CHAPITRE 01
Parfois, il lui arrivait d'oublier .
Au moment d'ouvrir les yeux, elle s'attendait encore à voir la lumière filtrer depuis sa fenêtre et plonger sa chambre dans cette ambiance chaleureuse, qui faisait de cette pièce, sa préférée de toute la demeure.
Elle tournerait la tête, et ferait face à sa bibliothèque désordonnée, pleine à craquer de livres, qu'elle avait lu et relu sans jamais s'en lasser, et d'autres qu'elle était impatiente de pouvoir dévorer. Elle adorait vraiment cela. Elle avait l'impression que par le biais de ses ouvrages, elle pouvait être n'importe où, n'importe quand. Pouvoir voyager à travers le monde et les époques pour découvrir des personnages au caractères tout aussi différents les uns des autres, des endroits fascinant, des croyances et des traditions qu'elle trouvait parfois assez étranges.
Toutes ces histoires, contes et légendes la faisaient rêver. Toutefois, elle savait que les obligations qu'elle avait envers sa famille rendaient toutes ces aventures impossibles . Elle avait fini par se convaincre que les lire lui suffirait. Malheureusement, même ceci lui était désormais refusé.
Parfois, il lui arrivait d'oublier. Mais à l'instant même où elle ouvrait les yeux, tout ce qu'elle percevait, étaient les ténèbres.
Elle n'oublierait certainement jamais ce jour. Le jour où son univers s'était écroulé. Elle s'était réveillée de cette accident, totalement paniquée, pour découvrir que peu importe combien elle essayait, tout ce que lui renvoyaient ses yeux était la noirceur. Ses parents avaient fait appel à plusieurs guérisseurs, mais tous affirmaient avec regrets qu'ils ne pouvaient rien faire pour l'aider. Elle avait alors perdu tout espoir de pouvoir un jour revoir les rayons du soleil.
Aelis était autrefois une fille joyeuse. Toujours pleine d'énergie, à l'écoute, drôle, adorable. Ça simple présence mettait tout le monde de bonne humeur. En plus de venir d'une famille riche, elle était belle , féminine, et n'importe qui rêvait de pouvoir l'approcher. Elle était également très proche de sa petite sœur. Elles se ressemblaient beaucoup, autant mentalement que physiquement et étaient vraiment inséparables.
Victoria partageait ses passions et ces rêves ainsi que son amour pour la littérature et l'aventure. Enfants ,elles passaient des nuits blanches à s'imaginer les incroyables expériences qu'elles pourraient vivre si un jour elles osaient s'aventurer loin de chez elles . Les souvenirs de ces moments partagés, à l'écart du monde, des rires étouffés sous leurs couvertures ou encore des yeux plein d'étoiles de sa petite sœur, faisaient partie des rares choses qui arrivaient encore à faire apparaître un sourire sincère sur les lèvres d'Aelis .
Aujourd'hui encore, elle faisait de son mieux pour ne jamais oublier son visage. Ses douces boucles brunes, ses yeux vert pétillant, son sourire qui la faisait toujours craqué et les petites fossettes qui apparaissent sur ses joues à chaque fois. La perte de ce petit ange a sûrement était plus difficile que la perte de sa vue, et avait achevé à faire totalement disparaître la Aelis que tout le monde admiraient.
Mais parfois, il lui arrivait d'oublier, et pendant ces court instants elle redevenait la Aelis pleine de vie, avant de rouvrir les yeux et faire de nouveau face à cette noirceur qu'elle devait affronter seule. Totalement seule.
Elle se réveillait toujours avant l'heure, et ce matin là ne faisait pas exception. Elle émergea doucement de son sommeil et resta là, allongée, à simplement profiter du calme qui l'entourait. Quelques minutes passèrent avant qu'elle n'entende des voix à travers les murs de sa chambre. Le manoir commençait à peine à s'animer. Elle entendit plusieurs pas dans le couloir qui menait à sa chambre, sûrement des domestiques qui s'affairaient à leurs tâches quotidiennes.
Elle dû attendre encore un peu plus de temps pour qu'enfin la porte s'ouvre et la voix d'Hermine retentit :
- Déjà debout, princesse ?
Depuis qu'elle ne pouvait compter que sur son ouïe, Aelis avait appris à très bien différencié les voix. Cependant, dans le cas d'Hermine, ce simple surnom suffisait. Son amie l'avait appelé ainsi dès leur première rencontre, mais il faut dire qu'à ce moment là, c'était plutôt ironique. Elle n'était évidemment pas une princesse, mais c'était tout comme. Toujours bien habillé, bien coiffé, elle vivait dans une énorme demeure où elle ne manquait de rien, sans parler des dizaines de domestiques qui étaient présentes à chaque instant, prêtes à exécuter n'importe quel ordre venant d'elle.
Avant de venir travailler chez elle, Hermine était plutôt perdue et désespérée de trouver un moyen de gagner l'argent et ne plus être un fardeau pour ses proches. Alors, dès qu'elle avait su que la famille Reece, l'une des familles nobles les plus respectées de la région était à la recherche qu'une personne capable de prendre soin de leur fille, devenue récemment aveugle, elle avait sauté sur l'occasion.
Une fois arrivée chez eux, elle fût impressionnée par tout ce luxe. Il fallait dire qu'elle n'avait jamais connue un environnement pareil. On l'avait guidé à travers d'innombrables couloirs pour enfin arriver devant la pièce où était supposée être la jeune fille. Intérieurement, elle n'avait cessé de se demander comment elle allait faire pour ne pas se perdre dans cette immense maison.
A l'instant même où ses yeux s'était posés sur Aelis, elle l'agaçait déjà. C'était plutôt de la jalousie. Aelis était tout ce que, elle-même, n'était pas, et ce qu'elle ne serait probablement jamais. Pourtant, après avoir passé énormément de temps en sa compagnie, elle avait appris à voir au-delà des apparences. Elle n'était pas aussi parfaite que l'on pouvait croire, et c'est en la découvrant tel qu'elle était vraiment que la nouvelle domestique avait commencé à réellement l'apprécier.
- Tu sait très bien que je ne dors jamais plus que ça, dit Aelis.
- Tu m'étonnera toujours, j'arrive à peine à m'extirper de mon lit .
- C'est parce que tu dors très tard .
Hermine s'était assise sur le lit et aidait la dite princesse à se lever.
- A qui la faute ? Je suis obligée de te tenir compagnie jusqu'à ce que tu t'endors, rétorqua la servante.
- Rien ne t'y oblige, je te l'ai déjà dit. Je te fatigue assez pendant la journée pas besoin que je te retienne aussi la nuit.
- Je n'aime pas te savoir toute seule, princesse, c'est tout.
Malgré tout les temps qu'elles passaient ensemble, Aelis n'avait aucune image du visage de son amie. Pour être tout à fait honnête, ça la frustrait. Elle était la plus jeune d'entre les deux. Hermine avait vingt-deux ans, et était donc plus vieille de trois ans .Souvent, elle essayait de s'imaginer à quoi elle pouvait bien ressembler, et lui avait déjà demander de se décrire.
Ainsi, Aelis avait appris que contrairement à elle qui était brune aux yeux vert, les cheveux de son amie étaient roux et bouclés, et ses yeux étaient d'un marrons très clair. Elle avait aussi remarqué qu'elle était un peu plus grande qu'elle. Ainsi le seule point commun qu'elles s'étaient trouvées était les légères taches de rousseur sur leurs joues et leurs nez.
- Alors... comment était le rêve d'aujourd'hui ? demanda la rousse.
Chaque jour, pendant que son amie la préparait, Aelis avait pris l'habitude de lui raconter les rêves étranges qu'elle avait commencé à avoir quelque temps après le drame.
Ces rêves étaient devenus son unique échappatoire.
- Et bien... encore cette même forêt. Cette fois j'ai essayé d'aller là où je t'avais dit avoir aperçu quelque chose hier, avant de me réveiller.
- Oh vraiment ? Et qu'as-tu découvert ?
- Une sorte de ruine ? Je ne sais pas vraiment comment décrire cet endroit. C'était recouvert de végétation, j'imagine que c'est pour ça que je ne l'avais pas remarqué avant, je n'ai pas pu y entrer, la seule porte que j'ai trouvé était bloquée.
- Bloquée ? questionna Hermine arquant un sourcil.
- Il y avait deux trous sur cette porte, qui ressemblaient à mon pendentif. J'ai d'ailleurs bien essayé de l'utiliser; rien à faire, la porte restait scellée.
Hermine jeta, sans vraiment s'en rendre compte, un coup d'œil au bijou que portait Aelis en permanence. Depuis qu'elles s'étaient connues, elle ne l'avait jamais vu s'en séparer. D'après quelques domestiques, il appartenait à sa défunte sœur. Toujours d'après eux, elles avaient été très proches. La rouquine trouvait assez étranges qu'Aelis parlait si peu de sa frangine. En fait, elle ne l'avait mentionnée qu'une unique fois. C'était lors d'une des nombreuses nuit où la brune n'arrivait pas à dormir, son amie lui tenait toujours compagnie. Mais ce jour là, elle avait l'air particulièrement triste.
Elle n'avait pas lâcher le moindre mot de toute le soirée. Au bout d'une longue attente elle avait finit par chuchoter:
- Dis... As-tu des regrets?
- Je pense que nous avons tous des regrets. Mais ils faut voir nos erreurs comme des leçons, et aller de l'avant.
Hermine n'avait pas su quoi répondre après l'avoir entendu murmurer:
- Je comprends. Mais je pense aussi qu'il existe également des regrets dont nous n'arriverons jamais à nous défaire. Ceux là nous hanteront probablement à jamais.
Face à son silence elle ajouta :
- Elle me manque, tu sais... Victoria.
Ce fût le lendemain qu'elle apprit que Victoria était le nom de la défunte sœur d'Aelis
- Voilà! tu es parfaite! s'exclama Hermine.
Elle avait fini de la préparer, et Aelis avait l'air d'une vrai poupée.
- En fait, j'ai oublié de t'en informer. Tes parents m'ont apprit qu'ils désiraient que vous preniez votre petit-déjeuner en leurs compagnie, aujourd'hui, ajouta-t-elle.
- Depuis quand se soucient-ils de ma présence ? rétorqua sèchement la brune
- Et bien... il faut croire qu'ils s'en soucient.
- Oh... ils ont dû se souvenir qu'ils avaient une fille. Ça leur passera.
- En attendant, nous sommes assez en retard.
- Allons y alors, je n'ai pas envie de les entendre me reprocher mon retard, ils ont déjà de quoi faire comme ça.
Hermine avait l'habitude. Dès qu'on lui parlait de ses parents, Aelis se renfermait aussitôt. Elle prit délicatement la main de la plus jeune , et la guida jusqu'à la porte de sa chambre, puis à travers les couloirs, qu'elle avait étonnamment finit par mémoriser, jusqu'à la grande salle à manger où l'attendaient déjà ses parents. Elle s'était à peine assise qu'elle entendit la voix de son père :
- En retard. Ça ne m'étonne même plus à vrai dire.
Et c'est reparti , pensa Aelis.
- Hum... Veuillez m'excuser Monsieur. C'est de ma faute. J'ai pris plus de temps que prévu à préparer Demoiselle Aelis.
En dehors de sa chambre, ou plus précisément, quand elle n'était pas seules, Hermine devait toujours la vouvoyer et l'appeler "Demoiselle Aelis", car c'était assez mal vu qu'une descendante d'une famille noble soit amie avec une simple servante. Leurs statuts avait dressé un mur entre elles qu'elles ne s'étaient pas gênées de démolir.
- Que ça ne se reproduise plus, dit sa mère.
Aelis détestait les repas de famille. L'ambiance la rendait toujours mal à l'aise, et souvent, elle ne décrochait pas un mot. Elle avait beau être aveugle, le fait de ne pas voir leurs visages ne l'empêchait pas d'avoir une idée très nette de l'expression qu'ils devaient afficher à ce moment même. Elle pouvait aisément le deviner. Juste au son de leurs voix. Cela la mettait d'autant plus mal à l'aise.
Parfois, il lui arrivait de vouloir oublier. Oublier que ses parents n'avaient pas toujours étaient ainsi. Sa vie non plus d'ailleurs.
Autrefois, ils souriaient beaucoup.
Autrefois, elle pouvait encore admirer leurs sourires.
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