Chapitre 15 : Premières confidences
L'ambulancier observa son reflet dans le miroir de la salle de bain avec inquiétude. La moue boudeuse, les sourcils froncés, le noiraud essaya tant bien que mal de discipliner ses cheveux ébouriffés, sans grand succès. Non, ça n'allait pas, définitivement pas , il n'était pas présentable. Peut-être était-ce la chemise qui était de trop ? Etait-il même de rigueur de mettre une chemise dans ce genre d'événement ? Il ne pouvait tout de même pas se présenter vêtu d'un jean et d'un t-shirt simple ? Pestant contre ses vêtements, le jeune homme décida de les retirer pour se changer une nouvelle fois mais sa chemise avait visiblement choisi de faire de la résistance plutôt que de se soumettre à sa volonté. N'arrivant pas à défaire les boutons de son col, il poussa un cri de détresse avec la furieuse envie de l'arracher et de la réduire en lambeaux. Finalement, au bout de longues minutes, il réussit à la retirer et le morceau de tissu vola en travers de la pièce pour atterrir en un tas informe au pied de la douche. Alec soupira en secouant la tête, observant son torse nu dans le miroir. Une semaine s'était écoulée depuis son dernier rendez-vous avec Magnus, et ce soir il devait retrouver le danseur à la galerie d'art où se tenait l'exposition sur les livres anciens à laquelle le parrain de ce dernier participait. L'urgentiste n'avait jamais été dans une exposition de livres anciens. Il aimait lire, comme beaucoup de monde sans doute, mais il n'avait jamais mis les pieds dans ce genre d'endroit et ne savait absolument pas ce qu'il devait porter pour l'événement. Il allait pourtant devoir rapidement choisir et se décider, réalisa-t-il en voyant l'heure sur son téléphone, s'il ne voulait pas arriver en retard. Non, hors de question de faire ce mauvais coup à Magnus, le jeune Indonésien méritait qu'on lui décroche la lune, et si pour lui faire plaisir et avoir le bonheur de le revoir Alec devait porter une chemise il le ferait. Une pensée traversa alors l'esprit du plus vieux qui s'empara de son téléphone pour envoyer un message à sa meilleure amie pour lui demander conseil. Camille, qui n'aimait pas tant les messages, lui répondit par un appel. Le noiraud décrocha en souriant, heureux d'entendre sa voix.
- Le Starbuck est fermé, beau brun, mais dis moi ce que je peux faire pour toi et je m'arrangerais pour l'obtenir !
- Juste tes conseils avisés, ce sera suffisant, sourit l'ambulancier en s'asseyant au bord de la baignoire. J'ai un rendez-vous ce soir, et je ne sais pas quoi mettre, avoua-t-il en rougissant quelque peu, se grattant nerveusement la nuque.
- Oh, je vois, gloussa Camille. Ton blond a remis le couvert on dirait !
- Il ne s'agit pas de Jace...Mais...Je tiens beaucoup à lui, il m'a invité à une exposition littéraire et je ne sais pas quoi porter...
- Je sais pas moi....Des vêtements ? Proposa la blonde en retenant un éclat de rire.
Le noiraud leva les yeux au ciel mais rit avec elle. Avec Camille, il savait à quoi s'attendre. Et la jeune femme avait toujours été d'une nature très spontanée et franche, ce qui lui plaisait énormement. S'il n'avait pas été attiré par les hommes, il aurait sans doute tenté sa chance avec la jeune femme. Expliquant un peu plus en détail la situation, Alec attendit l'avis de sa meilleure amie, jusqu'à ce que cette dernière lui pose une question à laquelle il ne s'était certainement pas attendu.
- Tu voudrais qu'il porte quoi, ton chéri ?
- Je...Je ne sais pas, je n'ai pas de préférence, s'étonna-t-il avec sincérité. Il porte ce qu'il veut, il est tellement beau qu'à côté de lui ses vêtements deviennent pratiquement invisibles.
- Et bien voilà, tu as trouvé la réponse à ta question tout seul comme un grand garçon, ironisa la serveuse. Alec, ton mec s'en fiche complètement de ce que tu vas porter, alors honnêtement mets quelque chose qui te fait sentir bien et surtout concentre toi et lui. Je te laisse te préparer avant que tu sois en retard, et tu as intérêt à tout me raconter demain !
Sur ces mots, elle raccrocha et le noiraud ne put s'empêcher de sourire. Son amie avait raison, Magnus se fichait probablement de ce qu'il portait. Pourtant, ce n'était pas une raison pour ne ressembler à rien. Prenant ce qu'il lui fallait dans sa garde robe, il s'habilla en vitesse, se fit le plus beau possible tout en restant fidèle à ce qu'il était, et il sortit de la pièce pour rejoindre le séjour. Isabelle, de son côté, se tenait assise sur un des tabourets de la cuisine à siroter un verre quand elle aperçut son frère aîné. Manquant de s'étrangler de surprise, elle le détailla des pieds à la tête sans pouvoir s'empêcher de penser que le plus vieux était à se damner tant il était beau. Elle ne savait pas pourquoi son frère s'était ainsi habillé, mais il allait faire chavirer plus d'un cœur : jean bleu marine serrant, chaussure en daim couleur chocolat, un pull à large mailles gris perle et sa veste en cuir brun. Simple, élégant, chic, et surtout sexy au possible.
- Wow Alec ! Tu es canon ! J'en connais un qui va passer une très bonne soirée vu le joli pantalon serrant que tu as mis. Qui est l'heureux élu ? Oh, ne me dit pas que c'est Jace encore une fois ? S'enquit-elle d'un ton qui laissant transparaître autant de sincérité que d'ironie.
- Non ce n'est pas Jace et non je ne compte pas coucher ce soir. J'ai un rendez-vous et je compte bien être respectueux.
- Comment il s'appelle, dis moi tout je veux tout savoir ! Le pressa la directrice de la Troupe de l'Ange.
- Désolé mais je sais tenir ma langue, souffla Alec avec un clin d'œil en attrapant ses clefs. Bonne soirée, petite soeur ! Lança-t-il en quittant leur appartement.
Une fois dehors, le plus vieux soupira longuement pour reprendre ses esprits. Il n'était pas du genre à cacher des choses à sa sœur, mais Isabelle connaissait Magnus et au vu de la timidité du danseur, il était hors de question de la mettre dans la confidence de leurs rendez-vous, tout du moins pour le moment. Alec ne voulait pas que l'asiatique se sente oppressé ou même exposé. Non, il avait beaucoup plus de respect pour lui que ça. Inspirant profondément pour se calmer, le noiraud sortit une cigarette du paquet qu'il gardait en permanence dans sa poche et il l'alluma avant de la porter à ses lèvres dans un soupir de bonheur. Heureusement pour lui, il avait découvert à sa pause de midi que la galerie d'art n'était qu'à quinze minutes à pied de chez lui. Bien que le mois de décembre soit déjà entamé, le temps était plutôt clément ce soir-là, ce qui lui laissait tout le loisir de s'y rendre en prenant l'air, en se dégourdissant les jambes et en se grillant une cigarette bien mérité. Bien qu'il ait déjà fumer devant Magnus, notamment lors de leur rencontre à la Troupe de l'Ange, le noiraud préférait ne pas avoir à le faire pendant l'un de leur rendez-vous. Il fuma donc tranquillement et jeta son mégot un quart d'heure plus tard en arrivant devant la galerie. L'endroit ne payait pas de mine, calme au milieu d'une ville immense et trop bruyante, mais le noiraud réalisa que c'était un lieu parfait de rencard. Avant même qu'il n'ait eu à chercher Magnus des yeux, l'Indonésien fit son apparition devant lui comme l'aurait fait un magicien.
- Alexander ! S'enthousiasma-t-il en se tordant nerveusement les doigts. Tu es venu !
- Évidemment, sourit le plus vieux avec patience. Je te l'ai dit, je n'aurais manqué notre rendez-vous pour rien au monde. Comment tu vas ?
- Bien, maintenant que tu es là, avoua plus timidement le danseur. Viens, parrain est à l'intérieur, il faut que tu viennes lui dire bonjour et que je te montre les autres exposants !
Alec sourit comme un bienheureux sans pouvoir s'en empêcher et il suivit Magnus au milieu des divers exposants. Ils saluèrent Ragnor, discret mais remarquable dans la foule d'invités, et ils se balladèrent entres les différents étales, admirant les divers livres exposés et bavardant à voix basse au rythme de la musique de fond qui passait dans les enceintes, à peine audible pour créer une ambiance feutrée et douce. Les deux jeunes hommes se sentaient bien, heureux, et même, oserait dire Alec, amoureux. Magnus lui apparaissait comme un sorcier capable de l'ensorceler et de ravir son cœur. En réalité, le danseur ressemblait plutôt à un chaton perdu et terrorisé par la vie, mais ça le noiraud s'en fichait. Il n'avait jamais autant sourit que quand il était avec l'Indonésien. Même Jace n'avait pas cet effet aussi enivrant sur lui. Alors qu'il le regardait se pencher sur un ouvrage en particulier, l'ambulancier aperçut le collier autour du cou de son cadet et il décida de l'interroger à ce sujet.
- Oh ça, c'est un cadeau de Mama, sourit doucement l'Indonésien. Je l'ai eu pour mon anniversaire.
- Je n'ai jamais vu ta mère, souffla doucement Alec. Tu me la présenteras, un jour ?
- Elle...Elle était malade... Elle est partie quand j'étais petit..., avoua la plus jeune dans un soupir en touchant son collier du bout des doigts. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs d'elle, mais elle me manque beaucoup...
- Oh je...Je suis désolé, toutes mes condoléances...Et ton père ? Est-ce que lui va bien ?
Magnus se tendit inconsciemment, son cœur s'emballant dans sa poitrine. Instinctivement, ses yeux cherchèrent la silhouette de son parrain dans la foule, comme pour s'assurer que tout irait bien, qu'il n'était pas seul, et que le danger était écarté. Son Pembi veillait sur lui, pas vrai ? Il avait promis qu'il ne souffrirait plus jamais, que son père ne s'en prendrait plus jamais à eux. C'est comme s'il n'était plus là, d'une certaine manière.
- Il est mort aussi, souffla-t-il évasivement. C'est Pembi qui m'a élevé...Excuse moi...
Sous les yeux effarés d'Alec, l'asiatique s'éclipsa du bâtiment, les mains tremblantes. L'ambulancier le suivit pour retrouver son cadet assis sur un banc, les larmes aux yeux, se débattant pour démêler en vain les fils de ses écouteurs. Lorsqu'un sanglot déchirant lui échappa, le noiraud s'installa à ses côtés et lui prit délicatement les écouteurs des mains pour les démêler à sa place, avant de les glisser tout aussi doucement dans ses oreilles. Magnus trembla contre lui mais laissa le plus vieux l'isoler dans sa bulle pour lui permettre de retrouver ses esprits. Le plus jeune prit le temps d'écouter le silence avec patience et, au bout de longues minutes, il retira l'un de ses deux écouteurs, se protégeant tout d emême toujours avec l'autre.
- Je suis désolé...
- Ne le sois pas, le rassura Alec. Ce sont des choses qui arrivent. Est-ce que tu veux m'en parler ? Tu n'es pas obligé, évidemment, mais je pourrais savoir comment réagir lorsque tu en as besoin.
- J'ai...une hypersensibilité sensorielle, surtout auditive, et émotionnelle..., avoua le plus jeune en baissant les yeux. Et je souffre de TDAH...Je...
- Je connais..., mon petit frère était comme ça aussi...Alors le contact te déplait ?
- Il faut d'abord que j'ai confiance en la personne pour réellement accepter le contact, expliqua le danseur.
- Et tu as confiance en moi ? S'enquit Alec en douceur.
Lentement, comme une réponse muette, Magnus posa timidement sa main sur celle de son aîné, signe que oui, il avait confiance. Alec sentit son coeur faire un bon en avant dans sa poitrine et, à son tour, prouva sa confiance à l'Indonésien en posant délicatement ses lèvres sur les siennes pour l'embrasser avec la plus pure des tendresses. Dans l'esprit de Magnus, l'angoisse s'était tarie, la petite flamme de l'amour devenue feu d'artifice. Il était en train de vivre son premier baiser, et par n'importe lequel : un premier baiser avec Alexander Lightwood.
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