Prologue

    Elyne inclina légèrement son chapeau avec son petit sourire. Le soleil était beau en ce jour si important. Elle inspira l'air pur, tout en écoutant les charettes rouler sur les pavés irréguliers. Les odeurs du port non loin lui parvenaient et lui chatouillaient le nez. Mille fois elle avait fait ce trajet, mais jamais elle ne s'en lasserait, elle le savait. Pouvait-on, après tout, se plaindre de la bonne humeur ambiante, des enfants qui jouaient dans un coin, des femmes qui discutaient en tenant les échoppes et des hommes qui riaient en tirant les lourdes charges ? Non, elle ne s'imaginait pas quitter son petit coin de paradis, à deux rues de son modeste grenier, et à trois du moulin où elle se devait de travailler.

    La femme tourna au coin de la rue et continua son chemin en chantonnant la ritournelle que lui avait enseigné sa mère. Elle remit bien son panier sur son bras, releva un peu sa robe et monta quelques marches. Deux petites minutes après, elle put pousser la lourde porte de bois, toussant sous la poussière. Elyne posa le panier avec douceur sur la petite table à sa droite, et se saisit du balai pour commencer son travail. Tandis qu'elle nettoyait près d'une fenêtre, elle entendit des cris. Elle releva la tête pour regarder au travers du carreau qui déformait le paysage. Un jeune homme courait, trébuchait et se relevait, poursuivi par quatre soldats du royaume, tous dans leurs uniformes bleus et blancs. La femme observa les soldats rattraper l'homme, le frapper, et écouta les cris de haines mêlés à ceux de peur et de douleur. L'homme se protégeait la tête avec ses bras, comme il le pouvait. Soudain, l'un des soldats le saisit par le col et le força à se lever pour lui passer les menottes. La suite lui échappa : ils avaient disparu derrière les murs. Elle se détourna en soupirant.

    Voilà dix ans que ce régime de terreur existait. Une minorité de la population était désignée par le terme de « sorcier » ou de « sorcière » et était chassée de partout. Ordre du roi. Le peuple connaissait mal ces hommes et ces femmes. À vrai dire, ils ignoraient presque tout d'eux. Mais on les haïssait, tout simplement. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient hors-la-loi. Alors on les enfermait dans les plus terribles prisons du royaume de Kanonikos et on les brûlait sur la place publique. Qu'importe, tant qu'ils disparaissaient et qu'ils ne faisaient pas de remous, tous étaient heureux.

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