CHAPITRE 10 ( Partie 02 )


    Après avoir passé la nuit entière entourée par la fraîcheur de l'automne, l'air chaud qui emplissait la chambre fit un bien fou à Willbert. Assis sur le lit défait, à côté d'Aelis, il faisait face à la cheminée à côté de laquelle se tenait Angel, adossé nonchalamment au mur, les bras croisés.

    La pièce était plutôt vide, et ses meubles plutôt vieux; le lit ne cessait de grincer à chaque infime mouvement, et la seule chaise présente rendait l'âme. L'unique décoration était un tableau poussiéreux que Willbert définirait comme angoissant. La lumière rougeâtre qui émanait de la cheminé peinait à illuminer la pièce aux tons beaucoup trop sombres, de même pour l'unique fenêtre par laquelle se faufilait les dernières lueurs du jour.

    Depuis leurs arrivées, personne n'avait prononcé un mot excepté Angel. Ce dernier n'avait pris la parole que pour les inviter à entrer, puis à s'asseoir. Étonnamment, leur hôte qui affirmait la veille avoir perdu assez de temps, ne semblait aucunement pressé, et attendit patiemment que l'un ses invités brise le silence.

   - Et donc... lâcha le noiraud après quelques instants, indécis.

    Angel sourit un peu plus.

   - Et donc, vous venez pour obtenir des réponses, continua le blond à sa place.

    Willbert se contenta d'un hochement de tête.

   - Commençons par l'histoire qu'Aelis t'as raconté

   - Celle que tu disais incomplète, dit le noiraud.

   - Exact, affirma-il.

    Il se décolla du mur, et s'avança vers le tapis non loin de la cheminée pour s'y installer confortablement. Lorsqu'Angel commença à parler, l'ombre des flammes semblait danser au rythme de son récit.

   - Dans le monde d'où je viens, nombreux étaient ceux qui pratiquaient la magie, il y avait même certains enfants qui étaient amenés à devenir apprentis dès leurs très jeunes âges. Différents types d'enchantements existaient, et servaient les habitants de ce monde dans leur quotidien. Ces derniers s'étaient tellement attachés à la magie qu'ils avaient fini par en devenir dépendants. Jamais personne n'avait imaginé qu'elle pouvait tout bonnement disparaître.

    Il souffla un instant avant de reprendre, sa main jouant inconsciemment avec la laine du tapis sur lequel il était assis.

   - Toute chose à besoin d'une source pour exister, et ce, dans n'importe quel monde. Il est tout bonnement impossible de créer quoique ce soit à partir du néant, et même la magie n'échappe pas à cette règle, enchaîna-t-il.

    Quelques fils s'échappèrent du tapis qu'Angel fixait désormais, il donnait l'impression d'être happé par son propre récit.

   - Ces sources étaient appelées Pierres Célestes. Ils procuraient à quiconque en possédant une, un pouvoir unique qui ne dépendait pas seulement de la puissance de la pierre, mais aussi du cœur de son propriétaire. C'est pourquoi certains les surnommaient Pierres de Coeurs.

   - De son coeur ? intervint Willbert.

   - Disons de la personne qu'il est au plus profond de lui, expliqua Angel. C'est pourquoi, la même pierre peut donner naissance à un pouvoir magnifique, comme hideux. Mais la puissance de la pierre en elle-même avait également toute son importance.

    Une pierre qui reflète la nature la plus profonde d'une personne. Willbert trouva ce concept effrayant, et ne put s'empêcher de penser à ce qu'aurait reflétait une pierre pour lui. Après réflexion, il préféra ne jamais le découvrir. Au fond de lui, il pensait bien le savoir, c'est pourquoi il était convaincu qu'en avoir la confirmation l'anéantirait.

   - La plus puissante d'entre elles était connue sous le nom d'Étoile. Les anciens disent qu'elle serait littéralement tombée du ciel, semblable à un cristal, mais aussi solide qu'un diamant. Personne ne sait si toutes ces informations sur son apparence et ses origines sont vraies, peut-être que ce ne sont que légendes et rumeurs qui se sont transmises à travers les époques, mais nul doute que l'Étoile existe.

    Angel fixa Willbert droit dans les yeux avant d'annoncer:

   - Et c'est également ce que protégeaient les gardiens, en plus du portail.

   - Vous avez mis un objet aussi important sous la protection de quatre personnes seulement? Et vous vous étonnez qu'on ait pu vous le voler! s'exclama Willbert.

    Face à la réaction du jeune homme qui s'était légèrement emporté, Aelis sursauta.

   - Je comprends que tu puisse trouver cela étrange mais-

   - Inconcevable, le coupa Willbert. Pas étrange, inconcevable.

  Inconcevable, se corrigea Angel d'un air presque moqueur. Cependant, je ne crois pas que tu sois vraiment conscient de la puissance des gardiens.


    - Et bien d'après ce que j'ai compris, il avait suffi de quelques rebelles pour avoir raison d'eux, alors permet moi de douter, rétorqua le noiraud.

    Angel se tut alors et se remit à fixer Willbert. Ce dernier fronçait de plus en plus les sourcils à mesure que les secondes passaient, se demandant s'il avait dit quelque chose que le blond aurait mal interprété, ou mal pris. Toutefois, lorsque Angel détourna les yeux vers les flammes de la cheminée, la fixant du même air songeur, le noiraud comprit que le jeune homme s'était tout simplement perdu dans ses propres pensées.

Laissant leur narrateur le temps de se reprendre, il continua à l'observer; les lueur rougeâtre que renvoyait la cheminée se reflétait dans ces yeux irréel, donnant l'impression qu'un incendie se propageait en lui, sans jamais parvenir à raviver la flamme de son coeur, car son regard demeura éteint.

   - Contrairement à la version d'Aelis, le meurtre des gardiens n'était pas le fruits de simples rebelles, dit-il finalement après son long silence.

   - Je croyais que c'était justement le nombre de ces simples rebelles qui avait eu raison de vos grands gardiens.

   - Oh non, le contredit Angel, peu importe combien ils étaient, ils n'auraient jamais pu tenir tête à nos grands gardiens, comme tu aimes les appeler.

   - Alors que s'est-il passé exactement?

   - Seul un gardien peut venir à bout d'un autre gardien.

   - Il y a eu un conflit? S'étonna le noiraud.

   - Ce qui guida à une trahison.

Le sujet restant assez sensible pour Willbert, celui-ci fronça des sourcils et ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour son ancien ami. Un mélange de tristesse et de haine qui traversait son âme à chaque fois que les souvenirs douloureux remontaient. Leur passage ne passa pas inaperçu pour Angel qui se tut pour le regardait comme s'il fouillait son esprit, à la recherche d'une vérité qui expliquerait ce changement d'expression soudain.

   - Une trahison...? Mais trois des quatre gardiens sont morts... C'est donc la seule survivante qui aurait fait cela? Intervint Aelis pour la toute première fois, forçant Angel à détourner son attention de Willbert.

   - Absolument pas. Encore une fois, la version que vous avez n'est pas totalement juste; seulement deux des gardiens sont morts.

   - Je ne te suis plus.

   - Très bien, reprenant depuis le début. Quatre mages aux pouvoirs incommensurables se retrouvent confiés deux objets de grande valeur qu'ils devront protéger à n'importe quel prix. Quelque temps plus tard, l'un d'eux, du nom d'Einrì, avide de pouvoir, décide de s'approprier cette puissance, trahissant ainsi les trois autres. Il finit par assassiner deux autres gardiens, mais Elyon parvient à s'échapper, emportant le portail.

    Le noiraud avait du mal à croire à tout cela. Il lui était déjà difficile d'imaginer l'existence d'un autre monde, alors toutes ces histoires de magie et de gardiens... Il continua tout de même à questionner Angel, de plus en plus intrigué.

   - Que lui est-il ensuite arrivé à ce Einrì?

   - Il ne s'était pas contenté de se débarrasser des gardiens. Ses prochaines victimes n'étaient autre que la famille royale. Il a arraché sa couronne au roi, après l'avoir sauvagement assassiné, en plein milieu de la cour royale.

  - Oh mon dieu... murmura Aelis.

    Si au début l'histoire que leur narrait Angel avait tout d'un conte de fées, ce n'était guère le cas. Plus il avançait dans son récit, racontant en détails tout ce que leur avait infligé Einrì au cours de son règne, et ce qu'il continuait de faire, plus Willbert voyait ce monde de magie se transformer en horreur.

    Toutes les images féériques que s'était construit le noiraud dans sa tête s'effondraient pour laisser place à l'injustice, les meurtres, la famine, et tout un tas d'autres misères que subissait le peuple. Un peuple qu'Einerì avait également privé de sa magie en leur arrachant leurs pierres afin d'éviter une rébellion.

    Même si toute cette histoire les dépassaient, et que plus ils en écoutaient, plus le noiraud trouvait judicieux de ne pas s'emmêler. Mais Willbert, comme Aelis, ne purent retenir leur curiosité et ne cessèrent de poser de plus en plus de questions.

   - Et toi? Intervient Aelis à l'égard d'Angel.

   - Moi?

   - Dans tout ça, quel est ton but? Je suppose que tu ne nous a pas raconté votre Histoire sans qu'elle n'ait un rapport avec notre présence ici, et ta proposition de nous rallier.

   - tu supposes bien..

    Le noiraud qui continuait de fixer Angel vit le moment précis où son expression changea, son visage reflétait une réelle détermination.

   - J'ai besoin d'atteindre le roi, annonça-t-il d'une voix assurée.

   - Oh, rien que ça! s'exclama le noiraud d'un ton faussement enjoué. Ce n'est pas comme s'il possédait ce qu'il existe de plus puissant en votre monde, alors tout va bien.

    Angel n'apprécia visiblement pas sa plaisanterie au vu du regard noir qui lui lança.

   - J'ai un plan, répondit plus sérieusement le blond. Je doute qu'il soit facile à accomplir, mais ce n'est pas non plus impossible.

    Un plan? C'est très vague tout ça, songea Willbert.

   Il ne pouvait tout bonnement pas accepter de se joindre à lui avec si peu de détails, surtout pour une expédition qui s'avérait être plutôt dangereuse finalement. Mais alors qu'il attendait qu'Angel poursuive, ce dernier s'était tu.

   - Écoute, dit Willbert, je ne veux pas briser tes rêves, ni ta motivation, mais tu n'es pas un héro. Si la situation est ainsi depuis longtemps c'est que ça ne doit pas être aussi facile à régler.

   - Un héro? rit faussement Angel. Absolument pas. Mes actions ne sont pas aussi nobles, je le fais uniquement pour moi-même.

   - C'est-à-dire?

   - J'ai moi aussi perdu quelque chose de très chère. Quelque chose dont je ne mesurais pas l'importance, et je ferai tout pour la récupérer.

    Sa dernière phrase murmurée contenait tellement de douleur. Or cette douleur semblait tellement... fausse?,  pensa Willbert. Comme s'il ne la ressentait pas réellement mais qu'il avait plutôt le besoin de la ressentir.

    Avec cette seule réflexion, Willbert parvint à cerner ce qui le dérangeait le plus chez l'autre jeune homme, et la raison pour laquelle il ne pouvait s'empêcher d'être mal à l'aise en sa présence; aucune des expressions qu'il avait montré jusqu'ici ne paraissait sincère, toute fabriquée pour que les sentiments qu'il mettait dans ces paroles semble plus vrai. Se rendait-il seulement compte? Difficile à dire, Willbert trouvait impossible de cerner les pensées d'Angel, ce qui empêchait toute confiance entre eux.

   - Et qu'aurons-nous à y gagner? Pourquoi devrions-nous te suivre?

    Suite à la question d'Aelis, Angel reporta son attention vers elle. Si la méfiance de Willbert pouvait clairement se lire sur son visage, les pensées d'Aelis étaient soigneusement cachées derrière un visage de marbre. C'était bien là une chose qu'elle avait appris en vivant aussi longtemps dans les faux semblant; toujours faire attention à ce que reflète son visage pour ne rien laisser paraître de ce qui se passait réellement dans sa tête.

   - Je pensais que vous vouliez simplement satisfaire votre curiosité, répliqua Angel.

   - Pas si cela signifie de nous mettre en danger.

   Rien que le fait qu'il insiste autant alors qu'il ne voulait pas de nous au début n'est pas très net.

   - Vous pouvez également y trouver votre compte, mais je préfère vous expliquer tout cela plus tard. Tout ce que je vous ai appris aujourd'hui est déjà trop d'un coup.

   Je ne peux pas le contredire la dessus.

   - Très bien tu nous exposera ce fameux plan, ainsi que tout ce qui va avec, plus tard, décida le noiraud. Parlons plutôt de cette promesse que tu m'as faite. Celle où tu disais me prouver que je pouvais avoir confiance en toi.

   - Bien sûr.

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