Chapitre n°12
Partie 1 – Présent / Décembre 2017 – Louis
Je n'ai pas vu passer le mois de novembre. J'ai l'impression que le mois s'est écoulé à une vitesse hallucinante. J'ai du mal à réaliser que noël est dans un petit peu plus de trois semaines.
Depuis notre sortie au cinéma en famille le mois dernier, j'avoue que j'ai pris quelques distances avec Harry. J'ai eu beaucoup de mal à me remettre de cet après-midi. J'avais l'impression d'avoir retrouvé mon Harry. L'homme que j'ai aimé et épousé. Pas le gamin paumé que j'avais rencontré à Los-Angeles ou l'adulte froid et autoritaire qu'il est devenu après notre divorce. Non, j'avais juste l'impression que c'était Hazz. Je crois que j'ai trop idéalisé Harry ce jour-là. J'en avais oublié tout ce qui a fait que nous ne sommes plus ensemble aujourd'hui.
Je me sens terriblement coupable d'avoir douté de ma relation avec Tyler et d'avoir envisagé, ne serait-ce que quelques minutes, de pouvoir pardonner à Harry. Il y avait de quoi, en même temps ! Il a été gentil, doux et attentif toute l'après-midi que nous avons passée ensemble. J'ai cru que j'oubliais tout pour faire table rase du passé, mais ça ne fonctionne pas comme ça. Il est évident que ce n'est pas de lui dont j'ai besoin, mais de Tyler.
Tyler est celui qu'il me faut. Il ne me ferait jamais de mal. Et il ne me tromperait pas avec la première jolie fille venue qui lui ferait de l'œil, pas comme mon ex-mari. J'ai été le seul homme avec qui Harry est sorti. Bon, il m'a épousé, je l'avoue, mais c'est quand même étrange de se dire qu'à part moi, il n'a jamais réellement eu envie de construire quoi que ce soit avec un mec. Il avait déjà eu des relations homosexuelles le temps d'une nuit avec deux ou trois mecs, mais jamais de vraie relation amoureuse. Je suis l'exception qui confirme la règle. En tout cas, c'est ce qu'il aimait me dire.
Je crois que c'est rassurant d'être avec Tyler. C'est facile, pas prise de tête et au moins il ne me déçoit pas.
Si je suis soulagé de m'être rabiboché avec Tyler, c'est aussi parce que nous continuons notre garde alternée avec Harry. Lily va maintenant chez lui une semaine sur deux. Je ne peux pas le nier, depuis que nous fonctionnons comme ça, elle est beaucoup plus épanouie. Elle me semble heureuse et ne cesse de me chanter les louanges de Harry. Je n'ai jamais douté des capacités de père de mon ex-mari, mais je suis tout de même rassuré de savoir que ça se passe bien. Ca me coûte, j'ai vraiment beaucoup de mal à lui laisser ma fille une semaine sur deux, mais je sais que c'est le bon choix. Je crois que je ne supporterai pas la solitude les semaines où ma fille n'est pas là. Heureusement que Tyler est avec moi.
Du coup, Tyler et moi faisons beaucoup plus de choses en couple, rien que tous les deux et ça nous fait du bien. Je pense que ce rythme lui convient bien à lui aussi. Nous pouvons nous retrouver en amoureux plus souvent, et nous faisons plus de choses pour nous. Je ne dis pas que la présence de Lily nous empêchait de vivre notre vie de couple avant, mais nous la vivons différemment en tout cas. Nous avions besoin de nous retrouver tous les deux pour avancer d'une étape dans notre relation. Parce que même si Tyler adore Lily, je ne dois pas oublier que lui n'est pas père, et qu'il n'a pas les mêmes besoins que moi. Je crois qu'il voulait, sans oser me le dire, passer plus de temps avec moi, sans Lily.
En tout cas, ce soir, nous sommes tous les deux. Comme à chacun de nos week-ends en tête à tête nous essayons de sortir. Soit nous voyons nos amis, les siens ou les miens, soit nous nous faisons des restaurants, ou des cinémas. Ce soir, nous avons choisi d'aller manger dans le petit italien de son quartier que nous aimons tant. Il nous rappelle notre week-end à Rome !
Cette semaine, pour l'une des premières fois, nous sommes restés chez lui. D'habitude, comme Lily est avec moi les semaines, nous sommes chez moi. Et les week-ends où elle était avec Harry, nous allions parfois chez Tyler. Je n'aime pas y emmener Lily la semaine. C'est loin de son école, ça l'oblige à se lever plus tôt le matin, et puis j'ai l'impression que ce n'est pas bien. Elle a besoin de stabilité. Pas d'être ballotté entre chez moi et chez mon petit ami. Nous y avons passé quelques week-ends tous les trois, mais plutôt rarement. Non. Sincèrement, je crois que je n'aime pas y emmener Lily.
Tyler habite en plein centre ville... ça m'a fait bizarre de retrouver l'effervescence de Londres le temps d'une semaine. J'y ai pourtant habité pendant des années le temps de mes études et au début de ma vie de jeune adulte. C'est seulement après mon mariage avec Harry que nous avons quitté le centre pour aller vivre en périphérie.
Cette semaine, J'avais presque l'impression d'être en vacances ! Je me suis promené, j'ai fait les boutiques, je suis allé au musée, j'ai vu des expos, j'ai pris des cafés avec des amis de longues dates. J'ai fait beaucoup de choses que je n'avais pas faites depuis des années. En fait, j'ai tout simplement profité ! Ca m'a fait un bien fou.
J'ai même réussi à écrire !!
« Lou, tu prends quoi ? m'interroge Tyler en relevant les yeux vers moi.
-Je ne sais pas, tout est tellement bon ici. Je n'arrive jamais à me décider. » je lui avoue en rigolant.
Il me sourit et hoche la tête. Je crois que ce doit être la même chose pour lui. Nous mettons toujours un temps fou à faire notre choix quand nous venons manger ici. C'est l'un des seuls italiens de Londres où nous avons vraiment l'impression d'être en Italie à chaque bouchée ! J'aime beaucoup cet endroit, nous y venons quand nous le pouvons. Lily raffole des gnocchis à la crème qu'ils servent ! J'ai pour habitude d'en prendre une portion à emporter à chaque fois que je viens. Quand je suis à la maison je les congèle et je les lui ressors pour lui faire plaisir quand je n'ai pas le temps de cuisiner le soir.
Ce soir, j'hésite entre un plat de saumon à la crème et des pâtes au pesto.
« Je pense prendre une pizza, ça me changera des pâtes que je prends à chaque fois, intervient alors Tyler.
-C'est vrai, je ne prends jamais de pizza moi non plus »
Et me voilà reparti dans mon hésitation la plus profonde concernant le repas. Que vais-je pouvoir manger. Pizza ? Pâtes ? Saumon ? RAAAAH. C'est toujours un choix cornélien lorsque je viens ici.
Je secoue la tête, arrête mon choix sur les pâtes et referme mon menu.
« Pâtes au pesto pour moi. Nous allons faire simple.
-Bon choix ! »
Il interpelle un serveur, nous passons commande et il prend deux verres de vins avec nos plats. Je souris à cette initiative et il retourne son attention sur moi. Il glisse une de ses mains vers les miennes et je la prends pour la serrer entre mes doigts.
« Alors, impatient d'être à noël ? » me demande Tyler
Je souris et hoche la tête de haut en bas. Comme chaque année, j'attends avec impatience les fêtes de fin d'année. Depuis que je suis gamin, j'adore noël. Peut-être parce que le vingt-quatre c'est aussi mon anniversaire. Ça fait des années que je ne le fête plus vraiment, depuis que Lily est là. Mais je sais que ma mère a toujours une petite attention pour moi ce jour-là. C'était aussi quelque chose que Harry faisait. Il dissociait toujours mes cadeaux de noëlde celui de mon anniversaire.
Mais je crois que j'attends cette année avec plus d'impatience que d'habitude, car Lily sera avec moi. L'année dernière elle était avec Harry, et j'ai très mal vécu cette fête de famille sans elle. Ca a même été une des pires journées de toute ma vie. Je n'avais même pas envie de fêter noël. J'étais tellement triste que ma mère avait envoyé ma sœur Charlotte passer me chercher, pour être bien certaine que je viendrais, même si Lily n'était pas là.
Cette année, je n'ai pas prévu grand-chose. Mes parents viennent chez moi pour le vingt-cinq. Le vingt-quatre j'ai prévu de passer la soirée seul avec Lily. J'ai envie de passer ce moment magique avec elle.
« Et toi, donc, San-Francisco chez ton oncle ?
-Oui, comme chaque année. C'est une habitude que nous avons prise depuis qu'il vit là-bas.
-J'adore San-Francisco. Harry a tourné un film là-bas il y a quelques années, j'y ai passé un petit peu de temps avec lui à l'époque. C'est une magnifique ville, j'assure en hochant la tête.
-Peut-être qu'un jour tu m'y accompagneras, me dit-il en souriant.
-Peut-être. »
Pour une fois, je ne dis pas ça à contre cœur. Il est possible que dans un futur proche j'arrive à envisager de rencontrer ses parents. Nous en avons reparlé il y a quelques jours. Je lui ai enfin avoué que ça me faisait peur. Après le désastre de ma relation avec Anne Styles, il est normal que ça me fasse peur après tout. Elle ne m'a jamais aidé à l'apprécier. Elle a œuvré tellement fort pour bousiller ma relation avec Harry.... Je crois même qu'elle m'a totalement dégoûté de ce que pourrait être une relation entre un gendre et ses beaux-parents. Tyler s'entend si bien avec ses parents qu'il souffre de ne pas pouvoir me les présenter. Je le vois bien. Donc, il est temps que j'arrive à mettre mes doutes et mes peurs de côté pour le faire. Pour lui.
Il s'apprête à reprendre la parole quand le serveur arrive avec nos verres de vin. Nous le remercions et Tyler m'interroge :
«Noël chez toi avec ta famille ?
-Mes parents et mes sœurs. Charlotte envisage même d'emmener son petit ami ! je réponds en rigolant.
-De toute façon tu le connais ? Elle te l'a présenté il ya quelques temps déjà non ? »
Je hoche la tête en souriant. Charlotte et Félicité, les deux aînées, vivent elles aussi sur Londres. Elles sont en colocation dans un bel appartement en plein centre-ville. Charlotte a à commencé ses études à Doncaster. Mais lorsque Fizzie a été diplômée du lycée, elle a eu envie de partir à Londres. J'ai sauté sur l'occasion et j'ai proposé de leur offrir la location de leur appartement. Je sais que mes parents n'aiment pas que je prenne en charge ce genre de choses, parce que ce n'est pas mon rôle. Mais je sais aussi qu'ils auraient eu du mal à payer un loyer pour un grand appartement à Londres à mes deux sœurs. Ou elles auraient dû travailler pour les aider à payer une partie du loyer. Face à cette perspective, en vue des ambitions de mes sœurs, ils n'ont pas pu me le refuser. Charlotte est en train de préparer le concours pour être professeur des écoles, pendant que Félicité veut devenir avocate. Elles bossent toutes les deux dur pour arriver à atteindre leurs objectifs. Je crois qu'ils s'en seraient voulus si l'une d'entre elles loupait son concours à cause de ça.
Quoi qu'il en soit, Lottie sort avec Tommy depuis presque un an. C'est un gentil garçon. Elle l'a rencontré par ami interposé d'après ce que j'ai compris. Il est professeur d'anglais dans un lycée. Il est posé, adorable et il est vraiment amoureux de ma petite sœur. Ce qui me va très bien !
« Oui, j'ai vu Tommy quelques fois, je ne m'en fais pas. Mes parents vont l'adorer.
-C'est un grand pas pour ta sœur.
-Oui, c'est vraiment bien qu'elle l'envisage. En tout cas, moi je l'accueille avec plaisir pour noël.»
Il me sourit et il prend finalement son verre entre ses mains. Il le lève et me regarde dans les yeux avant de porter un toast :
« Au plus merveilleux de tous les petits-amis.
-Ne dis pas n'importe quoi... je murmure en rougissant légèrement.
-Je n'exagère pas du tout ! » affirme-t-il en faisant tinter son verre avec le mien.
Je souris, porte mon vin à mes lèvres et prends une petite gorgée. Nos plats arrivent au moment où je repose mon verre sur la table. Nous remercions le serveur et nous pouvons nous mettre à table. Je souris en plongeant ma fourchette dans mon assiette et goûte mon plat. Délicieux. Comme toujours lorsque nous venons ici.
« Alors ? Content de ton choix ? je lui demande alors qu'il goûte sa première part de pizza.
-Oui, j'ai bien fait, elle est excellente. Et toi ?
-Pareil ! Comme d'habitude ! » je lui dis en rigolant.
-Emilia est impatiente de partir en tout cas, m'explique Tyler en prenant une nouvelle part de sa pizza.
-Ca fait un moment que je ne l'ai pas vu. Comment va-t-elle ? » je l'interroge alors.
Emilia vit aux Etats-Unis depuis six mois. Si au départ je la voyais souvent, car elle vivait à Londres et qu'ils sont comme qui dirait inséparables avec son frère, aujourd'hui ce n'est plus le cas.
Je sais que sa sœur lui manque. C'est pour cette raison que je lui ai proposé d'aller skier avec elle pour les vacances de fin d'année. Il a été très touché par cette proposition, et Emilia aussi. Mais je crois que ça l'arrange bien de venir en Europe. Nous n'allons passer que quatre jours en Suisse. Ce qui lui permet de faire un tour à Londres pour voir ses vieux amis. Elle adore sa nouvelle vie à Atlanta, mais la capitale anglaise semble lui manquer.
« Elle va bien, elle est heureuse de son nouveau job, et je crois qu'elle voit quelqu'un !
-C'est génial ça ! Elle qui avait peur de finir vieille fille ! je rigole en secouant la tête.
-Je ne te le fais pas dire, elle était épuisante ! Alors que franchement, elle a tout pour trouver le gars parfait.
-Nous sommes bien d'accord ! »
Emilia est magnifique. Ok, elle a un caractère de cochon, elle mériterait bien des tartes dans la figure parfois, mais ce n'est pas une méchante fille. Je l'aime beaucoup. Après tout, c'est grâce à son entêtement et ce caractère de feu que j'ai pu rencontrer Tyler. Si elle ne m'avait jamais proposé de sortir avec lui lors de notre rencontre, je ne serais pas avec lui aujourd'hui ! Je crois que ça a été la rencontre la plus ... originale du monde. Si j'exclus celle de Harry et moi. Après tout, il a bien failli m'écrabouiller avec sa voiture la première fois que nous nous sommes vus !
« Donc, elle nous rejoint en tant que célibataire ou accompagnée en Suisse ?
-Je crois qu'elle tâte le terrain, elle voudrait le ramener mais elle n'ose pas.
-Propose-le-lui ! Et elle sera heureuse ! » je lui assure en souriant.
Il hoche la tête en souriant et me répond que c'est une bonne idée. Je suis assez curieux de voir à quoi pourrait bien ressembler le fameux peut-être petit-copain de Emilia.
*
Partie 2 - Passé / Septembre 2012 – Harry
Text to Gemma : « SOS. »
Trois petites lettres.
Trois petites lettres qui ne veulent peut-être rien dire pour certain, mais qui ont une valeur inestimable pour ma sœur et moi.
Ça a commencé quand nous étions gamins. Je devais avoir dix ans à peine et elle quatorze quand notre père est décédé. J'ai énormément souffert de sa perte, et je sais que ma relation avec ma mère a changé à partir de ce moment-là.
Je crois même qu'elle s'est transformée en Terminator nouvelle génération après cet évènement.
J'ai eu beaucoup de mal à m'adapter à cette nouvelle maman, et à m'habituer à l'absence de mon père. J'étais très proche de lui. J'ai été dévasté par sa mort. Encore aujourd'hui j'en parle peu, pas que je ne le veuille pas, mais parce que je ne le peux tout simplement pas. Je suis incapable de parler de lui sans avoir les larmes qui me montent aux yeux. Je me sens terriblement mal à chaque fois que je croise son regard sur une photo ou que quelqu'un m'en parle. C'est l'un des seuls sujets que je n'ai jamais abordés avec la presse lors de mes nombreuses interviews. Et pourtant on m'a souvent posé des questions sur lui. Sa mort n'est un secret pour personne, mais je crois que le monde aimerait que je parle de mon père plus ouvertement. Ce que je suis incapable de faire.
Après sa disparition, j'ai eu de violentes terreurs nocturnes. J'ai vu un médecin spécialisé qui m'avait même prescrit des médicaments pour dormir. Même si je soupçonne ma mère de l'avoir soudoyé pour le faire, pour que je lui fiche la paix la nuit. A dix ans... quelle idée de donner des médocs comme ça, sérieux ?!
Ma sœur n'était peut-être pas vieille mais elle avait bien compris que ce n'était pas bien pour un gamin de mon âge. Alors nous avions instauré un code. Lorsque j'avais du mal à dormir, ou que je me réveillais après un cauchemar, je devais lui envoyer un SOS. Au départ ce n'était que des petits coups à travers la porte de sa chambre, et finalement, nous avons prit pris le relais avec nos portables quand nous avons été assez vieux. Puis nous avons gardé cette habitude pour nous dire que quelque chose ne va pas lorsque nous avons grandi. Que ce soit pour une peine amoureuse, une mauvaise note, un souci avec les amis... tout et n'importe quoi. C'était notre signal.
Ce soir, je l'ai utilisé pour la première fois depuis des années.
Après le départ de Liam, je suis resté dans mon lit pendant un long moment. Je n'ai pas bougé. J'avais l'impression d'être une de ces filles qui pleurent toute la journée sous sa couette avec le pot de glace au chocolat le plus gras de l'univers, pour se remettre de sa rupture avec son petit copain. Le souci, c'est que depuis que je connais Louis, j'ai l'impression de ne plus quitter la peau de cette fameuse gamine. Je suis passé par toutes les étapes de la lycéenne amoureuse et ça commence à être épuisant !
Je voudrais pouvoir ne pas me comporter comme ça, mais je n'y arrive pas. Je ne peux pas m'empêcher de le faire. Comme si Louis avait brisé tout ce que j'avais réussi à ériger entre le monde extérieur et moi. Comme s'il avait foutu en l'air toutes les barrières qui me tenaient bien au chaud, à l'abri des maux du monde.
C'est pour cette raison que j'ai utilisé le SOS pour la première fois depuis des années, la dernière fois remonte à plus de trois ans, maintenant ! Je ne devais même pas avoir vingt ans à l'époque. Je crois que j'ai véritablement touché ma sœur, parce qu'elle m'a répondu dans la minute un « j'arrive ».
Je tourne en rond dans mon salon, mon téléphone portable entre les mains, à deux doigts de me vider la bouteille de whisky qui est là sur ma table basse. Depuis ce midi elle me regarde. Parce qu'évidemment j'ai fini par quitter mon lit quand la faim m'y a obligé. Avant même de commander mon repas, ou de me sortir quelque chose du frigo, j'ai sorti la bouteille. Valait mieux ça qu'un raille de coke...
Il est vingt-heure et dix-sept minutes lorsque l'on sonne à ma porte. Je me précipite dans l'entrée, ouvre et ma sœur me regarde avec de grands yeux remplis d'incompréhension.
« Harry ? »
Je me pince les lèvres, me balance d'un pied sur l'autre pendant que ma mâchoire tremblote. Je suis incapable de parler ou de lui expliquer la situation. J'ai envie de pleurer et de trouver refuge dans les bras réconfortant de ma sœur.
Elle me regarde avec tristesse, s'approche et me prend contre elle. Je ne résiste pas une seule seconde et fonds en larmes. Ce que ça fait du bien de pouvoir se sentir en sécurité contre elle. J'en avais presque oublié cette sensation. Celle de se sentir aimé et soutenu par sa propre famille. C'est triste, n'est-ce pas ?
Une fois que je me sens un petit peu mieux, je me détache de Gemma, et elle me sourit. Elle embrasse ma joue avec tendresse et referme la porte d'entrée. Je la regarde faire en reniflant légèrement.
« Qu'est-ce qu'il se passe Harry ?
-Je crois que je ne vais pas bien, que je suis en train de foutre ma vie en l'air... » je murmure en soupirant largement.
Elle me regarde avec des yeux désolés, secoue la tête et se rapproche. Elle glisse une de ses mains dans une des miennes et l'autre contre ma joue. Elle m'oblige à la regarder dans les yeux et me réponds.
« Je suis fière de toi Harry. Je suis contente que tu aies pris ton téléphone pour m'envoyer ce SOS. Ça prouve beaucoup de choses tu sais.
-Ah oui quoi... ? Que ma vie craint ? »
Elle rigole en embrassant mon front pour me reprendre ensuite dans ses bras et elle répond.
« Pas du tout, ça veut dire que tu vas mieux et que tu commences à redescendre sur terre. Il était temps Harry.
-Je suis désolé...
-Non, ne t'excuse pas. Pas ce soir en tout cas. C'est déjà un pas en avant que tu as fait. C'est toujours mieux que lorsque tu te retrouvais avec de la poudre au coin du nez dès que tu avais une contrariété. Crois-moi ça fait du bien de voir que tu n'es plus comme ça.
-Tu sais que j'ai arrêté depuis longtemps Gem'...
-Oui, mais... j'ai toujours peur.
-Tu ne dois pas avoir peur pour moi. J'ai dépassé ça. J'ai eu bien assez peur pour moi-même à cause de toute cette merde, je ne referai pas les mêmes erreurs.»
Je hoche la tête en avalant difficilement ma salive. Elle me serre contre elle et me propose d'aller nous installer dans le salon car nous y serons mieux pour parler. Maintenant qu'elle est là je ne vais pas avoir le choix. Je vais devoir m'ouvrir. Peut-être que j'aurais mieux fait de continuer de me morfondre tout seul dans mon coin avec mon pot de glace. Je ne me retrouverais pas obligé de lui raconter toutes mes histoires, mais surtout de lui avouer que mon couple avec Louis n'était... pas vraiment un couple.
J'approuve tout de même sa proposition d'un signe de tête et je me retrouve dans mon salon, quelques minutes plus tard, une tasse de chocolat chaud entre les mains. Gemma est assise en face de moi, et c'est comme si nos dernières disputes n'avaient jamais existé. C'est à n'y rien comprendre. Elle me sourit et me regarde d'un œil bienveillant.
« Qu'est ce qu'il se passe Harry... ? c'est quoi ce coup de blues... ? ça m'inquiète. Parce que je te connais, pour que tu m'appelles c'est que tu dois vraiment te sentir mal...
-Je suis désolé de ne t'appeler que lorsque ça va mal... j'avais peur que tu ne viennes pas, je murmure en baissant le regard sur ma tasse de chocolat.
-Harry, tu es mon petit frère, évidement je serai toujours là pour toi. Ne t'en fais pas. Et... à l'avenir, appelle-moi juste plus souvent pour me donner des nouvelles, pas seulement lorsque ça ne va pas. Je ne suis pas venue pour te reprocher comportement, mais pour te réconforter parce que tu as besoin de moi. Sinon tu ne m'aurais pas appelé. Alors, tu dois me dire ce qu'il se passe. Tu t'es disputé avec Louis ? »
Louis...
Je soupire, ferme les yeux et hoche la tête. Evidemment que Louis est derrière ma tristesse d'aujourd'hui mais pas seulement. Je crois que Liam a porté le coup de grâce. Je suis si triste de voir que même mon meilleur ami me tourne le dos. J'avais bien assez de ma mère et de ma sœur. Je ne pensais pas qu'il irait jusque-là. J'avais besoin de lui ce matin. Je n'avais pas besoin qu'il me jette tout ce qu'il m'a dit à la figure.
Je fais un lourd travail sur moi-même depuis le début du tournage, je vois que je change, et ça joue sur mon moral. Je brise mes propres barrières, même si Louis m'y a un petit peu forcé. Ça fait peur de sortir de sa zone de confort. Même si je ne m'y prends pas de la meilleure des manières et que j'ai conscience d'avoir encore des comportements inadéquats, je ne pensais pas que Liam réagirait comme ça ce matin. Je pensais qu'il verrait ma faiblesse, et mon besoin de soutien.
« J'imagine que ton silence répond à ta place. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? me demande-t-elle sérieusement.
-Pour commencer, il y a une chose que tu dois savoir Gem', je murmure en me mordillant l'intérieur de la joue.
-Quoi donc Harry ?
-Nous...ne sommes pas vraiment ensemble lui et moi. »
Je vois alors son regard changer et elle soupire. Elle secoue la tête et s'apprête à reprendre la parole mais je l'interromps.
Je ne veux pas de ses remontrances ! Pas aujourd'hui !
« Non, s'il te plait non. Ne te retransforme pas en maman comme l'autre soir ! Je n'ai pas besoin qu'on me fasse la morale. Je sais que c'était idiot de prétendre sortir avec lui juste pour agacer maman. Me montrer au bras d'un gars... je suis tombé bien bas, je te l'accorde. Je savais que ça ferait chier maman que je sois avec un homme. Elle n'est pas homophobe, mais je savais que ça aurait son effet. Je sais que je ne suis qu'un putain de manipulateur. Mais j'ai été victime de ce qu'on appelle l'arroseur arrosé.
-Mais pourquoi tu as fait ça Harry ? Pourquoi lui ? Il a l'air charmant et aimant ! Et j'y ai tellement cru ! Il t'a défendu bec et ongle à chaque fois que je l'ai vu avec toi ! Qu'est ce que tu lui as fait pour qu'il ait ce comportement ?
-Je n'en ai pas la moindre idée ! » je lui avoue le regard totalement perdu.
Et c'est vrai. Je ne comprends toujours pas son comportement. Pourquoi en l'espace de dix heures à peine a-t-il changé d'avis ce jour-là ?
Le matin où maman et Gemma ont débarqué à la maison et où tout à a commencé, il m'a clairement fait comprendre qu'il n'était pas mon jouet et qu'il ne se laisserait jamais utiliser ! Et le soir, il est revenu comme une fleur au restaurant, l'air de rien. Je veux bien que sa discussion avec ma mère devant chez moi l'ait affecté. Mais de là à jouer le jeu comme ça ?! Il y a quelque chose qui m'échappe dans cette histoire. Louis m'échappe, je n'arrive pas à le cerner. Y arriverai-je seulement un jour ?
« Le matin où tout a commencé, il est parti de chez moi peu de temps après vous. Maman était toujours dans la rue. Elle lui a dit des choses affreuses sur notre couple, je dis en mimant des guillemets, mais aussi sur moi. Que j'étais quelqu'un de manipulateur, autodestructeur, et qu'il fallait qu'il fuie pour son propre bonheur. Elle lui a dit que j'allais lui pourrir la vie et qu'il ne pourrait pas être heureux avec moi. Jamais. Elle lui a dit des choses horribles, Gemma. Il m'a dit ne pas avoir compris son discours, et surtout avoir été écoeuré par tout ce qu'elle a pu dire.
-Du grand maman, murmure ma sœur en soupirant.
-Bref, après ça, il a proposé de jouer le jeu...pour prouver à maman que je sais être sérieux et me comporter en adulte
-Ce qui ne semble pas être le cas.
-Non. Pas du tout » j'avoue en baissant les yeux légèrement honteux.
Je l'entends soupirer avant de se lever pour venir à côté de moi sur le canapé. Elle pose la tasse de chocolat que j'ai entre les mains sur la table basse et me prend contre elle. Je me blottis dans ses bras et elle reprend la parole.
« Et donc ? ensuite ?
-Pendant plus d'un mois on a joué le jeu. Mais ce n'était pas de la comédie Gemma. On est vraiment devenu amis.
-Heureusement que vous vous êtes bien entendus avec le temps que vous avez passé ensemble... Et les rares fois où je vous ai vus tous les deux, je vous ai trouvés très liés et complices. Ça ne m'étonne pas que vous soyez réellement devenus amis.
-Ce que je veux dire par là Gemma, c'est que nous avons passé vraiment beaucoup de temps ensemble. Pas seulement les fois où nous avons été vus au restaurant, ou au bar en amoureux. On passait des soirées ici, en toute amitié, à discuter et apprendre à se connaître.
-J'imagine qu'il a dû se passer quelque chose ensuite, parce que tu ne serais surement pas dans cet état sinon.
-Oui. Encore une fois je me suis comporté comme le dernier des abrutis... »
Elle soupire et secoue la tête avant de prendre ma défense. Je crois que c'est la première fois qu'elle le fait depuis longtemps, trop longtemps. J'aime Gemma, plus que tout au monde. M'éloigner d'elle ces derniers mois, années a été la pire idée de ma vie.
Surtout quand je vois qu'au premier SOS elle accourt sans poser de question.
« Tu n'es pas un abruti ! Enfin... pas tout le temps, même si dernièrement tu l'as été plus souvent que normale, je te l'avoue. MAIS ce n'est pas pour autant que tu es une mauvaise personne Harry. Tu t'es juste perdu pendant un moment. Et tu mets un petit peu de temps à te retrouver. Mais j'ai espoir que tu le fasses et que tu redeviennes mon petit frère adoré. Que tu quittes cette carapace de star à deux balles.
-Tu y crois vraiment.. ?. je murmure en me mordillant l'intérieur de la joue.
-Mais évidemment Harry ! J'ai conscience que j'ai été difficile ces derniers temps.
-J'ai clairement eu l'impression d'avoir deux Anne Styles en face de moi Gem' et ce n'est pas agréable du tout. J'avais besoin de ma sœur, pas d'un deuxième tyrannosaure »
Je la sens se tendre contre moi, et elle secoue lentement la tête en reprenant la parole.
« Je suis désolé pour ça. Mais comprends-moi Harry. Tu as passé cette dernière année à me repousser et à refuser tout contact. Je voulais t'aider au début, mais tu ne me laissais aucune place ! Tu as passé ton temps à repousser tout le monde ! Tu n'étais plus que l'ombre de toi-même. Même lorsque tu te droguais tu étais plus présent...
-Je sais, la désintox et le sevrage ont été très compliqués pour moi. J'ai vraiment merdé cette année, Liam pensait que ce film me remettrait dans le droit chemin, que je me sentirais impliqué! Ce qui est le cas à vrai dire, je trouve ce film génial ! Le message qu'il porte est sans précédent et je suis heureux de faire partie du projet mais...
-Il y a Louis.
-Mais il y a Louis...
-Que s'est-il passé alors ?
-Nous nous sommes disputés. J'ai été exécrable avec lui et il m'a dit des choses qui m'ont perturbé. »
Gemma se redresse lentement et moi aussi. Je m'assois alors en tailleur. Je prends une grande inspiration et je lui explique la raison de ma dernière dispute avec Louis. Elle me regarde avec attention, hoche la tête de temps en temps, sans m'interrompre. Je crois qu'elle n'est pas vraiment étonnée de ce que je lui dis. C'est du grand moi tout ça ! Je suis un handicapé de l'amour. Je ne me vois pas marié avec des enfants et une maison dans dix ans, parce que je ne sais pas si je le mérite. Je mets tant de passion à détruire ma vie ! Pourquoi j'y aurais droit à tout ça ? Sérieusement ?
A la fin de mon récit Gemma me regarde longuement avant de finalement reprendre.
« Il n'a pas tort. Tu es jeune et tu as le temps de penser à tout ça, mais je pense que tu le voudras. Tu t'es braqué avec beaucoup de hargne et très peu de finesse, comme souvent, pour pas grand-chose. Mais, il s'est tout de même vexé, alors qu'il commence à te connaître et qu'il a dû se douter que tu disais tout ça parce que tu avais peur de l'avenir et de l'engagement.
-Je ne t'ai pas demandé de venir pour me psychanalyser, je lui dis en soupirant largement.
-Sauf que tu sais que j'ai raison ! »
Mais bien sûr qu'elle a raison !
Gemma est sûrement la personne qui me connaît le mieux sur cette terre. Je n'ai pas dit tout ça à Louis parce que je le pensais vraiment, même si sur le coup, j'ai trouvé bien idiot tout son discours utopique sur sa vie future. D'autant plus que pour le moment, il est tout aussi seul que moi !
« Bref, ce n'est pas ça qui m'a réellement perturbé Gemma. Je sais tout ça. Je sais que je mets des barrières entre moi et...mon bonheur. Que je m'autodétruis. Maman n'a pas tort sur certaines choses. Mais, ce qui m'a réellement choqué, c'est qu'il m'a dit que j'étais attiré par lui sans même m'en rendre compte..
-Est-ce que tu as seulement conscience du regard que tu as lorsqu'il est dans la même pièce que toi Harry ? Tu le regardes avec tant de tendresse et de douceur, c'est pour cette raison que j'y ai cru. Son comportement envers toi ne trompe pas non plus Harry, c'est réciproque. Il ne se donnerait pas tant de mal à t'aider si ça ne l'était pas.
-Mais je ne suis pas gay Gemma ! je m'exclame en fronçant les sourcils.
-L'un n'empêche pas l'autre. Je suis persuadé que même hétéro, je pourrais très bien tomber amoureuse d'une femme. Ce serait l'exception qui confirme la règle. Tu vois ce que je veux dire? Et bien ce serait la même chose pour toi et Louis. Je ne te vois pas avec un mec. Surtout quand je vois tes habitudes avec toutes ces ... femmes. Mais je te vois avec Louis parce que c'est différent !
-Je ne suis pas gay.
-Mais puisque je te dis que tu ne l'es pas !!
-Mais pourquoi tu me vois avec Louis alors ?! »
Ma sœur me regarde, exaspérée, et soupire largement. Comme si je venais de dire la pire aberration du monde. Sauf que c'est elle qui vient de dire que je ne suis pas gay, mais qu'elle me voit avec Louis. Elle a conscience de sa connerie ? Parce que je ne crois pas.
« Bon... votre dispute a eu lieu quand ?
-Hier...
-Tu veux arranger les choses ?
-Evidemment ! Mon ami me manque beaucoup !
-Ton ami. »
Je roule des paupières à ses mots et secoue la tête. Je suis prêt à dire que Louis est mon ami, que je l'apprécie beaucoup et que je voudrais pouvoir me réconcilier avec lui. Mais de là à dire que j'en pince pour lui ? Non.
Bon... ok peut-être que j'en pince un petit peu. Un tout petit peu. Mais en même temps avec le comportement qu'il a avec moi depuis le départ je ne peux pas, ne pas craquer ! Il est... tellement lui ! Je crois que je serais incapable de vivre sans lui maintenant. Putain que je me sens con ! Je suis totalement Louis-dépendant.
« Tu l'as vu aujourd'hui au studio ? enchaîne ma sœur.
-Non... je ne suis pas allé travailler, je n'ai pas eu le courage de me lever.
-Harry... ce n'est pas bien de fuir ses responsabilités comme ça. »
Je soupire et secoue la tête. Comme je le lui ai dit, je n'ai pas besoin d'être jugé, juste rassuré et entendu. Je veux pouvoir être soutenu. Je m'apprête à répondre à ma sœur, mais elle me coupe la parole avant même que j'aie le temps d'ouvrir la bouche.
« Demain tu vas bosser, que tu le veuilles ou non. Tu vas aller voir Louis et t'excuser. Ensuite tu lui proposeras d'aller dîner, tous les deux.
-Mais pourquoi je ferais ça ? je demande en fronçant les sourcils.
-Parce que même si votre couple est fake, tu crèves d'envie d'être vraiment avec lui. Alors Monsieur Styles, il serait temps de porter ses couilles un petit peu !
-Mais puisque je te dis que je ne suis pas gay !
-Et moi que ça n'a rien à voir avec Louis ! »
Si ça, ce n'est pas un dialogue de sourd, je ne sais pas ce que c'est...
Je crois que ma sœur est folle.
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#WIWYM __ Ce chapitre est plutôt intéressant et important je trouve ! O:) Je dois dire que la seconde partie dans le passé est importante et touchante. Je l'aime beaucoup. On retrouve la Gemma que j'aime et qui est là pour Harry. Il était temps... ! :)
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