Chapitre 3
Chapitre 3
Même s'il avait disparu, Mr. Stark était partout.
Où qu'il aille, Peter était confronté à des choses qui lui rappelaient l'homme. Le restaurant de burgers au coin de la rue, qu'ils avaient l'habitude de fréquenter. Les t-shirts avec des jeux de mots scientifiques que Peter portait et qu'il avait l'habitude de commenter. Le film de Stark Trek qu'ils avaient regardé ensemble, et que Mr. Stark avait prétendu avoir détesté alors qu'ils savaient secrètement tous les deux qu'il avait aimé. La couverture bleue dans l'appartement dont il s'était moqué une fois.
Les souvenirs le tourmentaient. Il savait qu'il aurait dû être heureux d'avoir des souvenirs. De se rappeler de son mentor, au contraire de sa propre fille. Mais ça faisait si mal combiné à la conscience de sa disparition. Il n'y aurait aucun autre souvenir.
Un tournevis se trouvait sur son bureau. A chaque fois qu'il le voyait, cela lui rappelait cette fois où Mr. Stark l'avait aidé à ajouter une modification à ses lances-toiles et le lui avait donné pour qu'il puisse finir ça chez lui, et l'avoir si jamais il en avait besoin. Et le souvenir était heureux, mais aussi douloureux quand il réalisait qu'il ne passerait plus d'autre après-midi dans l'atelier avec Mr. Stark. Ils ne travailleraient plus jamais ensemble sur ses lances-toiles. Il était tout seul, maintenant. Pour toujours.
Trois mois s'étaient écoulés depuis les funérailles de Mr. Stark et il avait essayé de faire ce que Mr. Rhodes lui avait suggéré, de vivre au jour le jour, mais c'était difficile quand le jour suivant n'était pas meilleur que le précédent. C'était toujours aussi difficile que le jour d'avant. Parfois même encore plus.
May faisait de son mieux. Tout comme Ned et MJ. Et il n'arrivait pas à croire qu'il soit aussi chanceux, ou aussi malchanceux, selon le point de vue, qu'ils aient tous été éclipsés pour pouvoir finir l'école ensemble. Mais même ça représentait une maigre consolation. Et ça n'avait pas d'importance qu'ils essaient de le faire se sentir mieux, ça ne changeait pas le fait que Mr. Stark était parti.
La seule qui semblait soulager temporairement la douleur était de passer du temps avec Morgan. Il avait fini par passer six semaines à la maison du lac avec Pepper et Morgan pendant que May cherchait un nouvel appartement, comme ça il pouvait dormir dans une chambre avec un lit au lieu du canapé dans le salon de May. Non pas que ce fût un problème de dormir sur le canapé, dans la mesure où il ne dormait pas beaucoup, de toute façon, mais May ne voulait pas de ça pour lui, et il n'avait pas voulu se disputer avec elle. Pendant qu'il restait là, May était venue aussi souvent qu'elle le pouvait pour qu'il ne se sente pas abandonné.
Et pendant ces six semaines à la maison du lac, il s'était rapproché de Pepper et Morgan. Après qu'il soit parti pour retourner en ville avec May, il avait continué à venir passer la plupart de ses week-ends libres à la maison du lac. Il se sentait chez lui ici, de façon différente mais aussi similaire à ce qu'il ressentait quand il était à l'appartement qu'il partageait avec May.
Honnêtement, il devait sans doute remercier Morgan pour ne pas avoir encore sombré.
- Eeeeeeet la princesse sirène s'envole pour sauver la mise, dit Peter en faisant s'envoler la poupée pour frapper le méchant robot Lego, qui surplombait la ville de New-York en Legos que Morgan avait installé.
- Non, Petey, tu peux pas faire ça, gémit Morgan en remettant le robot à sa place.
- Pourquoi ?
- Parce que les sirènes ne volent pas, répondit-elle comme si c'était évident.
Peter haussa un sourcil.
- Je ne savais pas qu'on jouait aussi littéralement. Je veux dire, tu as un robot géant en Lego qui ravage New-York.
- Ça pourrait arriver, dit Morgan en haussant les épaules.
Et... Peter ne pouvait pas vraiment contrer cette logique. Elle avait probablement raison, mise à part pour l'aspect Lego de la chose.
- Donc, si un robot géant pourrait exister, pourquoi pas une sirène volante ? demanda-t-il, en essayant une nouvelle approche de raisonnement.
Elle fronça le nez en le regardant, comme s'il venait de suggérer quelque chose d'incroyablement stupide, une expression sinistrement similaire à l'une de celles que Tony avait l'habitude de faire quand Peter essayait de partager son raisonnement après avoir fait quelque chose de dangereux.
- Parce que les sirènes ne sont pas réelles, déclara-t-elle.
- Comment tu sais ?
- Tout le monde sait ça.
- Bah, tout le monde croyait que les extraterrestres n'existaient pas, mais maintenant on sait que si, argumenta Peter.
Les yeux de Morgan se plissèrent et elle pencha la tête sur le côté pendant qu'elle réfléchissait, une autre expression de Tony.
- Très bien. Je pense que tu peux jouer la sirène volante, céda Morgan en hochant la tête.
Peter dut retenir un rictus amusé. La princesse sirène volante s'envola de nouveau dans les airs.
Ils jouèrent à empêcher le méchant robot Lego de s'emparer de la ville de New-York, jusque ce que Morgan ait faim.
- On peut manger des macaronis au fromage ce soir ? demanda-t-elle pendant qu'ils rangeaient les jouets.
Contrairement à son père, elle était très ordonnée. Tout devait retourner à sa place. Définitivement un trait de Pepper.
- On a mangé des macaronis au fromage ce midi, lui rappela Peter.
Non pas que cela lui importe. Il savait que si elle avait le choix, elle se nourrirait uniquement de macaronis au fromage.
- S'te-plait, le supplia-t-elle, claquant ses deux mains l'une contre l'autre en lui faisant des yeux de chien battu.
Peter n'avait aucune chance.
- Ok, mais ne le dis pas à ta mère. Si elle pose la question, on a mangé des sandwiches au beurre de cacahouète avec des tranches de pomme et des batônnets de carottes.
- Yes ! s'exclama-t-elle en levant son point en l'air en signe de victoire.
Peter sourit. Il ne pensait pas vraiment que Pepper lui en voudrait. A chaque fois qu'il s'était occupé de Morgan avant ça, elle n'avait rien dit à propos de ce qu'il lui donnait à manger.
- Tu vas faire les bonnes ? demanda Morgan alors qu'ils descendaient les escaliers pour se rendre à la cuisine.
- J'ai pas fait les bonnes, ce midi ?
Il fronça les sourcils. Il ne savait pas qu'il y en avait de bonnes ou des mauvaises.
- Non, tu as fait celles avec le vrai fromage. Je veux celles avec le fromage en poudre, expliqua Morgan.
- Est-ce que Maman achète ça, au moins ? demanda-t-il en ouvrant le placard pour regarder.
- Ouais, mais elle m'en donne seulement pour des casions spéciales.
Cela lui prit une brève seconde pour comprendre quel mot elle avait voulu employer.
- Des occasions spéciales, la corrigea-t-il en continuant à fouiller les étagères du placard.
- C'est ce que j'ai dit.
Peter préféra ne pas argumenter.
- Et en quoi est-ce que c'est une occasion spéciale ? demanda-t-il.
- Tu es là, dit-elle.
Ce qui était mignon là-dedans, c'est qu'elle n'essayait même pas de l'être. Elle le pensait vraiment. Son cœur fondit dans sa poitrine.
- Mais je suis là tout le temps, la contra-t-elle.
- Et ?
Peter rit. Ses yeux se posèrent sur la boite de macaronis aux fromages qu'il pensait qu'elle voulait. C'étaient celles avec les pâtes en forme d'Avengers. Il lui montra la boite.
- C'est ça que tu veux ?
- Ouais ! celle-ci, acquiesça-t-elle avec impatience.
- Ok. Mais tu crois pas que c'est un peu bizarre de manger la tête d'Once Rhodey ? demanda-t-il en observant la boite.
- Non, répondit-elle comme si elle ne comprenait pas pourquoi quelqu'un puisse penser que c'était bizarre. C'est pas Oncle Rhodey. C'est War Machine.
- C'est vrai, acquiesça Peter, mais il ne voyait pas vraiment la différence.
Au moins, c'était une des dernières versions des Avengers. Pas d'Iron Man. Peter ne pensait pas qu'il aurait pu les faire, sinon.
- Hey, Petey ? demanda Morgan, presque avec hésitation, alors il leva la tête pour s'assurer qu'elle n'avait pas de problèmes.
Elle n'en avait pas. Elle était assise sur un tabouret du comptoir, le regardant.
- Ouais, Morgan ?
Il posa la marmite d'eau sur le feu et s'approcha d'elle pour s'appuyer contre le comptoir.
- J'peux te demander quelque chose ?
Peter ne lui fit pas remarquer qu'elle venait juste de le faire. Elle semblait trop sérieuse et nerveuse, en quelque sorte, et il ne voulait pas la décourager.
- Bien sûr. Tu sais que tu peux toujours me demander ce que tu veux.
Peter se pencha en avant pour poser ses coudes sur le comptoir.
- Ok. Hum, l'autre jour, mon amie, Laney, à l'école, parlait de son grand frère et de toutes les choses qu'ils faisaient ensemble, et ça ressemblait à ce qu'on fait ensemble, alors j'ai demandé à Maman si tu étais mon frère et elle a dit que tu étais comme un fils pour Papa, et que donc tu étais un peu comme mon frère. Mais quand je lui ai demandé si je pouvais t'appeler comme ça et dire à Laney que tu étais mon frère, à l'école, elle m'a dit que je devais d'abord te demander. Alors je peux ? finit de babiller Morgan avec un sourire timide.
Peter cligna lentement des yeux, son cerveau ayant été court-circuité alors qu'il essayait de comprendre.
- T-ta mère a dit que c'était bon ? demanda-t-il une fois qu'il se fut repris.
- Ouais. C'est ce que j'ai dit, dit impatiemment Morgan. Alors je peux ?
Le visage de Mr. Stark apparut dans son esprit. Qu'aurait-il pensé de ça ? S'en soucierait-il ? N'aurait-il pas pensé que c'était bizarre que sa fille dise qu'il était son frère ? Mais Morgan avait dit que Tony le voyait comme un fils, selon Pepper, en tout cas. Et pourquoi Pepper aurait-elle menti ? Alors peut-être que Mr. Stark ne lui en voudrait pas ? Peut-être que ça ne posait pas de problème. Peut-être qu'il n'allait pas trop loin. Peut-être qu'il pouvait apprécier ça.
- J-j'en serais ravi, Morgan, dit-il en manquant de s'étrangler, mais il essaya de le cacher. J'adorerais être ton frère.
- Ok, sourit Morgan. J'ai hâte de le dire à Laney, à l'école, Lundi !
Elle sauta du tabouret et contourna le comptoir pour le prendre dans ses bras. Il en fit de même, toujours en état de choc. Morgan voulait qu'il soit son frère. Le considérait comme un frère.
Avec ses bras toujours enroulés autour de sa taille, elle leva la tête et demanda innocemment :
- Je peux avoir une glace ?
Peter savait qu'il n'avait pas le droit de lui en donner avant le dessert, et en manger une maintenant lui couperait probablement l'appétit, mais à ce moment-là, il lui aurait donné tout ce qu'elle demandait.
- Bien sûr, dit-il avec un sourire.
Son visage s'illumina et elle le relâcha avant de courir jusqu'au congélateur, mais pas avant de lui avoir dit :
- Je t'aime, Petey.
C'était la première fois qu'elle le lui disait, et elle l'avait dit comme si ce n'était rien. Comme si le fait de lui dire qu'elle l'aimait et de lui demander qu'il soit son frère était aussi simple que respirer.
Le souffle de Peter se coinça dans sa gorge, mais il réussit à ouvrir la bouche et à répondre :
- Je t'aime aussi, Morgan.
Alors que Morgan fouillait le congélateur, il se retourna vers la marmite d'eau frémissante pour que Morgan ne voit pas les larmes qui brillaient dans ses yeux.
Il appréciait chaque seconde passée avec Morgan, mais même si le temps qu'il passait avec elle était génial et lui faisait du bien, ces moments étaient toujours temporaires et dès qu'il partait, il retournait à l'engourdissement qui constituait désormais sa vie.
Au moins, il avait arrêté de pleurer tout le temps, ce qui était ce qu'il avait fait pendant les deux premières semaines qui avaient suivi la mort de Tony. La mélancolie constante n'était pas non plus vraiment appréciable, mais il n'y avait rien qu'il puisse faire pour ça. Il avait essayé de feindre la joie, parce qu'il savait que son humeur affectait beaucoup May et ses amis, mais ils arrivaient à voir à travers lui. Et il n'avait de toute façon pas l'énergie de faire semblant.
- Dis-moi ce que je peux faire pour que ça aille mieux, avait plaidé May un soir, deux semaines plus tôt.
- Rien, avait-il répondu honnêtement.
- S'il-te-plait, Peter.
- Il n'y a rien que tu puisses faire. Rien ne changera quoi que ce soit.
Il s'y était résigné, maintenant.
Tony était mort pour tous les sauver.
Et à ce moment-là, Peter avait cessé de vivre.
Il ne savait pas pourquoi c'était si difficile à comprendre pour tout le monde. Au début, ils lui avaient tous donné de l'espace et du temps, mais apparemment, maintenant ils pensaient qu'il avait eu assez des deux, et qu'il pouvait commencer à aller mieux. Redevenir lui-même.
Peter savait qu'il ne serait plus jamais cette personne.
Il soupira et ouvrit la porte du nouvel appartement que May avait trouvé. C'était toujours dans le Queens et toujours plus grand que celui dans lequel il avait passé la majorité de sa vie d'avant. Sa vie d'avant.
A un moment donné, il avait commencé à déterminer sa vie selon l'avant et l'après mort de Mr. Stark. Avant, il vivait heureux dans le Queens avec sa tante et passait ses soirées en tant que Spider-Man avec un mentor surprotecteur au bout du fil. Après, il vivait toujours avec sa tante mais dans un appartement différent, dans le Queens, et sans son mentor. Et il n'avait pas touché à son costume de Spider-Man depuis la bataille contre Thanos.
- Chéri, c'est toi ? l'appela May depuis la cuisine alors qu'il passait la porte.
- Ouais, répondit-il.
C'était une autres des choses qui avaient changé dans l'après. Il ne parlait plus vraiment, à moins qu'il y soit obligé. Ça lui demandait trop d'énergie.
- Oh, bien. J'ai presque fini le repas, dit-elle.
Il pouvait sentir quelque chose d'agréable en train de cuire. Aucune fumée n'emplissait l'air.
- Comment va Ned ?
- Bien.
Il alla dans sa chambre et posa son sac à dos sur le bureau. Ned et lui avaient passé la soirée à faire tous leurs devoirs, donc Peter n'avait rien à faire pour le week-end. Il avait découvert qu'il était très simple d'être un bon élève quand il ne passait pas ses soirées et ses nuits à jouer les justiciers masqués.
Il regarda le placard dans lequel se trouvait ses costumes de Spider-Man, l'ancien et le nouveau, rangés dans un sac, sur le sol. Il n'y avait pas touché depuis que Mr. Stark était mort. Il ne les avait même pas nettoyés. Ça faisait trop mal. Bien que les habitants du Queens aient besoin de lui, l'idée d'enfiler le costume sans la présence de Mr. Stark lui semblait être la trahison ultime. Il savait que ça n'avait aucun sens mais ça ne changeait rien à ce qu'il ressentait.
Il ressortit de sa chambre, ignorant volontairement la porte du placard.
- Hey, May, dit-il doucement en étreignant chaleureusement sa tante dans la cuisine.
- Hey, chéri. Comment s'est passé ton Vendredi ?
- Bien, dit-il en haussant les épaules, et en la regardant sortir un plat du four. T'as fait des lasagnes ? demanda-t-il, surpris.
May ne prenait jamais le temps et la peine nécessaires pour faire cette recette familiale, à moins qu'il y ait une raison spéciale.
- C'est à quelle occasion ?
A moins peut-être que ce soit un piège pour qu'il mange plus. Son appétit, tout comme sa bonne humeur, avaient disparu.
- D'abord on mange, et ensuite je te dirai, dit May en plaçant le plat de lasagnes sur la cuisinière pour commencer à couper des parts.
Elle lui servit une grosse portion.
Il réussit à peine à en manger la moitié.
- Alors, pourquoi les lasagnes, ce soir ? demanda-t-il à nouveau une fois qu'il ne parvint plus à manger davantage.
L'atmosphère durant le repas avait été un peu guindée mais n'avait pas été légère non plus. Il voyait bien que May avait quelque chose en tête.
May se leva et nettoya leurs assiettes avant de disparaître dans le couloir. Quand elle revint, elle tenait une grande enveloppe. Il pouvait voir qu'elle avait déjà été ouverte.
- C'est quoi, ça ? demanda-t-il, l'angoisse se logeant dans son estomac quand il vit l'air que May arborait.
- C'est pour toi, expliqua-t-elle. Elle est arrivée quand tu avais... disparu, et j'attendais le bon moment pour te la donner, mais je ne pense pas qu'il y ait vraiment de bon moment... alors j'ai pensé que ce soir était aussi bien que n'importe quel autre.
Peter fronça les sourcils.
May lui tendit l'enveloppe et il la retourna pour lire le devant. Ça lui était adressé, et dans le coin, l'emblème du MIT était imprimé.
Il se figea.
- C'est -
Il s'empêcha de poser la question à May et préféra sortir les papiers de l'enveloppe.
Cher Mr. Parker,
C'est avec grand plaisir que nous vous offrons une place au MIT pour l'année 2019, au sein du programme des jeunes précoces.
- J'ai été accepté, marmonna-t-il.
- Oui, dit May en serrant son épaule. J'ai appelé le département des admissions quand tu es revenu. Ils n'annulent pas les offres précédentes qu'ils ont fait à ceux qui ont été éclipsés. Tu entreras au MIT à l'automne prochain. Je suis si fière de toi.
Peter regarda la lettre d'acceptation qui lui faisait face. Il avait été accepté au MIT. Il devrait être extatique en ce moment même, mais il ne ressentait toujours rien.
- Tu es content ? demanda May après de longues secondes de silence.
- Ouais, dit-il faiblement. C'est génial.
May soupira.
- C'était ton rêve, bébé.
Ça l'avait été.
Ça ne semblait juste plus important.
- Je sais.
Il posa la liasse de papiers sur la table. Il la regarderait plus tard.
- Tony était tellement fier de toi, dit May avec hésitation, comme si elle n'était pas sûre que partager cette information soit une bonne idée.
- Il le savait ?
Peter se retourna sur sa chaise pour la regarder.
- Oui. Quand je l'ai reçue, je n'ai pas pu - je ne pouvais pas l'ouvrir toute seule, alors on l'a ouverte ensemble.
Les lèvres de May se pincèrent.
- C'était... dur. On était tous les deux fiers de toi, mais tu avais disparu...
- Désolé, marmonna-t-il.
Il n'avait pas voulu lui rappeler de mauvais souvenirs.
- C'est rien, lui sourit-elle tristement.
Elle embrassa le haut de son crâne.
- D'ailleurs, en parlant de Tony... j'ai quelque chose d'autre pour toi, dit May de façon sibylline, et elle disparut de nouveau dans le couloir.
Cette fois elle revint avec un sac Saks. Pas exactement un magasin que May fréquentait.
- C'est de la part de Pepper, expliqua May en plaçant le sac devant lui.
Elle avait dû voir son expression confuse.
- Elle pense que Tony voudrait que tu l'aies.
Sa curiosité piquée, il ouvrit le sac et en sortit un sweatshirt. Il le tint devant lui. C'était un sweat à capuche gris avec les lettres marrons du MIT imprimées au milieu de la poitrine. Celui de Mr. Stark. Il l'avait vu le porter avant. Dès qu'il s'en rendit compte, il le porta à son visage et inspira fortement. Ça sentait même comme Mr. Stark. Un mélange d'eau de Cologne et d'huile de moteur.
Même s'il n'avait pas froid, il le passa par-dessus sa tête. Les manches étaient un peu longues et il lui allait grand, mais le fait que ça ne lui allait pas parce qu'il appartenait à son mentor était ce qui le rendait si spécial ; c'était comme s'il recevait un câlin de Mr. Stark à travers le sweatshirt. Il donnerait le MIT, le sweatshirt, tout, pour pouvoir étreindre l'homme à la place.
Un instant plus tard, il éclata en sanglots.
- Bébé, murmura May en se dirigeant rapidement vers lui pour l'enlacer.
Il appuya sa tête dans le creux de son cou et la serra.
- C'est supposé être un moment joyeux, chuchota-t-elle.
Peu importe ce que c'était censé être.
Tout dans sa vie était teinté de souffrance.
Peter ne se rappelait même plus de ce qu'était le bonheur.
**
- Mr. Stark, non ! hurla Peter, faisant de son mieux pour atteindre l'homme à temps.
Iron Man avait le gantelet dans sa main mais n'avait pas claqué des doigts. Peter avait encore le temps. Il fallait juste qu'il l'atteigne. Il fallait qu'il le sauve.
- Mr. Stark, attendez ! cria-t-il en essayant de courir plus vite, mais même s'il essayait de toutes ses forces, il n'arrivait pas à avancer.
L'homme leva la main.
- Attendez ! Non ! s'écria désespérément Peter.
Mais c'était trop tard.
Mr. Stark claqua des doigts.
- Non ! gémit Peter en tombant sur ses mains et ses genoux, tendant une main en direction de l'homme.
Il avait échoué. Il était arrivé trop tard. Trop tard. Mr. Stark était partir.
Au-dessus de ses larmes, il entendit une voix qui ne lui était pas familier hurler.
- A l'aide ! Quelqu'un !
Il criait à l'aide.
Ça avait l'air proche.
La tête de Peter se releva brusquement. Au lieu du lieu désolé de la bataille, ses yeux rencontrèrent l'intérieur sombre de sa chambre.
C'était un rêve. Un cauchemar.
Mais la blessure due à la perte de Mr. Stark était fraiche et se rouvrit. Il pressa durement la paume de ses mains contre ses yeux et se leva. Il savait d'expérience qu'il ne dormirait pas plus cette nuit, même si le réveil sur sa table de nuit indiquait qu'il était 3h43.
- A l'aide !
Il entendit le cri lointain. Ses yeux se posèrent rapidement sur la fenêtre ouverte. Le chauffage de l'appartement était cassé et surchauffait toutes les pièces. Peter avait eu excessivement chaud avant d'aller au lit, la nuit dernière, et avait laissé la fenêtre ouverte pour laisser entrer l'air froid de Décembre à l'intérieur.
- S'il-vous-plait ! A l'aide !
L'appel désespéré retentit de nouveau dans ses oreilles. La personne était trop loin de lui pour qu'une personne normale l'ait entendue, mais il n'était pas normal.
Il se précipita vers son armoire et en sortit le costume de Spider-Man. L'ancien, pas le nouveau qui lui rappelait seulement d'avoir combattu Thanos et vu Tony mourir. Il se glissa dedans et s'échappa par la fenêtre avant de se donner une chance de réfléchir à deux fois à ce qu'il faisait. Quelqu'un avait des ennuis. Il fallait qu'il aide.
- Bonjour, Peter, le salua Karen.
- Hey, Karen, répondit-il en retour alors qu'il se dirigeait en direction des cris.
- Tu as un nouveau message en attente, l'informa Karen. Veux-tu le voir maintenant ?
- Uh, c'est gentil, mais non. Hum, garde-le en mémoire, c'est pas le bon moment, Karen. Je dois aider cette dame d'abord, dit-il, sans vraiment faire attention aux propos de son I.A.
Il était trop concentré sur le fait qu'il devait retrouver la femme qui criait.
Cela lui prit seulement deux minutes de plus pour la trouver, et Peter ne put s'empêcher de lever un sourcil sous son masque.
Elle était jeune. Bon, plus âgée de Peter, mais comme la plupart des gens. Elle avait l'air d'avoir la vingtaine, avec des cheveux châtains et des yeux verts. Ses lèvres étaient peintes de rouge. Et elle était vraiment bloquée. Elle avait l'air de rentrer chez elle et d'avoir glissé, d'une certaine manière, coinçant son pied dans un égout pluvial. Il assimila toutes ces informations et se posa devant elle. La seule chose qu'il n'arrivait pas à comprendre, c'était pourquoi elle ne sortait tout simplement pas son pied.
- Bonsoir, Madame. Vous allez l'air, hum... coincée ? demanda-t-il.
Il n'était pas sûr de savoir comment nommer cette situation.
- Oh, Dieu merci, dit la dame avec un soulagement évident. Je me suis tordue la cheville et j'ai glissé là-dedans, et maintenant je suis bloquée et j'arrive pas à sortir de là.
Huh. C'était horrible.
- Vous êtes blessée ?
- Non, ça va, je crois. Juste... coincée. Et je commence à ne plus sentir mon pied.
- Bon, ben on va vous décoincer, alors, dit Peter en frottant ses deux mains ensemble.
- Oui. Merci. Vraiment.
- Pas de problème, Madame, dit-il en s'agenouillant pour voir à travers la grille où son pied était coincé. C'est pour ça que je suis là.
Son masque perça l'obscurité et il vit que la partie du talon de la femme s'était tordu et coincé dans un morceau de métal émoussé qui dépassait de la paroi intérieure de la grille. La torsion rendait sa chaussure trop serrée pour qu'elle puisse être retirée et c'était aussi la raison pour laquelle son pied s'engourdissait, car cela lui coupait la circulation. Une pure malchance. Mais une solution assez simple.
- Une seconde, dit Peter. Laissez-moi juste...
Il glissa sa main dans la grille et réussit à saisir le morceau de métal sur lequel son talon était coincé. Quand il eut une bonne prise dessus, il l'arracha du ciment. Avec sa super-force, c'était comme s'il avait enlevé un cure-dent d'un cube de fromage.
- Je l'ai, dit-il en faisant tourner la pièce de métal pour la déloger du talon.
Une fois ce dernier libéré, il laissa retomber le métal sur la grille, sur laquelle il atterrit dans un petit tintement.
- Oh, c'est beaucoup mieux, soupira la femme.
Peter l'aida à libérer son pied de l'égout.
- Merci.
- Je vous en prie, sourit-il sous son masque, et il l'aida à se lever, voulant s'assurer qu'elle était stable sur ses jambes avant de la laisser. Vous êtes sûre que ça va ? Vous pouvez marcher ?
Elle fit quelques pas pour être sûre et acquiesça.
- Ça fait un peu mal, mais ça va. Mon appartement est juste là.
Elle pointa un immeuble du doigt, à quelques mètres de là.
- Je pense que j'y arriverai.
- Je vous raccompagne chez vous, dit Peter en lui tendant le bras, qu'elle agrippa avec hésitation après quelques secondes.
- Ok. Merci.
Il lui servit de béquille jusqu'à la porte d'entrée de chez elle.
Elle le lâcha et lui sourit timidement.
- Merci, Spider-Man.
- Pas de problème, lui dit-il en hochant la tête. Passez une bonne nuit.
- Vous aussi, répondit-elle en glissant la clé dans sa porte avant de rentrer chez elle.
Peter s'assura qu'elle était en sécurité avant de lancer une toile sur un immeuble proche. Il était temps de rentrer à la maison. Son excursion lui avait pris moins de trente minutes. Et il ne s'était pas effondré en larmes sur le sol après avoir enfilé son costume de Spider-Man comme il en avait eu peur. Et au moins, il avait fait quelque chose de son insomnie au lieu de rester là à regarder le plafond ou l'écran de son ordinateur, comme la nuit précédente.
Il rentra de nouveau dans sa chambre par la fenêtre, silencieusement.
- Peter, j'aimerais te rappeler que tu as toujours un message vidéo non lu, dit Karen avant qu'il ait eu la chance d'enlever son masque.
- Oh. C'est vrai.
Il avait presque oublié.
- Veux-tu que je l'ouvre ?
- Il vient de qui ? demanda-t-il, mais la réponse lui vint aussitôt qu'il posa la question.
Qui d'autre avait pu lui laisser un message avec Karen ?
- Il est de Mr. Stark, répondit Karen.
La confirmation lui fit comme un coup à l'estomac.
Peter s'assit sur le bord du lit.
- Veux-tu que je l'ouvre, Peter ? demanda de nouveau Karen.
Le voulait-il ?
Oui. Entendre son mentor serait comme avoir un autre moment avec lui par-delà la tombe.
Et non. Parce qu'il n'était pas vraiment là. Peter ne pouvait pas lui parler. Et cela ne lui ferait-il pas trop mal ? Peut-être qu'il devrait le sauvegarder et l'écouter plus tard ? Un autre moment, quand il serait plus... stable. Ou peut-être jamais ? Peut-être que savoir qu'il existait suffisait ?
Non.
- Oui, murmura-t-il. Ouvre-le, Karen.
L'écran de son masque s'estompa pour montrer Mr. Stark.
Peter inhala brusquement à la vue de l'homme.
- Hey, gamin, dit Mr. Stark avec un petit sourire. J'imagine que j'ai laissé ça pour toi juste au cas où. Mieux vaut prévenir que guérir et couvrir mes arrières, et tout ce baratin. Avec un peu de chance, tu ne le verras jamais. Bref, on va faire quelque chose qui est un peu dingue. Même pour moi. Mais je pense qu'il y a une chance pour que ça marche, alors... il faut qu'on essaie. Et si tu regardes ça, alors je suppose que ça a fonctionné, et on a fait ce qu'on devait faire, ce qui est... bien.
L'homme fit une pause pour se frotter les yeux avant de continuer.
- Mais... j'imagine que ça veut aussi dire que je n'ai pas survécu. Désolé, gamin. Je ne voulais pas te laisser en plan. Mais le risque est inévitable, tu sais, et c'est quelque chose qui devait être fait. Alors... essaie de ne pas trop m'en vouloir, ok ?
Tony le regarda à travers l'écran, contrit, pendant quelques secondes. Ça avait l'air si réel que Peter pouvait presque se convaincre que l'homme était vraiment là, qu'il pouvait le voir.
- Et essaie de ne pas te fustiger à cause de ça.
Mr. Stark pointa un doigt vers lui.
- Je sais comment tu es. Ce n'était pas de ta faute. Tu n'aurais rien pu faire. Parce que soyons honnêtes, si quelqu'un devait faire une connerie de sacrifice, c'était moi. On sait tous les deux que j'aime être le centre de l'attention. Avec un peu de chance, j'ai fini dans un grand bang. Pardon. Trop tôt pour ça ?
Peter laissa échapper un petit rire à travers ses larmes. C'était définitivement trop tôt.
- Enfin, soupira Tony, je pourrais prendre ce temps pour te raconter toutes sortes de trucs ringards, comme à quel point tu m'as manqué pendant ces cinq années passées, combien je t'aime, comment tu es devenu comme un fils pour moi, bla, bla, bla, mais... je ne vais pas faire ça. C'est pas vraiment mon genre, tu vois ?
Tony renifla et regarda quelque chose en dehors de l'écran pendant un moment, avant de se retourner vers Peter.
- Vraiment désolé. Pas de grands adieux pleins d'émotions pour toi.
Mr. Stark lui lança de nouveau un sourire avant de reprendre un air sérieux et de continuer :
- Mais sérieusement, petit, je suis désolé d'être parti... mais je veux que tu saches que je ne le regrette pas. Pas si ça veut dire que j'ai pu te ramener. Et soyons réalistes, sauver la moitié de l'univers n'est pas trop minable comme façon de partir. C'est un peu la cerise sur le gâteau pour une carrière de héros...
Son mentor regarda ailleurs de nouveau et soupira profondément. Son expression lugubre montrait qu'il n'était pas autant en paix avec l'idée de mourir que ce qu'il essayait de montrer.
Mr. Stark tourna son regard vers lui et essaya de sourire, mais cela n'atteignit pas ses yeux.
- Rappelle-toi juste, Underoos, maintenant que je ne suis plus là pour t'accabler de mon infinie sagesse : suis les consignes que je t'ai données avant. Ne fais rien que je ferais, et définitivement pas quelque chose que je ne ferais pas, essaie juste de rester dans cette petite zone grise, et ça ira pour toi.
Peter laissa échapper un petit rire à cette réplique familière. Il était surpris que Mr. Stark s'en souvienne.
Tony regarda l'écran pendant un long moment puis hocha la tête d'un air déterminé, avec un demi-sourire.
- Ça ira pour toi, dit-il avec confiance. Au revoir, petit.
- Non, attendez - plaida Peter avant qu'il se rappelle que c'était inutile.
Mr. Stark n'était pas vraiment là.
Son mentor disparut devant lui et sa chambre réapparut.
Il enleva son masque avant que Karen ait la chance de dire quoi que ce soit.
Il avait eu ses adieux.
Ça n'avait pas aidé.
Il regarda son masque sur le sol d'un air hébété. Les mots de Mr. Stark résonnaient dans son esprit. Tu m'as manqué. Je t'aime. Comme un fils. Ça ira pour toi.
Mais ça n'irait pas.
**
Publication du chapitre 4 : Dimanche 29 Mars. :)
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