Chapitre 5 - Woodz
Pour la première fois depuis une semaine, Woodz n'a pas fait de cauchemar, mais il a fait un rêve. Un rêve magnifique et apaisant dans lequel son père se tenait à ses côtés. Chaque détail de ce rêve revient à son esprit, comme s'il avait vécu chaque seconde pour de vrai.
Son père lui préparait son petit déjeuner comme bien souvent après leur week-end à la maison et comme à son habitude, il proposait à son fils de l'accompagner à pied au lycée. Moonbin disait toujours qu'il n'y avait rien de mieux pour la santé, qu'une demi-heure de marche de bon matin.
Alors ce matin, Woodz marche. Il marche jusqu'à son lycée en profitant de la brise matinale et du calme qui règne dans les rues encore vides. Mais malgré les apparences, il n'est pas vraiment seul, il est avec son père.
Ce matin, Woodz ressent sa présence.
— Tu avais raison... Ça fait du bien de marcher de bon matin, murmure Woodz pour lui-même.
Lorsqu'il arrive enfin devant le lycée, il observe des dizaines de visages attristés s'approcher de lui. À nouveau, il se souvient des accolades de condoléances qu'il a dû supporter durant les funérailles et cette sensation de devoir encore exprimer ce qu'il ressent le paralyse. Il entend des voix et voit des étudiants se ruer vers lui, mais aucuns mots n'arrivent à sortir de sa bouche, figé par l'angoisse, il reste inerte.
Toutefois, une voix familière arrive à sortir du lot de ce brouhaha terrifiant. Il se retourne et croise le regard de son meilleur ami.
— Les gars, je sais que vous voulez être gentils, mais je pense qu'il a besoin d'être tranquille pour le moment, explique Kino en attrapant doucement le bras de Woodz.
Il regarde alors le tas d'élèves s'éloigner lentement et sent son ami le coller contre son torse, comme s'il cherchait à le protéger des autres. Tandis que l'angoisse diminue petit à petit, il se souvient de leurs derniers échanges et de la manière extrêmement agressive dont il lui a parlé.
— Tout va bien, Seungyoun ? Qu'est-ce que tu fais là ? J'veux dire, c'est super que tu reviennes enfin en cours, mais tu es sûr de te sentir prêt ?
— C'est pas moi qui ai choisi de sortir ce matin, je l'ai juste suivi... Je l'ai suivi parce qu'il voulait qu'on marche ce matin.
— D'accord, je comprends, ajoute calmement Kino. Bon, j'te quitte pas des yeux aujourd'hui. Si tu paniques, si tu te sens mal, si ça devient trop difficile, tu me le dis, d'accord ?
En voyant un sourire chaleureux et réconfortant illuminer le visage de son meilleur ami, Woodz se souvient à nouveau de la violence de ses propos. Il se rappelle avoir vu ce sourire si précieux disparaître en un fragment de seconde avant son départ de la maison mercredi midi.
— Je te demande pardon.
Lorsque ses mots quittent ses lèvres, il sent des larmes remplir progressivement ses yeux.
— Non, Seungyoun non, répond Kino en venant essuyer avec son pouce les larmes qui commencent à couler sur ses joues. Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit. Je suis ton meilleur ami, je suis là pour toi et tu n'as rien fait de mal, d'accord ? Tu as bien assez à gérer, alors ne laisse pas cette culpabilité s'ajouter au poids que tu portes déjà sur tes épaules.
— Mais je m'en veux pour l'autre jour... J'voulais pas te blesser, Kino.
— Je sais... C'est du passé, n'y pense plus, s'il te plaît.
Alors qu'il sent la main de Kino venir se poser un peu plus fermement sur son avant-bras tandis qu'ils se dirigent vers leur salle de classe, Woodz sent une sorte d'apaisement l'envahir, remplaçant ses angoisses par une douce sérénité.
— Woodz, quelle agréable surprise de te voir revenir en cours, s'exclame le professeur Lee en accueillant ses élèves dans la classe. Je suis heureux de te revoir et j'aurais aimé rester plus longtemps avec toi, mais je pense que tu devrais aller voir le directeur pour l'avertir de ton retour.
Au moment où la main de Kino quitte son bras, Woodz a la sensation de perdre l'équilibre. Il se sent fébrile et l'angoisse revient se glisser malicieusement au creux de son ventre. À mesure qu'il approche du bureau du directeur Cha, il prend conscience du nombre de jours qu'il a ratés et du retard qu'il a accumulé. Il a peur d'être mis dehors, peur d'avoir tout gâché, peur de ne plus avoir le droit de fréquenter ce lycée que son père aimait tant.
— Seungyoun, tu veux bien entrer ? annonce doucement le directeur Cha en ouvrant la porte de son bureau.
Toujours aussi stressé, il s'empresse de rejoindre le fauteuil disposé face au grand bureau en bois massif au fond de la pièce.
— Comment te sens-tu ce matin ? Est-ce que tu penses être capable de reprendre les cours ? demande le directeur en venant s'asseoir à son tour sur son fauteuil. Je voudrais m'assurer que ce n'est pas trop précipité.
Après un bref instant de réflexion, Woodz redresse la tête et prend une grande respiration avant de lui répondre.
— Oui, je suis prêt, monsieur. Mon père aurait voulu que je reprenne mes cours, alors ça ira.
— Très bien, mais tu dois savoir deux choses avant de rejoindre ton professeur principal, ajoute le directeur d'une voix calme. Premièrement, j'insiste pour que tu prennes rendez-vous avec le psychologue de l'établissement, ou à défaut, tu peux toujours venir me parler à moi.
Tandis que le directeur lui tend une petite carte plastifiée contenant le numéro du psychologue, il sent à nouveau la présence de son père l'accompagner. Comme si c'était lui-même, qui lui tendait cette carte pour l'aider.
— Deuxièmement, tu dois savoir que la disposition du dortoir va changer. Dès ce soir, c'est Kino qui partagera ta chambre. J'ai reçu un appel de mon ami Woosung ce matin. D'après lui, il s'agit d'une demande commune de la part de Kino, d'Hanse et de Seungsik.
À ces mots, Woodz a la sensation qu'un poids énorme quitte ses épaules. Comme si on venait de lui offrir le droit de garder près de lui sa plus grande source de réconfort. Alors, sans s'en apercevoir et sans même vouloir s'en empêcher, il laisse des larmes de soulagement couler sur ses joues.
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Durant les cours de la matinée, Woodz n'a pas beaucoup eu l'occasion de parler avec Kino, ce dernier étant assis à l'autre bout de la classe. Il s'est contenté de lui lancer plusieurs regards. Toutefois, pendant le cours de musique, il a enfin pu sentir ses angoisses disparaître en rejoignant, comme à son habitude, son meilleur ami dans l'amphithéâtre.
Quand Cheetah lui a demandé s'il souhaitait chanter aujourd'hui, Woodz s'est senti incapable de lui répondre favorablement. Il a ressenti un soulagement quand cette dernière lui a gentiment expliqué que son envie reviendrait probablement avec le temps et qu'il ne fallait surtout rien précipiter.
Alors, pendant l'intégralité des cours de l'après-midi, il s'est contenté de regarder Kino. Il a observé durant de longues minutes ses mains qui pianotaient doucement sur le clavier, avant de les voir passer sur les cordes d'une guitare. Lorsque ce dernier a dû chanter devant toute la classe, il a eu la sensation qu'il ne chantait que pour lui.
Les yeux de Kino le fixaient avec tellement d'intensité que Woodz avait l'impression qu'ils étaient seuls dans cet amphithéâtre. Pendant que ce dernier interprétait avec brio la chanson demandée par Cheetah, les yeux de Woodz se sont soudain posés sur ses lèvres.
Pour la première fois depuis le drame, Woodz a pris plaisir à ressentir une émotion heureuse. Il s'est souvenu de ce soir-là, quand leurs lèvres étaient si proches qu'il pouvait sentir son souffle contre sa bouche. Mais alors que ce souvenir agréable et chaleureux flottait dans sa tête, la culpabilité est venue prendre le dessus sur ses émotions.
Son père venait de mourir, et lui, il pensait au baiser qu'il était sur le point d'échanger avec Kino. À cette pensée, Woodz a senti son sourire disparaître, comme s'il s'interdisait lui-même d'être heureux plus d'une seconde.
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De retour aux dortoirs, Woodz remarque Seungsik en train de préparer un petit sac avec quelques affaires. Supposant qu'il s'agit des premiers préparatifs pour son changement de chambre, il s'étonne néanmoins de la quantité restreinte d'objets emportés. Intrigué, il décide d'interroger son ancien colocataire à ce sujet.
— Tu prends que ça ? Tu as besoin d'un sac en plus ? propose Woodz dans l'idée d'aider son ami.
— Ah, non, ça c'est juste mon sac pour ce soir. D'ailleurs, à ce sujet, tu as réfléchi à notre proposition pour la soirée ?
— Oui, Kino m'a dit que vous vouliez qu'on passe la soirée ensemble... J'en sais trop rien, j'voudrais pas gâcher l'ambiance, tu sais.
— Quelqu'un à parler d'ambiance ? s'exclame Hanse en arrivant dans la chambre accompagné de Kino. T'inquiète pas pour ça, mec. La soirée, on la fait chez moi et je me charge de l'ambiance, en plus vous êtes tous invités à rester dormir.
— On va rien faire de fou, tu sais, ajoute Kino en souriant à son ami. Hanse propose une soirée film au calme. C'est surtout pour changer de décor, pour se vider la tête et pour traîner tous les quatre.
— J'vais plus avoir mon colocataire à mes côtés maintenant... Alors ça serait vraiment cool de t'avoir avec nous ce soir. Allez, dis oui, s'il te plait ! termine Seungsik en venant poser sa main sur l'épaule de Woodz
Face aux sourires sincères et chaleureux de ses amis, Woodz finit par céder en acceptant de se joindre à eux. Tandis que Seungsik rejoint Hanse avec son sac sur les épaules, Woodz s'empresse de préparer à son tour un sac pour la nuit, avant de rejoindre Kino qui l'attend patiemment dans l'embrasure de la porte.
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