Chapitre 4

Chapitre 4

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse pour le dîner ? demanda May depuis la cuisine.

- J'ai pas faim, répondit Peter d'une voix monotone, assis sur le canapé en train de regarder la télévision sans la voir.

Elle était allumée mais il n'arrivait pas à lui porter d'attention assez longtemps ou l'énergie de le faire. Il n'avait aucune idée de ce qui passait.

- Il faut que tu manges quelque chose, rétorqua May. Je sais que tu n'as pas mangé à midi et tout ce que tu as mangé pour le petit-déjeuner c'est une barre de céréales que j'ai dû enfoncer dans ta gorge.

- J'ai pas faim, répéta-t-il, avec plus de force.

May soupira profondément et revint dans le salon. Il ne se détourna pas de la télé.

- Chéri, il faut que tu manges.

Peter continua à regarder droit devant lui.

- Tony ne voudrait pas que tu t'infliges ça à toi-même, dit May.

Pourquoi tout le monde n'arrêtait-il pas de lui dire ça, dernièrement ?

- Peu importe ce qu'il voudrait ou non. Il est mort, dit-il d'une voix sans émotion.

Les mots auraient dû lui faire du mal, mais ce ne fut pas le cas. Il était trop anesthésié. Tout lui semblait trop insensibilisé.

- Chéri, dit tristement May en s'asseyant à côté de lui. Regarde-moi, s'il-te-plait.

Peter soupira mais fit ce qu'elle demandait et tourna la tête vers elle.

- Je sais que tu souffres, mais il faut quand même que tu prennes soin de toi, dit May avec des yeux tristes. Il faut que tu manges.

Elle posa une main sur sa joue.

- Tu as perdu du poids, bébé.

Il le savait. Il ne s'était pas pesé, mais il avait remarqué que ses vêtements lui allaient trop grand.

- J'ai pas faim, rétorqua-t-il faiblement.

- Je sais, chéri, et c'est ce que fait le deuil, mais il faut quand même que tu manges. Si tu le fais pas pour toi, fais-le pour moi ? Ok ? Tu peux essayer ?

Il hocha la tête. Il détestait qu'elle s'inquiète pour lui.

- Merci, sourit May. Viens là.

Elle le prit dans ses bras et il la serra contre lui sans hésitation.

- Il me manque, chuchota-t-il dans ses cheveux.

- Je sais, chuchota May en retour.

Elle embrassa sa joue et elle dit sciemment :

- Mais ça va aller mieux. Tu le sais.

Il savait qu'ils pensaient tous les deux à Ben. A combien ça avait été dur après qu'il soit mort, lui aussi. Comme aucun des deux n'avait voulu manger. Comme chaque jour avait été une lutte permanente. A quel point ça leur avait fait mal, que c'était comme si on les avait brûlés vifs. Mais étrangement, ils avaient survécu à ça. Ça s'était arrangé. Peter savait que cette souffrance finirait par aller mieux aussi, mais il n'arrivait pas à s'en persuader.

- Ok, dit May en le relâchant et en se rasseyant. Si je faisais des spaghettis pour le dîner ? Tu aimes les spaghettis.

Elle avait l'air tellement honnête, elle avait un tel espoir qu'il mangerait. Il ne pouvait pas la décevoir.

- En fait, est-ce qu'on pourrait commander Thaï ? demanda-t-il avec hésitation. Ça me parait... bien.

May s'illumina.

- Absolument. Thaï, c'est une bonne idée. Tu veux comme d'habitude ?

Il hocha la tête. Il se dit qu'il pourrait se forcer à avaler un peu de nouilles sautées si ça la faisait se sentir mieux.

Elle se leva pour attraper son téléphone, sur le comptoir de la cuisine, et il lui dit doucement :

- Merci, May.

- Pas de problème, mon cœur, répondit-elle.

May et lui avaient commencé à manger Thaï après que Ben soit mort. C'était ce que son oncle détestait manger, alors ils n'en avaient jamais réellement mangé eux-mêmes. Ça les empêchait d'avoir de mauvais souvenirs. Il était presque sûr que c'était tout ce qu'ils avaient été capables de manger pendant des semaines après sa mort. Et ensuite, avec le temps, c'était devenu leur truc, à May et lui. Manger Thaï. Il avait presque oublié comment ça avait commencé. C'était pour la même raison que May et lui ne mangeaient plus de poulet frit. Parce que c'était le plat préféré de Ben. Ils n'en avaient jamais parlé. Ils avaient juste arrêté d'en manger. Il se demandait s'il y avait des plats qu'il ne serait plus capable de manger parce que ça lui rappelait trop Tony. Aussitôt qu'il y pensa, la réponse lui vint immédiatement à l'esprit. Chawarma.

**

Il ne savait pas comment les gens pouvaient raisonnablement attendre de lui qu'il aille de l'avant si les rappels de ce qu'il avait perdu apparaissaient de partout. C'était constamment douloureux, comme une douleur fantôme, comme si on lui avait coupé un membre et qu'il oubliait l'avoir perdu jusqu'à ce qu'il essaie de l'utiliser pour se rendre compte qu'il avait disparu.

Quelque chose de drôle se passait à l'école et il savait que ça ferait rire Mr. Stark et il pensait qu'il devrait le lui raconter, puis il se rappelait qu'il ne pouvait pas. Il n'aurait jamais plus la chance de raconter des histoires drôles à l'homme ou de l'entendre rire à nouveau.

Après l'école, il descendait les marches et avait le réflexe de chercher la voiture d'Happy parce que pendant une demi-seconde, il avait oublié qu'il n'y aurait plus de soirées labo ou de week-ends avec Mr. Stark.

Il sortait son téléphone dans le bus, sur le chemin de l'école, et cliquait sur le nom de Tony, prêt à lui envoyer un message comme il le faisait toujours, avant de se rappeler. En dépit de tous les messages qu'il pouvait envoyer à Mr. Stark, il n'aurait plus jamais de réponse. Alors il rangeait son téléphone et passait le reste du trajet à lutter pour retenir ses larmes.

Il se demandait si Tony était passé par quelque chose de similaire quand lui avait disparu, mais il n'avait pas le cœur de demander à quiconque. Le savoir ne l'aiderait pas, de toute façon, cela rendrait sûrement la douleur encore plus forte.

Des mois passèrent.

Il n'alla pas mieux.

Il mangeait à peine, sauf quand quelqu'un l'y forçait. La nourriture avait le goût de la poussière, dans sa bouche. Plus rien n'avait de goût. Son appétit était inexistant. Il n'y avait pas un jour pendant lequel il n'avait pas le vertige. Il savait qu'il continuait à perdre du poids. Si ses vêtements lui allaient un peu trop grands au début, ils tombaient carrément, maintenant. Il savait qu'il ne pouvait pas continuer comme ça. Mais il n'en avait plus grand-chose à faire non plus.

La perte suffocante et les souvenirs le harcelaient toute la journée, et les cauchemars et l'insomnie hantaient ses nuits. Il faisait des efforts à l'école, réussissant, d'une certaine façon, à maintenir ses notes malgré le brouillard de son esprit. C'était probablement la raison principale pour laquelle personne n'était encore vraiment intervenu. Ils se disaient sans doute que s'il réussissait toujours à l'école, c'est qu'il n'allait pas aussi mal qu'il en avait l'air. Il tombait en morceaux, mais d'une certaine manière, il tenait toujours debout.

Il passait de plus en plus de temps dehors en temps que Spider-Man. Il se disait que s'il n'arrivait pas à dormir, comme ce soir, il pouvait au moins faire quelque chose d'utile. Il aimait à penser que c'était ce que Mr. Stark aurait voulu. Qu'il continue à se battre. Qu'il continue à aider les gens. Quand l'homme en lui-même ne pouvait plus vraiment le faire. Ou peut-être que c'était juste ce qu'espérait Peter pour alléger la culpabilité qu'il ressentait à chaque fois qu'il portait le costume que Mr. Stark avait fait pour lui.

- Peter, tu as dépassé de trois heures le couvre-feu imposé par Mr. Stark, lui rappela joyeusement Karen, interrompant ses pensées moroses alors qu'il était assis sur le bord du toit d'un des plus hauts immeubles de Midtown.

Il avait patrouillé dans toute la ville dernièrement, au lieu de se cantonner au Queens, parce qu'il sortait plus souvent en tant que Spider-Man et qu'il voulait aider le plus de gens possibles. Ce n'était pas du tout parce qu'il ressentait une attirance magnétique pour la Tour de Mr. Stark.

- Je sais, Karen, répondit-il en roulant des yeux. C'est pas comme si ça valait quelque chose. Il n'y a plus personne à qui tu peux balancer, de toute façon.

Le silence lui répondit.

- Désolé, marmonna-t-il.

- Je te recommande de rentrer chez toi pour dormir. Due à la fatigue, ton temps de réaction a été plus lent de 0.2 secondes ce soir, comparé à d'habitude. J'ai noté une augmentation progressive de ce délai, cette semaine, lui dit Karen.

C'était sûrement vrai. Il n'était pas surpris. Ça avait été une longue nuit. Une longue semaine, vraiment. Il avait à peine dormi et il était actuellement trois heures du matin.

Quand elle vit qu'il ne répondait pas, Karen ajouta :

- Je suis inquiète pour ton bien-être, Peter.

- Ouais, ben, rejoins le club, marmonna-t-il.

C'était ce qu'il entendait de la part de tout le monde, ces derniers temps. Ils étaient inquiets. Ils voulaient parler. Ils voulaient aider. Et maintenant, apparemment, même l'IA dans son costume s'y mettait.

- Ta sécurité est mon objectif premier, continua Karen. Cela ne m'a pas échappé que dernièrement, ton comportement est devenu de plus en plus incohérent et tu prends de plus en plus de risques inacceptables.

Peter renifla.

- Je vais bien, Karen, mentit-il.

Elle ne le contredit pas même si elle devait savoir qu'il mentait. Il ne savait pas si c'était mieux ou pire.

Il soupira et concéda :

- Très bien. Ok. Je rentre à la maison. Contente ?

- Très, répondit Karen tandis qu'il se levait.

Une IA pouvait-elle être « très » contente ? Pouvait-elle même être heureuse ? Bien sûr, Karen semblait avoir des émotions, mais c'était probablement tout un jeu de programmation. L'incarnation du génie de Mr. Stark.

Il prit une inspiration et sauta. Il se balança d'un immeuble à l'autre sans réfléchir. A cause de la hauteur des immeubles de Midtown, il était si haut qu'il avait l'impression de voler. Il devrait pouvoir apprécier ça. Il devrait pour ressentir quelque chose. Mais ce n'était pas le cas. Pourquoi ne pouvait-il rien ressentir ? Il voulait juste ressentir quelque chose. Tout sauf cette maudite torpeur.

Il libéra sa toile mais au lieu de tirer la suivante à l'immeuble suivant, il ne fit rien. Et il se laissa tomber.

- Peter, y a-t-il quelque chose qui ne va pas avec ton lance-toile ? demanda Karen après seulement une seconde de chute libre.

Il ne répondit pas. Il ferma les yeux alors que son corps chutait silencieusement. Il ne ressentait toujours rien. Pas d'excitation ou de joie. Seulement cette familière torpeur qui l'entourait.

Le sol se rapprochait. C'était lent mais rapide à la fois.

- Peter, l'avertit Karen.

Toujours rien. Pas de peur.

Son écran commença à clignoter avec des avertissements. Indiquant quelque chose à propos de la vélocité de sa chute et de la fatalité de sa collision imminente qui en résultait.

- Peter, il faut que tu déploies ton lance-toiles, ordonna Karen, criant presque.

Il ne savait même pas qu'elle pouvait faire ça.

Il se dit qu'il devait le faire. Il tendit son bras devant lui. Et hésita. Il n'y était pas vraiment obligé. Il pouvait juste... ne pas le faire.

Mais May serait triste. Et s'il voyait Mr. Stark, comment pourrait-il s'expliquer ? Les héros ne se tuaient pas. A moins qu'ils doivent le faire pour sauver le monde. Et ensuite ils appelaient ça un sacrifice.

- Peter ! cria Karen.

Il haleta. Il ne voulait pas mourir. Il ne voulait pas. Il secoua son bras de façon erratique et réussit à lancer une toile juste à temps à un immeuble tout proche. Quand elle se tendit, la force tendit douloureusement son épaule d'un coup sec.

Il laissa échapper un petit cri. Mais la toile tint et il s'élança dans l'air. Alors qu'il recommençait à se pendre à sa toile, il réalisa à quel point il était dangereusement proche du sol. Il n'y avait pas beaucoup d'options sur l'endroit où il pouvait attacher une autre toile. Il en lança une autre, frénétiquement, à un immeuble tout proche mais la seconde suivante, il se rendit compte que la trajectoire engendrée le conduirait dans une allée où il s'écraserait contre un mur de briques.

Il n'y avait qu'une seule chose qu'il puisse faire.

Il allait trop vite et se trouvait seulement à quelques mètres du sol quand il lâcha sa toile. Il s'écrasa sur le bitume, roula le long de l'allée avant de se heurter à une benne à ordure au bout de l'impasse, et il s'arrêta brutalement.

Ouch. Il grogna. Tout lui faisait mal. Mais il n'était pas mort. Sa poitrine montait et s'abaissait rapidement sous ses halètements. Il tourna la tête et vit qu'il avait cabossé la benne à ordure, la pliant presque en deux. Désolé, gestion des déchets de New-York.

Il resta sur le dos, haletant, essayant de reprendre sa respiration comme un poisson hors de l'eau alors qu'il regardait la nuit noire. Karen demeurait remarquablement silencieuse. Elle lui en voulait probablement. Sa seule communication avec lui était un rapport de ses blessures qui clignotait sur l'écran. Il le regarda brièvement et le ferma. Rien qui menace sa vie. Sa défaillance momentanée ne l'avait pas tué, finalement.

L'adrénaline quitta son corps, le laissant tremblant, tandis que la réalité de ce qui venait de se passer le frappait. Il avait failli mourir. Il venait presque de se tuer. Merde, alors. Tout son corps commença à être secoué par des tremblements, comme une réponse décalée à la peur qui l'avait saisi.

Un rire hystérique s'échappa de ses lèvres. Il avait presque failli mourir, mais il avait enfin ressenti quelque chose, pour la première fois depuis toujours. Même si ce qu'il avait ressenti était de la terreur. Une fois qu'il commença à rire, il sembla ne plus pouvoir s'arrêter. Était-ce ce à quoi une dépression nerveuse ressemblait ?

Alors qu'il riait sans raison, la tête levée vers le ciel, il se rendit compte qu'une partie de lui attendait toujours l'appel terrifié et rempli de colère de Mr. Stark. Attendant qu'il le réprimande parce qu'il avait fait quelque chose de stupide. Encore. Mais Mr. Stark ne viendrait pas. Parce que Mr. Stark avait disparu.

Et six mois s'étaient presque écoulés depuis la mort de Mr. Stark, maintenant. Rationnellement, il savait que l'homme était parti. Il le savait. Les moments d'oubli devenaient de moins en moins nombreux. Mais pour une quelconque raison, cela ne l'avait pas solidement frappé jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à ce moment.

Mr. Stark ne savait pas ce qu'il venait juste de faire, et qu'il était allongé là, dans une allée, en train de saigner. Personne ne le savait. Personne ne viendrait l'aider. Spider-Man était tout seul.

Le rire fou se coinça dans sa gorge et la seconde suivante, il pleurait. Des sanglots profonds et déchirants. Il roula sur le côté et se recroquevilla sur lui-même, même si cela aggravait ses blessures. Il pleura, pleura et pleura.

Cela faisait presque six mois, et Peter Parker savait que Tony Stark avait disparu, mais c'était le moment où Spider-Man s'en rendait vraiment compte.

Il avait l'impression de perdre Mr. Stark une nouvelle fois.

**

La nuit suivante, Peter gisait dans son lit, bien réveillé. Il était allé dans sa chambre deux heures plus tôt, mais le sommeil lui avait échappé. Il ne pouvait pas patrouiller parce que tout son corps était encore une ecchymose géante, et il était à peu près sûr qu'il avait encore quelques os cassés et une commotion cérébrale, après son accident dans la ruelle, la veille.

Il avait pensé à sortir malgré tout, mais après avoir frôlé la mort hier, sortir en étant aussi blessé semblait trop proche du même scénario, mais d'une manière différente. Il regarda le plafond avec fatigue. Il avait été un zombie toute la journée, incapable de se concentrer. Avait-il vraiment essayé de se suicider, hier soir ? Ou avait-ce été une erreur ? Une brève erreur de jugement ?

Il entendit le téléphone de May dans le salon.

- Je ne sais pas quoi faire, Happy. Il ne s'en sort pas. J'ai essayé de lui parler, mais il ne veut pas me parler, dit doucement May, essayant visiblement de ne pas être entendu. Ça fait des mois et ça ne s'arrange pas. Il ne dort pas. J'arrive à peine à le faire manger. Il n'est toujours pas – il n'est pas... Peter.

May se tut. Happy lui disait probablement quelque chose en retour. Peter se tourna dans le lit et essaya d'enfoncer sa tête dans son oreiller. Il ne voulait pas entendre ça. Stupide super-ouïe. May savait qu'il entendait très bien, mais elle pensait sans doute qu'il dormait. A juste titre. Il devrait dormir. Il aurait aimé dormir. Il détestait cette nouvelle insomnie qui le tourmentait depuis la bataille contre Thanos.

Au début, il s'était demandé si ce n'était pas le contrecoup de son retour du SNAP, le résultat d'une sorte d'erreur lorsque ses molécules avaient fusionné à nouveau. Mais personne d'autre n'avait de problème semblable. Ned dormait toujours comme un bébé. Donc il savait que ce n'était pas ça. Ce devait être dû au traumatisme en lui-même, qui était aussi probablement la raison pour laquelle le peu de sommeil qu'il avait été généralement ponctué de cauchemars.

- Je sais. Je sais. C'est juste que... je ne sais pas comment l'aider, entendit-il May dire, et il pouvait entendre le tremblement dans sa voix.

Elle essayait de ne pas pleurer. Mon Dieu. Il s'assit et attrapa ses écouteurs, sur la table de nuit. Avant qu'il puisse entendre quoi que ce de plus, il les brancha à son téléphone et mit la musique très fort, dissimulant sa conversation.

Il ferma les yeux et essaya en vain de s'endormir, pendant que la musique battait dans ses oreilles.

**

Peter était couché sur le canapé, regardant quelque chose à la télévision sans vraiment regarder. Il n'était pas sûr de ce qui passait. May l'avait regardé avant de partir au travail, et une fois qu'il s'était laissé tomber sur le canapé après le petit-déjeuner, il avait été trop épuisé pour chercher la télécommande et changer, alors il l'avait simplement laissé comme ça. La fatigue l'assaillait. Les trois heures d'un sommeil fragmenté qu'il avait eu la nuit dernière n'avaient certainement pas suffi.

Quelle que soit l'émission qui passait, elle était ennuyeuse. Il ferma les yeux. Peut-être qu'il pourrait se reposer sur le canapé. Peut-être que le changement de décor ferait une différence et qu'il arriverait à dormir, ici. Mais au moment où il décida d'essayer, quelqu'un frappa à la porte.

Peter l'ignora. Il n'attendait personne. Un livreur s'était sans doute trompé de porte. Il finirait par s'en rendre compte. Une demi-minute s'écoula, et quand Peter crut que la personne était partie, on frappa de nouveau. Bon sang. Il allait devoir se lever.

Il se mit debout sur ses pieds et se dirigea vers la porte. Le coup résonna de nouveau.

- J'arrive. J'arrive, grommela-t-il en déverrouillant la porte avant de l'ouvrir.

Et il fit face à Happy.

Peter fronça les sourcils.

- Hum... salut ?

- Tu vas m'inviter à entrer ? se plaignit Happy, impatient.

- Euh, ouais, bien sûr. Entre, dit-il en s'éloignant pour le laisser entrer, et il ferma la porte derrière lui. Hum, est-ce que j'étais... censé savoir que tu venais ? Et j'ai oublié ?

Il prit soudainement conscience qu'il était encore vêtu d'un pantalon de pyjama en flanelle et d'un haut de pyjama, même s'il était presque midi. Il ne s'était pas non plus lavé les dents. Ni brossé ses cheveux. Il passa une main dans ces derniers, essayant d'aplatir les mèches sauvages.

- Non, gamin. Ta tante m'a demandé de venir, répondit Happy, alors qu'ils se tenaient tous les deux debout d'un air maladroit dans l'embrasure de la porte.

- Ah bon ? Pourquoi ?

- Elle s'inquiète pour toi, dit Happy sans mâcher ses mots.

C'est vrai. May avait appelé Happy, la nuit dernière. Il n'avait pas pensé que ça voudrait dire que l'homme viendrait.

- Et en quoi c'est ton problème ? se moqua Peter avant de se détourner, retournant vers le canapé.

Il ne voulait pas avoir cette conversation. Ni avec May. Ni avec Happy. Ni avec personne.

- C'est mon problème, dit Happy en le suivant. Tout ce qui a à voir avec toi est mon problème.

- Pourquoi ? claqua Peter, en se laissant lourdement tomber sur le canapé.

- Tu sais pourquoi, répondit gravement Happy, et Peter détourna les yeux.

Happy le regarda de l'endroit où il se tenait, debout, les bras croisés. S'il avait pu ressentir quoi que ce soit, dernièrement, il se serait senti vulnérable, mais ce ne fut pas le cas.

- Bah, t'inquiète pas, je te soulage de toute responsabilité mal placée que tu peux ressentir à mon égard, dit Peter.

Happy ne bougea pas.

- Ça veut dire que tu peux y aller, souffla Peter.

- Je partirai pas, dit Happy.

Peter roula des yeux.

- Tu sais, t'es pas obligé de faire ça. T'as pas à faire semblant de te soucier de moi tout d'un coup, à cause d'une sorte de complexe de culpabilité bizarre.

- Je ne fais pas semblant, rétorqua Happy, semblant en colère.

- T'es pas obligé de me mentir, et t'as pas à faire ça, dit Peter en agitant une main entre eux. Il n'est plus là. Il ne saura pas si tu m'aides ou non. Parce qu'il est mort.

Happy tressaillit, mais se reprit rapidement.

- Tu as raison, acquiesça Happy. Tony est mort. Et ça craint. Je comprends, gamin. Tu crois que ça ne me fait pas du mal ? Tu penses être le seul à souffrir ?

Peter regarda ses pieds, évitant de regarder Happy.

Happy soupira.

- Je sais que c'est dur, continua l'homme. Mais il n'y a rien qu'on puisse faire. Il faut qu'on trouve un moyen d'aller de l'avant. Tu dois trouver comment aller de l'avant.

- Peut-être que je peux pas, dit Peter d'une voix éteinte.

Happy soupira de nouveau profondément, et s'assit sur la table basse, se penchant vers l'avant afin d'être face à Peter, pour le forcer à croiser son regard.

- Tu penses que c'est ce qu'il aurait voulu ? demanda Happy. Que tu vives une vie misérable ?

Peter haussa les épaules.

- Parce que c'est pas le cas. Je peux te l'assurer. Il voulait juste ce qu'il y avait de mieux pour toi. Il tenait à toi, gamin. Et en faisant ce que tu fais, en refusant même de passer à autre chose, tu lui craches son sacrifice au visage.

Il savait qu'Happy avait raison. Il savait qu'il ne pouvait pas continuer comme ça. Ce n'était pas vivre. Mais il ne savait pas comment faire autrement.

J'ai failli me suicider l'autre soir. C'était sur le bout de sa langue. Ça avait l'air d'être le bon moment, le meilleur moyen d'expliquer à quel point il allait mal, mais il se retint. Il ne pouvait pas dire ça à Happy. Tout le monde flipperait. Et il gérait ça. Vraiment. Il n'était pas ressorti en tant que Spider-Man, depuis.

- Je ne sais pas comment avancer, admit-il à la place, d'une voix brisée.

Il baissa les yeux sur ses genoux, embarrassé.

- Je – je sais pas quoi faire.

Il laissa tomber sa tête dans ses mains. Les larmes étaient de retour.

Happy s'assit à côté de lui sur le canapé et le prit contre lui avec un bras, sa main s'enfonçant dans ses cheveux.

- On va t'aider, dit doucement Happy. On est là pour toi, gamin. T'es pas tout seul. Mais il faut que tu nous parles. Tu ne peux pas continuer à exclure tout le monde.

- Il me manque tellement, renifla-t-il.

- Je sais. Bon sang, je sais, gamin. Il me manque aussi. Tous les jours, dit Happy, semblant sur le point de pleurer, lui aussi.

Peter tourna sa tête contre la poitrine d'Happy et renifla, laissant Happy le serrer contre lui. Ils restèrent assis là pendant quelques minutes jusqu'à ce que Peter se reprenne assez pour s'écarter.

- Merci, marmonna-t-il doucement en baissant la tête.

Happy lui ébouriffa les cheveux en se levant.

- Allez. Va t'habiller et je t'emmène déjeuner. C'est moi qui régale.

Peter lui lança un semblant de sourire et partit se changer.

Quand il revint avec un jean et un vieux t-shirt AC/DC qu'il avait piqué dans le placard de Tony quelques semaines plus tôt, Happy l'attendait près de la porte.

- Joli t-shirt, commenta-t-il avec un petit hochement de tête.

- Merci, dit Peter. Je l'ai volé.

- Je sais.

Happy lui ouvrit la porte et ils partirent.

- On va où ? demanda Peter après avoir fermé la porte derrière eux.

- C'est toi qui choisis. Qu'est-ce qui te fait envie ?

- Un cheeseburger ? suggéra-t-il.

Étrangement, ça lui faisait incroyablement envie à ce moment-là. C'était la première fois depuis longtemps qu'il ressentait un véritable appétit pour quelque chose.

Happy rit, mais ses yeux brillaient.

- Bien sûr. Un cheeseburger. Je connais l'endroit parfait.

- Merci, Happy, dit sincèrement Peter.

Il espérait que l'homme savait qu'il ne le remerciait pas seulement pour le cheeseburger.

Happy ne répondit pas, mais il posa un bras lâche autour des épaules de Peter alors qu'ils sortaient tous les deux. Ce n'était pas la même chose que quand Tony le faisait, mais il parvenait enfin à se dire que tout finirait par aller bien à nouveau. 

**

Je sais que c'est dur. Que c'est long. Que vous ne voulez pas que Peter "aille de l'avant" pour qu'il ramène Tony. Mais accrochez-vous. Vraiment, ça en vaut la peine, la suite en vaut vraiment la souffrance.

*Essuie ses larmes*
Putain de chapitre. J'ai encore pleuré comme un bébé en le traduisant. Qu'est-ce que vous en avez pensé ? :'(

Il y aura un peu de Tony dans le prochain chapitre, et les choses vont commencer à changer, ensuite. Promis.

Publication du chapitre 5 : Vendredi 3 avril. :)

N'hésitez pas à me donner votre avis sur cette histoire, qu'il soit bon ou mauvais, hein. Mais n'oubliez pas... si je la traduis c'est qu'elle est géniale 👀

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