Chapitre 2
Chapitre 2
- Tu es prêt, chéri ? l'appela May depuis le salon.
Peter regarda son reflet dans le miroir de la salle de bain, où il s'était enfermé pour se changer puisqu'il n'avait pas encore sa propre chambre. Il n'avait pas grand-chose. Tous ses vêtements avaient disparu. May les avait donnés. Le costume qu'il portait était une des premières choses qu'elle avait rachetés pour lui. Avant, ça aurait été sans doute difficile de se le permettre, mais plus maintenant. May s'était vautrée dans le travail après qu'il se soit évanoui, et elle avait été promue trois fois et bénéficié d'une forte augmentation de salaire. Ce n'était pas comme s'ils étaient riches, maintenant, mais ils avaient une situation assez confortable pour pouvoir acheter un costume à la dernière minute.
- J'arrive ! répondit-il, puis il tripota de nouveau sa cravate.
Pourquoi était-ci si difficile ? Il ajusta l'extrémité avec ses mains. C'est ce qu'on lui avait appris. C'est ce que Mr. Stark lui avait appris.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Mr. Stark avec amusement.
- J'essaie de nouer cette stupide cravate, grommela-t-il, pas d'humeur pour les taquineries de son mentor.
Il continua à lutter avec la cravate dans ses mains. Il passa une extrémité par-dessus l'autre puis les entremêla. C'était ce que la vidéo YouTube avait dit de faire. Enfin, il pensait que c'était ça. Peut-être qu'il aurait dû la regarder plus qu'une fois, mais il n'avait pas pensé que ce serait si stupidement difficile.
Il tira les deux extrémités d'un coup sec, puis l'une après l'autre, frustré. Mr. Stark eut un petit rire en voyant sa détresse. Peter s'arrêta pour lui lancer un regard noir.
- Fais voir, Underoos.
Mr. Stark eut finalement pitié de lui et s'approcha pour attraper la cravate.
- Laisse-moi juste...
Peter soupira et relâcha le sinistre de soie. Mr. Stark défit le nœud et enleva la cravate. Peter regarda l'homme réparer les dommages causés par les nombreuses tentatives infructueuses de Peter.
- Tu n'as jamais noué une cravate avant ça, hein ? demanda Mr. Stark, les yeux plissés.
- A votre avis ? dit-il avec un air impassible.
- Tu veux que je te montre ? lui demanda son mentor, tenant toujours la cravate dans ses mains.
Il avait l'air un peu hésitant, comme s'il n'était pas sûr d'être autorisé à faire ça ou qu'il franchissait une ligne mentor-apprenti inexistante.
- Ouais, bien sûr, répondit doucement Peter. Si-si ça vous dérange pas.
Mr. Stark lui sourit et il passa la cravate autour du cou de Peter. Une fois qu'elle fut en place, au lieu de simplement la nouer, l'homme se plaça derrière lui pour lui montrer comment le faire du point de vue de Peter.
- Il faut qu'il y ait une extrémité plus longue que l'autre. Tu vois ? Comme ça tu as plus de mou pour faire le nœud. Et ensuite tu passes cette partie au-dessus de l'autre, expliqua Mr. Stark en faisant les mouvements pour montrer comment faire à Peter.
Peter essaya de tout suivre.
- Et voilà, dit Mr. Stark avec un grand geste des bras après avoir serré le nœud autour du cou de Peter.
C'était parfaitement noué.
- Merci, Mr. Stark, sourit Peter, et il se retourna pour faire face à l'homme plutôt qu'à son reflet dans le miroir.
- Nuh uh, on n'a pas fini.
Mr. Stark agrippa ses épaules et le fit se retourner de nouveau vers le miroir. Une seconde plus tard, il défit la cravate.
- Attendez, qu'est-ce que vous –
- A toi, expliqua Mr. Stark.
- Mr. Stark, on va être en retard, se plaignit Peter.
Il était sûr qu'il pouvait y arriver, mais il était nerveux à l'idée de se tromper devant son héros.
- On a tout notre temps. Et puis, c'est ma soirée. Donc, vraiment, j'ai le droit d'être en retard. Ça commence quand j'arrive.
Peter roula des yeux mais ne put empêcher un sourire d'étirer ses lèvres.
- Je croyais que c'était une soirée de SI, dit Peter en haussant un sourcil.
- Oui, et au cas où tu aies oublié, je suis le S de SI, de fait, c'est ma soirée.
- Je pense pas que ce soit comme ça que ça marche, plaisanta Peter.
- Et si. Crois-moi, gamin.
- Je ne pense pas que Ms. Potts serait d'accord avec ça.
- Je savais que c'était une erreur de vous présenter l'un à l'autre, plaisanta Mr. Stark.
- Non, ça ne l'était pas. Elle est géniale, dit-il.
Mr. Stark secoua la tête avec perplexité.
- Mais pas aussi géniale que moi, pas vrai ? demanda l'homme.
Peter fit semblant d'y réfléchir.
- Pas vrai ? insista Mr. Stark.
- Bien sûr, répondit finalement Peter, en faisant un rictus face au miroir.
- Très bien, assez perdu de temps, dit ensuite Mr. Stark, en tirant sur sa propre cravate. Vas-y. Allez, on se dépêche.
- Je croyais qu'on n'était pas pressés.
- C'est le cas, mais ça ne veut pas dire qu'on peut rester ici toute la journée, dit Tony. Bon, j'adore me regarder dans le miroir, mais on a des choses à faire, gamin. Des gens à voir.
Le sourire de Peter s'évanouit alors qu'il agrippait de nouveau l'extrémité de sa cravate. Et s'il n'y arrivait pas ? Il ne voulait pas décevoir Mr. Stark après tout le mal qu'il s'était donné pour lui apprendre à le faire.
- Je ne sais pas si...
- Je t'aiderai, lui assura Mr. Stark. Ne t'inquiète pas.
- Ok, acquiesça-t-il et il essaya de reproduire la technique que Mr. Stark lui avait montrée.
Il lui fallut seulement trois essais pour y arriver. Mr. Stark le coacha patiemment, ne se moquant pas une seule fois de lui.
- Parfait, dit son mentor avec un sourire fier et une tape dans son dos une fois qu'il eut fini. Et maintenant tu sais comment nouer une cravate. Une chose que chaque homme doit savoir faire.
Peter lui sourit en retour, essayant de rassembler son courage pour le remercier, lui expliquer à quel point c'était important pour lui le fait qu'il ait pris le temps de lui apprendre ça. Mais avant qu'il n'en ait eu le temps, Mr. Stark enroula un bras autour de ses épaules et le guida jusqu'à la porte pour sortir de la pièce.
- Allez, il vaut mieux qu'on y aille. Si on arrive trop en retard, Pepper risque de me pendre par les orteils, dit Mr. Stark.
Peter rit.
- Je croyais que vous aviez dit qu'on ne pouvait pas être en retard.
- Je peux arriver avec autant de retard que je veux. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas en entendre parler.
- Hm. On dirait presque que vous avez peur de votre propre fiancée.
- As-tu déjà rencontré cette femme ? Elle est terrifiante, dit Mr. Stark. D'une façon tout à fait sexy, bien sûr –
- Ew, dégoûtant, grimaça Peter.
Mr. Stark rit et le pressa plus fort contre lui, presque comme une étreinte de côté, alors qu'il continuait à le conduire jusqu'à l'ascenseur.
- Peter ? l'appela May, et Peter sursauta, revenant à lui quand le souvenir s'évanouit.
Le reflet qu'il vit dans le miroir n'avait plus rien à voir avec celui de son souvenir. Il avait des larmes qui roulaient sur ses joues, et il avait l'air d'être l'incarnation du désespoir. Il se sentait même un peu malade, même s'il ne savait pas comment c'était possible dans la mesure où il n'avait rien mangé de la journée.
- Une seconde ! lui répondit-il en espérant que sa voix ne se brise pas.
Il essuya les larmes sur ses joues avec le dos de sa main et regarda de nouveau sa cravate dans le miroir. Il pouvait la nouer. Il savait qu'il pouvait. Mr. Stark lui avait montré. Il devait faire en sorte qu'une des extrémités soit plus longue que l'autre, puis la retourner par-dessus comme Mr. Stark lui avait montré.
Quand il eut fini, c'était aussi parfait que la dernière fois qu'il l'avait fait avec Mr. Stark qui le regardait par-dessus son épaule. Sauf que cette fois, au lieu d'être rempli d'une sensation timide d'accomplissement, son cœur était brisé.
Cette autre fois ressemblait à un grand moment, un moment important, plus qu'un truc de mentor-apprenti. C'était quelque chose de prometteur. Presque comme un truc père-fils. Cela montrait à quel point sa relation avec Mr. Stark avait évolué, et il avait pensé que c'était le début de quelque chose. Comme la promesse qu'il y aurait d'autres moments importants à venir, à l'avenir.
Il ne savait pas à ce moment-là que, cinq jours plus tard, il se retrouverait sur un vaisseau spatial avec l'homme, se dirigeant vers une mort temporaire de cinq ans.
Il ne savait pas que la prochaine fois qu'il devrait nouer une cravate, ce serait pour les propres funérailles de Mr. Stark.
Il ne savait pas que le souvenir d'une cravate le hanterait.
- Tu vas bien ? demanda May au moment où elle ouvrit la porte de la salle de bain.
La réponse évidente était non.
- Ouais, répondit-il cependant.
May acquiesça de façon incertaine. Elle pouvait probablement voir la vérité sur son visage, même s'il ne savait pas comment elle faisait. Ses muscles faciaux semblaient paralysés. Il ne pensait pas parvenir à avoir une quelconque expression sur son visage, à part celle d'une misère abjecte depuis que Mr. Stark –
- Tu es prêt ? demanda-t-elle.
Non. Jamais.
- Ouais, marmonna-t-il.
Il remarqua qu'elle portait une simple robe noire, et elle était jolie. Très sûre d'elle, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment. Enfin, c'était peut-être celle qu'elle était maintenant. Peut-être que c'était ça. Sa nouvelle normalité. Et Peter n'avait tout simplement pas été là pour le voir.
- Ok, allons-y, acquiesça-t-elle en commençant à se diriger vers la porte.
Il la suivit d'un pas engourdi. Elle ne l'attendit pas. Il n'était même sûr de savoir s'il voulait qu'elle l'attende. La seule chose dont il était certain, c'est que c'était Mr. Stark qu'il voulait avec lui, en cet instant. Et c'était aussi la seule chose qu'il ne pouvait avoir.
*
Les funérailles de Tony ne furent pas aussi difficiles que ce qu'il avait pensé.
Elles furent pires.
La route jusqu'à la maison du lac prit deux heures. Deux heures de silence, assis dans une voiture trop chaude dans son costume inconfortable. Et même avec la vitesse de May, ils arrivèrent avec quelques minutes de retard. Probablement sa faute pour avoir mis si longtemps à se préparer.
Mais ils y arrivèrent.
- Salut, May. Peter, les accueillit Pepper en ouvrant la porte avec un faible sourire.
- Oh, Pepper, je suis désolée. Je suis tellement, tellement désolée, dit May en faisant un pas vers elle pour la prendre dans ses bras, avec une familiarité que possèdent les amis de longue date.
Quand était-ce arrivé ? Peter cligna des yeux, les observant en silence.
- Ça va, murmura Pepper, mais dans le dos de May, Peter put voir son visage plissé comme si elle faisait de son mieux pour ne pas pleurer.
Pepper laissa échapper un souffle de surprise, et continua :
- Je veux dire, non, ça ne va pas. Bien sûr que ça ne va pas. Mais –
- Ce n'est rien, l'interrompit May dans son babillage inhabituel.
Peter n'avait jamais entendu Ms. Potts aussi peu confiante avant.
- Je comprends.
Et c'était vrai, réalisa tristement Peter. May comprenait. Elle avait perdu son propre mari, quelques années plus tôt, ou devait-il dire neuf ans, maintenant ? La question du temps l'embrouillait encore. May avait perdu son mari, et Peter avait perdu sa figure paternelle, et ils avaient tous les deux essayé d'avancer, et maintenant Pepper avait perdu son mari et, d'une certaine manière, Peter avait perdu une autre figure paternelle. Peut-être qu'il était destiné à vivre sans présence masculine pour le guider dans la vie.
Pepper et May se séparèrent, et Pepper se râcla la gorge avant de dire :
- Enfin, vous arrivez juste à temps. On allait tout juste descendre au lac.
May entra dans la maison et Peter la suivit. Alors qu'il passait à côté d'elle, Pepper posa sa main sur sa tête en signe de réconfort. Elle coiffa ses cheveux en arrière puis laissa sa main sur sa nuque. La gêne dans sa gorge grossit.
- Comment tu vas, Peter ? lui demanda-t-elle, clairement soucieuse.
Il détestait le fait qu'elle perde de l'énergie à s'inquiéter pour lui le jour des funérailles de son mari.
Il ouvrit la bouche pour dire qu'il allait bien. Pour mentir. Mais rien ne sortir. Il ne pouvait pas mentir à Ms. Potts. Pas après qu'ils aient été tous les deux ensemble à la fin. Alors il lui donna simplement une semi-étreinte.
- Ouais, moi aussi, dit-elle tristement, ses yeux brillants.
- Je –
Il voulait la rassurer d'une quelconque manière que ce soit, mais les mots se coincèrent dans sa gorge et un brusque sanglot passa la barrière de ses lèvres à la place.
- Oh, chéri, murmura Pepper, et la main qui était sur sa nuque l'attira gentiment en une douce étreinte.
Et soudainement, il s'effondrait de nouveau. Sanglotant sans retenue contre Pepper. Plus il essayait d'arrêter, plus il pleurait. Elle le serra plus fort et il la tint désespérément contre lui en retour.
- C'est – c'est pas juste, dit-il.
- Je sais, murmura-t-elle dans ses cheveux.
- Il me m-manque.
- Je sais. A moi aussi.
- Je – je peux pas – je –
Il n'était même pas sûr de ce qu'il essayait de dire, mais il laissa tomber quand cela devint trop dur de parler à cause des pleurs.
Pepper le tint simplement contre elle et le laissa pleurer. Lorsque ses sanglots commencèrent à perdre en intensité, commencèrent à se calmer, elle passa une main derrière sa tête et lui chuchota des paroles rassurantes.
- Shh, ce n'est rien, murmura-t-elle. Ça va aller, chéri.
- Mais n-non, rétorqua-t-il. Ça n'ira jamais... plus jamais b-bien.
Pepper ne répondit rien. Son silence suffisait à lui faire comprendre qu'elle était d'accord avec lui.
Il réussit finalement à se reprendre. Il n'avait aucune idée de combien de temps s'était écoulé. Il espérait que sa crise de larmes n'avait pas dérangé toutes les funérailles.
- Je suis désolé, murmura-t-il en s'écartant et en essuyant son visage, essayant de chasser l'évidence de sa faiblesse.
Mon Dieu, à cette allure, il allait finir par se déshydrater complètement à force de pleurer. Au moins la maison était vide. Personne n'avait été là pour assister à sa crise de larmes.
- Tu n'as pas à t'excuser, dit Ms. Potts en secouant la tête.
Peter n'était pas certain de ça. Il avait l'impression qu'il y avait beaucoup de choses pour lesquelles il devait s'excuser. Notamment de ne pas avoir fait plus pour éviter la mort de son mari.
Il baissa la tête.
- Est-ce que tu es prêt à descendre au lac, ou est-ce que tu as besoin de quelques minutes de plus ? lui demanda patiemment Pepper.
Elle était toujours tellement patiente. C'était probablement une des raisons pour lesquelles elle et Mr. Stark allaient si bien ensemble.
Il renifla mais réussit à croiser son regard sans fondre en larmes à nouveau.
- Non j-je vais bien. Je suis... prêt.
Il ne l'était pas.
Mais quelques minutes de plus ne feraient aucune différence.
Il ne savait pas comment Pepper pouvait l'être.
Pepper croisa le regard de May, cherchant clairement une confirmation. Sa tante se tenait à côté de lui, mais elle avait l'air de vouloir prendre Peter dans ses bras à tout moment.
- Je m'occupe de lui, lui dit May. Merci.
- Ok.
Pepper leur fit un sourire triste et Peter essaya de le lui retourner mais sa bouche se recourba juste en une grimace.
- Suivez-moi, dit-elle.
May enroula un bras autour de lui et ils suivirent Pepper qui les guidait jusqu'au ponton qui surplombait le lac. Il y avait déjà tant de gens qui attendaient à l'extérieur.
Merde.
Peter les avait fait attendre.
Peter garda la tête baissée en passant devant tout le monde et il suivit Pepper jusqu'au bout du ponton. Si ça avait été un autre moment, il aurait tout analysé et se serait inquiété du fait qu'il fasse quelque chose qu'il n'était pas autorisé à faire en se plaçant tout devant aux funérailles de Tony Stark, mais il avait trop mal pour en avoir quelque chose à faire. Et au fond de lui, il savait ce qu'il représentait pour l'homme. Il savait qu'il avait le droit d'être devant. Tout comme May, apparemment. Ils ne s'arrêtèrent pas jusqu'à ce qu'ils soient arrivés devant. Et même là, Peter fit un autre pas en avant pour se tenir à la droite de Captain America, qui était juste derrière Rhodey et Happy. Et Pepper. Et... une petite fille ?
Pepper fit face à toutes les personnes rassemblées ici et dit quelques mots. Des mots que Peter ne réussit pas à comprendre, mais ils devaient être beaux parce que tout le monde autour de lui souriait et laissait échapper quelques rires pleins de larmes, tout comme May. Et puis quand elle eut fini de parler, Pepper s'agenouilla et plaça un réacteur ARK entouré de gerbes de fleurs à la surface de l'eau. Ils le regardèrent tous flotter au loin.
Peter aurait voulu faire la même chose, d'une certaine manière.
Pepper resta agenouillée et enroula un bras autour de la petite fille, et soudainement il comprit qui elle était. Son cœur remonta jusque dans sa gorge. Non. Non non non. Ce n'était pas juste. Ce n'était pas juste. Il prit quelques brèves inspirations et ferma violemment les yeux en essayant de reprendre le contrôle sur lui-même. Il ne voulait pas s'effondrer à nouveau devant tout le monde. Devant tous les Avengers et la famille de Tony et la... la...
L'enfant ne pleurait même pas. Elle se tenait juste là et enlaçait Pepper.
Si elle pouvait faire bonne figure, alors Peter le pouvait aussi.
Finalement, tout le monde commença à se disperser et remontèrent vers la maison. Peter garda son regard rivé sur le lac. Ses pieds semblaient comme cimentés. Il n'était pas sûr de savoir bouger de nouveau.
Steve lui donna une tape sur l'épaule puis s'éloigna, le laissant avec May, Rhodey, Happy, Pepper et la petite fille sur le ponton.
- Viens, chéri, chuchota May à côté de lui, en agrippant doucement son bras.
Il haussa les épaules se défaire de son emprise. Il avait le soudain besoin fou de plonger dans le lac. De nager après la couronne de fleurs, comme si la rattrapait ramènerait miraculeusement Mr. Stark à la vie.
- Peter, murmura May en attrapant de nouveau son bras.
Il soupira mais la laissa le conduire jusqu'à la maison. Comme s'il fallait qu'il laisse aux autres plus de temps seuls pour faire leur deuil.
Comme s'il n'avait plus aussi mal qu'avant.
*
Il ne savait pas comment, mais il finit par se retrouver assis seul sur le canapé avec une assiette de nourriture dans la main. May était... quelque part. Elle avait dit quelque chose à propos de la salle de bain, peut-être ? Il n'arrivait pas vraiment à se souvenir. Tout semblait complètement flou. Il avait cligné des yeux et s'était retrouvé quelque part à faire quelque chose, et puis il avait de nouveau cligné des yeux et il s'était retrouvé ailleurs, sans savoir comme il était arrivé là. Peut-être que c'était ça, d'être traumatisé. Pouvait-il être traumatisé d'un deuil ? Habituellement, les gens n'étaient-ils pas traumatisés directement après que quelque chose de grave se soit passé ? Pas plusieurs jours après. Non pas que Peter ait jamais été comme les autres.
Il regarda son assiette sans la voir. Il n'était pas vraiment sûr de savoir comment il s'était retrouvé avec une assiette dans les mains non plus. Il ne pensait pas l'avoir prise de lui-même. May la lui avait-elle donnée ? Il n'en était pas sûr. Non pas que ça soit important. Il n'allait pas la manger. Rien que l'idée d'essayer de mettre de la nourriture dans sa bouche lui donnait envie de vomir. Qui avait eu l'idée de servir de la nourriture à des funérailles, de toute façon ? Comment quiconque parvenait-il à manger ?
- Hey.
Peter reconnut vaguement la voix, mais il ne prit pas la peine de détourner le regard de ses macaronis refroidis dans son assiette.
- Hey, gamin, dit la voix de façon plus persistante.
Après avoir cligné longuement des yeux, Peter leva le regard pour croiser celui d'Happy. Même bouger ses yeux lui demandait un effort phénoménal. Happy se tenait devant lui, Rhodey à côté de lui. Tous deux étaient restés ensemble toute la journée.
- Tu vas bien ? demanda Happy.
Peter le regarda en clignant de nouveau des yeux. Il n'avait pas l'énergie de parler.
Happy et Rhodey échangèrent un regard à sa réponse non-verbale puis Happy laissa échapper un souffle résigné et s'assit sur le canapé juste à côté de lui. Quelques secondes après, Rhodey prit la place vide de l'autre côté, pour qu'il se retrouve entre les deux. Il reposa les yeux sur son assiette qu'il n'avait pas touchée.
- Tu veux que j'aille te chercher quelque chose d'autre ? demanda Happy.
Les sourcils de Peter se froncèrent. Aller lui chercher quoi ?
- A manger, gamin, expliqua Happy. Tu n'as encore touché à rien. T'as pas arrêté de regarder ton assiette pendant cinq minutes.
- Non, réussit-il à articuler.
Il inspira profondément.
- J'ai pas faim.
- Il faut que tu manges.
Peter secoua la tête. Il ne pouvait pas. Il prit l'assiette qui était sur ses genoux et la posa sur la table basse en face de lui, la repoussant.
Happy soupira de nouveau.
- Ecoute, Peter, essaya Rhodey. On comprend. Crois-moi. C'est... c'est très difficile.
Une expression douloureuse déforma les traits du colonel, avant qu'il continue :
- Mais ça ne veut pas dire qu'il faut que tu arrêtes de prendre soin de toi. Il ne voudrait pas que tu fasses ça.
Happy acquiesça sagement.
- Non, il ne voudrait pas.
Peter se mordit l'intérieur de la joue alors qu'il fermait les yeux et baissait la tête. Il savait qu'ils avaient raison mais il ne pouvait pas changer la façon dont il se sentait. Et comment était-il possible que les deux plus vieux amis de Mr. Stark ne soient pas en mille morceaux, comme lui ?
- Je peux pas...
Il secoua la tête et passa une main dans ses cheveux.
- Je ne sais pas comment faire ça. Comment – comment vous faites ?
- Tu survis à cette journée et puis tu te réveilles demain et tu survis à celle-ci aussi. Et puis tu continues le jour d'après, et encore le jour d'après. Un jour après l'autre, répondit Rhodey.
Ça avait l'air horrible. Des jours et des jours résultant à une infinité sans Tony. Sa respiration se bloqua et il essaya de retenir ses larmes qui voulaient couler de nouveau, mais ce n'était pas vraiment efficace.
- Bon sang, marmonna Happy avant de place un bras autour de ses épaules. Viens là, gamin.
Cela le fit s'arrêter d'un coup net. Il leva subitement la tête vers Happy, confus.
- Je vais te prendre dans mes bras, expliqua Happy en exerçant une nouvelle pression sur ses épaules pour l'attirer contre lui. N'en fais pas une montagne.
Il laissa échapper un rire surpris alors que Rhodey riait à côté de lui. Il laissa Happy l'attirer contre sa poitrine. L'homme passa ses deux bras autour de lui dans une étreinte forte et chaleureuse. Peter passa ses propres bras autour de l'homme. Quelques secondes plus tard, Happy dessina des cercles avec sa main dans son dos. Peter renifla contre la chemise de l'homme. Tout ça était surréaliste mais c'était dans la continuité de la journée toute entière, ou de toute la semaine, alors ce n'était pas si étrange que ça.
Les minutes passèrent, et Happy ne fit aucun mouvement pour le déloger.
- Il dort ? demanda Rhodey, un peu plus tard.
Honnêtement, il était au bord du sommeil. Il n'avait pas vraiment bien dormi depuis Thanos. Depuis que Mr. Stark...
- Je sais pas, dit Happy, en essayant d'être silencieux, mais les mots résonnèrent dans l'oreille de Peter qui était pressée contre sa poitrine. Petit ? T'es réveillé ?
Il savait qu'il fallait qu'il réponde, mais il n'en avait pas envie. Il ne voulait pas se lever. Il voulait dormir et il semblait enfin être sur le point d'y arriver.
Il entendit Rhodey se lever et se diriger vers l'autre côté du canapé, auquel Peter faisait face.
- Il a l'air de dormir, dit Rhodey. Tu veux que je t'aide à le bouger ?
- Non, répondit Happy. Tu vas le réveiller. Laisse-le pour l'instant. Ce gamin a l'air de ne pas avoir dormi depuis des jours.
- Qui aurait pu croire que tu étais aussi sentimental, le taquina Rhodey. L'ours en peluche personnel de Spider-Man.
- Ferme-la, dit Happy sans animosité, puis ajouta doucement : c'est ce que le boss aurait voulu.
- Ouais.
Rhodey soupira et se rassit dans le canapé.
- Tu as raison.
Un moment après, Rhodey se pencha pour attraper ses jambes et les plaça sur ses genoux tandis qu'Happy le réajustait doucement de façon à ce qu'il soit couché sur ses genoux avec un coussin sous sa tête. Peter resta immobile tout le long. Cette nouvelle position était étonnamment confortable. Il pensait devoir feindre le sommeil pour au moins cinq minutes de plus avant que les deux hommes ne se rendent compte qu'il ne dormait pas. Mais avant même qu'il ait la chance de faire semblant, il s'endormit.
*
- Petit, réveille-toi.
Une main secoua son épaule gentiment, mais il était confortablement installé. Il ne voulait pas se lever. Il se retourna dans les coussins doux et entendit un rire amusé.
- Allez, gamin. Tu peux pas dormir ici, dit de nouveau la voix, en le secouant plus vigoureusement.
- J'suis bien là, marmonna-t-il en protestant.
Il ne voulait pas se lever.
- Allez, Pete.
Tony agrippa son épaule, essayant de le faire se retourner.
- Il y a un lit parfaitement adapté dans lequel tu peux dormir. Pepper a préparé la chambre d'ami exprès pour toi.
Il grogna une réponse négative et se recroquevilla sur lui-même. Il ne bougerait pas.
L'homme soupira avec résignation.
- Très bien. Dors sur ce canapé inconfortable, alors, mais je ne veux pas t'entendre te plaindre à propos de tes courbatures demain matin. Crois-moi, les courbatures dorsales ne sont pas amusantes.
- Parce que v's'êtes vieux, marmonna-t-il dans le canapé.
- Comment tu m'as appelé, petit avorton ?
Peter marmonna ce qui ressemblait à un « mh ».
- Parce qu'il me semble que tu as dit que j'étais vieux, mais ça ne peut pas être vrai, vu que je suis jeune et branché.
Peter grogna un rire.
- Croyez c'que vous voulez, Mr. Stark.
- Nope. C'est un fait. Je –
- Shhh, fit Peter pour mettre fin aux divagations.
- Est-ce que tu viens juste de me dire « chut » ? demanda Mr. Stark dans une indignation moqueuse.
- J'dors, marmonna-t-il, en essayant de rattraper de nouveau le sommeil.
Mr. Stark renifla mais le laissa tranquille. En quelque sorte.
Tout de suite après, Peter sentit l'homme lui retirer ses baskets et les laisser tomber sur le sol. Il le recouvrit d'une couverture et glissa un oreiller sous la tête de Peter.
Peter marmonna une appréciation et Mr. Stark caressa ses cheveux.
- Bonne nuit, Underoos, dit son mentor.
- Hmm, 'nuit, Tony, marmonna Peter en retour, avant de retomber dans l'inconscience du sommeil.
Quand Peter se réveilla, quelques temps plus tard, il était toujours allongé sur Happy et Rhodey, mais les deux hommes dormaient aussi. Rhodey était appuyé contre le bras du canapé et Happy avait la tête penché en arrière contre le dossier, ronflant doucement.
Peter sourit à cette vision avant que les souvenirs s'abattent sur lui et qu'il se rappelle la raison pour laquelle ils s'étaient retrouvés dans cette position. Tony était mort. L'homme ne venait pas de le border. Ça n'avait été qu'un rêve. Un souvenir, en fait. En réalité, Peter s'était endormi sur le canapé de l'homme à ses propres funérailles. Tout comme ses deux meilleurs amis, apparemment, alors peut-être que ce n'était pas si impardonnable que ça. Non pas que Mr. Stark soit là pour le pardonner, de toute façon. Mais il espérait que ça n'ait pas dérangé Pepper.
Il regarda autour de lui. Le salon était complètement vide. Plus tôt, il y avait eu tellement de gens dans cette petite pièce qu'il pouvait à peine marcher, mais à présent, il n'y avait plus personne, notamment May. Il écouta et entendit quelques voix provenir de la cuisine, mais l'énorme brouhaha de tout à l'heure s'était évanoui. Les gens avaient dû partir. Peut-être qu'il était tard.
Peter s'extirpa prudemment des bras de Rhodey et Happy. Aucun des deux hommes ne broncha. Il pensa à se rendre dans la cuisine, mais il n'avait pas encore envie d'interagir avec quiconque, alors il se glissa à travers la baie vitrée pour aller dehors à la place. Il avait besoin d'un peu d'air.
Le jardin était vide. Il marcha le long de la pelouse en direction du lac, sans réelle destination en tête, quand il aperçut la silhouette de quelque chose qui était dissimulé dans les arbres. Il s'arrêta net et fronça les sourcils. Ses pieds le guidèrent avant même qu'il en ait pris consciemment la décision d'aller jeter un coup d'œil.
Il rompit rapidement la distance qui le séparait du bosquet et alors qu'il s'approchait, il se rendit compte que c'était une petite tente. Oh. Ce devait être celle de l'enfant. Il allait se retourner vers le bord du lac lorsque la porte en tissu s'agita. Mince. Est-ce qu'un animal, un raton laveur ou quelque chose comme ça, était rentré à l'intérieur et s'était coincé ? Il se dirigea vers la tente, s'agenouilla et agrippa la porte en tissu, et commença à la tirer doucement. Il ne voulait pas effrayer la créature qui se trouvait à l'intérieur.
Avant qu'il n'ait pu l'écarter complètement, un casque sortit de la tente, à quelques centimètres de son visage. Un casque d'Iron Man. Il était presque exactement comme celui de Mr. Stark, sauf qu'il était bleu. Oh. C'était le casque de l'armure de Pepper. Et il était actuellement rattaché à un petit humain.
- Uh...
Peter cligna des yeux et se recula d'un bond, surpris, atterrissant sur le dos. Il s'était attendu à une autre sorte de créature.
- Salut.
La voix qui sortit du casque était douce et jeune, rien à voir avec la voix mécanique d'Iron Man.
- Hum, salut, salua Peter en retour.
- Est-ce que ma maman me cherche ? demanda la petite fille, son visage toujours dissimulé derrière le casque.
Maman ? Puis le déclic se fit. Pour un génie, ça n'aurait pas dû lui prendre autant de temps pour comprendre. Qui d'autre pouvait être cette enfant ? La tente était visiblement son aire de jeu.
- Non. Elle ne te cherche pas. Enfin je ne – je ne crois pas. Je, euh, ne l'ai pas vue depuis un moment. J'étais juste – j'étais – bégaya Peter en répondant.
- C'est rien, le coupa la petite fille, interrompant son étrange explication. Est-ce que tu es un des amis de papa ?
Le cœur de Peter rata un battement. Papa.
- Hum, ouais, acquiesça-t-il.
La petite fille s'extirpa complètement de la tente et s'assit sur ses genoux face à lui. Elle enleva le casque et lui fit un petit sourire. Quand Peter croisa son regard, sa mâchoire lui en tomba. C'étaient les yeux de Tony.
- Oh mon Dieu, chuchota-t-il avant de pouvoir s'en empêcher.
- Quoi ?
Elle plissa les yeux, confuse.
- Est-ce que j'ai quelque chose sur le nez ?
Elle le frotta.
- Non, tu – tu n'as rien sur le nez. C'est juste que tu – tu ressembles... tu ressembles juste à ton papa, murmura Peter.
- C'est ce que tout le monde me dit tout le temps, acquiesça-t-elle.
Peter étudia son visage comme si c'était une peinture artistique. Ce n'étaient pas juste ses yeux. Elle avait ses cheveux et son nez. Et son sourire. Mais ses joues et sa mâchoire, elles étaient de Pepper.
- Je m'appelle Morgan.
Elle lui tendit sa main poliment.
Peter la regarda un instant, surpris, avant de comprendre ce qui se passait et tendre sa propre main pour serrer la sienne.
- Je suis ravi de te rencontrer, Morgan. Je m'appelle Peter. Peter Parker.
Les yeux de Morgan s'écarquillèrent et elle regarda à gauche et à droite pour être sûre que personne ne l'entendrait, avant de chuchoter avec excitation :
- Tu es Spider-Man !
Peter cligna des yeux.
- Uh...
- Papa m'a raconté des tas d'histoires sur toi ! s'exclama-t-elle, rayonnante.
- Ah bon ? demanda Peter, toujours un peu sous le choc que cette petite fille connaisse son identité secrète.
- Bien sûr. Tu es le super-héros préféré de papa !
- Vraiment ?
Elle hocha la tête.
- Il parle de toi souvent. Tu lui manques. Mais tu es revenu, maintenant, alors tu ne lui manqueras plus.
Il fut confus pendant un instant, parce que Mr. Stark n'était plus là, alors plus personne ne lui manquerait jamais, c'est à eux qu'il manquerait. Puis il se rappela avoir entendu une fois que les enfants ne comprenaient pas la mort, sa finalité, avant l'âge de six ans.
Il se râcla la gorge pour essayer de ravaler la gêne qui s'y était de nouveau formée. Il ne pouvait pas pleurer devant l'enfant.
- Quel – quel âge tu as, Morgan ? demanda-t-il.
- J'ai quatre ans, déclara-t-elle fièrement, et elle leva sa main avec quatre doigts relevés. Même quatre et demi. Je vais avoir cinq ans en Mars.
On était mi-Septembre. Enfin, c'était ce que tout le monde lui répétait.
- Wow. C'est énorme.
Il se força à lui faire un petit sourire, et à sa surprise, ce n'était pas aussi difficile que ce qu'il aurait pu penser.
- Je sais, sourit-elle. Je vais avoir une fête d'anniversaire.
- Ça a l'air cool, dit-il.
- Tu viendras ? demanda-t-elle avec enthousiasme.
- A ta fête ?
Elle hocha la tête.
- Tu veux que je vienne à ta fête d'anniversaire ? clarifia-t-il.
Ils venaient juste de se rencontrer et il n'avait pas vraiment son âge.
- Ouais. On est amis maintenant et les amis viennent aux fêtes d'anniversaires, répondit-elle comme si c'était évident.
- T'as raison, acquiesça-t-il avec un hochement de tête, avant d'ajouter sincèrement : je serai ravi de venir à ta fête d'anniversaire, Morgan.
Son visage s'éclaira. Elle était tellement mignonne que Peter ne put s'en empêcher, il tendit la main et ébouriffa ses cheveux.
- Hey, protesta-t-elle, mais le gloussement qui suivit montra qu'elle appréciait la taquinerie.
Peter l'observa pendant qu'elle essayait de remettre de l'ordre dans ses cheveux avec sa petite main.
- Petey ? demanda-t-elle, une fois que ses cheveux furent en place.
- Ouais ? répondit-il, sans corriger le nom.
Personne ne l'avait jamais appelé Petey avant, mais venant de Morgan, c'était adorable.
- Tu veux jouer avec moi ?
- Hum, ouais. A quoi tu veux jouer ?
Ce n'était pas comme s'il avait autre chose à faire. Il ne voulait pas vraiment retourner à la maison pour le moment, et il se sentait moins triste depuis qu'il avait commencé à parler avec Morgan que depuis ces derniers jours.
- Aux Legos ! dit-elle.
Un rire lui échappa. C'était la première fois qu'il riait depuis toute cette histoire avec Thanos.
- J'adore les Legos, sourit-il.
- Ok, viens.
Elle tira sur sa manche.
- Ils sont dans ma tente.
Elle entra à l'intérieur et il la suivit de près, sans s'inquiéter du fait qu'il salissait sans doute son nouveau costume. Il y avait juste assez de place pour qu'ils s'assoient tous les deux autour de la pile de Legos au milieu.
- Où sont les instructions ? demanda Peter en passant une main à travers la pile.
Ils étaient plus petits que ce qu'il avait imaginé pour une enfant de quatre ans. Mais elle était probablement un petit génie, étant la fille de Tony Stark et tout ça.
- Papa dit que les instructions sont pour les simples d'esprit, répondit-elle d'un ton détaché, avant de plisser les yeux dans sa direction. Je croyais que tu étais intelligent.
Peter rit de nouveau, mais cela fut plus rauque, alors qu'il essayait de se retenir d'éclater en sanglots en même temps. Il l'était, en quelque sorte.
- Probablement pas aussi intelligente que toi, plaisanta-t-il.
- C'est pas grave. Je t'aiderai.
Morgan haussa les épaules.
- J'ai une photo de ce à quoi c'est censé ressembler, alors on peut s'en sortir.
- Ok, acquiesça Peter.
C'est vrai. Les enfants ne comprenaient pas le sarcasme non plus. Mon Dieu, comment Tony avait géré ça ? L'homme respirait le sarcasme. Bien qu'il eût probablement agi différemment avec sa propre fille. La poitrine de Peter se serra. Il ne pourrait jamais voir ça. Il ne pourrait jamais voir Mr. Stark agir comme un père. Il prit la photo que Morgan lui tendait et ensemble, ils commencèrent à trier la pile de Legos.
Et ce fut ainsi qu'il passa l'heure qui suivit. En se cachant dehors, dans une tente, à assembler des Legos avec la fille de Tony Stark le jour de ses funérailles. Ce ne devait probablement pas être surprenant mais passer du temps avec elle était comme un baume que l'on appliquait sur son âme. C'était comme si une part de Mr. Stark avait survécu même s'il avait disparu. Elle avait même quelques manies et les mêmes expressions du visage.
- Hey, Petey ?
Elle leva la tête pour le regarder.
- Ouais ?
Il leva lui aussi les yeux des deux morceaux de Lego qu'il était en train d'assembler.
- Est-ce que tu seras mon ami pour toujours ? demanda-t-elle sérieusement.
Peter posa les Lego pour lui donner toute son attention, alors qu'il répondait solennellement :
- Pour toujours et à jamais.
- Pour toujours et à jamais, l'imita-t-elle en retour avec un sourire timide, avant de se pencher vers lui pour l'enlacer.
Il la prit dans ses bras et la serra fort en retour.
Il essaya de ne pas fondre en larmes dans ses cheveux.
*
- Elle est tellement jeune, marmonna Peter en regardant par la fenêtre de la voiture.
May et Pepper étaient venues les trouver peu de temps après leur moment amis-pour-toujours. Il avait vu qu'elles avaient pensé que le lien entre lui et Morgan était précieux, mais elles avaient quand même interrompu leur jeu puisque May avait voulu y aller. Elle voulait rentrer en ville avant qu'il fasse noir. Elle n'aimait plus rouler de nuit. Une autre nouvelle chose qui s'était apparemment développée au cours des cinq années pendant lesquelles Peter avait disparu.
- C'est probablement mieux comme ça, dit May, avant de grimacer, comme si elle avait immédiatement regretté ses mots.
Peter fronça les sourcils. Mieux ? Comment être plus jeune pouvait-il être mieux ? Et puis il comprit. Il avait six ans quand il avait perdu ses parents et il se rappelait à peine d'eux. Les souvenirs qu'il avait n'étaient que des fragments et des sensations, plus comme des rêves que des souvenirs substantiels. Morgan n'avait que quatre ans.
- Elle ne va pas se rappeler de lui, dit-il avec horreur.
Cette prise de conscience lui coupa le souffle. Il fut frappé par un raz-de-marée de douleur agonisante. Un de meilleurs hommes de leur temps. Un des meilleurs hommes que Peter avait jamais connu, et sa propre fille ne se souviendrait même pas de lui.
La nausée le prit à la gorge.
- Gare-toi, ordonna-t-il.
- Quoi ? Chéri, qu'est-ce que –
- Gare-toi !
La voiture s'arrêta sur le bas-côté de la route. Peter en sortit subitement avant qu'elle ait fini de s'arrêter. Il trébucha et tomba à quatre pattes, le gravier écorchant ses paumes, mais il remarqua à peine la douleur alors ouvrait la bouche et que de la bile s'écrasa sur le sol.
- Oh, chéri, entendit-il May dire avant de s'approcher de lui et de poser une main entre ses omoplates alors qu'il s'étouffait de nouveau.
Rien ne sortit. Il n'avait rien mangé aujourd'hui. Il avait tout juste bu quelque chose. Il s'en fichait. A ce moment-là, il ne pensait qu'au fait que Morgan, cette douce, innocente, parfaite et incroyable Morgan, n'aurait jamais la chance de connaitre son père, n'aurait jamais une vie remplie de son amour, n'aurait jamais la peine de se créer d'autres souvenirs heureux avec lui. Ne se rappellerait même pas de ceux qu'elle avait déjà. C'était comme la plus grosse gifle de l'univers. Si quelqu'un méritait de vivre toute sa vie avec sa famille, c'était Mr. Stark, et maintenant, sa propre fille ne se rappellerait même jamais de lui.
Peter s'étrangla et vomit de la bile à nouveau, se rendant à peine compte de la main de May qui caressait son dos.
Quand il eut fini et que la moindre goutte de ce qui s'était trouvé dans son estomac l'eut quitté, déversé sur le sol, il se laissa aller dans l'étreinte de May. Elle plongea une main dans ses cheveux, tandis que l'autre se posait sur sa joue.
- Mon cœur, tu es malade ?
C'était une question un peu stupide étant donné qu'il venait juste de vomir ses tripes sur les graviers, mais il comprenait ce qu'elle voulait vraiment dire.
Il secoua la tête et dit d'une voix tremblante :
- Elle ne se souviendra pas de lui.
- Oh, chéri, répondit tristement May en embrassant son front, alors que ses doigts caressaient ses cheveux.
- Mon Dieu, elle ne – elle ne souviendra pas de lui. Elle ne se souviendra pas de lui, répéta-t-il encore et encore, comme un mantra.
Il savait qu'il ressemblait sans doute à quelqu'un sur le point de s'effondrer, mais il n'arrivait pas à s'en soucier, même si une petite partie de lui-même s'inquiétât du fait que c'était probablement un peu trop proche de la réalité.
*
Note de l'auteur : écrire ce chapitre a définitivement été une thérapie pour moi. Il y a pas mal de choses que j'aime bien dedans, ce qui est une bonne chose, pour une fois. En général, je suis presque complètement indifférente à ce que j'ai écrit, une fois que j'ai terminé. J'espère que vous l'avez apprécié aussi, les amis ! Dites-moi ce que vous avez préférez – ou détesté. C'est toujours un plaisir d'avoir votre avis sur ce que j'ai écrit. Et je vous promets que ça deviendra plus joyeux... à un moment donné.
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