3. Aslander

Un chapitre pour un anniversaire :D 

Il y a de ces lectrices qui sont avec nous depuis un moment, tant et si bien qu'on a du mal à se souvenir comment elles sont arrivées là, comment elles se sont greffées à notre histoire. Maintenant, elles font parties intégrantes de DSDA et connaissent parfois nos personnages bien mieux que nous :O Pour dire ! A ces lectrices-là, merci d'être avec nous. Merci de nous faire partager votre grain de folie et votre présence, tout simplement. Aujourd'hui, 29.01.2018, nous fêtons l'anniversaire de notre @NightOfAngel ! Alors tout le monde à son clavier :  JOYEUX ANNIVERSAIRE MA Belle !!!!! <3



J'étais appuyé contre la balustrade, légèrement penché en avant, les coudes reposant sur le garde-fou, le regard porté au loin, bien au-delà de la cime des arbres. Je pouvais apercevoir la ville, ne serait-ce que les plus grands buildings. Une brise soufflait, presque froide, s'insinuant le long de ma peau.

Le silence qui régnait ici me rappelait le grand Domaine des Dieux. Là où nul Homme ne pouvait fouler le sol, là où nul mortel n'était autorisé à y entrer. Seules les Divinités y siégeaient, gardant un œil sur ce qui se passait sur Terre ; cherchant à comprendre la nature éphémère de la vie sans jamais y parvenir. Elles essayaient parfois de se fondre parmi les civilisations, mais ça ne fonctionnait jamais vraiment.

Être un Dieu signifiait de la grandeur. Ça signifiait s'élever au-dessus de quiconque.

Être un Empereur revêtait les mêmes vérités, à un degré différent. Nous étions choisis par des forces supérieures, après tout.

Je n'étais pas simplement un loup mis au pouvoir selon les aléas de la vie. Je n'étais pas un petit Gardien qui pensait détenir un quelconque pouvoir.

J'étais le pouvoir.

Et j'ignorais pourquoi je pensais à ça en cet instant. Pourquoi ce sentiment de solitude m'étreignait avec autant d'acharnement. C'était là, dans ma gorge, au cœur même de ma poitrine. Et je savais que cela pouvait vite devenir éreintant, terrifiant même.

À dire vrai, je savais très bien pourquoi j'étais ainsi. Ma propre façon de penser et d'agir n'était plus un secret pour moi depuis des décennies et des décennies. Je me connaissais suffisamment pour connaitre mes limites. Mes faiblesses. Mes démons.

Pour savoir jusqu'où j'étais prêt à aller pour mes hommes. Pour mon peuple.

— Je ne lui ai rien dit.

Siadhal se tenait à mes côtés, arborant la même position, nos épaules se touchant.

Il était tout aussi pensif que je l'étais. Et le fait qu'il éprouve le besoin de se justifier montrait bien à quel point il me savait ébranler. Comme lui.

— Je sais, répondis-je.

Parce qu'après ce qui était arrivé, il y avait longtemps, nous n'en avions pas reparlé. C'était il y avait des siècles.

Pas un secret pour autant. Mais nous avions choisi d'enterrer le passé et d'oublier ce qui était arrivé. Alors oui, Siadhal n'aurait jamais raconté tout ça à une parfaite étrangère. Je me fiais en mes hommes bien plus qu'en moi-même, ce qui voulait tout dire.

— Elle m'a touchée. Elle m'a... volé mes souvenirs. C'est une Aviela.

Il cracha presque ce dernier mot, sa voix vibrante d'une rancœur et d'une peur qu'il ne pouvait pas cacher. Ma langue claqua.

— Ne parle pas de ce peuple ici, Siadhal. Jamais.

Ce simple nom était porteur de bien des malheurs, de bien des horreurs que peu de gens pouvaient comprendre.

Beaucoup avait été tué et maintenant, c'était un peuple décimé. Pas oublié. Pas dans certaines de nos croyances en tout cas. Je n'en avais pas vu depuis deux siècles. Et je préférai qu'il en soit ainsi.

Cette femme ne pouvait pas être une Aviela. Elle n'en avait tout simplement pas les yeux. Ça réglait donc la question. Mais je pouvais comprendre le malaise de mon homme.

— Personne ne la touche. Pas même toi. Même s'il est déjà trop tard.

On ne savait pas si elle pouvait voir une vie entière ou seulement des pans. Je n'avais pas envie de le découvrir. Mon regard se posa sur mes doigts. Je l'avais attrapé, l'empêchant de s'effondrer.

Qu'avait-elle vu de ma vie ? Qu'avait-elle entraperçu ?

Ces mains avaient connu le sang. La guerre. Les batailles qui se succédaient et qui n'étaient pas toujours victorieuses.

Elles avaient tenu le corps encore chaud d'un ami mort. Ces mains avaient donné la vie et l'avaient ôtée à bien des reprises.

Alors, qu'avait vu cette femme ?

— Que comptez-vous faire, Sire ?

C'était une bonne question. Elle n'était pas arrivée ici sans raison, son dessin en attestait. Malheureusement pour elle, dans mon pays, les enfants-esprits étaient protégés, cachés. Quiconque ne pouvait les atteindre sous prétexte qu'il avait vu quelque chose. Dans mon monde, ça ne fonctionnait pas de la sorte. Les vieilles tribus n'étaient accessibles que par une poignée de personne. Il en avait toujours été ainsi et ce n'était pas elle, avec son dessin, qui allait changer ça. Mais alors, pourquoi l'avoir fait venir ? Parce que sur cette feuille, il était question du symbole de la plus vieille tribu que portait notre Terre.

Celle dans laquelle j'avais grandi. Celle où j'étais devenu l'ami des Dieux. Elle m'était aussi chère que tout le reste. Je voulais comprendre, même si tout ça me dérangeait. Le fait qu'elle ait pu lire ainsi en Siadhal attestait de son pouvoir. Et c'était perturbant. Parce qu'elle avait alors un pouvoir sur lui et par la force des choses, sur moi.

C'était encore plus irritant.

— Je l'ignore.

Et là était toute la vérité pour l'heure. Que faire d'elle ? Quel enfant-esprit avait-elle vu pour vouloir le sauver à ce point ? C'est ce qui l'avait poussé à quitter les États-Unis pour venir ici. Quel genre de personne pouvait partir du jour au lendemain pour venir aider quelqu'un rencontrer en rêve ? Quel genre de sorcière était-elle ? Parce qu'elle l'était, à n'en pas douter. Bien qu'un sentiment étrange m'avait étreint lorsque je l'avais touché.

Elle sentait l'humaine. Mais l'était-elle vraiment ?

— Peut-elle vraiment aider l'un d'eux ?

Siadhal était ébranlé. Sur ses gardes. C'est sur lui qu'elle avait usé de son... maléfice après tout. Je me redressai, mes bras en extension, la tête légèrement rejetée en arrière.

Qui pouvait aider un enfant-esprit ? Même les Dieux n'y pouvaient rien. Pour bien des gens, ces êtres étaient des erreurs de la nature. Parce qu'ils voyaient ce qu'aucun mortel n'aurait dû être capable d'entrapercevoir. Est-ce que ça faisait d'eux des monstres ? Non. Dans l'histoire, ils n'étaient que des victimes, de loin s'en faut.

— Je ne chercherais pas à le savoir, répondis-je. Qu'importe sa bonne volonté. Elle est étrangère à nos us et coutumes et en cela, elle est un danger.

Il hocha la tête, comprenant.

— Si personne n'est là pour lui apprendre, elle restera une menace, résonna alors la voix d'Arzhel.

Je souris.

Il était la voix de la raison lorsqu'elle n'avait que peu de place. Même lorsque tout paraissait déraisonnable.

Siadhal me demanda congé et il s'éloigna, me laissant avec mon Conseiller.

— Un bruit de couloir intéressant qu'est la présence de cette femme. Killian et Curtis ont fait bon voyage ?

Je haussai les épaules. Je n'en savais rien. À bien y regarder, j'avais été un hôte épouvantable.

— Qu'est-ce qui te dérange à ce point ? demanda Arzhel, véritablement curieux.

Il prêtait foi aux gens, sans même les connaître. Parce qu'il était ainsi. Son histoire n'était pas aussi sanglante que celles des autres, mais il y avait une part d'horreur et de chagrin. Parce que nous étions vieux et que nous avions beaucoup perdu en chemin.

Trop, même.

— Je connais la magie, dis-je. Sous presque toutes ses formes. J'ai rencontré des monstres capables de commettre des ignominies par simple envie. J'ai vu des Wicca danser nues dans un champ. J'ai laissé un Oracle me parler d'un futur qui n'est jamais arrivé et j'ai éprouvé de la peine et du dégoût en voyant ce qu'Ils appellent les Lieuses. J'ai recueilli un Mage qui est devenu un ami et un allié. J'ai combattu un Sombreyr et j'ai faillis y laisser la vie. La magie coule dans ce monde, sous bien des aspects. Mais il n'est rien de plus terrible que celle qui arrive à te prendre ce que tu es. Qui te vole ton essence, bien plus encore que tes souvenirs. Te souviens-tu de Vyara ?

Simplement énoncer son prénom était comme lui redonner une emprise sur moi. Et je n'aimais pas ça.

Les Seekers faisaient partie de la mauvaise branche de sorcellerie. La plus terrible.

— Vyara et les siens ont été jetés en dehors de ce monde, Aslander. Arthur et toi y avez veillé.

Vraiment ? Tout pouvait être défait. Bien plus encore lorsqu'il s'agissait de prison.

— Elle n'a eu besoin que d'un contact pour savoir ce que j'aie fait à Quiyape. Pour connaître l'histoire de Siadhal. Sa présence en ce lieu n'est pas une bonne chose.

— Alors pourquoi l'avoir fait venir ? s'enquit Arzhel.

Je me le demandais. Lorsqu'elle avait balancé l'histoire qui me reliait à Siadhal à mon propre visage, la colère qui m'avait habitée avait menacé de tout détruire. Parce que personne n'avait le droit de retourner cela contre Siadhal ou moi-même. Personne n'avait le droit de parler de ce qui ne devait pas être prononcé. Avait-elle cru me faire changer d'avis en me prouvant qu'elle était capable de voir des événements passés ? De la sorte, elle avait voulu me faire comprendre qu'elle avait un pouvoir et que ce dernier lui avait permis d'apercevoir la fin d'un enfant-esprit.

J'aurais pu réclamer sa vie. Parce qu'ici, c'était mes règles, mon pays. Mon peuple. Mais je n'étais pas mon père.

J'étais juste, bien qu'implacable. Elle ne pouvait pas venir chez moi et réclamer d'aller au cœur de nos histoires et de nos légendes.

— Je suis l'Empereur, Zhel. Je suis celui qui protège. Je suis le Loup des Dieux. Je ne mettrais personne en danger sous prétexte qu'elle pense pouvoir sauver quelqu'un.

— Je sais cela, répondit-il avec un hochement de tête. Mais maintenant qu'elle est ici, tu devrais tenter de comprendre qui elle est. Ceux qui peuvent se targuer de vouloir sauver un enfant-esprit son trop rares pour être traité comme des parias, tu ne crois pas ?

*

*         *

*

Elle se tenait là, en pleine bataille, sa cape soulevée par l'écho de la mort. En cet instant, bien plus encore que les épées et les soldats, elle l'incarnait. Elle en était la personnification même. Beauté mortelle dans un paysage chaotique, qui n'était que désolation. Son visage portait les stigmates de son espèce.

Je ne voulais pas la quitter des yeux, mais les hommes affluaient de tous côtés et il devenait difficile de garder un visuel.

Une flèche siffla à mon oreille et je l'esquivai de justesse. Je la tirai du sol et me retournai pour que la pointe s'enfonce dans la gorge d'un ennemi. Je fis volteface, contrai l'épée du soldat avec ma lame et le repoussai juste avant de recevoir un coup à l'arrière du genou. Je tombai, visage contre terre et soufflai.

— ASLANDER !

Le hurlement d'Arthur jaillit et la bête en moi prit le dessus. Il se releva et la tête de l'ennemi fut broyée, sans sommation. Nous tournâmes la tête en direction d'Arthur. Il était bien plus loin que ma position et sous son plastron, il respirait vite et fort. Son visage était sale, recouvert de sang séché. Ses yeux étaient rivés sur Vyara. Qui avançait, sans aucun obstacle pour l'arrêter. Mes tempes battaient au rythme de l'afflux d'hémoglobine et je sentais la fatigue alanguir mon corps tout entier. Sa présence ici pouvait tout changer. Elle allait tout changer.

Elle était la Prima des Seekers. Leur Reine.

Mes doigts serrèrent plus fort mon épée. Les hommes s'écartaient sur son passage. J'inspirai. Elle marchait droit sur Arthur. Qui semblait paralysé. Qui semblait attendre.

Qu'elle vienne plus près ? Pensait-il avoir une chance ?

Je ne percevais que mon souffle. Mes oreilles sifflaient et j'avais cette impression de tout percevoir au ralenti. Chaque attaque. Chaque mouvement. Il y avait quelque chose derrière Vyara. Qui n'était pas encore visible, qui se cachait, mais qui laissait une trace. Une sorte de mirage lointain.

Un Sombreyr sous sa forme originelle.

Mon épée tomba lourdement au sol. Mes doigts tiquèrent. Dans mon esprit, le rire de Salil. Si réel l'espace d'un instant.

Je m'élançai, poussant allié et ennemi sur mon passage.

Je vis les yeux de Vyara changer. Se modeler par son pouvoir. Dévastateur. Qui volait les vies. Qui volait l'âme.

Sur le côté, il y avait un cheval mort, une lance enfoncée dans son flanc. Hurlant, je la tirais et visai le Sombreyr. La vision de l'animal en moi était parfaite, infaillible. Et le pouvoir qui sommeillait en moi était indescriptible. Il n'était pas encore temps de mourir.

Non.

Je jetai l'arme qui siffla dans les airs. Si puissante que son extrémité oscillait. Elle traversa le Sombreyr et son hurlement, un son effroyable, résonna sur le champ de bataille. Je sifflai à l'aide de mes doigts et observai un instant le ciel pour voir venir un immense aigle. Il était majestueux et chacun de ses battements d'ailes devenait une bourrasque de vent. Il piqua droit sur Arthur et ses serres se refermèrent sur son plastron pour le soulever et l'amener avec lui.

Quelque chose me heurta alors de plein fouet et je roulai au sol, le souffle coupé. Des griffes acérées déchirèrent ma chair et me clouèrent au sol.

Un souffle contre ma joue, un corps sur le mien.

— Le petit Loup des Dieux. L'enfant né avec les esprits.

Vyara me tenait en son joug. Sa force était telle qu'il m'était impossible de bouger. Respirer aussi était difficile.

— Un mets de choix pour mon peuple. Me laisseras-tu te dévorer ?

Elle avait les paupières closes. Pour l'instant. Son sourire n'augurait rien de bon. Lorsque ses doigts effleurèrent mes joues, je frissonnais.

Elle n'était que poison.

J'aurais aimé ne pas me souvenir de la douceur de sa peau. De la beauté de son rire. Mais c'était gravé en moi, souvenir pernicieux.

— Cesse cette folie, Vya.

Ses ongles me firent plus mal encore.

— Il ne s'agit pas de cela, tu le sais. Mais de connaissance. De pouvoir. Il n'y a pas de Bien ou de Mal dans ce monde, Aslander. Et toi qui es dans le secret des Dieux, tu devrais le savoir mieux que personne.

Ses doigts suivaient le contour de mon visage, comme si elle cherchait à en graver les moindres détails dans son esprit perfide.

Elle se redressa légèrement et des volutes de fumée s'échappèrent de son corps. Des flammes se formèrent et des escarbilles s'évaporèrent dans l'air.

Lentement, Vyara ouvrit les yeux. Ils étaient magnifiques. Incroyables. Uniques.

Et elle les plongea droit dans les miens.

Sa voix résonna dans mon esprit, un écho lointain.

— Je te prendrais tout. Absolument tout, Aslander Val'endyr.

Je me réveillais en sursaut, le souffle court et le cœur rappelant un tonnerre de sabots. J'avais la peau moite. La chambre était plongée dans l'obscurité et malgré l'air qui s'engouffrait dans la pièce, j'étais en nage et à vif.

J'aurais dû savoir que parler de Vyara la ferait venir dans mes rêves. Me rappelant l'époque avant qu'elle ne soit entravée, enfermée.

Cette Siobhane était-elle vraiment une Seeker ? Non. Elle n'avait pas volé la vie de Siadhal, elle avait seulement vu son passé. Et là était toute la différence.

Je repoussai le drap et sortis de mon lit, nu. Je traversai la pièce et me retrouvai dans mon dressing. J'attrapai ma tenue d'entraînement et l'enfilai à même la peau. Il faisait encore nuit noire dehors, preuve que je n'avais pas dormis beaucoup. L'aube n'était pas loin néanmoins. J'avais juste le temps de transformer ce cauchemar en énergie avant d'attaquer une journée qui se promettait d'être longue.

L'aile qui m'était réservée était silencieuse. Il n'y avait aucun Sevae pour le moment. Mes pieds ne firent aucun bruit. Je me retrouvai dans une autre aile et grimpai une volée de marches ; montant toujours plus haut. Des bougies éclairaient les lieux, leurs flammes projetant des ombres à même les murs, donnant vie à des formes qui n'avaient rien d'humain ou de réel.

Des voix me parvinrent et lorsque j'arrivais dans la salle d'armes, je ne fus pas surpris d'y découvrir Killian, Curtis et Siadhal qui semblaient grandement s'amuser.

Rien d'étonnant là-dessus ; j'avais entendu Dean se plaindre mainte et mainte fois de son Second et sa Main. Mon épaule alla appuyer contre l'arche et j'observai les deux loups se tourner autour, chacun une arme à la main. Siadhal était assis en hauteur, les jambes dans le vide, un sourire amusé aux lèvres.

Killian tenait un sabre turc dans sa main et Curtis... Eh bien. Savait-il seulement ce qu'il tenait ? Siadhal fut le premier à me voir. Il me fit un signe de tête. Les deux loups se jetèrent l'un sur l'autre et Killian bougonna contre les techniques plus que discutables de Curtis. Je n'étais pas sûr que j'aurais pu supporter d'avoir ces deux-là en continu avec moi. Dean était bien plus patient que je ne le serais jamais.

Bientôt, ce fut quand même Curtis qui se retrouva les fesses par terre, l'épée ayant glissé un peu plus loin. Je m'avançai vers eux.

— Joli spectacle, messieurs.

— Pathétique plutôt, dit Siadhal.

Curtis lui rétorqua quelque chose et Killian ramassa l'épée. Il observa la lame, curieux devant les symboles qui s'y trouvaient. Ce n'était pas qu'un simple entrelacs de lignes.

— Je n'avais jamais rien vu de tel, avoua-t-il en me tendant le pommeau pour que je la récupère.

— C'est normal ; elle est unique. Elle a été façonnée par la magie pour la magie.

Ce que j'appréciai chez Killian, c'était sa curiosité sans bornes. Cette envie qu'il avait de vouloir apprendre et tout savoir. Pour lui, la connaissance était primordiale.

— Ce n'est qu'une épée, lâcha Curtis.

Lui, par contre...

Je la soupesai, la faisais passer d'une main à une autre.

— Entre nos mains, oui. Ce n'est pas qu'une simple arme, c'est un artefact.

Une subtilité pour certains. Mais je savais très bien de quoi je parlais. Curtis haussa les épaules. Killian alla ranger le sabre et se tourna vers moi.

— Tu as été dur avec elle, dit-il.

— Je le sais, répondis-je. Tout comme vous n'êtes pas tendre lorsque quelqu'un vient sur votre territoire et dont vous ignorez tout de lui.

— Elle a été invitée à venir ici, non ?

Curtis me jeta un coup d'œil. Tout le monde allait se faire un malin plaisir de me le rappeler ?

— Tu devrais l'écouter, Aslander. Je sais qu'il n'est jamais facile de prêter foi à un pouvoir qui semble si...

— Intrusif, marmonna Siadhal.

Killian hocha la tête :

— Intrusif, oui. Mais elle est capable de voir des choses... c'est un don pour nous autre.

Mais pas pour elle, c'était cela ?

— Si elle peut sauver ne serait-ce qu'un enfant-esprit, je prendrais le risque.

Killian ne comprenait pas. Aucun d'entre eux ne pouvait être sauvé. Un jour, il y en avait eu un, mais il avait perdu énormément pour seulement vivre. Les enfants-esprits naissaient pour faire un lien entre la vie et la mort. Et après, ils retournaient auprès des Dieux.

Karora veillait sur eux.

Alors, la question était plutôt de savoir comment est-ce qu'elle pensait sauver ce qui ne pouvait l'être. Qu'avait-elle réellement vu ? Et pourquoi une telle vision ?

Sans un autre mot à ce sujet, les deux loups de Dean participèrent à ma séance d'entraînement matinale. Elle dura un long moment, le temps pour moi d'exorciser les vieux démons liés à mes souvenirs.

J'allais prendre une douche avant de me diriger dans la grande salle pour prendre mon petit-déjeuner.

Les couloirs étaient bien plus vivants dans ce côté-ci du Deity. Les servaes étaient toujours de bonne humeur et souriants. J'aimais les sentiments qu'ils apportaient au lieu. Aucun n'était enchainé au Deity ; s'ils voulaient partir, ils étaient en droit de le faire. Bien qu'il existât une clause les concernant. Forcément, ils travaillaient dans un lieu où les informations qui en sortaient devaient être minutieusement contrôlées. La plupart était des humains. Il y avait quelques loups, mais pas autant.

Le regard rivé sur les quelques papiers matinaux que m'avait fait parvenir Zhel, je faillis passer à côté de Siobhane sans même la voir.

Elle se tenait dans le couloir, au niveau des immenses ouvertures donnant sur les jardins. Je m'arrêtai pour la regarder, une moue collée aux lèvres.

Les voix de Zhel et Killian se mêlaient. Aucun des deux n'avait tort. Mais tout de même... Ce n'était pas à eux qu'il fallait que je fasse comprendre la vérité, mais à elle.

Sentant sûrement un regard braqué sur elle, elle se tourna et me vit. J'aperçus une sorte de peur dans son regard, très vite effacé par sa détermination. Je ne pouvais lui enlever ça.

— Je... j'ai conscience d'avoir été trop expéditive hier, dit-elle, précipitamment.

J'arquai un sourcil.

— Vraiment ?

Encore une fois, aucune once de gentillesse ne perça dans ma voix. Elle fit semblant de ne pas avoir entendu ma remarque.

— Mais je sais pourquoi je suis venue et je ne repartirais pas tant que je n'aurais pas agi comme je pense devoir le faire.

Elle avait des principes. Une ligne conductrice en quelque sorte.

— Vos rêves dictent-ils toute votre vie ?

— Ce ne sont pas de simples rêves. Il s'agit de visions. D'une réalité.

Sa voix avait été plus dure. L'espace d'un instant, elle avait été inflexible dans sa manière même de parler et d'être.

— Vous pensez donc être investie d'une mission ? m'enquis-je, cherchant à la titiller, à faire jaillir une vérité qui me paraîtrait être la bonne. Pour moi, pas pour elle.

Elle pinça ses lèvres. Gonfla ses joues, tentant sûrement de ne rien dire de stupide. Encore une fois.

— Je vous parle de pouvoir sauver un enfant et vous... vous transformez tout ça en quelque chose de risible. Pourquoi ? Pourquoi m'avoir fait venir si vous ne prêtez aucune foi en mes paroles ?

Mes doigts se crispèrent, froissèrent le papier.

— Je sais reconnaitre mes erreurs, Siobhane. Les enfants-esprits sont bien plus qu'une cause à défendre pour moi. Je recueille chacun d'entre eux et leur donne tout ce dont ils ont besoin. Je les aime comme s'ils étaient mes enfants. Que savez-vous d'eux ?

Elle ne répondit rien. Là était sa réponse.

— Aucun ne survit au-delà de vingt ans. Et encore, aucun n'a jamais atteint cette limite. Vous voulez en sauver un ? Mais comment ? Par quel moyen ? Qu'avez-vous vu vous laissant penser que vous pourriez y arriver ?

Elle pali légèrement face à mes paroles.

— Il y a toujours une exception. Vous en êtes la preuve, n'est-ce pas ?

Je faillis chanceler. Comment... est-ce qu'elle... savait-elle ? Savait-elle que j'avais...

— Vous avez tué un Mage. Et vous n'en avez pas payé le prix.

Le soulagement me gagna, puissant, libérateur. Je parvins même à sourire. Je fis un pas vers elle, jusqu'à me retrouver juste devant elle, quelques centimètres nous séparant. Son souffle se bloqua, ses joues rosirent, leur donnant une teinte intéressante.

— Sous mon toit, la curiosité est un bien vilain défaut. Voilà pourquoi je ne me permets pas de vous demander si vous êtes une Seeker déchue.

Elle ouvrit la bouche, mais je ne lui laissais pas le temps de parler :

— Ne vous avisez plus d'utiliser les souvenirs de mes hommes pour chercher à faire passer un message. Il y a une limite à ne pas franchir, Siobhane. Si vous ne voulez pas que je m'immisce dans votre vie, ne le faites pas dans la mienne.

— Mais il ne s'agit pas de nous ! Il s'agit d'un enfant ! Pourquoi ne voulez-vous pas l'entendre ? éclata-t-elle, hors de ses gongs.

Un aigle se posa sur le rebord de l'immense fenêtre. Il piailla, mais Siobhane ne sembla même pas le voir, trop occupée à me fusiller du regard.

— Je suis venue ici pour vous aider ! Et vous me rejetez sans même essayer de m'écouter.

— Vous ne me serez d'aucune aide. Quand vous l'aurez compris, je vous écouterais peut-être. En attendant, cessez de brasser inutilement de l'air quand je suis dans les parages, tonnai-je, parce qu'avec ses bêtises, elle commençait sérieusement à m'agacer.

Je me reculai, en ayant assez entendu de sa part et lui tournai le dos. J'avais faim.

— Je me débrouillai sans vous ! me cria-t-elle, une fois à l'autre bout du couloir.

Mon sourire se fit immense, mais elle ne put le voir. Je levai la main et la secouai.

— Si cela vous sied, faites donc !

J'avais hâte de voir de quoi elle était capable pour sauver quelqu'un qui ne pouvait l'être. 


*

*       *

*


Mon Aslander ne fait pas l'unanimité chez tout le monde, mais avouez-le, il est classe quand même ! xD (la meuf pas objective pour un sou !!!!!!)

Quelques informations très importantes ont été glissées dans ce PDV. On va utiliser des mythes réels si je peux dire, ainsi ne soyez pas trop surprises avec l'apparition de certains personnages que tout le monde connait :) 

Au-delà de ça, nous en apprenons plus sur les Aviela qui serait un terme pour désigner le peuple des Seekers ! Que pensez-vous de tout ça ? Est-ce que ça vous parle un peu ou pas du tout ? C'est un clin d'oeil un peu... particulier pour un personnage particulier de notre univers...; héhéhéhéhé :D

Allez, je file en cours avant d'être définitivement en retard <3

Joyeux anniversaire ma belle <3

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