|-Chapitre 87-|

_.Chapitre 87._

Je ne sais même pas quel jour nous sommes, nous sommes fin janvier mais le jour c'est une autre histoire. J'ai l'impression de vivre en décalage, de vivre littéralement hors du temps mais il y a bien une chose que j'aimerai faire c'est retourner chez moi, revoir mon père, ma mère.

Le cuisinier nous a expliqué qu'il essaye de prendre contact avec ma mère depuis déjà quelques jours mais qu'il n'y a aucun retour de sa part.

Je pourrais tout simplement l'appeler ou aller la voir mais c'est beaucoup trop dangereux, la garantie que tout se passe bien est la discrétion.

Nous sommes tous entassés dans une petite pièce, tous les soirs c'est impossible de dormir à cause des clients du bar au rez de chaussée qui crient toute la nuit.

J'essaye de penser de moins en moins à Grant mais chaque soir je refais le même cauchemar, je me revois le téléphone collé à l'oreille puis j'entends le coup de feu ainsi qu'un silence qui suit.

J'essaye de me persuader que c'est une épreuve à passer mais j'ai l'impression qu'il manque une partie de moi, c'était une personne formidable et tout comme Carl, il ne méritait pas de mourir, je me rappelle les nombreuses fois où j'ai été exécrable avec lui, il était un ange avec moi, c'était une belle personne et il est parti avant que je ne puisse lui dire au revoir.

Il a fait tant pour moi et ça me rend malade d'être devenu dépendante à ce point d'une personne, mais c'est Grant, alors c'est logique.

— Je peux te parler en privée ? Me demande Ethan qui ne m'a pratiquement pas parlé depuis notre arrivée.

Je me demande comment il fait pour tenir le coup malgré la mort de son meilleur ami.

J'enjambe les matelas par terre puis nous nous isolons dans le couloir vide, Ethan ferme la porte derrière lui puis se tourne vers moi avec une expression sérieuse sur son visage.

— Tu as eu des nouvelles de Grant ? Me demande-t-il.
Je fronce les sourcils, il n'est pas au courant ?

Pourtant il était là quand je l'ai su, j'admets que je n'étais pas très clair mais je pensais qu'il aurait compris le message.

Je regarde avec du mal son regard innocent, ne se doutant pas un seul instant de ce que à quoi j'ai assisté.

Je déglutis puis secoue la tête négativement, refusant de dire à voix haute la vérité.

Ma respiration s'accélère alors que je me bats pour éviter que mes larmes franchissent la barrière de mes yeux.

Je baisse ma tête et respire avec plus de mal alors qu'Ethan pose sa main sur mon épaule pour essayer de me réconforter mais c'est le geste de trop.

Tout le monde m'a toujours laissé une deuxième chance, tout le monde a été gentil avec moi mais lui, lui il n'a jamais rien fait de mal et il meurt sans raison.

Il ne méritait pas, il n'avait pas le droit.

— Avery ? Me répète Ethan inquiet.

Je ferme les yeux, une colère incohérente s'immisçant en moi.

Je relève brusquement la tête alors qu'il s'apprête à répéter mon nom puis lâche agressivement :

— Il est mort ! Il est mort putain.

Le regard d'Ethan se voile puis il fronce les sourcils en secouant sa tête à son tour.

Il s'apprête à me dire autre chose mais je le repousse puis dévale les escaliers quatre à quatre en ignorant les cris d'Ethan.

Peu importe ce qu'il comptait me dire, je ne peux pas revenir.

Je croise le cuisinier qui est en train de donner les directives à ses employés, il me dévisage quand il m'aperçoit.

— Je vais prendre l'air, lui dis-je brièvement avant de pousser la porte en verre puis d'enfin apercevoir le soleil couchant qui éclaire les rues.

Je frissonne légèrement mais cela ne m'empêche pas de continuer de marcher.

J'essuie rapidement mes larmes et renifle essayant de faire le vide dans ma tête.

Le dire à voix haute était atroce, j'ai l'impression d'avoir touché le fond et pourtant la douleur ne fait monter que crescendo.

Mon cœur se serre quand deux enfants me bousculent, riant à gorge déployés ne se souciant peu des souvenirs de la vie.

J'aurais aimé redevenir une enfant, être naïve et ne pas réellement comprendre les choses, se reposer sur ses parents qui vont nous rendre la vie plus facile.

Plus on grandit et plus on se rend compte à quel point la vie n'a rien d'un conte de fée, ou d'un film Disney, c'est dangereux, violent, c'est comme une arme, on peut se défendre avec et pourtant on peut se blesser aussi en même temps.

Il n'y a pas de juste milieu, et je pense que la différence entre un enfant et un adulte est tout simplement le rêve, un enfant rêve et un adulte vit.

On critique ceux qui sont immature à partir d'un certain âge sans savoir qu'en réalité ce sont les plus heureux, l'immaturité relève d'un monde imaginaire, un refus de se rattacher à la réalité et on a beau vouloir les dénigrer, ce sont les plus heureux, ils ont un pied dans la réalité et un autre dans l'imaginaire, un juste milieu permettant de ne pas perdre l'équilibre et de vivre sans avoir peur de la triste réalité.

Quand le soleil a totalement disparu, je fais demi-tour et reprends le chemin du retour, je ne connais pas cette ville, elle est réputée pour être très grande mais je crois qu'en un sens toutes les aventures à cause de la Wesley Game m'a permis d'acquérir un sens de l'orientation plus développé et un instinct de survie beaucoup plus pointu.

L'enseigne du bar est éclairé mais je suis surprise de ne voir aucun client lorsque je rentre à l'intérieur.

Je croise une affiche qui indique les horaires et je comprends alors que nous sommes lundi et qu'il est fermé.

Je remonte les marches et décide de m'enfermer dans la salle de bain, ne voulant pas croiser Ethan et voulant passer une nuit seule.

Je m'installe dans la baignoire et repose ma tête contre le rebord puis ferme les yeux.

Soudain un bruit de marteau résonne.

Je serre les dents et soupire alors que la baignoire commence à vibrer.

Cela vient d'en bas, pourtant quand j'étais au bar personne n'y était.

J'essaye d'ignorer ce détail et les bruits finissent enfin par s'arrêter mais il recommence une dizaine de minutes plus tard.

Ma patience ayant des limites, je sors de la baignoire et descends rapidement les escaliers, prête à crier sur la personne qui ose faire du bruit à une heure pareille !

Les bruits de l'escalier qui grince alerte la personne de mon arrivée et elle arrête enfin de frapper contre le mur.

Une silhouette se tourne vers moi et je me fige quand mon regard rencontre le sien.

Je reste figée et muette ne sachant quoi dire.

Mes yeux se remplissent de larme, mes nerfs à vifs dû à la situation actuelle.

Il me sourit progressivement et mon corps se réchauffe alors que je lutte pour ne pas pleurer.

Différents sentiments se mêlent dans ma tête mais le soulagement et la confusion sont en tête de liste.

Je commence à trembler et quand il fait un pas vers moi, le coup de feu retentit dans ma tête.

J'ai eu si peur.

Automatiquement mes jambes se mettent à courir et je me blottis contre son corps.

Il entoure mon corps de ses bras et je ferme les yeux, laissant enfin couler les larmes contre mes joues, libérant toute la peur, l'angoisse, la colère, la tristesse.

Il est là et je n'arrive pas à y croire, la chaleur de son corps fait battre mon cœur plus vite et il n'a pas l'air de comprendre pourquoi je suis dans cet état.

Mais une chose est sûre, personne a part lui ne peut me rendre folle à ce point.

Je me sens si faible, il est devenu indispensable à ma vie et peu importe ce qu'il sait passer, j'ai encore plus peur en sachant qu'un jour il partira vraiment, et que cette fois-ci il ne reviendra pas.

— A peine arrivé et vous me faites déjà travaillé ! S'exclame-t-il quand le cuisinier revient avec des nouveaux tableaux à accrocher au mur.

Lorsque j'entends sa voix, je me sens rassurée.

Je ne le lâche pas pour autant et je me rends compte que je me suis rendue malade juste pour lui, cela fait du bien de pouvoir relâcher la pression et je ne sais pas comment j'aurais fait si je venais à croiser la route de sa tombe.

Il baisse enfin sa tête vers moi quand le cuisinier quitte enfin la pièce puis relève doucement mon visage à l'aide de mon menton.

J'esquisse un faible sourire et il se penche pour déposer un simple baiser sur ma joue.

— Qu'est ce qui ne va pas ? Me demande-t-il en fronçant les sourcils.

— J'ai cru que tu étais parti, avec le coup de feu, lui dis-je.

Son sourire s'évanouit un peu mais il ne le perd pas pour autant.

— Que s'est-il passé ? Lui demandais-je.

— Pas maintenant Avery, me dit-il en caressant ma joue.

Je fronce les sourcils, devenant de plus en plus inquiète.

J'étais si heureuse qu'il soit vivant que je n'ai pas réalisé qu'il était étrange.

Il me traite comme une enfant, comme si je ne pouvais pas comprendre ce qu'il se passait derrière ses murs.

— Grant, ça va ? Lui demandais-je en le regardant.

Il reprend son sourire mais cette fois-ci j'arrive facilement à discerner le vrai du faux.

Il comprend que je ne suis pas dupe mais heureusement pour lui Ethan arrive.

Je baisse un peu la tête en me remémorant ma scène de toute à l'heure, ça se trouve Ethan voulait simplement me dire que Grant était en vie et je suis partie me morfondre dans mon coin à la place.

— Heureusement que tu es rentré ! Elle commençait littéralement à péter les plombs, se moque Ethan en m'adressant un clin d'œil mais je suis trop préoccupée par les questions qui fusent dans ma tête pour répondre quoi que ce soit.

Je décide de les laisser pour retourner dans la baignoire, pourquoi la directrice l'a-t-elle laissé partir en plein milieu de l'année ? Que s'est-t-il passé après ce coup de fil ?

Des questions sans réponses qui ne me rassurent pas.

L'histoire va sûrement se terminer durant les vacances ♥

Prochain chapitre : Mercredi ou Jeudi

Le retour de Grant 

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