CHAPITRE 07 ( Partie 01 )
L'ange s'était finalement avéré être un démon.
Panique et rage; tels étaient les deux sentiments qui se bousculaient en Willbert. Il se sentait idiot d'avoir été dupé aussi facilement, lui qui était toujours attentif, prudent. Il aurait suffi qu'il baisse sa garde, qu'il soit trop faible pour refuser l'aide de son prétendu sauveur, pour que ce dernier lui rappelle l'amer goût de la trahison.
Depuis quand ne s'était-il plus sentit ainsi? Certainement depuis Eden. N'avait-il pas décidé de ne plus s'encombrer de ce genre de sentiments? Il était sûrement trop tard, et la brûlure qu'il ressentait à la poitrine en était témoin; on aurait dit qu'un incendie s'était déclaré au fond de lui, se chargeant de lui rendre la respiration difficile. Il étouffait sous ses sentiments et ses regrets.
Pendant cette soirée, il avait vu en Angel un ami. Ses sourires et ses paroles avaient pourtant l'air si sincères, mais il aurait définitivement dû se méfier de son regard. Après tout, il n'avait connu que cela toute sa vie: les coups bas.
Mais alors, qu'en était-il d'Aelis? Non, la jeune fille était différente. Comment en être sûr? Après tout, seulement quelques heures plus tôt, il pensait encore qu'Angel l'était aussi. Il se contre disait lui-même; c'était comme si deux personnes dont les avis différaient complètement, débattaient dans son crâne.
Avec toute ses idées noires qui envahissait sa tête, cette dernière commença à devenir de plus en plus douloureuse, et une sensation d'oppression le gagna; il entendait son coeur s'emballer, sentait ses veines pulsées, et l'oxygène semblait à peine atteindre ses poumons.
Le vent frisquet du matin souffla, et le noiraud inspira une bouffée d'air, tentant de se calmer. Paniquer ne lui ferait que perdre du temps, or, il en manquait déjà cruellement. Il ne savait malheureusement pas à quel moment Angel avait quitté le camp, ni vers où il s'était dirigé, il était donc possible qui ait déjà quitté le village. Dans ce cas, les chances qu'il avait de le retrouver étaient quasi nul.
Réfléchit Will, Réfléchit. Il a sûrement dit quelque choses hier qui pourrait le trahir. N'importe quoi, même un infime détail peut être extrêmement utile à présent.
Willbert se passait leur discussion en boucle, encore et encore, de l'arrivée au camp, jusqu'au moment où il était allé se coucher. Tout en réfléchissant, son regard se perdit sur son entourage, sans vraiment y prêter importance. Cependant, quelque chose finit par retenir son attention, le tirant de sa profonde réflexion. Il n'avait finalement pas tout emporté, son sac était encore au sol, tout près de la tante.
Curieux, il s'en approcha , s'accroupit, tendit la main vers lui, et le trouva étonnamment intact; absolument rien ne semblait manqué. Mais alors, pourquoi aurait-il pris la peine de lui enlever son collier, s'il avait pu tout simplement récupérer ces quelques babioles qui valaient peut-être plus que son vieux bijoux? Willbert remarqua alors un petit bout de papier tout en haut de cette montagne d'objets. Il l'attrapa et le déplia doucement, presque inquiet de ce qu'il pourrait bien contenir.
L'écriture qu'il supposait être celle d'Angel était fine, soignée, particulièrement belle. Un simple "Je suis désolé." noircissait cette page vierge. Le jeune homme fronça des sourcils, surpris. Plus il essayait de comprendre, et plus il se perdait.
Soudain, un bribe de leur conversation de la veille lui revint en mémoire. Angel lui avait annoncé qu'il devait se ravitailler au village avant de reprendre la route. Willbert frotta alors le bout de papier, et l'encre bava rapidement; il n'avait donc pas encore séché. Une étincelle d'espoir jaillit en lui, et un sourire courba ses lèvres. Tout n'était pas perdu s'il arrivait encore à le rattraper avant qu'il ne quitte la région.
Il se leva précipitamment, ne se souciant guère de ses nombreuses blessures qui étaient toujours aussi douloureuses, et ne pris même pas le temps de récupérer son sac, avant de s'engager dans une course effrénée jusqu'au village.
Tout au long de son existence, il a souvent dû courir de toute ses forces, et souvent, sa vie ou sa liberté en dépendait. Pourtant, Willbert était certain de n'avoir jamais couru aussi vite; on avait l'impression de ses pieds ne faisait qu'effleurer le sol. Il haletait, la respiration haché, et son cœur semblait vouloir quitter sa cage thoracique à chaque battement.
Ses yeux cramoisis passaient d'une personne à une autre, cherchant désespérément un blond aux yeux argentés. Mais plus il avançait, plus sa vision se troublait, et les visages devenaient flous. Mais il courait, et courait toujours, jusqu'à ce que ses muscles épuisés le lâchèrent. C'est alors qu'il s'effondra, en plein milieu de la cour du village qui grouillait de monde. Toutefois, aucun villageois ne semblait le remarquer, ou plutôt, ils l'ignoraient royalement.
Tous les passants le contournaient, continuant leurs chemins, se fichant totalement de ce qu'il pourrait advenir du petit voleur des rues qui gisait à terre. Certains lui jetaient des regards débordant de dégoût, d'autres ne daignaient même pas baisser les yeux vers lui. A ce moment là, alors qu'il avait désespérément besoin d'aide, pour la première fois de sa vie, il regretta.
Il regretta amèrement d'avoir choisi ce genre de vie, car même s'il se voilait la face, au fond de lui, il savait; il aurait dû faire plus d'efforts. Il aurait dû ne jamais abandonner ses idéaux, leur montrer que ses origines ne déterminait pas la personne qu'il était. Au lieu de cela, il leur a honteusement donné raison en abandonnant ces principes face à leur rejet. Rien n'excusait la voie qu'il avait emprunté, mais se l'avouer à lui-même lui était trop difficile.
Maintenant qu'il rencontrait les conséquences de ces actes, il se noyait dans son océan de regrets. Ses yeux devinrent larmoyants, et la première goutte d'eau salée coula de sa joue jusqu'à son menton, puis s'écrasa au sol, laissant une traînée humide sur son visage ravagé par la tristesse. Les larmes semblaient ne plus vouloir s'arrêter, longtemps retenus, et son corps fragile était secoué de soubresauts violents, alors qu'il essayait d'étouffer ses hoquètements.
Ses blessures longtemps négligées, saignés abondamment; il se vidait littéralement de son sang. Des taches noires commencèrent à apparaître doucement devant ses yeux, lui ôtant considérablement la vue, le laissant sombrer dans une noirceur angoissante. Il eu une pensée pour Aelis qui devait avoir ce sentiment en permanence. Il pensa aussi qu'il allait peut-être bientôt rejoindre Eden.
Il ne saura probablement jamais que, ce jour là, un jeune homme blond aux yeux argentés était parmi la foule et l'observait avec pitié; il s'était évanoui si près du but.
Une chandelle était allumé près de lui, faisant danser les ombres sur le plafond de la pièce où il était allongé. Son corps était lourd, et il parvint à peine à bouger la tête pour jeter un regard circulaire sur la chambre qu'il occupait. Pendant un court instant, il se dit que cela ne pouvait être qu'un cauchemar. Si ce n'était pas le cas, alors il aurait préféré être mort sur cette cour.
Un frisson parcouru ses bras, était-ce à cause du froid qui dominait la pièce, ou son passé qui le hantait? Il serra fermement ses paupières et sa mâchoire, trop épuisé pour réfléchir ou laisser ses sentiments le submerger. Il mis quelques minutes à rouvrir les yeux, observant maintenant la seule fenêtre existante. La lune était haute dans le ciel, éclairant faiblement le village endormi; il faisait déjà nuit.
Son regard descendit ensuite sur le lit inoccupé, qui était plaqué au même mur. Il se souvenait d'ailleurs qu'Eden adorait observer le paysage nocturne depuis son pieu, il disait que c'était l'unique chose qui arrivait encore à l'apaiser peu importe ses inquiétudes; il lui avait fait cet aveux ici même, un jour de pluie.
Ainsi s'enchaînèrent les souvenirs qui emplissaient a présent la tête du noiraud. En passant une année à essayer de le haïr, il avait fini par enterrer profondément dans un coin de sa mémoire, tout les moments de bonheur qu'ils avaient partagé à l'époque. C'était probablement pour cela qu'il s'était refusé de revenir en ces lieux.
Un sourire nostalgique fleurit sur ses lèvres. Peu à peu, les traits de son ancien ami se dessinèrent devant lui, il se rappela alors de ses yeux bleus plissés, de ses cheveux sombres et épais, et de son sourire rayonnant, il eu même l'impression d'entendre le son de son rire, comme un écho lointain.
Le fait que la trahison d'Eden lui faisait toujours aussi mal après tout ce temps, était sans doute parce qu'il n'était jamais parvenu à le détester. Ce sentiment qu'il essayait à tout prix à faire disparaître était toujours présent, tapis au fond de lui, comme une flamme qui refusait de s'éteindre; cette flamme était maintenue par l'étincelle de ses souvenirs, qui refusait de la voir mourir. Willbert adorait ce garçon qu'il avait longtemps considéré comme un frère.
Il l'adorait autant qu'il lui en voulait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top