Chapitre 12 - Seungsik


Sur le long trajet qui sépare la maison de Woodz et de la sienne, Seungsik repense à la soirée qui a pris une tournure à laquelle il ne s'attendait pas. Bien qu'il sache son colocataire très ouvert d'esprit et particulièrement chaleureux avec tout le monde, il n'aurait pas pensé que ce dernier aurait pu embrasser Gahyeon aussi langoureusement, sans honte et sans retenue.

Alors que tous les étudiants applaudissaient en riant, il était le seul à remarquer le désarroi qui transformait le visage de Kino. À cet instant-là déjà, il a eu envie de quitter le salon, mais ne voulant pas faire de vague, il s'est contenté de détourner son regard en attendant la prochaine question.

Et puis Hanse a parlé de Chan.

À ce moment-là, Seungsik a su qu'il devait vite partir et s'isoler, s'il ne voulait pas s'effondrer devant tout le monde. À chaque fois qu'il est question de lui, tout devient compliqué dans sa tête. Les souvenirs s'entremêlent à ses doutes, créant instantanément un torrent d'émotions impossible à gérer.

En arrivant devant chez lui, Seungsik monte péniblement les quatre étages avant d'arriver enfin à leur appartement. Il est chaleureusement accueilli par ses deux mamans qui discutaient autour d'un chocolat chaud, confortablement installées dans les bras l'une de l'autre sur leur petit sofa.

— Coucou, chaton, ta soirée est déjà finie ? s'interroge Sua en invitant son fils à les rejoindre sur le canapé. T'as l'air contrarié, un souci ?

— Il faut qu'on défonce quelqu'un pour toi ? ajoute Dami en riant tandis qu'elle tend un coussin à Seungsik.

— Disons que j'aurai probablement mieux fait de pas aller à cette soirée... Les gars ont parlé de Chan, les filles m'ont encore taclé sur mon apparence, et puis j'ai été un peu déçu du comportement de mon coloc de chambre... Bref, c'était pas fun.

— Les ados sont si durs entre eux, se lamente Sua en grimaçant. Il faut que tu arrives à t'en moquer de ce qu'on peut dire de toi, chaton.

— Attends, il y a autre chose... Ça se voit, ajoute Dami en fixant intensément Seungsik.

— Ouais... Il y a ce mec, le nouvel élève. Il passe son temps à m'embrouiller, mais en même temps, il me regarde beaucoup... Où alors, c'est moi qui le regarde trop ? J'en sais rien, en fait. En tout cas, depuis que j'ai quitté Haruna, j'me sens plus léger, c'est déjà un bon point, je suppose.

— Libre à toi, mon grand, d'assumer ou non qui tu es vraiment, explique Dami en tapant doucement sur son genou. C'est déjà bien que tu aies cessé de te cacher derrière cette étiquette d'hétéro.

— Tu n'es pas obligé de faire ton coming out tout de suite si tu t'en sens encore incapable.

— Vous avez fait comment, vous deux ?

— Attends ! t'as vu un peu la beauté ? s'exclame Dami en désignant théâtralement le visage de Sua. Elle était courtisée par tous les mecs du bahut, tu crois vraiment que j'avais d'autres solutions que de lui déclarer ma flamme pour ne pas la laisser me passer sous le nez ?

Seungsik sourit en observant ses mères, amoureuses comme au premier jour, échanger un regard complice rempli de tendresse et décide de les laisser terminer leur soirée tranquillement en se levant du sofa.

— Je vais me coucher et vous laisser toutes les deux. Bonne nuit maman, annonce Seungsik en venant poser un baiser sur le front de Sua. Bonne nuit Dami, à demain, je vous aime.


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Cette semaine, Seungsik se réjouit de ne pas avoir à travailler seul, Xiumin ayant embauché une nouvelle serveuse, il est chargé de lui apprendre le métier et cette responsabilité l'enchante particulièrement.

Pour une fois, durant le début du service le restaurant est plutôt vide, mais Seungsik n'a pas le temps de souffler qu'il doit déjà accueillir le nouveau groupe de clients en approche. C'est dans une grimace à peine dissimulée qu'il invite Jieun, la nouvelle serveuse, à accueillir ses camarades de classe.

Il regarde alors Serim et Hanse s'approcher du comptoir, avant de faire signe à Jieun de gérer leur commande, finalement soulagé de ne pas avoir à s'occuper de cette table. Le service se déroule plutôt bien et Seungsik s'étonne même de voir l'heure de quitter son poste arriver à grands pas.

Alors qu'il passe de l'autre côté du comptoir pour retirer son tablier, il est coupé dans son élan par un bruit de sifflement désagréable. En levant les yeux, il observe Serim claquer à présent des doigts dans le but d'appeler vulgairement la jeune serveuse. Cette dernière, paniquée, ne semble pas savoir comment réagir face à ce comportement. Seungsik s'empresse alors de la rejoindre, s'interposant entre elle et Serim quand ce dernier s'apprête à poser sa main sur elle.

— Tu te crois où là ? s'agace Seungsik.

— Vous avez qu'à pas engager des serveuses aussi bandantes, j'y suis pour moi, rétorque Serim en riant.

— Tu dégages d'ici.

— Ah ouais ? lance Serim d'un ton méprisant en fixant Seungsik dans les yeux.

— Tu vas nous dégager alors qu'on n'a pas encore fini de manger et qu'on n'a même pas payé ? ajoute Hanse, perplexe devant la colère de Seungsik.

— Barrez-vous avant que j'aille chercher le patron en cuisine. T'as vraiment envie de savoir si je plaisante ?

Seungsik regarde Serim se relever brusquement de sa chaise, et dans un mouvement de protection, passe sa main vers Jieun pour s'assurer qu'elle est bien en retrait derrière lui. Il observe Serim s'approcher de lui et le fixer quelques secondes, le regard chargé de haine, alors que son visage est à quelques centimètres à peine du sien.

— Tu vas me le payer, espèce de suceur. Viens, Hanse, on se casse !

— Et pourquoi je devrais partir, moi ? S'agace Hanse en défiant Seungsik du regard à son tour.

— Vous dégagez tous les deux, j'en ai rien à foutre. Ça te fait marrer de voir ton abruti de pote manquer de respect à ma collègue, alors tu dégages aussi, conclut Seungsik en désignant du doigt la porte du restaurant.

Alors que ses camarades de classe quittent à contrecœur le restaurant, Seungsik s'empresse de rassurer sa collègue, toujours un peu paniquée, avant d'aller expliquer plus en détails la situation à Xiumin. Il songe alors que des répercussions l'attendront sans aucun doute dès demain, mais Seungsik s'en moque, défendre sa jeune collègue était la meilleure chose à faire, il en est certain.


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Pendant la première heure de cours, Seungsik s'étonne de ne recevoir aucune critique, aucun regard de la part de Serim. Malgré tout, il reste sur ses gardes et ne cherche pas à le regarder. Lui tenir tête comme il l'a fait hier soir, n'était pas la chose la plus intelligente à faire, mais il ne regrette rien. Surpris par ce manque de rébellion, il se rend au cours d'EPS en compagnie de Yejun, l'esprit un peu plus léger.

Durant tout le temps des échauffements, il croise tout de même le regard de Serim, un brin mystérieux, qui lui sourit par moments. Décidant de ne pas tenir compte de cette provocation, Seungsik se concentre sur le cours de sport. Il soupire de soulagement lorsque Woodz, en bon délégué, forme des binômes pour la leçon de badminton et décide de le laisser faire équipe avec Yejun.

Comme à la fin de chaque cours d'EPS, le délégué désigne un élève parmi les volontaires pour ranger le matériel dans la réserve. Seungsik lève la main et acquiesce poliment quand il est choisi par Woodz. Il se charge dans un premier temps de récupérer tous les volants et toutes les raquettes abandonnés sur le sol, avant de rejoindre le local situé au fond du stade.

Pendant qu'il range le matériel de sport, il croit entendre des bruits de pas derrière lui et tourne rapidement la tête, curieux de savoir qui se trouve là, mais ne voit personne. Il continue alors de ranger tout en s'activant un peu plus, afin de ne pas arriver en retard en cours pour l'évaluation qui les attend. Mais lorsqu'il arrive au niveau de la porte qu'il tente d'ouvrir en vain, il comprend que cette dernière est bloquée de l'extérieur. Dans la seconde qui suit, il entend quelqu'un crier de l'autre côté de la porte.

— Va bien te faire foutre, suceur !

Seungsik tente d'abord de maîtriser ses émotions et de ne pas paniquer en comprenant qu'il est enfermé ici. Il récupère son téléphone portable de la poche de son jogging pour appeler le seul contact qu'il a d'enregistré dans son répertoire, mais lorsqu'il contacte Woodz et que ce dernier ne répond pas à son appel, le stress commence à l'envahir. Rapidement, il se rend sur l'application et envoie un message à Kino, espérant que ce dernier lui réponde assez rapidement.

À mesure que les minutes défilent, Seungsik se rend doucement à l'évidence. Son absence lors de cette évaluation importante lui coûtera cher dans son dossier scolaire. Assis sur le sol, contre cette porte bloquée, Seungsik panique encore plus en voyant à présent les heures passées. Il comprend qu'il est également en train de rater plusieurs heures de cours et sûrement même qu'il arrivera en retard au restaurant.

Cependant, malgré cette situation aussi cocasse que ridicule, pendant qu'il attend bêtement dans un local de sport, Seungsik songe qu'il était vraiment important de tenir tête à Serim. À partir de maintenant, il compte bien se rebeller davantage pour s'assumer et ne plus laisser personne lui marcher dessus comme à l'époque.

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