« TIGROU ! »

En rentrant chez moi ce soir-là, mon chat a malheureusement croisé mon chemin, et s'est vu administrer une dose de câlins et de papouilles auxquels il n'est pas habitué.

Mais ce gros plein de soupe est si adorable qu'il se contente de me regarder avec des yeux ronds comme des billes.

Il est tout noir, avec des pupilles d'un bel éclat doré. Une vraie panthère. D'où son nom, très représentatif... Tigrou.

Oui oui, moquez-vous ! C'est bien la faute de mes parents, d'avoir confié à une gamine la responsabilité de nommer son chat.

Il faut savoir que petite, j'ai été alimenté par les dessins animés Disney. Alors forcément, je trouvais ça très intelligent de le baptiser comme un tigre parlant qui rebondit sur sa queue.

Après avoir dansé et mimé la première scène du Roi Lion avec Tigrou, je l'emportai de force dans ma chambre pour qu'il puisse dormir avec moi. Son ronronnement a le don de m'apaiser, état d'esprit dont j'avais bien besoin suite aux événements de la soirée.

D'ailleurs, j'avais tout de suite effacé le message laissé par Timothée dans ma boîte vocale après l'avoir vu, sans l'écouter. Je n'avais pas envie qu'il me gâche cette fin de soirée. Et puis, ça ne devait pas être si important que ça, tant pis pour lui.

Et toc ! C'était bête, mais j'avais eu l'impression de gagner un point sur le ring, d'un combat de boxe entre Timothée VS moi. Pour l'instant, c'était moi qui menais la danse.

Pour l'instant. Car qui disait nouvelle semaine, disait aussi nouveau lot d'emmerde. J'étais loin de me douter de ce qu'il m'attendait.

Si seulement j'avais écouté ce stupide message... J'aurai su à quoi m'attendre mercredi.

Lundi et mardi se sont donc déroulés sans embûches. Je mettais au point un plan qui me permettrait de revoir Alexandre rapidement, sans éveillé ses soupçons. Il fallait que ce soit subtil, or, je n'étais pas vraiment la reine des subtilités.

Mercredi soir, après avoir passer deux heures à écouter à moitié un cours et un professeur soporifique au possible (et pour dire, je m'amusais à dessiner des lits dans les marges de mes feuilles), je sortais de classe perdue dans mes idées.

Ce n'est qu'au dernier moment que j'aperçois un petit attroupement devant les portes de ma faculté, encerclant un individu que je ne reconnais que trop bien.

Mon sang se fige dans mes veines, quittant mon visage pour faire battre mon coeur un peu plus fort. Je suis devenue si blanche en moins de cinq secondes que je pourrais faire une compétition de pâleur contre Edward Cullen.

Oh non non non non, qu'est-ce qu'il fait là lui ? Il peut pas aller s'occuper ailleurs, montrer à quel point il est héroïque en sauvant des petits chiens de la noyade ?

Je raconte n'importe quoi, parce que je suis totalement désemparée. En effet, je me suis même arrêtée d'avancer et fixe Timothée avec horreur. Immanquablement, son regard croise le mien. Il me sourit.

Il attend vraiment que je vienne le voir ? Je suis obligée de faire ça ?

Je me mets à avancer comme un automate rouillé, un pied devant l'autre sans détendre mes articulations. Je n'ai pas le choix que de le confronter visiblement.

« Salut Jenna, ça va ? » demande Timothée alors que son sourire s'agrandit.

Je pense à répondre "Oui très bien et toi ?" telle une personne civilisée, mais quelque chose comme « Mouphmfi » sort de ma bouche.

« J'ai essayé de t'appeler ce week-end, mais tu n'as pas répondu. J'ai laissé un message pour te dire que je venais aujourd'hui, je ne sais pas si tu l'as reçu ? »

Ce gredin hausse les sourcils, et ose me regarder par-dessous ces cils, ce qui lui donne un petit air d'ange. Mon ange, comme il m'appelait...

Putain, son message ! Evidemment, il fallait que je décide de ne pas écouter le seul message qui contenait une réelle importance.

Cependant, il est hors de question de lui montrer qu'il m'affecte encore, et que je suis obligée de l'ignorer pour tourner la page.

T'as qu'à mentir, on s'en fou ! Il le saura jamais !

« Ah oui, si, ton message... J'ai été très occupée dernièrement tu sais, ça m'était un peu sorti de la tête. »

Je secoue la tête et joue la fille trop overbookée, rejetant une mèche de cheveux derrière mon épaule pour me donner un style. Un style de pétasse comme Blandine, mais un style quand même.

Je n'ai pas envie de discuter plus longtemps. Je fais tourner mes méninges, et trouve une porte de secours, très nulle si je me fais découvrir, mais qui devrait marcher. Je sors mon téléphone de ma poche et fait mine de répondre :

« Allô maman ? Quoi, c'est Tigrou ? »

C'est vraiment dans ces moments-là que je regrette d'avoir appelé mon chat ainsi.

Mais tant pis. Timothée semble mordre à l'hameçon, il croit vraiment à une urgence.

« Ok ok, j'arrive ! » dis-je en "raccrochant". « Il faut que j'emmène mon chat aux urgences, il aurait avalé un... »

Un long silence s'installe entre nous, pendant que je cherche intensément quelque chose à dire. Les sourcils froncés par la concentration, qui peut passer pour de l'inquiétude, je crache presque ce dernier mot choisi au hasard :

« ...playmobile. »

Je n'y crois pas moi-même.

« Est-ce qu'on pourra se revoir bientôt ? »

Mais je me suis déjà échappée, et ne préfère pas me retourner pour répondre.

Au moment où je m'arrête pour reprendre mon souffle parce que je ne suis pas du tout sportive et que mes jambes ne me portent plus après cinq minutes de marche rapide, mon téléphone sonne.

Je prie tous les Dieux du monde, même ceux de la mythologie Grecque qui ne sont plus du tout usités aujourd'hui, et inspecte le SMS.

De : Alexandre Marchal

Aujourd'hui 16:02

Salut, c'est Alexandre.

Wow, c'est la journée des ascenseurs émotionnels ou quoi ?

Je reçois plusieurs petits messages d'affilés, que je dévore des yeux un par un.

Tu es libre ce soir ?

Voici mon adresse : google/maps/@09.4725,9.211z?hl=fr

Je crois que Florence a un nouveau projet de pub pour toi.

Si tu viens chez moi, on pourrait parler de tes mains...

C'est moi, ou il commence à faire très chaud ? Je m'empresse de tapoter sur le clavier, commençant par « Bien sûr, je peux me libérer vers... »

Une nouvelle notification fait vibrer mon message. Un autre SMS d'Alexandre !

...et de tes fesses.

PARDON ?!

Ça va barder pour SES fesses.