De toutes les boîtes de nuit de Paris, de tous les jours de la semaine, il avait fallu qu'Alexandre choisisse ce soir pour venir ici ? Je ne voyais pas d'autres explications à cette coïncidence, le destin était contre moi.

Où est la mamie flippante quand on a besoin d'elle ?!

Naomi, qui était arrivée juste au moment de la catastrophe, plaqua sa main contre sa bouche. L'ami d'Alexandre eu un moment de béatitude avant de se taper les cuisses, hilare. Pour un peu, il allait se rouler par terre et pleurer de rire.

Alexandre quant à lui, se frotta le visage et écarta les bras pour vérifier l'état de sa chemise. Complètement trempée.

Grr, si seulement sa chemise, désormais transparente et collée à sa peau, ne faisait pas ressortir ses abdos de pauvre con si bien dessinés !

Enfin, il repose son regard sur moi, les sourcils froncés de mécontentement évident.

Il s'apprête râler, sa spécialité.

« Pleure pas, c'est d'l'eau, » je grogne avant même qu'il n'ait pu dire quelque chose.

Peut-être plus énervée que ne l'est Alexandre, je pose mon verre vide sur une table à côté, et fais un signe à Naomi pour partir. Juste avant, je sens une main se poser sur mon épaule. C'est Alexandre. Qui d'autre ?

« Attends, où est-ce que tu vas ? »

Dans ton cul, connard ! On me dit dans l'oreillette que je ne peux pas ET l'insulter, ET lui lancer un verre d'eau.

« Ailleurs. Ce club est nul. »

Je vire sa main de mon épaule, le regard noir. Qu'est-ce qu'il me veut à la fin ? Se faire humilier ne lui a pas suffit, il en veut plus c'est ça ? C'est un masochiste ?

« Tu ne crois pas qu'on a des choses à se dire ? »

Sa voix calme me fait l'effet d'une douche glacée, comme si je m'étais versée mon propre verre d'eau sur la tête. Pourquoi est-ce qu'il est aussi... tranquille ?

« Toi peut-être, moi, je n'ai rien à ajouter Votre Honneur. »

Je croise les bras sous ma poitrine, légèrement plus détendue que tout à l'heure.

Si j'avais su que je croiserais Alexandre, j'aurai peut-être songé à deux fois à la tenue que je porte (même si je suis toujours fâchée contre lui, n'allez pas croire). Un top vert sapin à strass, rentré dans un short noir taille haute, collant et escarpin. Une robe ou un décolleté plus voyant aurait été plus judicieux, peut-être... enfin, ce n'est pas comme si j'avais encore envie de lui plaire ! Non ?

« Est-ce que l'on peut aller quelque part de moins bruyant ? Il y a un café juste en face de la boîte, qui doit encore être ouvert. »

J'ai d'abord dans l'idée de refuser et de m'en aller comme un prince. Mais son regard se fait presque implorant, et je ne peux décemment pas dire non à ces yeux bleus des mers du sud...

Je fais mine de soupirer, puis hoche la tête.

« Quoi ? Mais je croyais qu'on allait passer la soirée ensemble ! » s'indigne l'ami d'Alexandre, à la fois à mon adresse et à celle d'Alexandre.

« Je reviens dans quelques minutes, tu n'as qu'à rester avec euhm... » commence Alexandre en regardant Naomi.

Je me tourne immédiatement vers elle, le faisant de gros yeux, les mains jointes pour qu'elle accepte.

« Ah d'accord, donc toi, tu as le droit à Batman, et moi à Robin c'est ça ? Merci beaucoup ! » chuchote-t-elle afin que je sois la seule à entendre.

Je lui offre un grand sourire qui dévoile mes dents, jusqu'à ce qu'elle concède à me laisser partir avec Alexandre.

« Bon bon, tu me revaudras ça... Tu as intérêt à le séduire, celui-là ! »

J'exprime toute ma gratitude à Naomi en lui embrassant la joue, puis fais signe à Alexandre de me suivre jusqu'à la sortie. Je récupère ma veste au vestiaire, et nous allons nous installer à une table dans le café vide d'en face.

La situation est un peu surréelle, et je ne sais pas trop quoi dire. Alexandre est aussi un peu gêné, et rompt le silence en commandant un café pour lui, et un chocolat chaud pour moi. Si je me mets à boire de la caféine maintenant, je ne vais pas fermer l'œil de la nuit.

Alexandre agit déjà comme un psychotrope sur mon système nerveux...

Il ne commence qu'une fois que nous sommes servis. Mon regard alterne entre son visage et mon chocolat, qui dégagent étrangement la même chaleur.

« Je crois que nous avons tous les deux nos torts dans cette situation... J'ai vraiment mal réagit mardi dernier. Mes paroles ont dépassées ma pensée. Mais si j'ai réagi aussi vivement, c'est parce que je me suis rendu compte que tu avais raison. Ma vie professionnelle n'est pas... celle que j'avais espéré au début de mes études. Et devoir affronter cette réalité dans la bouche d'une adolescente- »

« J'ai 20 ans ! » je m'exclame en tapant du poing sur la table, résultant de faire voler ma petite cuillère sur la table voisine.

Je m'excuse timidement auprès du gérant du café, et vais récupérer ma cuillère. Du coin de l'œil, je crois voir Alexandre sourire un peu. J'arrive à l'amuser, et je suis plutôt fière de moi ! Même si c'est à chaque fois pour des bêtises que je fais intentionnellement.

« Je voulais dire, dans la bouche d'autrui, bien sûr, » reprend Alexandre. « Je ne suis plus aussi comblé par mon travail que je l'étais auparavant, et ça me mine. D'où mon manque de tact... J'ai toujours eu une petite vie bien rangée, je ne me suis jamais vraiment amusé. »

Se rendant compte qu'il pensait à haute voix, Alexandre fuit mon regard et se racle la gorge.

« Enfin, je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça... Toujours est-il que j'ai bien mérité ce verre d'eau. Ça m'a remis les idées en place. »

Effectivement, de petites gouttes continue de dégouliner régulièrement de ses cheveux qui n'ont pas encore eu le temps de sécher.

Cette vision a le don de m'attendrir, et je commence à éprouver des remords. Moi aussi, j'ai été dure avec lui. Et rien ne méritait un verre d'eau...

« Je suis vraiment désolée pour tout à l'heure. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je m'excuse aussi pour mardi, je ne voulais vraiment pas insinuer... ce que j'ai dit. Et je m'excuse pour ton agenda. Et aussi pour ta voiture, en fait... »

Au final, c'est moi qui devais le plus m'excuser dans cette histoire. Jenna-la-délurée était tapie tout au fond de mon esprit, et laissait place à un mea maxima culpa.

Me faisant toute petite sur ma chaise, je finissais de boire mon chocolat chaud et cachais un instant mon visage derrière ma tasse. Voilà que les choses étaient rentrées dans l'ordre, une jolie happy ending... Je pouvais le séduire maintenant ?

« Qu'est-ce que tu faisais au club ? » je demande en reposant ma tasse et en scrutant son regard.

« J'adore écouter de la musique et danser. Je vais souvent dans cette boîte en fin de semaine, et Mathéo m'accompagne parfois. »

Ceci expliquait donc cela.

« Ah, je vois... Il ne t'a donc jamais dit que tu danses mal ? »

Alexandre hausse les sourcils tout en clignant plusieurs fois des paupières. Oh non, va-t-il encore s'énerver ? Je m'empresse de continuer d'une traite d'une voix aiguë :

« Détends-toi-c'était-une-blague-! »

Il acquiesce doucement, et souffle par le nez, l'ombre d'un sourire sur les lèvres.

Bon, va y avoir du boulot pour qu'il comprenne mon sens de l'humour et qu'il ne me renie pas trop après un jeu de mot douteux.

« Au fait, je m'excuse au nom du comportement de Mathéo. Il peut être un vrai est un vrai goujat quand il veut... On s'est rencontré à la fac. Je ne l'aimais pas beaucoup au début, mais nous sommes vite devenus inséparables. »

« Ooooh... C'est si mignon ce genre de bromance. »

Immédiatement après mes paroles, Alexandre secoue la tête. J'adore le taquiner, et puis... c'était aussi une méthode subtile d'interroger son orientation sexuelle. Quelle déception s'il avait préféré les hommes !

« Non, pas inséparables dans ce sens ! Nous sommes diamétralement opposés, mais ça permet de nous compléter. On forme une belle équipe. »

Je comprends totalement ce qu'il veut dire. Je ressens la même chose envers Naomi.

« Entre nous, il lui manque une case là-haut ? »

Je tapote ma tempe du bout de mon index. Alexandre se rapproche comme pour me faire une confidence.

« Entre nous, totalement. »

Et nous nous mettons à rire ensemble.

Wow, nous avons clairement franchi une étape dans notre relation ! Il y avait une distance flagrante entre les verres d'eau lancés à la figure et ces rires niais. Mais ce n'était pas pour me déplaire, au contraire.

Je craquais totalement pour Alexandre. Enfin, il était devenu l'homme que je recherchais : gentil (quand on ne se jetait pas sous sa voiture), mature, fort, beau, charmant (wait, c'est la même chose).

Mettez-vous à ma place, et osez me dire droit dans les yeux que vous ne seriez pas devenue toute guimauve devant un tel personnage.

« Quand on parle du loup... »

De l'autre côté de la rue, derrière la vitrine du café, j'aperçois Naomi et Mathéo sortir de la boîte de nuit pour nous rejoindre. Naomi à l'air agacée, tandis que Mathéo, une clope au bec, nous fait de grands signes en nous rejoignant.

A l'approche de son ami, Alexandre s'est écarté de moi, ce qui me provoque un léger pincement au cœur. Evidemment, il faut que cet abruti nous interrompe...

Nous réglons notre commande et rejoignons Naomi et Mathéo sur le trottoir.

« Vous en avez mis du temps ! Ça partageait des secrets ? Bande de petits cachotiers ! » s'exclame Mathéo et enfonçant ses index dans le corps d'Alexandre, comme pour le chatouiller.

La fumée de sa cigarette m'atteint en plein nez, ce qui me fait grimacer. J'ai horreur de l'odeur du tabac, et je trouve que fumer est la chose la plus débile au monde. Ça n'apporte rien, excepté des cancers.

« On t'a jamais dit que c'est mal de fumer ? »

Mathéo tourne son visage vers moi, un sourcil arqué, et répète ma phrase avec une voix haut perchée. Eh ! d'habitude, c'est MA répartie !

« On t'a jamais dit que jouer les moralisatrices c'est pas du tout sexy ? Soit pas rabat-joie et laisse-nous passer une bonne fin de soirée, ok cocotte ? »

Je ne peux pas m'empêcher de lui lancer un regard plein de mépris, avant de répondre avec sarcasme.

« Ok cocotte. »

Là-dessus, j'attrape sa cigarette, l'éteins contre le rebord d'une poubelle et la jette dans celle-ci. J'entends Mathéo se plaindre derrière moi, mais Alexandre rétorque qu'il l'a bien cherché. Ce qui me fait sourire intérieurement.

Enfin sourire... sauter de joie intérieurement !

Nous nous dirigeons tous les quatre vers une bouche de métro, mais sommes contraint de nous dire au revoir car nous partons dans des directions opposées.

On se fait la bise (oH mOn DiEu mes joues ont touché celles d'Alexandre), et je m'interdis à moi-même de partir d'ici sans avoir eu son numéro. Opération récupérage de numéro, go go go !

« Au fait, si jamais Florence a encore besoin de mes mains, on peut s'échanger nos numéros... Tu sais, si elle veut me contacter. »

Mon explication est un peu bancale, mais je croise les doigts, cachés dans ma poche de veste, pour qu'il n'y voit que du feu.

« Euh ouais... ouais, bien sûr. »

Si c'est pour le travail !

J'essaye de ne pas m'accaparer trop vite de son téléphone, et y enregistre tranquillement mon numéro. Il fait pareil de son côté avec mon propre appareil, puis me le rend avec un demi-sourire.

Dans la rame de métro, je suis si haut dans le ciel sur mon petit nuage que je ne vois ni les stations passer, ni mon téléphone s'allumer pour marquer un appel manqué de Timothée.

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