_.Chapitre 78._

Je me retourne une dernière fois pour admirer l'énorme édifice de la Wesley School alors que la plupart des rescapés sont pratiquement en train de prendre leurs jambes à leurs cous.

Nous avons attendu que la Lune remplace le Soleil pendant que Grant s'occupait de la directrice pour traverser le jardin et sortir enfin.

Des élèves nous ont peut-être vus à travers leur fenêtre mais en réalité maintenant que j'ai traversé le portail, je n'en ai plus rien à faire.

Devant Jessica mène la marche alors qu'Ethan est à côté d'elle, en jetant des regards menaçants aux patrouilleurs enchainés.

Je n'ai même pas eu le temps de dire au revoir à Grant avant de partir, il était déjà partie faire diversion et finalement c'est peut-être mieux ainsi.

Qui sait, peut-être que c'était la dernière fois que je le voyais et j'espère vraiment que la directrice ne lui fera rien.

Je sais que Jessica va retourner à l'école et donc ils seront deux pour se défendre mais la directrice est si imprévisible qu'il faut toujours couvrir ses arrières.

Nous sommes en plein mois de Janvier, alors que le vent me fait frissonner et me fait regretter les bonnes couvertures bien chaudes, je réalise soudainement que je n'ai même pas pu profiter du nouvel an.

Pas que je prenne cela très à cœur mais c'est la première fois que j'ai loupé ce moment.

Je n'ai aucune idée de quel jour cela s'est passé, peut-être celui où John m'a donné ma gamelle pour chien, je ne sais pas.

Est-ce que mes parents sont tristes ? Est-ce qu'ils pensent que je suis morte ?

Mon côté hypocrite se réjouit de voir que ma mère souffre, enfin j'espère qu'elle est touchée par la disparition de sa fille.

Mais je trouve cela répugnant qu'il faut que je meure pour qu'elle daigne sortir sa tête de son travail pour se tourner vers sa famille.

Enfin tout cela est simplement hypothétique mais je ne doute pas que s'ils ont appris ma mort ce soit la situation dans laquelle ils sont.

Je ne sais pas si j'aurais l'occasion d'aller les voir, ni si j'aurais envie de leur dire que je suis vivante.

Peut-être qu'il faut mieux que je reste morte parce qu'en réalité, je le suis, la fille est entrée dans cette école n'existe plus et je ne sais pas s'ils seraient capable de s'adapter à ce que je suis devenue.

— Tu penses à quoi ? Me demande soudainement Ginny, me sortant de mes pensées.

— Mes parents, répondais-je doucement.

— Je pense beaucoup à eux aussi, ils me manquent, m'avoue-t-elle.

Je tourne ma tête vers elle.

— Je les ai vus, lui dis-je.

Une petite étincelle s'allume dans son regard, comme si elle m'incitait à lui expliquer, sûrement pour pouvoir s'imaginer la scène et faire comme si elle était présente.

— C'était peu de temps après ta disparition, les parents sont tous venus nous voir et j'ai vu la directrice les prendre à part pour leur parler. C'est sûrement là qu'elle a dû leur annoncer la nouvelle, lui dis-je.

En entendant la fin de mon récit, elle baisse la tête.

— Oh, donc maintenant il existe une tombe avec mon nom dessus, constate Ginny.

Je pose ma main sur son épaule pour essayer de lui montrer ma compassion ce qui me surprend moi-même.

Avant je ne pouvais pas voir en peinture cette fille et maintenant me voilà à lui tendre mon épaule pour qu'elle puisse pleurer dessus.

Je pense que c'est le fait d'avoir partagé la même expérience qui nous a sans doute tous liés involontairement.

Le groupe s'arrête et c'est Jessica qui prend la parole.

— On est sûrement encore à deux heures de marches, je vais vous laisser ici parce que sinon je ne pourrais pas rentrer à temps avant le levée du soleil, vous devez obéir à Ethan, il va vous emmener chez la personne qui lui sauvé la vie donc tachez d'être respectueux et reconnaissant, nous informe-t-elle.

Je me suis toujours demandé à quoi ressembleraient nos adieux avec Jessica et Grant, du côté de Jessica on a simplement l'impression que c'est une monitrice qui dirige un camp de vacances.

Je crois d'ailleurs que Jessica est une parfaite représentation de la personne que j'étais avant d'entrer dans cette école.

C'est sûrement pour ça que je l'admire, je ne pensais pas un jour éprouver une telle chose pour quelqu'un, admettre qu'il existe une personne qui m'impressionne et pourtant si, Jessica.

Quand elle passe devant moi, elle me fait un signe de tête accompagnée d'un sourire et tout le monde la regarde s'évanouir sous la brume.

Ethan frappe des mains pour regagner notre attention puis nous reprenons notre marche.

Je suis plutôt soulagée qu'il n'y ait personne qui se soit rebellée dans le groupe.

De toute façon la seule personne capable de cela est Peter, et aux dernières nouvelles il dort confortablement dans son lit sûrement en train de rêver de sa petite amie Caillie.

Je grimace en visualisant une image de ses deux personnes.

Ils ne vont pas me manquer.

Je baisse mon regard sur le sac plastique que j'ai dans la main.

Tout le monde en a un comme ça, c'est le cuisinier qui nous les a donnés, il y a des provisions pour les prochains jours et Ethan possède un téléphone jetable pour communiquer avec Grant mais je doute que dans la forêt il va recevoir un signal, du réseau.

Une fille avec un sourire éblouissant ralentit pour arriver à notre hauteur et quand son regard se pose sur moi, je la reconnais immédiatement.

C'est Rachel, elle était chargée de décorer le sapin de Noël avec moi.

— Avery, c'est ça ? Me demande-t-elle.

Je hoche la tête et elle se tourne vers Ginny pour lui demander son prénom.

Alors que je fixe plus ou moins discrètement, je remarque une cicatrice qui prend naissance sur sa nuque pour s'étendre jusqu'à son dos mais le reste est caché par ses vêtements.

Je me surprends à éprouver de la pitié pour elle, je me rends compte que je suis de plus en plus émotive ses derniers temps et cela commence un peu à m'effrayer.

Si cela continue ainsi je vais aller torturer un des patrouilleurs histoire de diminuer ma compassion et toutes ses émotions qui ressortent sans cesse.

Je décide de laisser les filles qui ont trouvé un sujet de discussion à propos de chaussures je crois, pour rejoindre Ethan devant.

Quand il m'aperçoit, il me fait un sourire avant de reporter son attention sur la route.

Les minutes s'écoulent et la route goudronnée se transforme en sentier battue alors que les arbres se font de plus en plus nombreux autour de nous.

De plus en plus de personnes commencent à se plaindre d'avoir mal au pied et d'être fatigué.

Mais un long grognement fait taire tout le monde en quelques secondes.

Des bruits de pas, de branches écrasés et de respirations nous parviennent alors que tout le monde est figé et n'ose même plus prendre une bouffée d'oxygène.

Je jette un regard paniqué à Ethan qui commence doucement à bouger pour nous faire signe de tous marcher en direction du gros rocher derrière nous.

La cadence de nos pas commence à s'accélérer alors que la bête qui semble être un ours s'approche de nous mais n'est pas encore dans notre champ de vision.

Il n'y a que le conseil pour mettre des ours en plein milieu d'une île dans la manche.

Même si la température extérieure n'est pas très haute, j'ai l'impression d'avoir un four à charbon qui me fait bouillir de l'intérieur.

Alors que nous sommes tous collés, le dos contre le rocher, Ethan pose son sac à dos pour sortir un fusil puis le charge sans soucier du bruit ni de la panique qui englobe tous les élèves.

J'essaye de paraître naturel comme si cette situation est tout à fait normal mais en réalité, je suis loin d'être sereine, j'espère réellement que nous ne nous sommes pas donnés autant de mal pour finir manger par un ours.

Chapitre avec beaucoup de blabla mais j'espère qu'il vous plait quand même ♥