Ce matin, Seungsik se sent particulièrement apaisé malgré les larmes qu'il a pu verser ces derniers jours. La tristesse de savoir son colocataire vivre un moment si difficile le rend fébrile et les réminiscences qui lui rappellent la tragédie qu'il a vécue avec Chan continuent de l'envahir. Néanmoins, il a la sensation que la conversation qu'il a eue avec Hanse sur le toit hier l'a réellement apaisée.

C'était aussi la première fois qu'il parle aussi ouvertement de Chan depuis la tragédie qui s'est produite avant les vacances d'été. Au lycée, les élèves ont tous préféré taire cet événement, comme s'il n'était jamais arrivé, comme si aucun d'entre eux n'avait été coupable d'une façon ou d'une autre. Comme si Chan n'avait jamais compté.

Alors, en avoir parlé comme ça avec Hanse, en lui offrant les réponses qu'il attendait depuis plusieurs jours, le soulage énormément. Pouvoir expliquer pourquoi il était autant sur la défensive quand le sujet était abordé, lui retire un poids qu'il ignorait porter sur ses épaules.

Tandis qu'il termine de se préparer devant le miroir collé sur son armoire, il fixe avec tristesse le lit en face du sien, toujours vide depuis que ce drame est venu chambouler la vie de son colocataire. Une part de lui souhaite vivement le revoir en cours dès aujourd'hui, mais il a surtout envie que son ami prenne tout le temps nécessaire afin de pouvoir à nouveau affronter sa vie.

Lorsqu'il approche de la classe A, il observe du mouvement au fond de la salle. Curieux, il tend l'oreille et reconnaît instantanément la voix calme et apaisante de Kino. Sans plus attendre, il s'empresse de rejoindre son ami devant son bureau.

— Kino ! Ça fait trop plaisir de revoir ta tête, déclare Seungsik en arrivant devant lui, le sourire aux lèvres. Comment tu vas ? Et Woodz ? Il revient bientôt ?

— Ton enthousiasme à l'idée de me revoir me touche beaucoup, Seungsik, mais une question à la fois, ok ? ajoute Kino en riant.

Tandis que Sanha et Lisa se déplacent pour laisser Seungsik s'asseoir près de Kino, il écoute les réponses de ce dernier avec la plus grande attention.

— Je ne pense pas que Seungyoun reviendra de suite... Peut-être la semaine prochaine ? Je l'espère en tout cas.

— Et toi dans tout ça ? ajoute Hanse, assis à son pupitre accolé à celui de Kino. Tu te sens mieux un peu, ou c'est toujours compliqué ?

— C'est tellement difficile de voir mon meilleur ami souffrir, avoue tristement Kino. Mais moi ça va, ne vous en faites pas. Je fais mon maximum pour l'aider à affronter cette terrible période et je lui transmets toujours vos mots de soutien.

— Si tu as besoin de parler, on est tous là pour toi, d'accord ? précise Seungsik en posant sa main sur l'épaule de Kino.

Interrompu par l'arrivée de leurs professeurs dans la salle de classe, Seungsik adresse un dernier sourire à son ami avant de rejoindre son pupitre. Il se retourne une dernière fois lorsqu'il arrive enfin à son bureau, mais son regard se pose sur Hanse qui le regardait avec insistance. Seungsik lui adresse un dernier sourire amical avant de voir le professeur Lee s'adresser à Kino.

— Ravi de te revoir parmi nous, Kino, déclare le professeur Lee en déposant son thermos sur son bureau. J'espère que tout va bien chez vous ? J'ai appris que l'oncle de Woodz était venu s'installer avec vous. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, toi comme lui, n'hésite surtout pas à venir m'en parler.

En observant à quel point tout le monde semble sincèrement touché par ce que Woodz et Kino traversent, Seungsik se sent apaisé. Savoir que l'être humain n'est pas toujours foncièrement mauvais malgré tout ce qu'il a déjà pu subir, le rassure assez pour lui permettre de se concentrer sur ses cours à venir.

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En quittant le cours du professeur Kim, Seungsik se sent encore fier en jetant un dernier coup d'œil en arrière. À chaque fois qu'il voit ce portrait d'Hanse qu'il a pu afficher devant toute la classe, une sensation de fierté s'empare de lui. Pour certains élèves, les cours de dessins ne sont qu'un passe-temps, mais pour Seungsik, il s'agit d'une véritable passion.

Dans chacun de ses croquis, il s'autorise à libérer pleinement ses émotions. Il nourrit l'espoir que son talent sera un jour reconnu et pourra toucher ou servir quelqu'un. En quittant le cours, un sourire illumine son visage alors qu'il contemple une dernière fois ce portrait qu'il a tant aimé dessiner.

Bien qu'il ait l'opportunité, comme chaque mercredi après-midi, de sortir se promener, Seungsik décide de simplement se reposer. Épuisé par la charge de travail en cours et par ses heures passées au Better Place, il songe qu'il commence à accumuler un retard de sommeil assez important.

En arrivant au self-service, il se rend compte qu'il n'a pas particulièrement faim et se dirige alors vers le distributeur automatique disponible à l'entrée de la cafétéria pour s'acheter une barre de céréales. Il aperçoit au loin Yejun, qui a décidé de tenir compagnie à Kino ce midi, puis il sourit à ces derniers quand leurs regards se croisent enfin.

Après avoir récupéré son encas et avant de quitter la cafétéria, il regarde un peu partout autour de lui, voit tous ses camarades de classe, toutefois, il remarque qu'un d'eux manque à l'appel.

Alors qu'un énième bâillement vient déformer son visage, Seungsik décide de remonter pour se reposer dans sa chambre. Comme toujours, il passe par l'arrière-cour, mais cette fois-ci, il aperçoit Hanse qui est confortablement installé contre l'arbre situé près de la fontaine.

Ce dernier semble perdu dans ses pensées, mais tout de même assez serein pour pouvoir sourire dans le vide. Comme toujours, il remarque que ses écouteurs filaires sont scotchés à ses oreilles et tandis qu'Hanse bouge la tête au rythme d'une mélodie, Seungsik se demande quel genre de musique il peut bien écouter.

En arrivant dans sa chambre toujours aussi vide, il s'installe à son bureau pour manger sa barre de céréales, sans grand enthousiasme, puis très rapidement, l'envie de dessiner le reprend.

Étalant sur son bureau son portfolio, ses fusains et le reste de son matériel, Seungsik se met à dessiner, comme transporté par une envie incontrôlable. Cette fois-ci, il a parfaitement conscience du visage qu'il est en train de dessiner, mais qu'importe, il continue son portrait.

Cette fontaine et ce cerisier en fleur ont beau être magnifiques, ce ne sont que des éléments secondaires et presque insignifiants du dessin de Seungsik. Hanse, délicatement addosé contre cet arbre. Ses longs cheveux décolorés et ses mèches rebelles qui flottent gracieusement au-dessus de son visage. Ses écouteurs filaires qui s'emmêlent nonchalamment sur son pull rouge et noir. Ses deux anneaux qui ornent son visage et son tour de cou qui laisse retomber un pendentif étoilé sur son sternum.

Ce sont tous ces détails qui captivent Seungsik et l'incitent à nouveau à esquisser le portrait de son camarade de classe, mais cette fois-ci en toute conscience. Seungsik comprend alors doucement que le visage d'Hanse lui plait. Il le trouve sincèrement beau et captivant et d'un point de vue artistique, il pense vraiment que les traits de son visage sont parfaits pour être dessinés.

Habituellement, il ne dessine que des paysages ou bien des animaux. Néanmoins, à de très rares occasions, il lui arrive de réaliser le portrait de ses deux mères et de quelques-uns de ses amis proches. Cependant, il n'avait encore jamais dessiné avec autant de passion et d'intérêt le visage d'une personne qu'il ne connaît pratiquement pas.

En prenant du recul sur le croquis qu'il vient de réaliser lorsqu'il quitte son bureau, Seungsik remarque qu'il arrive à présent à dessiner les contours et les détails du visage d'Hanse sans le moindre mal et de plus en plus aisément. Tandis qu'il range ce portrait dans son portfolio avant de rejoindre son lit, il entend son téléphone vibrer à la réception d'un message.

Il termine de ranger toutes les affaires sur son bureau, enfile son pyjama et part rapidement s'allonger dans son lit, avant de déverrouiller son téléphone portable.

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Pendant qu'il se prépare dans sa salle de bain, Seungsik se sent étrangement nerveux. Lorsqu'il croise son reflet dans le miroir, il essaie de coiffer ses cheveux afin d'être à peu près présentable, mais rien n'y fait, il se trouve juste ridicule.

Alors qu'il vérifie l'heure sur son téléphone portable, il entend des coups donnés contre la porte de sa chambre.

— T'es en avance, s'étonne Seungsik en ouvrant la porte. Heureusement pour toi, j'suis déjà prêt.

— Eh ouais, j'suis surprennant je sais, répond Hanse d'un air taquin. T'imagines un peu, si c'est moi qui avais dû t'attendre, le monde à l'envers, hein ?

Récupérant sa veste et sa sacoche, Seungsik rejoint Hanse et le suit dans les couloirs du lycée en direction de la sortie.

— Je sais que j'en ai pas l'air comme ça avec ma dégaine, mais j'suis pas un mec méchant. Ça m'arrive d'être cool, de bien travailler en cours et même d'être à l'heure, conclut Hanse en adressant un clin d'œil à Seungsik tandis que ce dernier lui tient ouvert le portail.

— Je juge pas les gens sur leurs apparences, mais selon leurs actes.

Seungsik observe son camarade de classe lui adresser un sourire gêné avant de l'inviter à le suivre à l'intérieur du restaurant. Ils sont très rapidement accueillis par Jieun qui accepte volontiers les excuses d'Hanse avant de les installer à une table au calme. Une fois assis, c'est tout naturellement que Seungsik liste tous les plats présents sur la carte.

Une fois leur commande passée, Seungsik observe Hanse avec attention avant de lui poser une question qui le tracasse.

— Dis, il s'est passé quoi avec Serim la semaine dernière ? T'es pas obligé de me répondre si tu veux pas, mais t'étais quand même dans un sale état...

— Bah, j'suis allé chez lui pour fumer et puis il m'a annoncé qu'il ne pourrait plus me filer d'herbe parce qu'il préférait vendre une nouvelle drogue...

— Oh, je vois... Et, du coup ?

— Et bah, comme un con j'ai fini par accepter, sauf que j'avais déjà fumé avant, et picolé aussi... Et bref, le mélange était pas génial, explique Hanse avant de se mettre à sourire devant son poulet frit qui arrive devant lui.

— C'est à cause de ça qu'il te regarde de travers en cours ?

— Ah, non... C'est encore autre chose, en fait. Cet abruti m'a fait des avances et il a été super insistant. Il a juste pas apprécié que je l'envoie chier, avoue Hanse entre deux morceaux de poulet.

— Il t'a forcé à quoi que ce soit ? s'inquiète Seungsik en continuant son repas.

— Nan, nan, t'inquiète... J'me suis barré de chez lui en vitesse avant que ça dégénère de toute façon.

Les yeux posés sur Hanse qui ne semble pas réaliser la gravité de ce qu'il à vécu, Seungsik se sent soudain terriblement inquiet pour lui.

— C'est bien... Que vous ne traîniez plus ensemble, je préfère ça, avoue doucement Seungsik.

— Ouais, maintenant je traîne avec toi.

— Tu gagnes au change, tu sais, rétorque Seungsik en frimant.

Après s'être échangé des regards complices et avoir ris durant leur repas, il observe Hanse avoir une soudaine joie de vivre débordante.

— Mec, j'ai une idée ! annonce Hanse en reposant brusquement sa bière vide sur la table. Faudrait qu'on propose à Kino et à Woodz de se faire une soirée tous les quatre ce week-end ! Ça lui ferait sûrement du bien d'oublier un instant toute sa peine et de se connecter à la réalité.

— Ouais, t'as raison, j'pense aussi que ça lui ferait beaucoup de bien. Pas sûr qu'il accepte, mais pourquoi pas tenter ? Si tu veux, j'peux créer une conversation à trois avec Kino pour lui parler de ton idée.

En voyant Hanse sourire comme un enfant a l'idée de faire cette soirée entre amis, Seungsik se met à son tour à sourire bêtement. Il songe alors qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de voir un tel sourire illuminer le visage de son camarade de classe et qu'il apprécie beaucoup cette facette enjouée et bienveillante de sa personnalité.