Sur le court trajet qui sépare le lycée et la maison de son nouveau colocataire, Seungsik est heureux de constater que Woodz parvient à afficher un léger sourire. Il se doute que ce dernier ne va pas éclater de rire ni passer la meilleure soirée de sa vie, mais il espère sincèrement qu'ils arriveront, tous les trois, à lui changer les idées pour quelques heures.

Il remarque aussi que Kino n'a pas relâché le bras de son meilleur ami depuis qu'il l'a rejoint dans la chambre quelques minutes auparavant. Il sourit alors bêtement en imaginant à quel point Kino doit apprécier ce contact rassurant et familier.

Au moment d'arriver enfin chez Hanse, il remarque que ce dernier presse le pas, visiblement très impatient d'arriver devant le portail de sa maison. Ce n'est qu'en entendant, au loin, la voix d'une petite fille enjouée, qu'il comprend les raisons de sa hâte.

— Sese ! Tu m'as trop manquée ! s'écrit Hanbi en courant vers son grand frère.

— Tu m'as manqué aussi, princesse, rétorque Hanse en l'accueillant dans ses bras avant de la faire tourner dans le vide. Comment s'est passée ta semaine ? Raconte tout à ton grand frère préféré !

— T'es bête, Sese ! T'es mon seul grand frère ! Évidemment que t'es mon préféré.

— C'est fou comme tu es maligne, ajoute Hanse en reposant sa petite sœur au sol. Bon, et si on rentrait et qu'on allait manger ? J'suis venu avec mes nouveaux amis, mais tu promets de pas les embêter, hein ? Les gars, j'vous présente Hanbi, ma petite sœur.

Encore un peu étonné de voir Hanse interagir de façon aussi mignonne avec Hanbi, il ne peut s'empêcher d'afficher un grand sourire sur son visage. Tandis qu'il les suit jusqu'à l'intérieur de cette immense maison, il aperçoit la petite Hanbi se retourner et le dévisager sans honte.

— T'es trop beau ! Tu t'appelles comment ?

— Ah... Euh, je m'appelle Seungsik... Merci beaucoup pour le compliment, répond Seungsik un peu gêné par cet aveu aussi mignon que soudain. Mais toi aussi, Hanbi, tu es super mignonne et cette coiffure te va super bien.

— Oh non, normalement c'est Sese qui me fait mes plus jolies coiffures... Mais depuis qu'il est dans ton lycée, j'ai dû apprendre à me coiffer toute seule, ajoute Hanbi en retirant ses chaussures dans l'entrée avant de courir chercher sa mère.

— Alors comme ça, Sese fait des coiffures trop mignonnes à sa petite sœur ? lance Seungsik pour taquiner son hôte du jour. Je t'aurais jamais imaginé comme ça.

— J'te l'ai dit l'autre soir, j'suis surprenant.

— En tout cas, ta maison, elle est immense, annonce Kino en découvrant les lieux. Presque aussi grande que celle de Seungyoun.

Alors que Seungsik avance en direction de la cuisine ouverte devant lui, il est surpris par la silhouette discrète d'un homme qui le regarde de haut en bas.

— Cette maison a été faite sur mesure par un ami architecte, ravi de voir qu'elle vous plait, messieurs. Woosung, enchanté, informe doucement le beau-père d'Hanse en arrivant près de Woodz. Seungyoun, j'ai appris pour ton père, toutes mes condoléances.

Seungsik observe un certain malaise de la part d'Hanse lorsque Woosung s'approche de lui pour poser sa main sur son épaule.

— Mon beau-fils m'a demandé une requête particulière, j'espère que mon ami le directeur Cha a pu répondre favorablement à cette demande ?

— Oh, oui, tout à fait. Merci beaucoup pour ça, monsieur, répond Woodz en s'inclinant poliment devant le beau-père d'Hanse.

Alors que l'ambiance semble soudain devenir un peu plus pesante, Seungsik sent une petite main s'agripper à la manche de sa veste.

— Sese ! J'suis trop contente ! Maman a commandé des pizzas pour ce soir, ça arrive bientôt !

Voyant la petite Hanbi s'installer à table avec joie, Seungsik se dirige à son tour vers l'îlot central, très rapidement accompagné de Woodz et de Kino. Tandis qu'il s'installe sur l'une des chaises hautes, il aperçoit une femme arrivant d'un pas lent et timide vers eux, les yeux baissés et le visage fermé.

— Ah, Siyoon... Te voilà enfin, annonce Woosung d'un ton froid. On peut savoir pourquoi tu n'as pas pris la peine d'accueillir les amis de ton fils ?

— Je te demande pardon, mon amour, répond Siyoon d'une voix faible. J'étais juste en train de ranger les affaires d'Hanbi dans son armoire. Tu peux aller te reposer, je prends le relais avec les garçons.

Pendant que tout le monde autour de la table commence joyeusement à discuter avec Siyoon et Hanbi en attendant l'arrivée des pizzas, Seungsik lui, n'arrive pas à détacher son regard de la mère d'Hanse. Cette dernière n'a de cesse de tirer sur la manche de son pull dans une gestuelle extrêmement nerveuse.

Mais lorsqu'elle revient quelques minutes plus tard avec les pizzas, une marque sur son poignet l'intrigue davantage. Derrière le sourire qu'elle affiche devant son fils, Seungsik lui, perçoit un malaise palpable. Le même malaise qu'il avait ressenti avec Chungha, une amie proche de ses mères.

Il se souvient alors des marques sur ses avant-bras que cette dernière tentait vainement de cacher avec les manches de ses gilets. Malgré l'inquiétude qu'il ne peut s'empêcher de ressentir au sujet de Siyoon, il tente de se concentrer un peu plus sur la conversation qui anime la tablée.

— Non, pas de films d'horreur par pitié, les gars, lance Kino en joignant ses deux mains face à lui en guise de supplication.

— Kino ne supporte pas les films d'horreur, ajoute Woodz en souriant légèrement à son ami. Et si on optait pour une romance ?

— Va pour la romance alors, mais j'aurai quand même préféré un bon film bien gore, râle Hanse dans une grimace.

— Moi aussi, j'aurais préféré un film gore, déclare Seungsik en prenant part au débat sous le regarde choqué d'Hanse. Mais on fait cette soirée pour donner le sourire à Woodz, pas pour traumatiser Kino.

Tandis que tout le monde débarrasse la table et quitte la cuisine, Seungsik remarque Hanbi lui faire signe de venir vers elle de l'autre bout du salon. Il s'empresse alors de la rejoindre et remarque que cette dernière semble un peu gênée une fois devant lui.

— Dis ? Tu vas rester copain avec Sese encore longtemps, j'espère ? Je t'aime bien, j'ai envie que tu reviennes tous les week-ends, annonce Hanbi avec beaucoup d'espoir dans le son de sa voix.

— Oui, enfin j'sais pas trop, ça dépend surtout de ton frère. Mais s'il m'invite à revenir ici, je viendrai te faire coucou avec plaisir, c'est promis.

Alors qu'Hanbi se jette dans ses bras pour un câlin aussi timide que furtif, Seungsik ne parvient pas à retenir un rire devant son enthousiasme.

— Princesse, tu veux bien lâcher Seungsik une minute ? demande Hanse en riant lorsqu'il revient vers lui. J'ai fini de préparer le petit salon de l'autre côté de la baraque, tu me suis ?

Après avoir tapoté doucement la tête de la petite Hanbi, Seungsik rejoint Hanse qui lui indique le chemin jusqu'au petit salon. Pendant qu'il longe cet interminable couloir, Seungsik songe que le petit appartement dans lequel il vit avec ses mamans est bien loin du luxe présent ici.

En arrivant dans la pièce, il remarque que Woodz et Kino se sont déjà confortablement installés sur le petit canapé. Ne souhaitant pas déranger Woodz qui pour la première fois de la soirée semble vraiment se sentir bien, il adresse un regard à son hôte en désignant du menton le tapis entre le sofa et la télévision. Ce dernier acquiesce rapidement et invite Seungsik à venir le rejoindre au niveau du sol après avoir tamisé la lumière de la pièce.

— Tiens, un coussin pour ton dos, lance Hanse en tendant un oreiller à Seungsik. Si t'as froid, j'ai des plaids aussi. Dis-moi si t'as besoin de quoi que ce soit surtout.

— Merci, mais c'est parfait comme ça, t'inquiète.

— C'est bon, vous avez fini ? On peut lancer le film, ou vous comptez papoter toute la soirée ? lance Woodz en riant.

— C'est le mec qui prend toute la place, confortablement installé sur le canapé, qui dit ça, non mais je rêve, rétorque Hanse en attrapant la télécommande dans un geste théâtral, avant de lancer le film.

Alors que Seungsik est encore en train d'essayer de positionner le coussin dans son dos, il sent l'épaule d'Hanse venir se coller contre la sienne. Tandis que le film commence, il ose timidement tourner la tête pour observer la posture de ce dernier et remarque qu'il a volontairement placé son corps vers lui.

La chaleur émanant de son épaule commence doucement à le perturber. Il peut, sans même tourner le visage, sentir le sien tout près de lui. Mais alors qu'il se sent de plus en plus gêné par cette proximité, la porte du petit salon s'ouvre lentement, attirant leurs attentions.

— Sese... Maman s'est encore endormie super vite ce soir, j'ai même pas eu le droit à mon câlin... J'peux regarder le film avec vous ? implore Hanbi dans une moue suppliante.

— Bien sûr, princesse, viens là, répond Hanse en tendant les bras à sa petite sœur. T'as de la chance que Woodz ait proposé un joli film d'amour.

Seungsik observe alors Hanbi venir s'asseoir entre eux deux, forçant Hanse à se décaler légèrement. Cette dernière agrippe le bras de son grand frère avant d'attraper également le sien. Alors qu'il sourit tendrement à la vision d'Hanse et de sa petite sœur, il songe par ailleurs qu'il aurait sûrement préféré rester collé contre son épaule tout le long du film.

À peine quelques minutes plus tard, il entend Hanse l'interpeller en chuchotant.

— Je savais qu'elle allait s'endormir, murmure Hanse en s'approchant du visage de Seungsik pour murmurer à son oreille. Elle tient jamais plus de cinq minutes devant les films.

Seungsik jette alors un coup d'œil furtif en arrière et remarque que Woodz a posé sa tête sur l'épaule de Kino et que ses yeux commencent, eux aussi, à se fermer lentement au rythme de la mélodie qui accompagne la scène romantique du film.

— Les deux derrière ne vont pas tarder aussi, chuchote Seungsik en souriant. C'est vraiment cool que Woodz ait accepté de venir. Encore merci pour l'idée et puis merci pour l'invitation.

— Ça me fait plaisir de le voir détendu et souriant comme ça... En tout cas, tu as beaucoup plu à ma sœur.

— Ouais, elle m'a même demandé quand est-ce que j'allais revenir. Elle est trop mignonne.

— Tu peux revenir quand tu veux, Seungsik. Toute façon, si tu ne reviens pas, j'vais me faire engueuler, tu te doutes bien, ajoute Hanse en souriant tandis qu'il caresse les cheveux de sa petite sœur. T'as des frères et sœurs, toi ?

— Non, je suis fils unique... J'ai toujours été un peu triste à cause de ça d'ailleurs, mais bon, c'est la vie. T'as beaucoup de chance d'avoir une frangine qui t'aime comme ça, en tout cas.

Seungsik regarde à nouveau en arrière et remarque que Kino et Woodz sont à présent complètement endormis l'un contre l'autre.

— On est d'accord, le film, il est chiant ? chuchote Seungsik.

— Grave. On éteint et on se prépare un coin pour dormir ? J'ai un futon dans la pièce d'à côté, j'vais aller nous préparer ça.

— Mmmhh Sese, murmure Hanbi qui ouvre doucement les yeux. J'veux que ce soit Seungsik qui me porte dans mon lit, tu veux bien ?

— D'accord, princesse... Mais d'abord, mon bisou, répond Hanse en tendant sa joue à sa petite sœur. Bonne nuit, je t'aime.

Seungsik se redresse silencieusement et tend ses bras à Hanbi afin que cette dernière puisse s'agripper à son cou. En sortant du petit salon, il se laisse guider jusqu'à sa chambre et la dépose délicatement dans son lit, avant de lui adresser un dernier sourire.

Lorsqu'il revient sur ses pas, il croise Hanse avec deux oreillers dans les bras. Il le suit en silence, entre dans la pièce et le regarde finir d'installer leur lit de fortune avant de le rejoindre de son côté du futon.

Malgré la pénombre qui règne dans la pièce, Seungsik parvient tout de même à distinguer la silhouette d'Hanse allongée à côté de lui. Ce dernier est étendu sur le dos, avec les bras placés sous son oreiller. Seungsik lui, est recroquevillé sur le côté et laisse son regard parcourir les traits du visage d'Hanse.

Il songe alors que cette situation lui plaît bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Traîner avec lui, être invité chez lui, en découvrir davantage sur lui et même le regarder s'endormir. Mais au moment où Hanse se retourne pour lui faire face, pris de panique à l'idée qu'il le surprenne en train de le fixer, il change de position et lui tourne le dos, laissant sa contemplation de côté pour une prochaine fois.