Chapitre 5
La première envie de Ginny fut de lancer un maléfice à Malefoy et lui hurler que ce n'était qu'un menteur, un traître et un manipulateur. Mais ce n'était pas très conseillé au milieu du monde moldu. Ce genre de soucis ferait rameuter le ministère de la Magie et son entrée à Poudlard serait plus que compromise. La deuxième fut de transplaner sans laisser le temps au Serpentard de la suivre. Cependant, ce serait bien trop dangereux : les endroits qu'elle connaissait n'étaient pas identiques entre 1942 et 1998. Elle opta donc pour la troisième et saisit la manche de Malefoy avec violence, l'entrainant dans une rue, puis une autre.
— Qu'est-ce que tu fais, soeurette ? demanda en ricanant Drago.
— Je t'emmène à Ste-Mangouste.
— Arrête Weasley, tu sais que je ne mens pas.
— Alors pourquoi Malefoy ?! Quel est le but de changer ton essence pour me créer un demi-frère ?!
— Et comment pourrait-on justifier ma présence autrement ? Deux étrangers sans lien arrivant en cinquième année en même temps ? Même ton cerveau de troll comprendra que c'est trop étrange, ils pousseront leurs analyses de nos essences bien plus loin ou refuseront une de nos deux candidatures.
Il avait raison, bien entendu. Cette face de bouse de dragon fumant et sa mère portaient bien l'étendard de Serpentard : lâches mais malins. L'Ordre du Phénix avait eu tort de ne pas se méfier plus d'eux.
— S'abstenir d'interférer, ça ne vous a pas effleuré l'esprit ? Deux personnes qui viennent du futur, c'est deux fois plus de chance de bouleverser l'avenir ! cracha-t-elle.
— Mais Weasmoche, n'est-ce pas ce que l'on chercherait à faire ? Mystère ! rétorqua-t-il dans un ricanement.
La rousse ne s'offusqua pas du fait que son ennemi ait reprit son surnom. En revanche, son détachement vis-à-vis du futur la mettait dans une profonde rage.
— Et que fais-tu de nos parents, Saint-Crétin de Malefoy ?! De notre famille, de nos amis ? Grâce à toi et à ta mère, ils ont encore moins de chance d'exister !
La mâchoire du Serpentard se contracta soudain, faisant disparaitre son sourire narquois. Ses yeux gris virèrent à l'orageux, signe d'une tempête intérieure. Ses doigts blancs et longilignes se refermèrent sur les bras de la rouquine et il la secoua.
— Par Merlin, Ginny ! Ils sont morts, d'accord ? Ils n'avaient aucune chance contre ces mangemorts, aucune ! La seule chose que l'on peut faire, c'est arrêter Tu-Sais-Qui et espérer ne pas bouleverser trop le passé pour retrouver nos proches !
Pour la première fois, la Gryffondor se força à se calmer pour observer son ennemi. Son regard, d'orageux, était passé à pluvieux. Lui aussi souffrait, comme elle. Il n'avait jamais souhaité tout cela, et elle en prenait peu à peu conscience, même si elle ne lui pardonnait pas la mort de son père. Et qu'elle peinait à avaler qu'ils avaient besoin l'un de l'autre, rien que comme attache au passé.
Au bout d'un moment qui sembla durer une éternité, elle hocha la tête et il la lâcha.
— Allons donc trouver notre maison, finit par lâcher Ginny.
Elle connaissait par cœur leur itinéraire. Il fallait d'abord qu'ils prennent le magicobus pour aller à la périphérie de Londres, pour ensuite s'enfoncer dans l'un des nombreux bois tenus secrets par certains sorciers. Là, ils finiraient par trouver, grâce à un sort d'orientation, une cabane.
Ils y arrivèrent à la nuit tombée. Ils n'avaient échangé que quelques onomatopées le long du trajet. Ginny n'avait rien à dire, plongée dans un mutisme soudain. Les souvenirs tournaient en boucle dans son esprit. De la bataille de Poudlard à l'attaque du 12, Square Grimmaurd, les images et les sensations lui revenaient porteuses de toutes ses souffrances. Dans le magicobus, la sorcière avait fermé les yeux dans l'espoir de les chasser. Elle s'était concentrée de toutes ses forces sur ce qui l'avait rendue heureuse. L'odeur du Terrier lui chatouillait encore le nez, et son vaste jardin rempli de mauvaises herbes, de gnomes et de poules grasses lui revenait en tête. Elle y avait vécu tant de belles histoires... Les jumeaux et leur laboratoire secret dans leur chambre, à confectionner leurs farces. Ron qui ronchonnait, Percy affichant fièrement sa plaque de préfet, Charlie et ses histoires de Dragons ou encore ou encore la rougeur des joues de Bill quand il leur avait présenté Fleur. Hermione et sa montagne de livres cachés dans ses valises. Mais aussi Harry. Si elle y mettait toute sa force, elle pouvait encore sentir sous ses doigts la douceur de sa peau et de ses cheveux, son regard vert pétillant, son souffle chaud se mêlant au sien.
Le charme avait été rompu lorsqu'ils étaient descendus du magicobus à leur arrêt. Ne restait plus rien de ce futur oublié. Peut-être qu'Harry n'existerait pas, que Molly et Arthur ne se rencontreraient jamais... Mais elle n'y pouvait plus rien. Peut-être que si Hermione avait été là, ses calculs d'Arithmancie les aurait aidés à ne pas faire d'erreur fatale. Mais elle était morte sur le champ de bataille, et Ginny n'avait jamais suivi ce cours barbant. Si elle avait su...
Une tape de Malefoy la fit sortir de ses pensées alors que les étoiles parsemaient le ciel. Dans une petite clairière se tenait une cabane. A leur étonnement, elle paraissait confortable. Malgré la mousse qui s'accumulait entre les planches de bois, quand ils entrèrent à l'intérieur, ils découvrirent un foyer agréable. Grâce à un sortilège d'Extension, les pièces étaient aérées, et il n'y avait pas moins de trois chambres, un salon, une salle à manger et une cuisine. Le tout sous une épaisse couche poussiéreuse et d'une mode dépassée, mais les deux sorciers n'en avaient que faire.
Comme leur essence les faisait passer pour mineur, aucun d'eux n'utilisa sa baguette. Ils étaient conscients de ne pas pouvoir se faire renvoyer de Poudlard pour leur utilisation, puisqu'ils n'étaient pas encore élèves là-bas, mais le ministère pouvait les attraper. Ce fut donc à la manière moldue, et malgré leur fatigue, qu'ils nettoyèrent rapidement leur chambre respective avant de s'effondrer sur leur lit.
Ginny fut la première à se lever. Curieusement, elle avait dormi d'un sommeil de plomb qui l'avait revigorée. La tristesse était toujours là, ancrée en elle, mais elle savait mieux que quiconque que s'apitoyer sur son sort n'arrangerait rien. Alors qu'elle préparait un thé, trouvé dans sa valise, avec la gazinière moldue, elle entendit un hurlement qui lui glaça le sang.
Armée de sa baguette, la rouquine se précipita dans la chambre de Malefoy, d'où provenait le cri. Elle ouvrit la porte à la volée... Et se figea. Il n'y avait pas d'attaque. Pourtant, Drago continuait d'hurler, tournant et se retournant dans ses draps, visiblement plongé dans un profond cauchemar. Ses mais serraient les draps à s'en faire blanchir les phalanges.
La sorcière ne savait pas comment réagir à cet étrange spectacle. Pourtant, face à la panique et la douleur qu'elle sentait dans la voix déchirée de son ennemi, elle s'approcha doucement et posa une main apaisante sur son épaule.
— Malefoy... Malefoy ! Réveille-toi !
Le Serpentard sursauta et ouvrit ses grands yeux perlés de larmes sur Ginny. Il semblait si fragile, si déstabilisé, que la Gryffondor en eu le cœur brisé. Personne ne méritait de se sentir ainsi, pas même lui.
— Que... ? Qu'est-ce que... ? Weasley ? marmonna Malefoy.
— Oui, je suis là. Ça va ?
Son regard gris ahuri, et perdu, retrouva peu à peu sa froideur et sa distance.
— Dégage de ma chambre, Weasmoche ! gronda-t-il finalement.
Elle ne se le fit pas dire deux fois et repartit à la cuisine finir le thé. Et dire qu'un instant, elle avait eu pitié de lui !
Ils ne se parlèrent pas de la matinée. Le Serpentard avait vidé et rangé sa valise en pestant contre le manque de magie, tandis que Ginny tentait de tout mettre en ordre, rendre leur logis propre et confortable. Ce ne fut qu'en lorsqu'elle eut fini dans la soirée, qu'elle rejoignit Malefoy dans le salon où il était affalé, un livre à la main.
— La fouine, j'ai une question, commença-t-elle avec toute la diplomatie dont elle était capable.
Il la foudroya du regard.
— J'étais en train de lire, Weasley.
Malgré son attitude glacée, Ginny savait qu'il était ouvert à la conversation. Pourquoi, sinon, l'appeler Weasley et non pas Weasmoche comme ce matin ?
— On ne va pas se mentir, Malefoy. J'ai les cheveux roux des Weasley, et toi la blondeur typique des Malefoy. Comment va-t-on passer pour des demi-frères ? Surtout qu'il a été établi dans mon essence que j'ai une lointaine parenté avec les Weasley.
D'un geste sec, le blond referma son livre.
— C'est simple, cervelle de troll. Nos parents nous ont eu chacun de leur côté avec leurs anciens conjoints, puis se sont mariés ensemble. Et, tout comme tu as une lointaine parenté avec les Weasley, j'en ai une avec les Malefoy.
Ginny haussa les épaules, ne montrant pas à quel point elle était rassurée. Avoir un lien de parenté avec Malefoy, même s'il avait été totalement inventé, l'aurait mise très mal à l'aise. Au moins n'aurait-elle pas à jouer la sœur compatissante.
— Bon, c'est quand que tu nous prépares le repas sœurette ?
— Va te faire voir, Saint-Crétin ! T'as qu'à t'en occuper toi, au lieu de passer ta journée affalée dans un canapé !
— Pas question, c'est un truc de moldu.
— Je ne suis pas ton elfe de maison. Débrouille-toi.
Oui, elle été rassurée de ne pas avoir à jouer la comédie pour faire croire que c'était son frère. Et elle avait hâte de rentrer à Poudlard pour s'en débarrasser !
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