Chapitre 14 - Woodz
Mercredi, 11h10.
Comme chaque mercredi, la dernière heure de cours de la matinée est toujours consacrée aux cours spéciaux, ce qui réjouit particulièrement Woodz. Bien qu'il soit un excellent élève en cours d'enseignement général, être ici avec sa professeure de chant le rend heureux plus que de raison.
Après quelques minutes d'échauffements et de vocalises en tout genre, Woodz est surpris de voir sa professeure se diriger d'un pas vif vers son sac à main posé sur le bureau, avant de s'adresser à tous les étudiants présents dans l'amphithéâtre.
— Prenez vos instruments et vos sacs, on se barre d'ici les jeunes ! proclame Cheetah en tapant vivement dans ses mains, sous les regards interloqués de ses élèves.
— On va où, madame ? demande Lisa, un peu perdue.
— Il fait beau, il fait bon, alors on va poser nos fesses dans un parc pas loin, suivez-moi.
D'abord surpris par l'invitation aussi subite qu'inattendue de leur professeur à quitter l'amphithéâtre, Woodz se sent très rapidement joyeux à l'idée de profiter d'un cours en plein air avec ses amis. Après avoir marché environ cinq minutes après être sorti du lycée, Cheetah désigne du doigt un petit parc isolé et très peu fréquenté.
Tandis qu'ils s'aventurent tranquillement tout au long d'une allée fleurie, Woodz remarque que son meilleur ami n'est pas comme à son habitude collé à lui en souriant. Ce matin, il le trouve particulièrement effacé, en retrait et étrangement silencieux. Il décide alors de ralentir l'allure et de quitter le peloton de tête, afin de rejoindre Kino qui ferme la marche.
— Hey, tout va bien ? chuchote Woodz en venant s'accrocher doucement au bras de Kino.
— Hum ? Oh, oui ça va, ne t'inquiète pas.
Malgré sa réponse, il sent bien que son ami ne lui dit pas toute la vérité, alors il renforce plus fermement la pression de sa main sur son avant-bras avant de s'adresser à nouveau à lui.
— Tu m'en veux d'avoir invité Serim à la soirée ? s'inquiète Woodz, qui tente de comprendre les raisons de son silence.
— Non, Seungyoun. Je te l'ai déjà dit, c'est chez toi, tu invites qui tu veux. Serim ne m'a rien fait de mal à moi, même si j'avoue que j'apprécie moyennement que lui et Hanse s'en prennent à Seungsik... Ça reste leurs histoires.
— Alors, j'ai fait quelque chose de mal ? Si c'est le cas, laisse-moi me faire pardonner ! annonce Woodz en se positionnant face à Kino pour l'empêcher d'avancer davantage, une grimace enfantine et suppliante sur le visage.
— T'es con, répond Kino en souriant à son ami. Non, tu n'as rien fait de mal. J'me sens juste pas super en forme, c'est tout. Allez, bouge, on est en train de se faire distancer par les autres là.
Woodz se décale alors en tendant son bras vers l'avant, invitant de ce fait son ami à reprendre son chemin, mais au moment où il s'apprête à s'accrocher à nouveau à son bras, il remarque que le sourire rassurant qu'il avait sur le visage, s'estompe en une fraction de seconde. Angoissé à l'idée qu'il puisse être la cause de cette tristesse, il décide de se tenir en retrait avant de rejoindre ses camarades de classe qui sont déjà installés au sol, à l'ombre d'un cerisier.
— On est là pour discuter aujourd'hui, déclare Cheetah en sortant une cigarette électronique de son sac à main avant d'inspirer longuement sur cette dernière. On ne va pas chanter, mais on va plutôt expliquer les raisons qui nous ont poussés à chanter.
— Madame, je ne suis pas sûr que fumer pendant un cours soit autorisé, déclare Sanha en riant.
— On est dehors, je fais ce que je veux, rétorque Cheetah d'un ton sec et faussement accusateur. C'est à la fraise, alors ne me culpabilise pas ou je te mets une sale note, espèce de sale gosse.
L'ensemble des étudiants rient devant le caractère excentrique de leur professeur, puis commencent tour à tour à raconter leurs propres expériences et les choix qui les ont conduits à choisir l'option chant de ce lycée. Woodz, lui, ne quitte pas des yeux son meilleur ami, qui paraît plus apaisé à mesure que les minutes passent. Néanmoins, il remarque que ce dernier, les jambes repliées contre son buste, reste toujours en retrait et silencieux.
Lorsque Cheetah pointe sa cigarette électronique dans sa direction, Woodz se frotte énergiquement les mains sur les cuisses avant de se redresser afin d'avoir le dos droit en s'exprimant.
— Je me souviens très bien du premier jour où j'ai chanté et pour quelle raison c'était, commence Woodz en dirigeant son regard vers son meilleur ami. On était gosses, Kino était toujours fourré chez moi, on passait toutes nos vacances ensemble. Je me rappelle d'un jour en particulier où il était triste, pourtant j'avais tout essayé pour le faire rire. Mes blagues les plus drôles, mes meilleures imitations, mais impossible de le faire sourire.
Pendant qu'il explique à l'ensemble de ses camarades et à leur professeur son anecdote, il ne quitte pas son meilleur ami des yeux. Espérant vraiment qu'il arrivera à le faire sourire, il reprend son explication.
— Je m'amusais parfois à chanter, quand j'étais seul ou sous la douche, mais ce jour-là, j'ai décidé de chanter pour lui. J'avais choisi sa chanson préférée du moment et j'avais commencé à chanter. Je me souviens très bien de son sourire et de ses yeux qui pétillaient, ajoute Woodz en détournant enfin son regard de celui de Kino, afin de conclure son histoire en s'adressant aux autres. J'ai compris à ce moment précis que je voulais donner le sourire aux gens et voir cette étincelle dans leurs yeux.
À la fin de son explication, il observe avec amusement plusieurs de ses camarades de classe applaudire et croise aussi le regard attendri de leur professeur de chant. Malheureusement pour lui, au moment où il s'apprête à rejoindre Kino lorsque Cheetah annonce la fin du cours, il voit ce dernier se relever et marcher d'un pas rapide vers ses autres camarades.
Malgré le visage paisible de son ami durant sa confession, il n'a pas réussi à le faire sourire et il sent ce dernier étrangement sur la défensive. Alors qu'il rejoint lentement les autres étudiants qui commencent à quitter le parc, il réfléchit un instant à une solution pour tenter de comprendre les raisons de ce comportement. Très rapidement, il songe à contacter Seungsik par message sur AstroLine. Woodz a bien remarqué ces derniers temps, que son meilleur ami était bien plus proche de Seungsik que de lui, alors il espère sincèrement que son colocataire saura lui donner des conseils afin de débloquer cette situation qui commence à peser sur son moral.
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De retour aux dortoirs, Woodz passe rapidement devant la chambre de Kino et Hanse, mais s'étonne de n'y trouver personne. Bien décidé à mettre en application les précieux conseils que Seungsik vient de lui transmettre, il décide d'appeler son ami sans plus tarder.
— Hey, Kino, dis-moi, tu fais quelque chose cette après-midi ?
— J'dois bosser avec Sanha pour notre binôme. Pourquoi ?
— J'allais te proposer de passer du temps avec moi, si tu étais partant... Tant pis.
— Bien sûr que je suis toujours partant pour être avec mon meilleur ami. Je termine notre devoir et je rentre, ensuite on n'aura qu'à se rejoindre.
— Yes ! Trop cool !
— D'ici à deux heures, ça te va ?
— Ouais, carrément.
— Hanse m'a dit qu'il passait l'aprèm et la soirée chez Serim, alors t'auras qu'à me rejoindre dans ma piaule, okay ?
— Ça roule, à tout à l'heure !
En raccrochant, Woodz ressent un soulagement, comme si le simple fait d'avoir convenu de partager une soirée lui garantissait un instant privilégié avec son meilleur ami. Pourtant, il ne peut s'empêcher de se tourmenter, redoutant que celui-ci ne soit finalement pas aussi enthousiaste que lui à l'idée de passer ce moment ensemble.
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Avant de rejoindre Kino à l'intérieur du lycée, Woodz décide de prendre quelques minutes pour passer voir Seungsik au restaurant. En arrivant, il salue rapidement le gérant et se dirige instinctivement vers son colocataire qui l'attend derrière la caisse, afin de récupérer sa précieuse commande. Ce dernier lui tend son sac et vient lui donner une tape amicale sur l'épaule avant de lui adresser un sourire chaleureux.
Pressé de rejoindre son meilleur ami, Woodz s'empresse alors de quitter le restaurant en saluant son colocataire, avant de retourner aux dortoirs tant que ses bungeoppang sont encore chauds.
— Tiens ! Il est fourré au haricot rouge, c'est ton préféré ! annonce Woodz en tendant le sac rempli de viennoiseries en direction de son ami lorsqu'il entre enfin dans sa chambre. Mange-le tant qu'il est encore chaud, moi j'ai pris le mien à la crème.
— Merci, mais pourquoi ?
— C'est pour te remercier de penser à moi chaque matin.
— T'étais pas obligé tu sais, ça me fait plaisir de passer te prendre tes donuts, réponds Kino en souriant chaleureusement.
— Oui, mais c'est toujours toi qui penses à faire plaisir aux autres... Je me rends compte que moi, je ne fais jamais rien pour toi et pour te remercier d'être un si bon ami. Alors fais-moi plaisir et régale-toi avec cette gaufre en forme de poisson.
— D'accord, merci Seungyoun, ajoute doucement Kino en croquant une première fois dans sa viennoiserie. Mais tu sais, c'est faux ce que tu dis... Tu fais énormément pour moi, tu es un super ami et ton père et toi m'avez accueilli chez vous sans aucune hésitation. Grâce à vous, je peux continuer ma scolarité ici et pour ça, je vous serais reconnaissant à vie.
Face à cette déclaration, Woodz se sent mieux, bien plus rassuré et sincèrement comblé de savoir Kino dans sa vie depuis si longtemps. Il s'installe alors confortablement dans le petit lit de son ami et tapote joyeusement sur le matelas pour l'inviter à le rejoindre.
— Ramène tes fesses et ton ordinateur portable, qu'on se mate un film !
— Tu veux regarder quoi ce soir ? demande Kino en s'installant en tailleur près de Woodz.
— J'aimerais bien qu'on regarde un de tes films préférés !
Alors qu'il espérait que cette attention ferait plaisir à son meilleur ami, il remarque que ce dernier fronce légèrement les sourcils, l'air perdu et le regard triste. Il pose alors instinctivement sa main sur le genou de Kino avant de lui demander ce qui le tracasse.
— Pourquoi tu fais tout ça d'un coup, Seungyoun ?
— C'est juste que tu as l'air tellement... Tellement distant avec moi ces derniers temps. Je m'inquiète et j'ai peur que tu ne veuilles plus de moi dans ta vie. J'ai peur que tu ne m'aimes plus. J'ai peur d'être un mauvais ami. J'ai peur de-
— Hey, c'est bon, stop, le coupe Kino en venant poser sa main sur la sienne. Tu n'as pas à avoir peur, Seungyoun, je ne cesserai jamais de t'aimer... Tu es bien plus qu'un ami pour moi, tu es ma famille, tu es la personne la plus chère à mon cœur. Alors n'aie pas peur, d'accord ? Tout va bien, c'est juste qu'en ce moment, j'ai parfois du mal à gérer mes émotions et mes peines. Mais tu n'y es pour rien.
Il observe que malgré son doux sourire habituel, ses yeux eux, semblent toujours aussi tristes. Sa main, quant à elle, n'a toujours pas quittée la sienne et la chaleur qui émane de sa paume commence à le rendre fébrile.
— C'est l'absence de ta famille qui te pèse ?
— Entre autres choses, oui.
— Tu peux tout me dire, tu sais. Qu'est-ce qui te rend triste comme ça ? Dis-le moi s'il te plaît, je te promets que je ferai ce que je peux pour t'aider, implore Woodz en serrant à présent la main de Kino dans la sienne.
Alors qu'il attend une réponse de sa part, il voit son ami prendre une grande inspiration, comme s'il avait besoin de se donner une dose de courage. Puis, il remarque que ce dernier commence à approcher lentement son visage du sien. À mesure que Kino s'approche de lui, il sent son cœur battre de plus en plus fort dans sa cage thoracique, son pouls s'accélérer et sa gorge se serrer.
Leurs visages sont à présent si près l'un de l'autre qu'il peut ressentir sa chaleur et son souffle effleurer ses lèvres. Le parfum qui émane de son ami rend Woodz tellement fébrile qu'il ferme inconsciemment les yeux, avant d'avancer à son tour son visage près du sien.
Les lèvres entrouvertes et le cœur battant à tout rompre, il s'apprête à embrasser Kino, mais avant que ses lèvres ne se posent sur les siennes, un léger coup donné contre la porte de la chambre les fait brusquement sursauter.
Il observe alors Kino quitter à regret ce rapprochement aussi soudain qu'inattendu, afin d'aller ouvrir la porte.
— Je suis désolé de vous déranger, mais on a un souci, annonce Seungsik, portant Hanse sur son dos, complètement inconscient.
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