Chapitre 2 - Hanse


Ce matin, Hanse se réveille seul dans la chambre. Son colocataire n'est toujours pas revenu depuis le drame et n'a pas non plus donné signe de vie depuis quatre jours. Il espère sincèrement les revoir, lui et Woodz aux cours de la matinée, néanmoins, il se doute que leur délégué lui, ne sera pas présent.

Il repense alors à l'autre soir, à son bad trip et à quel point Woodz et Kino ont étaient présents pour l'aider à ce moment-là. Alors, comme depuis quatre jours, Hanse envoie un message à son colocataire afin de prendre des nouvelles de Woodz.

Une fois son téléphone rangé dans la poche de sa veste, Hanse remarque que cette dernière, en plus de lui paraître plus large que d'habitude, contient un crayon dans l'une des deux poches. Il a beau y réfléchir sérieusement, il ne se souvient pas d'y avoir placé un crayon. Il se contente alors de retrousser les manches pour ne plus avoir la sensation que ces dernières lui retombent sur les mains, attrape son sac à dos et s'empresse de rejoindre la salle de classe.

En longeant les couloirs, Hanse ressent que l'ambiance est différente, bien plus pesante et sinistre que d'habitude. Lorsqu'il s'installe à son pupitre, il observe les étudiants arrivés les uns après les autres dans un lourd silence, puis il aperçoit le professeur Lee se figer en regardant le pupitre vide de Woodz.

— Les enfants... Je voudrais qu'on observe une minute de silence ce matin, annonce le professeur Lee, la voix chargée d'émotions. Comme vous le savez probablement, votre délégué et ami vient de perdre son père, qui était un ami pour un grand nombre d'entre nous ici.

Debout en silence devant son pupitre, Hanse ferme les yeux pour se recueillir comme tous les autres élèves. Il se sent progressivement envahi par une sensation de tristesse et de compassion, en imaginant à quel point son camarade de classe doit souffrir en ce moment.

— Le père de votre camarade de classe a toujours agi dans l'ombre pour votre lycée, mais sachez que c'est en grande partie grâce à lui et à son financement que l'application AstroLine a vu le jour, ajoute le professeur Lee après s'être recueilli un instant. Alors, pensez-y et soyez reconnaissant de ce qu'il a apporté à ce lycée avant de disparaître.

Lorsqu'il s'assoit à nouveau sur sa chaise, Hanse pose son regard en direction du bureau vide de Woodz, avant de croiser le regard de Seungsik. Ce dernier ne parvient pas à retenir ses larmes, mais Hanse remarque surtout qu'aujourd'hui encore, il ne porte qu'un simple t-shirt.

— Seungsik, ajoute le professeur Lee dans un murmure. Je te l'ai déjà dit en privé vendredi, mais je suis obligé de te le redire encore une fois. Le port de l'uniforme est obligatoire. Bien que vous ayez le droit de porter vos habits si vous le souhaitez, la veste et le pantalon eux, sont obligatoires.

En observant Seungsik se faire réprimander doucement par leur professeur principal, Hanse comprend soudain que la veste qu'il porte sur lui et qui lui semblait étrangement trop large pour ses fines épaules, appartient en réalité à Seungsik. Gêné, mais surtout curieux de savoir pour quelles raisons il se retrouve à porter la sienne, Hanse songe qu'il devrait rapidement avoir une conversation avec lui.


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Dans le brouhaha de la cafétéria, Hanse ne prend pas la peine de choisir un plateau pour son repas. Chaque lundi midi, il mange près de la fontaine à l'arrière de l'aile B du bâtiment et profite d'avoir été chez lui la veille pour revenir avec un sandwich. Mais aujourd'hui, il cherche Seungsik.

Néanmoins, il ne parvient pas à trouver son camarade de classe, et ce bien qu'il ait regardé dans tous les recoins de la pièce. Alors, comme dernier recours, il se dirige vers Yejun qui mange avec d'autres étudiants de leur cours de dessin.

— Salut, annonce Hanse en arrivant à la table à laquelle se trouve Yejun. Désolé de t'ennuyer pendant ton repas, mais tu sais où je pourrais trouver Seungsik ?

— Tu ne m'ennuies pas, t'inquiète, c'est cool. Je croyais que tu voulais manger avec nous, j'étais content, ajoute Yejun en souriant. Seungsik mange rarement à la cafèt, en général il va se poser seul sur le toit, tu le trouveras sûrement là-bas, je suppose.

— Cool, merci pour l'info, j'vais aller voir s'il y est. On se revoit au cours du prof Kim, bon appétit.

En arrivant près des escaliers du bâtiment, Hanse se demande pourquoi quelqu'un choisirait de gravir cinq étages à pied juste pour aller manger sur le toit. Cependant, lorsqu'il pousse la lourde porte menant au sommet, la brise fraîche caressant ses cheveux et le calme apaisant qui l'entoure lui révèlent immédiatement les raisons de ce choix.

Il s'approche alors doucement de Seungsik qui se tient près du bord, les jambes dans le vide.

— Euh, tu devrais peut-être pas te tenir si près, annonce doucement Hanse dans un raclement de gorge pour prévenir de son arrivée. C'est pas un peu dangereux là ?

— Oh, Hanse, qu'est-ce que tu fais ici ? s'étonne Seungsik en essuyant discrètement une larme de sa joue.

— Je te cherchais.

— Comment t'as su que j'étais là ? Personne ne vient jamais ici... Enfin, plus maintenant.

— Notre commère préférée m'a donné l'info, explique Hanse en souriant.

— Je vois, Yejun, hein ?

— Dis, tu veux vraiment pas te reculer et t'en aller du bord, s'il te plaît ? Ça me fait grave flipper là.

Hanse laisse un soupir de soulagement quitter ses lèvres en voyant Seungsik quitter le rebord avant de s'asseoir sur l'un des bancs situé près de lui.

— J'voulais te remercier, Seungsik.

— Pour quelles raisons ?

— Tu sais très bien pourquoi... C'était toi, c'est ça ? J'ai quelques souvenirs qui me reviennent de la soirée de mercredi. Je me souviens d'avoir été porté sur le dos de quelqu'un. Mes doutes se sont confirmés quand j'ai compris que tu m'avais refilé ta veste.

— J'allais pas te laisser là, au sol... Et je voulais pas que tu gardes sur toi une veste remplie de vomis.

— Merci.

— C'est un juste retour des choses après ce que tu as fait pour moi. Tu sais, j'ai reconnu ton corbeau sur ma feuille de cours.

— Je me sentais trop coupable, avoue péniblement Hanse en se grattant nerveusement l'arrière du crâne. J'ai aidé Serim ce jour-là... J'suis désolé pour ça.

Il observe alors Seungsik lui adresser un sourire et décide de le rejoindre sur le banc avant de reprendre la parole.

— Ça t'ennuie pas, j'espère, si je mange mon repas ici avec toi ? annonce Hanse en sortant de son sac à dos son sandwich, qu'il commence à manger sans attendre de réponse. J'vais laver ma veste ce soir et je te rendrai la tienne demain matin, c'est promis.

Pendant qu'il mange et qu'un silence apaisant s'installe entre eux, il remarque que le visage de son camarade de classe reste toujours marqué par la tristesse.

— T'étais proche du daron de Woodz ? T'as l'air complètement dévasté par tout ça. J'veux dire, moi aussi, ça me fait de la peine pour lui... Mais toi, je t'ai vu pleurer en cours.

— Évidemment, je suis triste pour lui, mais ça me rappelle surtout d'horribles souvenirs. Et puis j'ai peur pour lui. Affronter un deuil comme ça, à notre âge... C'est difficile.

— Quels genres de souvenirs ? demande Hanse curieux.

— Chan... L'élève qui était là avant toi. Il était dans l'option dessin avec moi, on était amis... On venait souvent manger ici tous les deux d'ailleurs... Et puis des rumeurs ont commencé à circuler dans le lycée.

— Quelles rumeurs ?

— Des rumeurs concernant sa possible homosexualité. Des élèves se sont mis à le harceler anonymement, d'autres s'amusaient à le bousculer en lui attribuant des surnoms injurieux jusqu'au jour où il en a eu marre... Il s'est suicidé en se jetant du toit du lycée. Précisément là où on se trouve.

Incapable de répondre ou même de réagir, Hanse se contente d'écouter l'histoire que Seungsik lui raconte, tandis qu'une douloureuse sensation de tristesse s'installe dans le creux de son ventre.

— On était amis, alors j'ai pas compris pourquoi il ne m'a pas parlé au lieu de faire ce qu'il a fait... Et puis, quand on a dû débarrasser son chevalet en cours, on a découvert l'intégralité de ses croquis. Il s'avère qu'il dessinait souvent le même visage...

— Oh, donc il te dessinait, toi... Alors, il était amoureux de toi ?

— Probablement oui, mais je n'en avais aucune idée, j'ai été le premier surpris... Mais du coup, je me sens coupable de pas avoir pu être là pour lui.

— Tu pouvais pas deviner, c'est pas ta faute... En tout cas, je suis désolé, pour ce que j'ai pu dire à ce sujet. Pardon si ça t'as blessé.

— Tu pouvais pas deviner, c'est pas ta faute, rétorque Seungsik avant de lui faire un clin d'œil.

— En tout cas, je préfère ça plutôt que de nous voir toujours à nous prendre la tête, conclut Hanse en tendant à Seungsik son sandwich. T'en veux ? J'avais pas vraiment faim, alors hésite pas.

— J'dis pas non alors, répond Seungsik en acceptant son offre avec un sourire chaleureux. Avec tout ça, j'ai pas pensé à prendre de quoi manger.

À nouveau, ce silence apaisant s'installe entre eux, Hanse se contente alors de poser discrètement son regard sur Seungsik. Et pendant que ce dernier savoure le repas qu'il vient de lui offrir, il songe qu'avoir eu cette conversation avec lui, lui a fait plus de bien qu'il ne l'aurait imaginé.


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Confortablement installé dans son lit, ses écouteurs filaires dans les oreilles, Hanse regarde la nuit tomber doucement à travers la fenêtre située en face de son lit. Mais alors qu'il profite d'un moment de détente seul dans sa chambre avant de s'endormir, il voit apparaître dans l'embrasure de sa porte une silhouette qu'il aurait préféré ne pas voir.

— Qu'est-ce que tu fous là ? s'agace Hanse en retirant ses écouteurs avant de se redresser sur ses coudes.

— J'voulais te proposer qu'on mange ensemble demain soir, annonce nonchalamment Serim en entrant dans la chambre.

— T'es sérieux là ? Après ce que tu m'as fait l'autre soir ? Putain merde, sors de ma chambre, mec.

— Ok, ajoute Serim en reculant. Mais si tu vas raconter à qui que ce soit ce qu'on a fait... Crois-moi, tu le regretteras.

— Casse-toi, Serim, insiste Hanse en pointant du doigt la sortie. Juste, casse-toi putain.

Alors qu'il regarde son camarade de classe quitter sa chambre en lui lançant un regard sombre, Hanse se sent encore sous le choc de son audace et songe qu'il n'irait manger avec lui pour rien au monde. Au même instant, il sent son téléphone portable vibrer à la réception d'un message.

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