Samedi, 12h40.

Le regard perdu sur le paysage qui défile devant lui et malgré toutes ses tentatives, Seungsik ne parvient pas à chasser Hanse de ses pensées. Il se remémore leur première rencontre et les phrases agressives d'Hanse, mais aussi ces regards échangés, chargés de tension, qui n'ont jamais vraiment cessé malgré leur animosité.

Alors qu'il sent son cœur s'affoler simplement en repensant à la nuit qu'ils ont passée, collés dans son tout petit lit, Seungsik laisse échapper un soupir profond, chargé de trouble et de nostalgie. Mais avant qu'il n'ait le temps d'y songer davantage, son téléphone se met à vibrer à la réception d'un message. Il déverrouille alors son téléphone et prend un instant pour répondre à Woodz.

En rangeant son téléphone portable dans la poche de son sweat, il observe au loin Dami en train d'enlacer amicalement le gérant du salon de tatouage. Rapidement, il quitte le siège passager et attend de la voir arriver à son niveau pour l'embrasser avant de passer sur la banquette arrière.

— Merci d'être venus me récupérer, mon amour, annonce Dami en déposant un baiser sur la joue de Sua. Désolée, j'ai un peu tardé, mais Jungkook m'expliquait que son apprenti allait bientôt ouvrir sa propre boutique dans le sud, alors il était un peu déprimé, le pauvre.

— Tu t'es fait un nouveau tatouage alors ?

— Ouais, mais celui-ci, c'est un cadeau pour l'anniversaire de ta mère. Il est situé dans une zone bien spécifique.

— Ah, ok... J'veux rien savoir de plus, rétorque Seungsik en faisant semblant de se boucher les oreilles.

Dans la voiture qui roule encore quelques minutes avant de rejoindre le restaurant, Seungsik sourit en songeant que son ancien colocataire lui semble aller de mieux en mieux à mesure que les jours passent. Il espère sincèrement que la soirée sera bonne pour Kino et pour Woodz et puis, sans vraiment s'en rendre compte, ses pensées reviennent encore à Hanse.

Seungsik se demande ce qu'il est en train de faire, avec qui il peut bien traîner ou avec qui il est en train de discuter. Tandis que ses questions viennent envahir ses pensées, il sent une forme de jalousie s'emparer de lui. Il a beau savoir que ses week-ends sont pour la plupart du temps consacrés à sa petite sœur, il se sent tout de même inquiet à l'idée que quelqu'un s'intéresse à lui de trop près. Égoïstement, il voudrait pouvoir passer ces deux jours en sa compagnie.

Lorsque la voiture se gare enfin, il quitte ses pensées et s'empresse de rejoindre ses mères à l'intérieur du restaurant. Après s'être installés autour de la table et avoir passé leur commande, il observe Dami profiter d'un moment de calme avant l'arrivée de leurs plats pour offrir son cadeau d'anniversaire à Sua. Seungsik regarde alors cette dernière s'émerveiller devant la beauté d'un collier en or rose que Dami se hâte de lui passer autour du cou.

Sans plus attendre, il se penche en arrière pour atteindre son sac à dos accroché sur le dos de sa chaise. Il récupère enfin le cadeau qu'il a transporté avec lui dans le plus grand des secrets, avant de lui tendre le paquet. Un sourire se forme délicatement sur son visage en voyant sa mère déballer son présent et s'extasier de joie, émue devant ce cadre. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un cadeau très onéreux, il sait parfaitement à quel point cette dernière attendait avec impatience de pouvoir encadrer le portrait qu'il a fait d'elles l'hiver dernier, durant leurs vacances à Jeonju.

Après avoir longuement discuté de tout et de rien durant le repas, au moment du dessert, Seungsik voit Sua se tourner vers lui et poser chaleureusement sa main sur la sienne avant de sourire.

— Ça donne quoi alors ?

— Euh... À quel sujet ? demande Seungsik, un peu perplexe.

— Hanse, tu sais, le garçon qui te fait tourner la tête. Ça se voit que tu penses constamment à lui. Dès que tu divagues dans tes pensées, tu as ce sourire niais qui se dessine sur ton visage.

— Ah oui, au fait ! surenchéri Dami en adressant un regard curieux à son fils. Comment ça s'est passé au resto avec lui l'autre soir ?

— Alors comme ça, vous vous y mettez à deux maintenant ? s'offusque Seungsik en refusant de répondre dans un premier temps, faussement choqué. Et puis, pourquoi toutes ces questions après tout ?

— C'est mon anniversaire, chaton... Tu ne veux pas faire plaisir à ta vieille mère ?

— Elle marque un point là, conclut Dami en se pinçant les lèvres. Tu n'oserais pas refuser quelques ragots à ta maman ?

— Bon, ok... J'vais vous répondre... Mais en réalité, j'sais pas vraiment quoi dire, explique Seungsik en croisant les bras contre son torse avant de s'affaler contre le dossier de la chaise. Depuis quelque temps, j'ai l'impression que tout tourne autour de lui. On est en binôme pour nos devoirs et puis j'ai pris la place de kino aux dortoirs. Il est venu m'aider au Better Place et maintenant, on traîne constamment ensemble. Je l'aide aussi pour réviser les mercredis après-midi, mais est-ce que ça veut dire quelque chose pour autant ? C'est peut-être juste de l'amitié, non ?

— Mon grand, si tu veux vraiment savoir... Demande-toi si tu ressens la même chose pour Yejun, Woodz ou bien Kino ?

— Non... avoue doucement Seungsik après un bref instant de réflexion. Non, c'est vrai que quand je pense à mes amis, j'me sens pas gêné ou intimidé. Et puis, je ne me sens pas non plus jaloux à l'idée que d'autres mecs s'approchent d'eux... Mais je sais même pas si je peux vraiment dire que je suis gay, j'suis jamais sorti avec un mec. Comment vous avez su, vous ?

— Moi, j'ai toujours su que j'aimais les filles, mais ta mère sortait avec un mec quand je suis tombée amoureuse d'elle. Mais ça ne m'a pas empêché de lui déclarer mes sentiments.

— T'as pas eu peur qu'elle te repousse, par crainte de l'inconnu ?

— Si, bien sûr que j'ai eu peur ! J'étais morte de trouille, répond Dami sans détour. Mais j'étais déjà trop accro à elle.

— Et toi, maman ? Comment t'as su que tu aimerais sortir avec une fille ? demande Seungsik en posant un regard perdu à sa mère. Même si j'admets qu'il me plait et qu'il m'attire beaucoup, j'ai juste peur qu'Hanse ne soit pas du tout intéressé par les mecs... Enfin, l'autre jour, il s'est confié à moi et j'ai cru comprendre qu'il ne serait peut-être pas contre l'idée, mais ça me stresse quand même... Et si finalement il me repoussait et que je perdais cette amitié naissante qu'on commence à avoir tous les deux ?

— Je n'étais sûr de rien, chaton... Je pensais aimer les garçons, et puis Dami est arrivée et j'ai remis en question tous mes choix de vie. Un peu comme toi, qui as décidé de quitter Haruna pile quand Hanse a débarqué dans ta vie, ajoute Sua avant d'adresser un clin d'œil à son fils. Mais tant que tu ne lui auras pas avoué ton attirance, tu ne sauras jamais si c'est réciproque pour lui aussi.

— En fait, je crois que ce qui m'angoisse le plus, c'est de me rendre compte que j'ai juste jamais aimé personne... Là, ce que je ressens pour Hanse, ça me retourne le cerveau, parfois ça me fait mal, mais en même temps ça m'apaise.

— Sua, ma puce, on dirait bien que notre fils est amoureux ! déclare Dami en tapant joyeusement des mains.

— Chaton, c'est déjà une bonne chose que tu aies réussi à comprendre que tu ressens quelque chose de spécial pour lui. Maintenant, il ne te reste plus qu'à lui faire part de tes sentiments. Mais surtout, ne force rien, les choses se feront sûrement d'elles-mêmes, si tu veux mon avis. Ne te mets pas trop de pression, d'accord ?

— Merci pour tous vos conseils. J'suis désolé, j'ai accaparé toute l'attention sur moi alors que c'est l'anniversaire de maman.

— Oh oui, quel fils indigne ! s'exclame Dami en riant.

Tandis que les desserts arrivent enfin à table accompagnés d'un magnifique gâteau d'anniversaire, Seungsik ne peut s'empêcher de quitter sa chaise pour aider la serveuse qui arrive les mains chargées. Bien trop habitué à être celui qui sert les clients, il attrape une des assiettes dans les mains de cette dernière avant de revenir s'installer à table.

— Je suis fière de mon fils, je crois qu'on a fait du bon travail en t'élevant dans le respect d'autrui, annonce Sua en souriant tandis que la serveuse s'éloigne enfin. Au fait, dis-moi, comment a réagi Hanse en découvrant Nagini ?

— Il n'a pas encore eu l'occasion de la voir. Tu sais bien qu'avec les températures qui commencent à chuter, elle passe ses journées cachée dans le terrarium. Mais il m'en a déjà parlé trois fois, je crois qu'il est super curieux de la voir enfin pour de vrai.

— Il n'a pas peur ?

— Non, j'ai l'impression qu'au contraire, il est super intrigué et qu'il attend que ça de la découvrir. Il m'a même demandé si j'avais une photo d'elle, c'est mignon de le voir fasciné comme ça.

— Mon grand, j'veux pas faire genre, mais il y a quand même un joli parallèle entre son envie de découvrir Nagini et votre rapprochement, ajoute Dami en riant. Fait comme ton python, prend ton temps avant de te dévoiler, vas-y à ton rythme, mais n'aie pas peur et apprivoisez-vous.

Alors qu'ils achèvent leur repas dans une atmosphère chaleureuse et familiale, Seungsik ressent un regain de confiance quant aux sentiments qu'il commence à ressentir pour Hanse. Le fait d'avoir pu aborder ces émotions aussi librement avec ses mamans l'apaise et l'incite à s'ouvrir davantage à son nouveau colocataire à l'avenir.

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— T'es certain de ne pas vouloir venir avec nous, chaton ? On va juste danser un peu et boire un verre, mais on serait ravies que tu te joignes à nous, tu sais.

— Nan, vous inquiétez pas, je veux vous laisser fêter ton anniversaire en amoureuses. Je serais sûrement de trop au final et puis, comme d'habitude, j'suis un peu fatigué. J'vais juste rester sur le canapé, bouquiner un peu et j'irai me coucher pas trop tard. Profitez de votre soirée, rentrez à pas d'heure et éclatez-vous surtout, d'accord ?

— Tu es un homme bon, mon fils, déclare Sua en venant déposer un baiser sur le front de Seungsik avant de récupérer son sac à main.

— Je sais, maman. Tu me le dis constamment.

— Passe une bonne soirée, mon grand. Si tu as un petit creux avant d'aller au lit, j'ai mis les restes du gâteau au frais, précise Dami en enfilant son long manteau noir.

Seungsik sourit à ses mères en les voyant quitter l'appartement mains dans les mains, impatientes à l'idée d'aller danser toutes deux comme des adolescentes le soir du bal de promo. Après leur départ et tandis qu'un silence commence à envahir le salon, il se rend compte que depuis qu'il partage la chambre d'Hanse aux dortoirs la semaine, écouter de la musique en continu est devenue une habitude presque addictive.

Alors, instinctivement, il déverrouille son téléphone portable et lance une playlist pour lui tenir compagnie durant sa soirée lecture. Il quitte un instant le sofa afin de rejoindre la petite bibliothèque du salon et jette son dévolu sur un thriller horrifique, qu'il s'empresse d'entamer de retour sur le divan.

Malgré toute sa détermination et ses efforts pour rester éveillé assez longtemps pour terminer au moins les premiers chapitres de son livre, Seungsik sent peu à peu la fatigue l'envahir. Ses paupières s'alourdissent tandis qu'il parcourt d'un regard flou les lignes de son roman. Soudain, un léger coup frappé contre la porte d'entrée le tire de cet état de somnolence.

Quittant le canapé dans lequel il était à moitié allongé, il dépose le livre sur la table basse devant lui avant de se diriger vers l'entrée. D'abord curieux à l'idée de savoir qui pourrait venir toquer chez lui à la tombée de la nuit, il se souvient très rapidement de la dernière fois que cette situation s'est produite.

Tandis qu'il arrive enfin au niveau de l'entrée, il se remémore ce soir-là, quand Hanse est arrivé chez lui, et le plaisir qu'il a pris à partager la fin de sa soirée en sa compagnie. Mais malgré cet espoir fou de revoir à nouveau son visage apparaître devant lui en ouvrant cette porte, il songe que ce serait bien trop beau pour être vrai.

En ouvrant enfin, il reste interdit, figé devant ce qu'il découvre. Ses yeux ne se posent pas d'abord sur Hanse, mais sur Hanbi qu'il porte dans ses bras. Cette dernière est profondément endormie, les jambes refermées autour de son ventre et le visage posé au niveau de son cou. Mais lorsque Seungsik relève enfin ses yeux sur Hanse qui avait le visage penché sur sa petite sœur jusque-là, il découvre avec effroi du sang couler le long de son visage.