2. Aslander
— Aslan.
Ce n'était pas Bryn qui était venu me chercher. C'était la douce Tamsyn avec ses yeux brillants et son cœur trop gros. Qui éprouvait trop et qui un jour, se briserait face à la dureté dont pouvait revêtir notre monde. Jusque-là, je la protégerais. De tout ce que je pourrais, en y mettant toute la ferveur dont j'étais capable.
Elle était la grande guérisseuse en chef ici. Celle qui supervisait les quelques rares Earhja. C'était une vieille lycan que je chérissais depuis bien longtemps. Elle était la compagne de l'un de mes Neuf. Elle était précieuse.
Elle n'avait pas eu besoin de mots pour que je comprenne. Je l'avais suivie, conscient qu'encore une fois, il n'y avait rien à faire pour les enfants-esprits. C'était une fatalité. Un ultimatum à chaque fois que j'en ramenais un ici. Jamais je n'avais eu de quelconques espoirs. Pas une seule fois.
Je savais. Au fil des années, j'avais appris à... savoir. Mais la colère demeurait. Toujours. Ainsi que ce sentiment cuisant d'impuissance.
Alors, je me tenais là, devant la sépulture de Moirin. Elle avait été mise en terre il y avait quelques heures maintenant. Nous n'avions pas été nombreux à être présents. Et alors que le ciel était grisâtre au-dessus de ma tête, je me tenais seul. Parce que cela avait été un souhait de ma part et que mes proches savaient lorsqu'ils devaient s'écarter un peu.
Le vent soufflait légèrement, chatouillant mon épiderme, piquant mes yeux.
J'étais au cœur des bois entourant le Deity, là où d'autres tombes se trouvaient, là où depuis des décennies étaient enterrés les enfants.
Certains étaient brûlés, mais Moirin avait souhaité qu'on garde une trace d'elle. Elle n'avait pas compris qu'un lieu n'était qu'un lieu. En même temps, elle n'avait été qu'une enfant, même si parfois, elle nous avait semblé bien plus adulte, bien plus mature. Ça n'avait pas seulement été une impression.
Elle était partie tôt dans la matinée, la maladie prenant le pas sur son esprit, sur sa combativité.
Ça m'avait mis un coup. Un de plus.
Perdre ces enfants, c'était à chaque fois perdre une petite part de moi-même qui leur avait été relié. Ils n'étaient pas ma chair, mais je les avais tous vu grandir. J'avais été leur instructeur, j'avais toujours tenté de leur inculquer des valeurs et des règles qui régiraient leur vie le temps que celle-ci dure.
Et à chaque fois, j'avais la sensation qu'ils partaient bien trop tôt. À chaque fois, ce sentiment d'oppression me gagnait, tout autant qu'un fort sentiment de trahison qui ne pouvait être compris que par moi.
Il y avait bien des siècles que j'avais cessé de blâmer les Divinités. Bien longtemps que j'avais compris que les choses arrivaient simplement parce qu'elles devaient arriver.
Alors, je récupérais ces enfants, je m'occupais d'eux, je leur offrais de l'attention et de l'amour. Pour mieux les voir mourir. Pour mieux ressentir cette douleur cuisante dans le fond de la poitrine.
On aurait pu penser qu'avec le temps, ça s'estomperait, mais la mort n'était pas une habitude. Elle ne le devenait jamais. Qu'on perde un parent ou des gens proches.
On ne pouvait pas s'habituer à la grande Faucheuse. Parfois, on savait quand elle venait, d'autres fois elle vous surprenait. Elle avait cette capacité à faucher vos pas et à vous faire tomber.
Dans ma main, une fleur d'une blancheur presque translucide. Des Symbalaë.
Elles ne poussaient étrangement qu'ici, autour du Grand Temple. Certains l'appelaient la Fleur de l'Empereur. Pour moi, elles symbolisaient le deuil. Chaque tombe en était recouverte. Comme un signe. Cette fleur me paraissait trop éclatante, trop belle. Je soupirai.
À l'inverse de mon père, le temps ne me rendait pas plus dur, plus insensible. Je ne pouvais pas l'être.
J'avais fait une promesse il y avait longtemps. De toujours aimer et protéger mon peuple. De le protéger de moi-même si cela devait arriver. C'était inscrit en mon âme.
Je ne voulais pas m'écarter de mes idéaux, parce qu'ils étaient tout ce que j'étais. J'étais un homme avec des principes, un homme dur et qui pouvait paraître inflexible, mais toujours, toujours j'étais juste et loyal. J'aimais les gens autour de moi.
Je ne voulais pas devenir un monstre. Je ne voulais pas goûter à la même folie que mon père.
Je laissai tomber la fleur sur la tombe. Quelques gouttes de pluie glissèrent sur mes joues, se perdant dans ma barbe.
Tout se ressemblait lorsque j'étais ici. Les moments, les sensations, les impressions. Et c'est cela qui était le pire. Parce que j'aurais très bien pu me tenir devant la tombe de Moirin ou d'un autre qui avait été de passage sur Terre. Il y en avait eu beaucoup.
Et tous, tous je m'en étais occupé comme s'ils avaient été miens. Alors, oui, à chaque fois ça faisait plus mal, encore et encore.
Une soudaine présence à mes côtés. Plus une sensation en fait.
Mes poils sur mes bras se dressèrent et de la buée se forma un instant quand l'air s'extirpa de mes poumons.
— Kaizer, souffla une voix un peu brute, dure, même.
La Divinité à mes côtés aurait pu être un homme ou une femme. Pour elles, il n'y avait pas vraiment de sexe, de genre.
Elles pouvaient choisir une enveloppe, une forme lorsqu'elles décidaient de fouler la Terre au côté des Hommes. C'était leur choix. Même si ça déséquilibrait la balance des puissances et des énergies circulant dans notre monde. Voilà pourquoi ces Divinités ne pouvaient pas agir par envie ou par caprice. Et toutes n'étaient pas gentilles. En fait, ça allait au-delà de ces considérations typiquement mortelles.
Les Divinités étaient autre chose. Une force brute qui régissait un ordre invisible. Si quelqu'un était arrivé à ce moment-là, il n'aurait vu personne d'autre que moi.
J'étais capable de voir les Divinités. Elles se manifestaient à moi depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Là était un des pouvoirs de l'Empereur, là était un Don qui me venait de qui j'étais. De qui j'avais été.
— Nogomain, le saluai-je, car là était son nom.
Là était ce qu'il représentait. Son sourire faisait froid dans le dos, hormis pour moi qui avais l'habitude. Il venait à chaque fois que je me tenais ici. Il dispensait quelque chose, il priait. Et c'était toujours étonnant venant d'une Divinité elle-même.
Parce qu'on priait pour elles. Parce qu'on leur vouait un culte et que plus les fidèles étaient importants, plus les pouvoirs d'une Divinité grandissaient. C'était proportionnel. Comme quoi, ce monde astral semblait bien pensé. Je n'avais pas compris tout cela en lisant des livres ou de vieux écrits, même s'ils en existaient quelques-uns gardés avec une très grande attention dans une Galerie bien cachée et surveillée. D'autres petites merveilles s'y trouvaient, vestige de l'histoire des Hommes, de contes et de légendes. Non, j'avais été instruit par les principaux concernés. Et les cours avaient été particulièrement... intéressants ? Cela avait été comme d'apprendre aux côtés des Mages, ancêtres des Sorciers, et des personnes bien plus enrichissantes.
Les Mages ne possédaient pas la même magie que les Sorciers. D'après l'un de mes plus vieux amis, les Changeurs étaient les descendants directs de la première lignée de ces surnaturels. Il y en avait peu en ce bas monde et la rare Changeuse que je connaissais bien était aux États-Unis ; un véritable gâchis à mon sens, heureusement que j'appréciais l'Alpha pour qui elle aurait été capable de tout.
Les Divinités ne dévoilaient jamais leur secret. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, ma lignée était liée à Elles depuis des siècles, si ce n'est des millénaires. Tant et si bien que je pouvais dire sans aucun problème que j'étais dans la confidence des Dieux. Plongé dans leur secret. Mais tout avait un prix. Parce que rien n'était à ce point gratuit.
— Aucun cœur n'est assez grand pour porter tant de deuils en son sein, Kaizer.
Je souris, bien malgré moi. C'est souvent ce qu'on répétait ici. Et c'était d'autant plus vrai pour les humains. Leur existence était trop éphémère pour qu'ils passent des années à pleurer des êtres chers. Mais nous, lycans, pouvions le faire sans avoir l'impression que dix années étaient passées. Notre longue vie était aussi un fardeau à bien des égards. Le temps ne nous changeait pas. Les siècles préservaient notre cœur. Et parfois, cela pouvait nous tuer à petit feu. Mon père n'avait pas oublié ma mère. Et ça l'avait rendu fou. Parce que son loup avait perdu son Anchor. Parce que tous les deux, ils avaient perdu une partie d'eux que rien ne leur ferait jamais retrouvés.
— Est-ce que vous avez seulement un cœur, vous ?
Les Divinités étaient au-delà de tout. C'était à la fois clair et un peu stupide, mais pourtant, c'était ça. Elles n'étaient pas comme nous, Hommes et Lycans confondus. Avaient-elles seulement un cœur ?
Quand je repensais à Salil, je me disais que oui, forcément. Et puis je me rappelais. N'avait-il pas été unique ?
Nogomain se tourna vers moi. Son regard était d'un gris étonnant. Qui rappelait le ciel au-dessus de ma tête. Qui me rappelait les journées de deuil et de pluie. Parce qu'en mon cœur, l'une n'allait pas sans l'autre.
— Ce jour-là, tu as reçu un cadeau inestimable, fils des Dieux. Il ne sert à rien de pleurer l'un des nôtres. Parce que nous sommes et serons toujours.
Si simple dit ainsi. Ça n'avait de sens que pour eux.
— Un cadeau qui pèse lourd sur mon âme, Nogo.
Et qui continuerait de le faire. Parce que Salil avait eu une place toute particulière dans mon cœur et qu'il l'aurait encore très longtemps. Ce petit Dieu oublié...
— Tu manques beaucoup à Karora, Aslander. Elle m'a dit qu'elle ferait pleurer les étoiles cette nuit pour ta perte.
Et il s'en fut, comme il était arrivé.
La pluie continuait de tomber, glissant sur ma nuque, s'engouffrant sous mes vêtements.
Je tendis alors légèrement un bras et un aigle vint s'y poser, enfonçant ses longes serres pour se stabiliser. C'était un oiseau magnifique, avec des plumes incroyablement douces, mais avec un caractère de chien. Il sembla piailler à mes oreilles, attendant que je lui mette un petit coup sur le bec. C'était presque comme s'il ricanait maintenant.
Cashel passait beaucoup de temps sous cette forme, tant et si bien qu'il avait parfois beaucoup de mal à se comporter en être humain lorsqu'il était en société. C'était toujours assez drôle à voir. Il avait plus l'habitude d'être entouré des siens ; mes Neuf, que du quidam. Cashel veillait énormément sur les enfants ici et avait tissé des liens avec chacun d'entre eux. Sa peine était d'autant plus tangible que la mienne, même si jamais il ne le montrerait. Il avait sa fierté. Surtout, il avait sa façon de gérer.
Les hommes et femmes qui m'entouraient étaient tous de puissantes créatures, des guerriers chevronnés en qui j'avais une confiance aveugle. Il pouvait bien tous paraître fous ou complètement psychopathes, j'avais toujours su à quoi m'en tenir avec eux et ça me suffisait.
Restant là encore quelques minutes, l'aigle sur mon bras, je laissai ma peine et cette légère colère s'estomper.
Je devais être un homme du présent, un homme d'action. Sans pour autant effacer le passé de ma tête. Parce que c'est ce qui m'avait forgé. J'étais ainsi grâce au temps passé. Alors il ne servait à rien de ne pas se retourner. Il fallait juste le faire à propos.
Je lançai une vieille prière dans un langage qui n'était parlé que par les plus vieux peuples de ce monde. La langue des Dieux.
C'était une prière pour Moirin. Pour que son âme d'enfant retourne aux Divinités Créatrices. Pour que son âme soit en paix et qu'elle puisse revenir un jour sur Terre. Une sorte de réincarnation.
Ma mère avait de nombreuses fois chanter cette prière lorsque j'étais encore un jeune enfant. Ce n'était pas un chant funèbre.
— Mais un chant d'espoir, fils. J'accompagne les morts dans leur ultime voyage. J'accompagne les morts au-delà du Temps du Rêve. Parce qu'il ne faut pas les laisser seuls.
Le temps altérait lentement les souvenirs que j'avais d'elle. Sa voix était-elle la même que la sienne ? Je ne me rappelais pas.
Les beaux souvenirs avaient été volés par l'horreur. Et le sang. Par le hurlement d'une mère protégeant son enfant. Et le payant de sa vie.
J'empruntai le sentier pour retourner au Deity. Cashel volait au-dessus de moi, battant des ailes par intermittence, se laissant aller au gré des courants.
Tamsyn attendait à l'abri de la pluie, les yeux brillants et les joues inondées de larmes. Il y avait de vieux écrits qui racontaient que les loups guérisseurs étaient des animaux qui ressentaient plus que quiconque, ceux qui vivaient dans l'empathie constante. Et quand je la voyais, je comprenais ces mots. Tamsyn avait un cœur immense, tout autant que Bryn, mais Tamsyn était plus vieille, beaucoup plus vieille. Elle avait vu des guerres, elle avait perdu bien des êtres chers dans sa vie. Qui ne reviendrait jamais.
Lorsque j'arrivai devant elle, elle posa ses deux petites mains sur mes joues. Tamsyn était une belle femme. Élancée, de grandes jambes et un visage d'une douceur infinie. Elle avait des yeux qui étaient le reflet parfait de son âme et un sourire contagieux. Lorsque Tam se laissait aller à sourire ou à rire, tous les maux du monde étaient oubliés. Tout s'envolait dans un nuage de fumée et ne restait qu'une impression candide.
J'attrapai son poignet entre mes doigts :
— Ne pleure pas, Tamy, soufflai-je. Moirin mériterait que tu ries et chante pour elle.
— Tu pleures aussi, Aslan. Je le sens.
Impossible de lui mentir. J'essuyai l'une de ses larmes de mon pouce. Et l'attirai dans mes bras. Ses petits bras autour de mes hanches. Son visage pressé contre mon torse. Sa peine.
Tous, nous aimions ces enfants.
Tous, nous les chérissions à notre manière.
*
* *
*
— Gann.
L'homme se tourna vers moi, sourire aux lèvres, mais regard sombre et tourmenté. Il n'était pas très grand tout en ayant une stature qui imposait bien plus que du respect. Son visage portait les stigmates de son âge et des batailles qu'il avait dû mener. Chez Gann, tout se jouait dans le regard. Il était homme à ne pas faire de concession, à mon image, voilà pourquoi je l'avais choisi pour être le Koning de La Nouvelle Galles du Sud, là où se trouvait Sydney, là où j'exerçai mon rôle d'Empereur. L'Australie ne possédait que sept grands États, tous gouvernés par des Rois – des Konings – ou des Reines.
— Aslander.
Nous nous donnâmes l'accolade et je pressai son épaule de mes doigts. Gann était un ami. Une personne en qui j'avais confiance et qui ne se retournerait jamais contre moi. Ce n'était pas une simple question de confiance. C'était au-delà de toute forme de loyauté, même. Je n'avais pas choisi les Konings par dépit. Oh, non. Chaque décision avait été murement réfléchie et même si tout le monde ne pouvait pas toujours être d'accord, ces hommes et ces femmes se devaient de porter les mêmes valeurs, les mêmes devoirs et les mêmes aspirations que moi.
J'étais le Kaizer. Je choisissais les personnes de confiance et j'entérinai toute forme de contestation quand celle-ci n'était pas fondée.
Je n'étais pas un despote.
J'écoutai, j'entendais et je tranchai. Parce que là était mon rôle après tout.
— Tu as mangé ? demandai-je à mon vieil ami.
Il secoua la tête et je lui fis signe de me suivre. Autant discuter et manger en même temps. Des obligations allaient m'occuper tout le reste de la journée. Merci à ce cher Arzhel.
Nous fûmes servis une fois dans la grande salle à manger ouverte, donnant sur le jardin et laissant l'air s'engouffrer. Je n'aimais pas les espaces clos. C'était comme être en cage. Et se laisser mourir à petit feu. Alors, ce palais était à l'image des palais d'antan : il y avait le minimum de fenêtres et même en hiver, c'était ainsi.
Nous ne devions faire qu'un avec la nature. Nous étions des hommes-loups. Nous faisions corps avec mère Nature.
Plus jamais je ne voulais me retrouver enfermer.
Nous étions faits pour courir dans de grands espaces. Pour vivre à l'air libre.
— Alors, qu'est-ce qui t'amène ?
Gann ne venait pas souvent. Le temps lui filait entre les doigts, comme pour tous les autres.
Les Konings ne faisaient pas que gérer un territoire. Ils géraient des Alphas, des lycans. Des meutes entières. C'était avoir des yeux et des oreilles partout, tout en gardant en tête les priorités. Gann était le genre de lycan à s'occuper des autres sans aucune distinction. Cela n'était pas forcément bien vu de tout le monde, mais même les humains ne prenaient pas ça à mal. Là était toute la différence avec les États-Unis. Ils savaient que nous étions parmi eux depuis des siècles. Certains avaient grandi avec les lycans.
C'était plus que de la cohabitation. C'était vivre ensemble.
Les humains connaissaient mon visage. Ils savaient tous qui j'étais ou ce que je représentai. Parce qu'ici, ça ne pouvait être autrement.
— Chéri la vie, Aslander. Qu'elle soit éphémère ou immortelle. Tu te dois d'aimer. Sois juste, mais inflexible dans tes idéaux. Sois dur, mais bon dans tes décisions.
Aimer. Gouverner. Veiller.
Le bien commun.
Gann s'essuya le coin de la bouche et se rencogna dans son siège. Il déposa sa serviette et soupira :
— Il y a des tensions au niveau du territoire de Shiel.
Ce dernier était le Koning de l'État de Victoria.
— Comme toujours, dis-je avec un haussement d'épaules. Il est encore jeune et sur certains aspects, inexpérimenté. Mais il sait prendre les décisions qui s'imposent, quelle qu'en soit l'issue.
Gann fit la moue.
— Là n'est pas la question, Aslander. Il a nommé des Herres qui amènent plus de merdes qu'autre chose.
Ce n'était pas complètement faux.
Les Herres étaient sous les ordres directs des Konings. Ils avaient un territoire dédié avec plusieurs villes à l'intérieur, villes où des Alphas vivaient avec leurs meutes. Les Herres étaient en quelque sorte une extension des Konings, voilà pourquoi ces derniers se devaient de les choisir avec beaucoup de précision, d'attention même.
Je ne mettais pas mon nez là-dedans. Mes Rois et Reines avaient des prérogatives que je leur avais données. Ce n'était pas pour changer cela sur un coup de tête.
— J'ai nombre d'hommes là-bas et je n'aime pas entendre ce qu'ils me rapportent.
Gann ne faisait pas confiance facilement. Il guettait et surveillait énormément Shiel pour la simple et bonne raison qu'il était encore jeune. Trop jeune à ses yeux. Mais pour moi, la jeunesse ne transparaissait d'aucune faiblesse quelconque.
Gann pouvait être obtus, néanmoins, lorsqu'il était temps, il savait reconnaitre ses erreurs.
— Si vraiment des Herres commençaient à se permettre certaines choses, cela ne resterait pas sans conséquence, Gann. Là est le rôle de nos Godar. Ne te focalise pas sur Shiel et ses décisions. À moins que tu ne veuilles que je n'étende ton territoire, dis-je avec un sourire.
Gann leva les yeux au ciel.
— J'ai déjà bien assez à faire par ici, si tu veux tout savoir.
Aucun doute là-dessus.
— Laissons chacun là où il doit être, Gann. C'est en faisant des erreurs qu'on apprend. Tu as été jeune aussi, mon ami. Jeune et sot.
La mélancolie sur son visage. Un sourire fait d'échos de souvenirs.
— Tu as raison. Comme toujours. Mais n'oublie pas que je t'aie prévenu. Si quelque chose de mal arrive, j'aurais la conscience plus apaisée.
— Vraiment ? J'en doute.
Gann était ainsi fait.
Une Sevae se glissa dans la pièce, tenant un plateau. Elle s'arrêta à mes côtés :
— Kaizer.
Un papier reposait sur la surface étincelante. Je le pris et reconnu sans mal l'écriture d'Arzhel. Il avait griffonné à la hâte quelques lignes. Je remerciai la jeune fille et me levai :
— Je viendrais te voir, dis-je.
Gann se leva à son tour :
— Je le dirais à Nila. Elle aime t'avoir à la maison.
— Sûrement parce que je suis plus gentil et plus mignon que le vieux ronchon que tu es.
Gann éclata de rire.
— À n'en pas douter.
Nous nous séparâmes dans les couloirs et je pris la direction du bureau d'Arzhel. J'entrai sans frapper et le trouvai assis sur l'un des fauteuils, lunettes sur le nez et tête plongée dans un document.
— Ne t'ai-je pas déjà dit cent fois de soigner cette écriture de cochon, Zhel ?
Ce dernier ne releva même pas la tête.
— Tu ne fais juste aucun effort, comme toujours, répondit mon Conseiller. Dean Campbell a appelé.
J'appuyai ma fesse contre un des accoudoirs du canapé, juste face à Arzhel.
Dean Campbell était un Alpha des États-Unis. Il perdait son temps là-bas, tout autant qu'Hermès, mais faire entendre raison à ses têtes de mules était impossible.
— Il souhaiterait faire venir quelqu'un ici. Dans une des tribus.
Au cœur de l'Australie vivaient des Aborigènes qui se transmettaient leurs savoirs génération après génération.
Ils étaient le peuple des Divinités.
— Vraiment ? Est-ce l'un des siens ?
Sinon, pourquoi appeler ? Dean connaissait les règles, si ce n'est les lois. Certaines tribus étaient plus facilement abordables que d'autres. Mais certaines n'étaient approchées que par quelques rares personnes.
— Ce n'est pas un lycan. D'après ce que j'aie compris, ce serait un humain. Il n'a pas dit grand-chose d'autre. Hormis qu'elle avait peut-être vu un enfant-esprit dans ses rêves et que cela serait susceptible de t'intéresser.
Je fronçai les sourcils à l'instant où le fax d'Arzhel se mettait en route. Il se leva et alla chercher ce qu'il venait de recevoir.
— C'est l'un des symboles qu'elle entreverrait souvent dans ses rêves.
Il me le tendit.
Les lignes ne mettaient pas inconnues. Elles étaient porteuses d'une histoire. D'une vérité.
— Envoi Siadhal à Bear Creek Village. Si elle doit venir, ce sera avec lui.
Il était déjà là-bas, surveillant deux jeunes loups et les leurs.
Arzhel me regarda un instant :
— Tu es sûr ?
Je refermai mon poing sur le dessin.
— Fais-le.
Cette nuit-là, comme Karora l'avait promis, le ciel se fit magnifique.
Les étoiles pleurèrent pour Moirin.
Elle s'en était allée rejoindre les Divinités.
*
* *
*
Et voilà un deuxième PDV de notre Empereur des loups ! (ça en jette quand même, avouez :O) Qu'est-ce que vous pensez de lui ? De sa façon de penser ? J'ai très envie de savoir :D
Sur cette histoire, on s'axe énormément sur les Divinités du Folklore Australien et autre. C'est très intéressant et chaque nom de Dieux et Déesses n'est pas une invention de notre part :)
Sinon, comment vous allez ? Bien j'espère ! :D On se dit à bientôt les fiiiilles <3333
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