Chapitre 13 - Seungsik


Réveillé par une agréable sensation de chaleur enveloppant tout son corps, Seungsik ouvre doucement les yeux. Un léger sourire vient à présent déformer son visage lorsqu'il découvre sa main posée sur le ventre d'Hanse. Mais après quelques secondes et les idées enfin claires, Seungsik prend soudain pleinement conscience de la situation.

Il se remémore alors lentement les événements de la veille. Hanse arrivant chez lui à l'improviste alors qu'il s'apprêtait à dormir, lui demandant de le cacher dans sa chambre pour la nuit. Leur conversation a cœur ouvert en partageant le même lit, et puis sa main venant subtilement frôler la sienne, sans que ce dernier se décale.

Alors que sa main continue de bouger lentement de haut en bas au rythme de la respiration d'Hanse, il réalise qu'il a franchi une étape avec lui hier soir. Pas seulement en partageant son lit avec quelqu'un pour la première fois de sa vie, mais en lui avouant son homosexualité, sans détours et sans peur.

Le sourire qu'il tente vainement de dissimuler depuis son réveil revient s'étirer sur son visage en se souvenant de la réponse d'Hanse. Ce dernier ne l'a pas repoussé, bien au contraire, Seungsik a eu l'étrange sensation qu'il était satisfait de l'entendre lui avouer ça. En tentant de se recentrer sur la situation, Seungsik réalise qu'il est également très proche d'Hanse, au point de sentir la chaleur de son corps contre le sien. À contrecœur, il décide alors de retirer sa main, jusque-là posée nonchalamment sur son ventre.

Malheureusement, en essayant de se décaler délicatement, il prend appui sur son poignet encore endolori. Un gémissement de douleur quitte alors ses lèvres, réveillant Hanse par la même occasion.

— Pardon, j'voulais pas te réveiller.

— Mmmh, gémit Hanse, en se frottant les yeux. C'est pas grave, c'est quelle heure ?

— Oh, le jour vient à peine de se lever, il est encore très tôt... J'suis vraiment très matinal, excuse-moi.

— Nan mais t'inquiète, c'est parfait. De toute façon, je dois m'enfuir et rentrer chez moi avant que ma mère se lève, alors t'excuse pas... T'as encore mal à ton poignet ?

— Nan, ça va. Il faut juste que j'évite de prendre appui dessus, comme je viens de faire bêtement.

Se redressant doucement contre sa tête de lit, Seungsik se décale afin de laisser un peu plus de place à Hanse sur le petit matelas.

— J'te préviens, au service de ce soir, j'te laisserais pas forcer sur ton poignet, ajoute Hanse d'un ton faussement autoritaire. S'il le faut, je te suivrai comme ton ombre.

— Suis-moi au lieu de dire des conneries, rétorque Seungsik en retirant la couverture de son corps. Il faut qu'on te fasse partir d'ici discrètement.

En sortant de son lit, Seungsik a l'impression de laisser derrière lui un moment de douceur et d'apaisement, qu'il n'est pas sûr de pouvoir retrouver un jour. Néanmoins, il s'empresse d'aller jeter un coup d'œil dans le couloir afin de s'assurer que tout le monde dort encore. En entendant le bruit d'un mouvement qu'on retire et malgré l'envie qui le tiraille, Seungsik reste figé et ne se retourne pas pour laisser à Hanse le temps de se rhabiller en toute intimité.

— C'est bon, le champ est libre. Mais dans le doute, ne fais pas trop de bruit, Dami a le sommeil léger.

Entraînant Hanse à sa suite le long du couloir jusqu'à rejoindre l'entrée, il se retourne vers lui et l'observe, simplement vêtu de son t-shirt, et lui adresse un regard inquiet.

— Nan, désolé, mais j'te laisse pas sortir comme ça, chuchote Seungsik en grimaçant après un bref instant de réflexion. Bouge pas, j'te ramène mon gilet.

En arrivant dans sa chambre, il attrape rapidement son gilet et s'apprête à le rejoindre dans l'entrée, mais il passe d'abord par la cuisine avant d'arriver enfin vers lui.

— Tiens, pars pas le ventre vide, murmure Seungsik en approchant une brioche au niveau des lèvres d'Hanse.

— Et c'est toi qui dis ça ? rétorque Hanse en souriant avant de croquer dans le petit pain. Si j'suis pas là pour te nourrir le midi, t'y pense pas de toi-même.

— Oui, bon, allez... Va-t'en maintenant.

Avant de refermer la porte d'entrée, il voit Hanse se retourner une dernière fois vers lui en souriant chaleureusement.

— Encore merci pour cette nuit. Profite de ton jour férié pour te reposer un peu, on se voit ce soir au Better Place.

De retour dans le couloir en direction de sa chambre, Seungsik tombe nez à nez avec Dami. Cette dernière, la tête encore dans le brouillard, arque un sourcil en le fixant.

— Mon cœur, je sais que tu te lèves toujours assez tôt, mais il est à peine sept heures là.

— Ouais, j'avais juste besoin d'aller aux toilettes et après j'ai eu soif.

— Tout va bien ? T'as l'air bizarre.

— Ouais, t'inquiète, c'est juste que j'ai pas beaucoup dormi cette nuit... J'ai passé du temps à discuter avec Hanse sur les réseaux, explique Seungsik, en dissimulant la vérité derrière un petit mensonge nécessaire mais pesant.

— On en a parlé avec ta mère hier, quand il est rentré chez lui, ajoute Dami en remettant un peu d'ordre dans ses cheveux. On l'aime bien et puis on le trouve super beau... Et toi ? Tu le trouves comment ?

— Euh, oui... C'est vrai qu'il est carrément mignon, enfin j'veux dire... Ouais, il me plaît... Mais bon, pour le moment, j'apprends surtout à le connaître, tu sais.

— Ok, ok, promis, je n'insiste pas plus... Mais maintenant, je sais qu'il te plait. J'vais avoir des ragots à raconter à ta mère en lui apportant son café, conclut Dami en riant avant de venir ébouriffer les cheveux de son fils.

En rejoignant enfin sa chambre, il rougit en posant les yeux sur son lit, toujours défait et paré d'un second oreiller sur lequel Hanse a dormi cette nuit. Peu à peu, il remarque que le doux parfum fruité d'Hanse imprègne encore l'air, aussi léger et enivrant que sa présence dans sa vie.


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Paisiblement installé derrière le comptoir, Seungsik prend plaisir à regarder son collègue d'un soir en train de discuter chaleureusement avec les clients qui viennent de s'installer autour d'une table. Il est surpris de remarquer qu'Hanse se débrouille comme s'il avait toujours travaillé dans un restaurant. Sa collègue, Jieun, pourtant ici depuis déjà plusieurs semaines, semble encore moins à l'aise qu'Hanse en présence de clients. Alors Seungsik affiche un sourire ravi sur son visage en constatant que son ami prend ce travail d'un soir vraiment très au sérieux.

Après l'avoir vu partir de chez lui ce matin, il a rapidement ressenti comme une sorte de manque. Bien qu'ils passent leurs journées de cours ensemble, qu'ils mangent chaque midi sur le toit tous les deux et qu'ils partagent à présent la même chambre dans leurs dortoirs, Seungsik ne peut s'empêcher de repenser à ses dernières vingt-quatre heures.

Avoir accueilli Hanse chez lui, l'avoir vu rencontrer ses mères avant de discuter chaleureusement avec elles et lui avoir fait découvrir sa chambre. C'était déjà beaucoup pour Seungsik, alors quand Hanse est revenu chez lui le soir-même et après avoir discuté comme ils l'ont fait, c'est une sensation de proximité et d'intimité qui a commencé à prendre possession de ses émotions.

Tandis qu'il aperçoit Hanse revenir vers lui au niveau du bar, il observe un large sourire sur le visage de ce dernier. Plus habitué à voir son collègue d'un soir froncer les sourcils et grogner contre les gens, il se surprend à prendre goût à ce sourire chaleureux bien plus qu'il ne l'aurait imaginé.

— Franchement, c'est plutôt cool de bosser en salle, mais les clients bourrés... J'men passerais bien, annonce Hanse en soupirant avant de s'accouder nonchalamment sur le comptoir. Comment tu gères ça, toi ?

— Oh, eh bien, s'ils sont trop dérangeants, je n'hésite pas à les mettre dehors, répond Seungsik en adressant un clin d'œil malicieux à Hanse. Mais ne te plains pas trop, tu ne t'es fait tripoter par personne ce soir.

— Hey, le service n'est pas encore fini... Avec un peu de chance, moi aussi je pourrais me faire harceler par une cougar. Laisse-moi y croire un peu, s'il te plaît.

Au moment où Seungsik s'apprête à lui répondre, des clients apparaissant à l'entrée du restaurant détournent l'attention d'Hanse, le poussant à écourter leur conversation. Néanmoins, Seungsik songe que c'est sûrement pour le mieux, étant donné ce qu'il s'apprêtait à lui répondre. Alors, comme pour chasser ses idées parasites de sa tête, il s'autorise à répondre à voix basse pour lui-même.

— Je préférerais que personne ne te tripote, j'ai déjà du mal à supporter l'idée que Serim ait pu te toucher, déplore doucement Seungsik dans un demi-silence avant d'accueillir à son tour les clients.


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Cela fait déjà plusieurs jours qu'Hanse a emménagé comme nouveau colocataire, mais rien n'y fait. Chaque fois que Seungsik prend sa douche, il ne peut s'empêcher de se sentir mal à l'aise. L'idée même qu'Hanse soit dans la pièce voisine alors qu'il est nu le met sur les nerfs.

Pourtant, au-delà de la gêne, il ressent aussi une pointe d'excitation troublante. Cette sensation atteint son apogée lorsqu'il entend, certains soirs, Hanse sous la douche. Avec le mur de la salle de bain adossé à son lit, il peut entendre son colocataire fredonner sous l'eau, ce qui ne fait qu'intensifier son trouble.

Cependant, ce soir, c'est lui qui sort de la douche en se demandant bêtement si son colocataire se sent également troublé par la situation, mais en rejoignant la chambre après avoir enfilé son pyjama, il remarque que ce dernier à ses écouteurs fixés à ses oreilles et le visage penché au-dessus d'un petit carnet.

Profitant que son colocataire ne puisse pas le surprendre en train de l'observer, Seungsik prend son temps pour regarder ce qu'il est en train de faire. Il est alors irrémédiablement attiré par le dessin que ce dernier réalise avec la plus grande concentration. Ces épais traits noirs et sombres le captive et le rendent admiratif. Sa manière de manier le feutre est aussi brute et intrigante que sa personnalité au premier abord, puis en se rapprochant davantage de lui, on peut saisir toute une palette d'émotions différentes.

En cessant de l'observer, Seungsik marche jusqu'à son propre lit, puis il voit Hanse relever doucement les yeux dans sa direction avant de retirer l'un de ses écouteurs.

— Tu sais, tu peux écouter ta musique librement. T'es pas obligé de mettre tes écouteurs... En plus, maintenant, tu sais qu'on écoute un peu le même genre de sons.

— Ah, cool, merci. J'voulais juste pas te déranger.

— Tu me déranges pas du tout, ajoute Seungsik dans un sourire en s'installant confortablement dans son lit. Au fait, tes dessins... Je les trouve vraiment super bons.

— Bof, j'suis loin d'avoir ton talent, répond Hanse en grimaçant, un peu gêné. Tes croquis sont toujours parfaits et tu es le meilleur de la classe de M. Kim.

— Je me contente de reproduire ce qui m'inspire, ce que je vois ou ce que je trouve réellement beau... Honnêtement, je pense que mes croquis pourraient facilement être confondus avec ceux d'un autre élève. Alors que toi, t'as carrément un style qui n'appartient qu'à toi, particulièrement original et très intéressant. J'pense que tu te sous-estimes beaucoup trop et que tu n'as pas du tout conscience de ton talent.

Tandis qu'il regarde Hanse déposer son feutre et son carnet contre le matelas et se redresser, il capte soudain le regard timide et gêné de ce dernier qui rougit à ses compliments. À l'instant où il remarque ses joues rougies par la gêne, il ne peut s'empêcher de le trouver terriblement mignon. Mais alors qu'il s'apprête à reprendre son monologue pour le complimenter encore un instant, un petit coup frappé discrètement contre leurs portes les coupent dans leurs conversations. Il observe alors Hanse quitter son lit et se diriger vers la porte.

— Woodz, tu vas bien ? s'inquiète Hanse en invitant son ami à entrer dans leur chambre. Tu pleures ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Ça va, t'inquiète... J'viens juste d'avoir une conversation au téléphone avec mon oncle et il m'a fait réaliser que j'avais de la chance d'être entouré par de supers amis... Alors, j'voulais juste vous dire merci.

— Pas besoin de nous remercier. On t'aime, on est tes amis, on est là pour toi, c'est tout naturel, poursuit Seungsik en adressant un sourire chaleureux à Woodz.

— J'sais pas ce que je serais devenu sans Kino et sans vous deux. La soirée chez toi, Hanse, ça m'a fait un bien fou... Depuis, on traîne tous les quatre et j'trouve ça vraiment génial... Alors, merci pour tout.

— C'est important de pouvoir compter sur ses amis. Comme Kino te l'a déjà dit, laisse-nous prendre soin de toi et tu verras que tu iras bientôt mieux, c'est promis.

— Merci, Hanse... Bon, j'vais pas vous ennuyer plus longtemps.J'vais vous laisser vous mettre au lit et puis je vais retourner chialer devant Kino je suppose, conclut Woodz en riant, tandis qu'il essuie des larmes encore présentes sur ses joues.

— Tu sais bien que tu ne le déranges pas du tout. Peut-être que vous devriez profiter du week-end pour faire quelque chose rien que tous les deux ? Suggère Seungsik avant d'être immédiatement rejoint par Hanse, qui acquiesce également à ses propos.

En observant Hanse donner une tape amicale sur l'épaule de son ancien colocataire, Seungsik songe que ce dernier semble vraiment aller mieux depuis quelques jours. En s'allongeant confortablement sous sa couverture, il espère sincèrement que leur amitié et les moments passés tous les quatre ont véritablement influencé l'état d'esprit de Woodz.

Avant de laisser ses paupières se fermer, son regard dérive une dernière fois vers le lit d'Hanse. Il remarque que ce dernier a laissé une mélodie s'échapper de son téléphone, emplissant l'air d'une douce mélodie. Lui qui, d'ordinaire, préférait le silence comme seul compagnon de nuit, s'étonne de se sentir prêt à bousculer ses habitudes, comme pour effleurer un peu plus l'univers d'Hanse. Il ne lui faut que quelques notes de piano pour s'abandonner au sommeil, bercé par ce murmure musical apaisant.

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