer plus que compliqué... 🤔
Un nouveau personnage fait son entrée ! Le Mage au service d'Aslander ; un de ses hommes de main ! Connait-il Siobhane ? Sait-il qui elle était avant ? Que de questions !!!!!!! 🤯
Hâte d'avoir vos avis 😤
Des bisous 😘
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