Jeudi, 03h20.

Des gémissements d'inconfort sortent doucement Kino de son sommeil, qui cherche à atteindre son téléphone portable caché quelque part sous son oreiller. Il essaie d'abord de déchiffrer l'heure tardive qui s'affiche devant ses yeux mi-clos, mais très rapidement des geignements se font à nouveau entendre.

Dirigeant la lumière de son écran vers le lit de son colocataire, il remarque que ce dernier commence à se réveiller en se tenant le ventre. Kino s'empresse alors d'allumer la lampe de chevet posée sur son bureau collé au matelas, avant de rejoindre Hanse sur le sien.

— T'as encore mal quelque part ? demande Kino en venant poser le revers de sa main sur le front d'Hanse. Ça va ?

— Hmmm, euh j'sais pas... J'ai mal au bide et j'ai la tête en vrac putain.

Alors qu'il voit Hanse qui tente de se redresser sur son lit, il aide ce dernier qui gémit encore de douleur en se mettant enfin en position assise.

— Putain... J'me souviens pas de m'être mis au lit. Et pourquoi je dors en pyjama ? Normalement, je dors juste en caleçon... J'comprends rien là, avoue Hanse totalement confus.

— C'est normal que tu ne comprennes pas, laisse-moi t'expliquer, mais d'abord attends une seconde.

Kino quitte le lit de son colocataire et s'avance rapidement vers son bureau avant de revenir et tendre une bouteille d'eau à Hanse.

— Bois, ça va te faire du bien.

Pendant qu'Hanse se désaltère, il s'installe plus confortablement sur le bout du lit de ce dernier avant de commencer son explication.

— Hier soir, t'as fait un bad trip. Seungyoun et moi, on t'a retrouvé à ramper devant la porte du dortoir, recouvert de vomis. T'étais pratiquement inconscient, alors on t'a foutu en boxer et on t'as mis sous la douche.

— Ah, merde c'est vrai... Ça me revient, j'étais chez Serim.

— Ouais, bah je sais pas ce que vous avez foutu là-bas, mais t'étais vraiment mal en revenant ici. T'as continué de vomir sous la douche et même une fois au lit, tu tremblais. C'est pour ça qu'on t'a enfilé un pyjama.

— Putain, c'est la merde qu'il m'a filé, c'est sûr, avoue Hanse dans un soupir de mécontentement. Mais c'est pas le pire...

Kino regarde attentivement son colocataire, à présent bien réveillé et bien plus à même de se souvenir en détails des évènements de la veille, se grattant nerveusement l'arrière du crâne.

— Tu veux en parler ?

— Le truc, c'est que j'sais pas vraiment comment réagir à ce qui s'est passé... En fait, il m'a chauffé en me touchant. Je crois qu'il est bi... Le problème, c'est que j'ai beau l'avoir repoussé avant qu'il revienne à la charge, j'ai quand même été excité, avoue péniblement Hanse complètement gêné. Est-ce que ça veut dire que je suis gay ?

— T'avais envie qu'il te touche ?

— Non, ça m'a dérangé au début... Mais il avait appuyé sa main, tu sais, juste là. Merde, j'aurais pas dû aimer ça.

— Est-ce que tu as déjà été touché par quelqu'un d'autre ici ? Est-ce que tu es même déjà sorti avec quelqu'un ? demande Kino afin d'essayer d'aider au mieux son ami à y voir plus clair.

— Non, jamais... Mais j'me suis jamais posé la question concernant une attirance pour une fille ou pour un mec. De manière générale, je trouve les gens chiants en fait, donc je ne cherche pas plus loin, ajoute Hanse en riant pour cacher sa gêne. Et toi ? J'veux dire, t'es gay non ? Comment tu l'as su ?

— Je ne sais pas vraiment si je suis gay, répond doucement Kino en souriant à l'idée de parler de la personne qu'il aime. Je suis juste amoureux de Seungyoun depuis toujours. Il n'y a jamais eu que lui dans mon cœur, alors je n'ai pas vraiment eu le temps de penser aux autres. Je l'aimerais tout autant s'il était une fille, tu vois ? Maintenant, concernant ce qui s'est passé avec Serim, je pense que ton corps a juste eu une réaction physique normale. Ça ne veut pas forcément dire que tu es gay. Ne panique pas trop à ce sujet. Si tu es gay ou si tu tombes amoureux d'un mec, tu le sauras bien assez vite.

— Mais ça t'angoisse pas toi, l'idée d'aller physiquement plus loin avec lui ? Enfin, pour ça faudrait que tu oses enfin lui avouer tes sentiments. Mais t'as pas l'air super motivé, sans vouloir t'offenser.

— En fait... Avant qu'on doive se charger de toi, on était justement sur le point de s'embrasser, enfin je crois, avoue Kino en rougissant. Mais du coup, je me suis occupé de toi et lui est rentré dans sa chambre.

— Oh merde, désolé.

— Nan, c'est rien, t'inquiète pas, ajoute Kino dans un sourire rassurant. On devrait se rendormir, sinon demain ça va être compliqué d'assumer en cours, tu crois pas ?

— Ouais, pardon pour la confidence en plein milieu de la nuit... Mais merci, t'es vraiment un mec bien, Kino.

Kino adresse alors un sourire chaleureux à Hanse, avant de quitter son lit pour rejoindre le sien dans l'espoir de trouver à nouveau le sommeil rapidement. Mais pendant qu'Hanse se met à ronfler tout de suite après qu'il ait éteint la lumière, Kino lui, repense à ce baiser que Seungyoun était sur le point de lui offrir quelques heures auparavant.

C'est avec des papillons dans le ventre et le cœur en pagaille qu'il s'endort enfin, un sourire niais collé sur son visage.

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En longeant le couloir qui mène à la salle de classe A, Kino aperçoit Serim en train de flirter avec une fille de la classe d'à côté. Il attend un instant que cette dernière s'en aille avant d'interpeller Serim.

— Dis, tu crois que tu pourrais arrêter de refiler de la merde à Hanse ? Hier soir, je l'ai retrouvé dans un sale état à cause de toi, murmure Kino d'un ton calme mais strict. Ça aurait pu être grave, tu sais.

— J'en ai rien à foutre s'il sait pas se gérer, répond Serim en haussant la voix, tout en approchant nerveusement son visage de celui de Kino. Il peut aller chialer dans tes bras autant qu'il veut, j'vois pas en quoi ça me concerne.

— Mec, je veux pas d'histoires. Je voudrais juste que tu laisses mes amis tranquilles, s'il te plaît.

— J'dois plus parler à Seungsik, j'peux plus traîner avec Hanse. Tu veux m'interdire quoi d'autre encore ? Espèce de p'tite merde !

Serim, par pure provocation, vient coller son front contre le sien avant de le plaquer violemment contre le mur, faisant tomber son sac au sol. Au même instant, Kino entend la voix familière et réconfortante de son meilleur ami résonner au fond du couloir.

— Serim ! Tu dégages tout de suite ou je préviens le professeur Lee ! s'écrit Seungyoun en arrivant à leur niveau.

— Oh pardon, monsieur le délégué qui suce les profs, lance Serim d'un ton dédaigneux. Vous m'avez saoulé avec vos histoires de pauvrettes là, j'me tire.

Rassuré que cette altercation ait pris fin sans plus tarder, Kino regarde Serim entrer dans la classe en râlant. Tandis qu'il se redresse et tente de recoiffer rapidement sa frange, il voit Seungyoun se pencher pour ramasser son sac à dos avant de le lui tendre dans un sourire.

— Ça va ? Il ne t'a pas fait mal, j'espère ? s'inquiète Seungyoun en attrapant Kino par le menton pour vérifier l'état de son visage. Tu sais, en tant que délégué, je peux facilement le démonter auprès du prof si j'veux.

— Non ça ira, ne t'inquiète pas, répond doucement Kino en souriant avant de récupérer son sac des mains de Seungyoun. Je vais bien, je t'assure. C'est pas la peine de faire cette tête-là.

Lorsqu'il effleure la main de son meilleur ami, Kino se met soudain à rougir en repensant à leurs mains, qui la veille au soir étaient tendrement entrelacées, puis lentement ses yeux se posent sur ceux de Seungyoun et l'espace d'un instant, plus rien autour ne semble exister.

Il n'est plus au lycée, il n'y a plus d'étudiants, il n'y a que Seungyoun qui se tient devant lui. Seungyoun qui lui sourit affectueusement, Seungyoun et ses jolies lèvres pulpeuses dont il connaît les contours par cœur, ses mêmes lèvres qui, hier encore, étaient si proches des siennes.

Malheureusement, la sonnerie annonçant le début des cours vient mettre un terme à ce moment suspendu dans le temps, en le ramenant brusquement à la réalité. À regret, il regarde Seungyoun rejoindre la classe en le suivant de près, avant d'aller s'installer derrière son pupitre.

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Lorsque l'heure de la pause méridienne arrive enfin, Kino s'apprête à suivre son meilleur ami pour aller manger ensemble, mais il est retenu par Seungsik. Ce dernier l'interpelle avant de quitter la salle de classe une fois cette dernière entièrement vidée de tous les élèves.

— Alors ? Comment il va ? demande Seungsik en pointant du menton la silhouette d'Hanse qui s'éloigne dans le couloir. J'ai jeté des coups d'œil rapides pendant les cours, il avait l'air d'aller bien.

— Tu t'en soucies beaucoup, hein ? répond Kino en souriant amicalement. Seungyoun et moi, on s'est occupé de lui avant de le mettre au lit. Mais en plein milieu de la nuit, il s'est réveillé un peu en panique et on a discuté un long moment tous les deux. Apparemment, Serim et lui se sont embrouillés. J'ai tenté de le raisonner tout à l'heure, mais en vain.

— Oh... Ça explique pourquoi il s'en est pris à toi alors... Je préférerais qu'il s'en tienne à une seule cible et qu'il s'acharne uniquement sur moi, au lieu de faire chier tout le monde, conclut Seungsik dans une grimace. Mais je suis quand même rassuré de savoir que tu as pu veiller sur lui cette nuit.

— Ne t'inquiète pas pour Hanse, je pense qu'il n'est pas près de traîner avec lui à nouveau. Bon, tu m'excuses, mais j'aimerais rejoindre Seungyoun à la cafèt... Il faut qu'on parle, lui et moi, avoue Kino en rougissant.

— Il était temps, termine Seungsik en adressant un clin d'œil à Kino. Allez, file le rejoindre, dépêche-toi.

En arrivant à la table à laquelle ils se réunissent tous habituellement, Kino est surpris de ne voir que Lisa, amoureusement collée à Sanha ainsi que d'autres camarades de leur cours de musique, mais aucune trace de son meilleur ami.

— Seungyoun n'est pas là ? demande Kino, perplexe en déposant son plateau sur la table.

— Non, justement, on pensait qu'il était encore avec toi, rétorque Sanha.

— Il va peut-être bientôt débarquer. Tu sais comment il est, il aime bien attirer les regards et faire son show, ajoute Lisa en riant.

Peu convaincu par l'hypothèse de son amie, Kino décide alors d'envoyer un message à son meilleur ami sur l'application avant de commencer à manger.

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Constamment inquiet et préoccupé, Kino n'a pas réussi à se concentrer une seule fois durant tous les cours de l'après-midi. Son esprit était constamment focalisé sur l'absence soudaine et inexpliquée de Seungyoun. Alors, quand la fin des cours a enfin sonné, au lieu de se rendre dans les dortoirs comme tous ses camarades de classe, il a décidé d'aller directement chez Seungyoun.

Pendant que le bus le rapproche lentement de sa destination, il observe avec attendrissement un jeune couple amoureux qui s'enlace tendrement. Le temps d'un instant, il met son inquiétude de côté et se contente simplement de repenser à ce baiser qu'ils ont failli échanger hier soir. Une douce chaleur l'envahit, tandis qu'une nuée de papillons agite son ventre à l'idée de peut-être se retrouver face à lui d'ici à quelques minutes.

En descendant du bus, il vérifie une dernière fois sur l'application, mais toujours aucune réponse de sa part. Alors qu'il s'approche de leur maison, une sensation désagréable l'envahit, comme un sombre pressentiment qui s'empare brusquement de ses pensées.

La maison est totalement vide, les lumières sont toutes éteintes, il n'y a personne à l'horizon. Rien d'autre qu'un lourd silence et cette atroce sensation qui le paralyse. Il décide alors d'appeler son meilleur ami.

Un premier appel, la messagerie, pas de réponse.

Kino insiste et compose à nouveau son numéro.

Toujours pas de réponse, le stress augmente.

Au bout de son cinquième appel, il entend enfin Seungyoun décrocher.

— Putain, Seungyoun j'ai eu super peur ! Pourquoi tu répondais pas ? T'es où ? J'ai pas arrêté de m'inquiéter toute l'après-midi !

— Je...

— Seungyoun ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu pleures ? Tu vas bien ? Dis-moi ce qui ne va pas, je t'en prie...

— Kino, c'est...

— C'est quoi ? Dis-moi. Tu me fais peur là.

— C'est mon père, Kino... Il est mort.