Chapitre 15 - Seungsik


Mercredi, 12h05.

Pleinement satisfait du dessin qu'il vient de réaliser, Seungsik range ses crayons dans son étui avant d'adresser un sourire au professeur Kim. En rangeant tout son matériel dans son sac à dos, son regard se fixe sur la feuille de cours qu'il avait récupérée sur son bureau l'autre matin. Il jette alors un bref coup d'œil vers Hanse, bien trop absorbé à caresser Luna pour remarquer qu'il est observé.

Il a d'abord pensé que l'auteur de cette copie pourrait être Yejun, mais lorsque ses yeux se sont posés sur le revers de la feuille, il a compris. Il s'est souvenu de la première fois où Hanse était venu en cours de dessin et de ce corbeau aux traits inquiétants et sombres qui l'avaient déjà intrigué ce jour-là.

Cependant, il ne comprend toujours pas pourquoi son camarade de classe a fait ça pour lui alors que leurs rapports sont toujours tendus. Il regarde ce dernier quitter la salle de classe et songe qu'il ne lui a pas adressé un regard et pas un mot depuis qu'il lui a ordonné de quitter le restaurant l'autre soir.

Malgré cette incompréhension qui le tiraille depuis une semaine, Seungsik se sent particulièrement reconnaissant de voir qu'il a pris la peine de faire ça pour lui. Il sait que ces cours étaient longs et fastidieux à retranscrire, et qu'il a probablement passé des heures à tout réécrire. Pourtant, il ne comprend toujours pas ce qui l'a poussé à faire ça. Ce qu'il ignore également, c'est pourquoi il l'a fait dans une telle discrétion, sans jamais attendre un mot de remerciement en retour.

Tandis qu'il quitte à son tour la salle de classe en saluant son professeur de dessin, il sent son téléphone vibrer dans la poche de son pantalon. Il ouvre alors rapidement l'application AstroLine et fronce les sourcils d'inquiétude face aux messages que Woodz vient de lui envoyer.

En rangeant son téléphone dans la poche de sa veste, Seungsik remarque qu'il à encore une fois marché inconsciemment en direction du toit de l'école pendant qu'il envoyait ces messages à Woodz. Une fois arrivé là-haut, il profite durant quelques secondes de cette quiétude et du silence que lui offre cet endroit si précieux à son cœur pour se ressourcer.

Assis en tailleur, Seungsik ouvre son sac à la recherche de son repas, mais à la place, il sort une pochette cartonnée et une feuille vierge. Lorsque l'inspiration vient se faire une place dans son esprit, il ne prend pas la peine de lutter et commence à dessiner. Laissant son crayon tracer des traits, dessiner des ombres, créer des reliefs, Seungsik se sent comme possédé.

La sonnerie de son téléphone portable le coupe un instant dans son élan, mais il décide de mettre son appel sur haut-parleur, de poser son portable tout près et de continuer de dessiner tandis qu'il décroche enfin.

— Coucou chaton, tu vas bien ?

— Bonjour maman, oui ça va très bien, merci, et toi ? Tu n'es pas au travail aujourd'hui ?

— Non, c'est mon jour de repos. Alors comme je sais que tu finis tes cours à midi, j'ai pensé à t'appeler pour prendre de tes nouvelles. Tu nous manques pendant la semaine, tu sais.

— Maman, on se voit tous les week-ends et tu sais bien que si je ne bossais pas au Better Place, je viendrais aussi vous voir les mercredis.

— Je sais bien, chaton, je ne voulais pas te faire culpabiliser... C'est juste que je t'aime.

— Moi aussi, maman.

— Ta semaine se passe bien à l'école ? Oh, j'y pense, c'est un nouveau mois qui commence. Tu es encore en binôme avec Yejun ? Dami et moi, on l'adore ce petit, il a toujours des ragots sur tout le monde !

— Non, ce mois-ci je suis avec Hanse, le nouvel élève... Tu sais, je vous en ai parlé l'autre soir.

— Oui, je m'en souviens. Il cherche encore à t'embrouiller ?

— Non... Au contraire, il m'a même aidé hier. J'ai du mal à le cerner, il m'intrigue beaucoup.

— Tu n'es pas le plus facile à cerner non plus, tu sais. Chacun sa carapace, je suis sûre que votre binôme vous aidera à vous rapprocher.

— Peut-être, oui.

— Si tu as besoin d'un endroit au calme pour vos révisions, tu sais que tu peux l'amener ici. Même si tu as toujours refusé, à part avec Yejun, ma proposition reste toujours la même.

— D'accord, merci maman.

— Laisse-moi deviner, tu étais encore en train de dessiner sur le toit ?

— Comment tu peux savoir ça ?

— Ta voix, tu as l'air concentré et captivé, tu as cette voix quand tu te mets à dessiner. Allez, je te laisse exprimer ton art. Je t'aime, chaton.

— Moi aussi je t'aime, maman, à bientôt.

En raccrochant, Seungsik se rend compte que durant l'appel, il a inconsciemment dessiné un visage de profil. Il essaie dans un premier temps de nier l'évidence, mais lorsqu'il insiste avec la pointe de son crayon sur l'anneau noir au coin des lèvres de cet inconnu qu'il vient de dessiner, il ne peut plus se mentir à lui-même.

Le visage sur son dessin, c'est celui d'Hanse, il reconnaît ce piercing sur sa lèvre inférieure, mais aussi l'anneau qu'il porte au nez. La longueur de ces cheveux retombant gracieusement devant ses yeux et ce tour de cou, tous ces détails mettent Seungsik au pied du mur : il vient de dessiner Hanse sans s'en rendre compte.

Par réflexe et comme pour cacher sa gêne, il range rapidement ce croquis dans sa pochette cartonnée avant de commencer à manger.


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La nuit commence doucement à tomber et pourtant le restaurant est déjà rempli. Mais depuis que Jieun a été embauchée ici, Seungsik se sent moins épuisé après certains de ses services. Sa collègue, bien qu'encore en formation, allège grandement sa charge de travail.

Ce soir, il est le préposé au bar et se charge uniquement de l'accueil des clients, de la préparation des boissons et de la partie snack maintenant que Xiumin a investi dans une machine à gaufres. Il est d'ailleurs en train de préparer la commande que son colocataire lui a passée il y a environ cinq minutes. Tandis que le premier bungeoppang fourré à la crème finit de chauffer, il aperçoit ce dernier entrer dans le restaurant en frottant nerveusement ses mains sur ses cuisses.

— Alors, il a dit oui ? demande Seungsik tandis qu'il dépose la première gaufre dans le sac.

— Ouais ! Je vais profiter d'être juste avec lui pour le faire parler. J'espère que ça se passera bien, putain, j'angoisse bêtement alors que je le connais depuis toujours, annonce Woodz en grimaçant de stress.

— Ça va aller, ne panique pas, c'est Kino. Sois toi-même et sois à l'écoute de ton ami et tout ira bien, ajoute Seungsik en ajoutant la seconde gaufre avant de tendre le sac à Woodz d'une main tandis que l'autre se pose amicalement sur son épaule.

— Encore merci pour tous tes conseils, tu gères ! Allez, je file, il m'attend !

Il observe son colocataire quitter le restaurant en courant et tandis qu'un nouveau groupe de clients arrive devant lui, il espère sincèrement que leur soirée se passera aussi bien qu'il se l'imagine et que peut-être, Woodz saura apaiser les tourments de son meilleur ami.

Après un service super efficace et bien plus rapide qu'il ne l'imaginait, Seungsik est ravi de voir son patron s'approcher de lui avec un sourire chaleureux collé au visage.

— Tu peux rentrer maintenant, Seungsik. Je me charge de montrer la fermeture à Jieun, mais c'est bon pour toi, rentre te reposer.

D'abord réticent à l'idée de laisser sa collègue et son patron fermer seuls le restaurant, Seungsik décide pour une fois d'accepter cette offre et de profiter d'un bout de soirée au calme. Lorsqu'il quitte le Better Place, il adresse un dernier sourire à Xiumin et à Jieun avant de prendre la direction des dortoirs de son lycée.

Comme à son habitude en arrivant, Seungsik passe par l'arrière du bâtiment afin de profiter de la vue sur la fontaine située de l'autre côté de la cour. Mais tandis qu'il approche de la porte arrière, il remarque au loin une silhouette au niveau du sol.

Lorsqu'il arrive enfin devant la silhouette, il découvre qu'il s'agit d'Hanse. Ce dernier est recroquevillé sur lui-même et tout son corps tremble. Seungsik s'accroupit pour s'assurer que son camarade se porte bien, mais en bougeant le torse de ce dernier, il remarque que la veste d'Hanse est recouverte d'une substance visqueuse verdâtre.

Inquiet, il vient rapidement poser sa main sur son front et s'étonne de découvrir Hanse brûlant de fièvre. Ce dernier, toujours inconscient, ne réagit pas lorsque Seungsik lui retire sa veste afin de lui enfiler la sienne sur les épaules.

Seungsik se positionne alors devant le corps d'Hanse, attrape ses mains et l'installe comme il peut sur son dos. En se relevant, il est surpris de constater que son camarade de classe est excessivement léger. Il n'aurait pas un instant imaginé que derrière ses airs de rebelles se cachait en réalité un corps si frêle et si fragile.

Accélérant le pas dans les couloirs silencieux du dortoir, il décide de ramener Hanse dans la chambre que ce dernier partage avec Kino. En arrivant, il frappe doucement à la porte pour signaler sa présence, avant de remarquer le regard choqué de ses camarades de classe.

— Je suis désolé de vous déranger, mais on a un souci.

— Merde, qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'écrit Kino en aidant Seungsik à déposer le corps encore inerte d'Hanse.

— J'en sais rien, je l'ai retrouvé au sol tremblant et recouvert de vomis.

— Putain, heureusement que t'es tombé sur lui ! ajoute Woodz en rejoignant ses amis.

— Je pense que tu devrais lui passer un coup d'eau fraiche et peut-être le faire vomir un peu, il a surtout l'air stone...

— C'est ce que j'étais en train de me dire... Il a sûrement picolé et fumé en même temps, poursuit Kino en attrapant Hanse afin de le diriger vers leur salle de bain. Merci Seungsik, je vais prendre le relais.

— Si tu pouvais veiller sur lui durant la nuit... S'il te plaît, conclut Seungsik avant de retourner en direction de la porte. Et si possible, ne lui dites pas que c'est moi qui l'ai ramené, d'accord ?

Seungsik observe alors Kino acquiescer d'un mouvement de tête avant d'être rapidement rejoint par Woodz dans la salle de bain. Lorsqu'il quitte enfin leur chambre et marche jusqu'à la sienne, il ne peut s'empêcher d'être inquiet pour Hanse.

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