Chapitre 22

 Trois jours étaient passés depuis que Wendy avait révélé à ses amis ses craintes à propos de l'empereur et qu'ils l'avaient convaincue de ne pas tirer de conclusion trop hâtive. Pendant ces trois jours, chacun avait cherché à réunir des indices qui pouvaient confirmer ou infirmer la théorie selon laquelle le futur empereur serait en réalité le tout premier des dragons, Filloré.

Ils se devaient malgré tout de rester discret et de ne pas attirer l'attention. Si la lutalicienne avait pensé à en parler au roi et à la reine de Trémiss, les doutes qui l'habitaient à présent l'en empêchaient. Quel incident diplomatique allait-elle provoquer si elle se trompait ? Qui allait la croire de toute façon à part ses amis ? Elle risquait plus de passer pour une folle qu'autre chose.

Pendant leurs investigations, les adolescents se rendirent compte qu'il était impossible d'aller où que ce soit sans croiser quelqu'un. Avec le nombre de délégation, le palais d'Istram grouillait de monde ce qui compliquait la recherche et la réunion de preuves matérielles.

Se rendant compte de cela, ils avaient rapidement changé de méthode et s'étaient adressés aux Istramiens. Qu'importe qui ils étaient, nobles, serviteurs libre ou même esclaves, tous y passaient. Les questions qu'ils posaient étaient certes toutes centrées sur le futur empereur, mais aussi très diverses pour ne pas trop attirer l'attention.

Pour tous ceux extérieur à leur groupe, ils n'étaient que de jeunes gens que sa vision avait inspiré et qui voulaient véritablement en apprendre plus. Les esclaves louèrent sa gentillesse. S'il exigeait d'eux que leur travail soit à la hauteur du lieu qu'ils devaient tenir, ils disaient tous aussi qu'il était le maître le plus juste qu'ils n'aient jamais eu. Aucune punition physique, de meilleurs repas, de plus longs temps de pause, voilà tout ce qu'il leur avait apporté en si peu de temps.

Ana était celle qui avait le plus contribué à obtenir ces informations. Wendy les comprenait plus que quiconque parmi ses amis, mais la princesse avait un véritable don pour faire oublier son titre et faire en sorte que les personnes autour ouvrent leur cœur. Preuve en était de le qualifier de meilleur maître qu'ils aient eu. Que le précédent ait été un véritable tyran n'avait aucune importance, ce genre de chose ne se disait normalement pas vu que cela signifiait qu'un esclave portait un jugement sur une personne libre.

Les serviteurs libres furent aussi approchés par Ana, mais ce fut le franc parlé d'Elisabeth qui leur délia la langue. Eux parlèrent de la reconnaissance dans leur travail, de l'intérêt qu'il leur portait et de l'écoute dont il était prêt à faire preuve, même pour les petits problèmes qu'eux-mêmes jugeaient insignifiants.

Enzo et Wendy s'étaient, de leur côté, chargés de la noblesse. La lutalicienne pensa au départ qu'il s'agirait des personnes les plus difficiles à aborder pour elle. Après tout, elle avait beau avoir un prince et une princesse pour amis, ce monde lui était en grande partie inconnu.

Elle se rendit cependant rapidement compte à quel point elle se trompait. Les quelques règles qu'elle avait apprises étaient plus que suffisantes et vu que son nom ainsi que celui d'Enzo était au moins autant sur les lèvres que celui de l'empereur, entamer la conversation s'avérait extrêmement aisé. En réalité, la prétendante se rendit compte qu'il était bien plus difficile dans cette situation d'y mettre un terme car, une fois lancés sur quelque chose, les nobles ne s'arrêtaient plus.

Cette population était celle qui était la plus à même de leur révéler des choses importantes, mais il y avait aussi un autre problème. La fiabilité de ces informations était discutable. Quand certains affirmaient le connaître depuis des années, d'autres disaient au contraire que personne ne le connaissait, qu'il était comme apparu de nulle part et avait gravis les échelons de la noblesse en un rien de temps jusqu'à arriver aux portes du pouvoir dans ce pays.

Pour Wendy, ceux qui disaient le connaître depuis longtemps étaient les menteurs qui souhaitaient simplement se donner de l'importance, mais elle savait aussi qu'elle était biaisée et apporterait toujours plus d'importance à ceux qui iraient dans le sens de sa théorie. Tous s'accordaient cependant sur les visions de grandeur qu'il avait pour le pays. Une prospérité qui, ils en étaient tous certains, leur profiterait bien évidemment... à condition qu'ils arrivent à bien se placer.

Ces nobles avaient les dents longues et ne s'en cachaient même pas. Même pour une personne extérieure à la noblesse, il lui était évident qu'ils se fichaient du pays, tant que eux pouvaient en tirer des profits. Ce nouvel empereur aurait très bien pu proposer d'entrer en guerre contre n'importe qui, ils auraient suivi avec le sourire et auraient tout fait pour obtenir des places de commandement, à l'abri loin des lignes de front, s'attribuant tout le mérite des victoires et rejetant la faute des défaites sur les soldats.

Enzo était celui qui les avait décrits ainsi lorsqu'ils avaient trouvé un moment pour faire le point ensemble. Il s'agissait du genre de noble que sa famille s'évertuait à écarter. Égoïstes et corrompus. Si le futur empereur n'était pas Filloré, il allait être très mal entouré et devrait recevoir du soutien extérieur pour que ses rêves de grandeur pour son pays ne restent pas uniquement des rêves à cause d'eux.

Agissant seul, Sixircun, lui, avait laissé traîner ses oreilles un peu partout en profitant que personne ne prêtait attention à lui. Il s'intéressait surtout aux conversations qu'avaient ceux qu'il sentait comme étant des adeptes de la magie. Sa découverte la plus importante fut d'apprendre que si le futur empereur était bel et bien un mage, personne jusque-là ne l'avait vu lancer le moindre sort.

Pour la lutalicienne et son familier qui vivaient dans une ville de mage qui usait de ces arcanes au quotidien pour la moindre petite tâche, il était presque devenu inconcevable de ne pas lancer de sort quand on en était capable. Elle-même, depuis le début de ce voyage en avait lancé des dizaines et des dizaines pour tout et n'importe quoi. Faciliter sa toilette lorsqu'ils campaient, garder à température une boisson chaude, s'éclairer dans le noir. Il s'agissait pour eux d'un outil de tous les jours.

Et pourtant, d'après Ana, elle faisait ici office d'exception. Il n'était pas rare, sur le continent, qu'une personne douée de magie, mais dont les fonctions n'en nécessitent pas s'en passent pendant un bon moment. La princesse prit pour exemple la duchesse Emvar. Elle avait beau être archimage et directrice de l'académie de magie du royaume, elle ne faisait presque jamais appel à ses pouvoirs, son rôle étant finalement presque intégralement administratif.

— Bon, Elisabeth, tu as une idée ? Questionna Wendy après ces trois jours et une fois tous les éléments résumés.

— Pourquoi moi ?

— Parce que c'est toi qui disais que tes parents t'avaient tout appris sur comment mener une enquête, répondit Enzo avec un haussement d'épaule.

— Tout ce que je sais, c'est que là nous n'avons rien contre lui. La seule chose vraiment étrange, ce serait qu'il est apparu d'on ne sait où récemment, mais on ne peut pas se fier à cette information et ça reste très léger pour affirmer qu'il est Filloré.

— Alors on fait quoi ? Demanda la princesse.

— Vous pensez que je devrais utiliser ma bague ? Senca n'a pas senti Filloré quand il était dans son palais, mais peut-être que Akashi pourra le savoir si elle le voit.

— Si on part sur de l'aide extérieure, autant faire appel à Scyllia. Vu qu'elle voit les âmes, ça sera vite réglé, ajouta Elisabeth.

— Non, contredit Enzo. Dans le cas où ça n'est pas lui, tout le monde va se demander pourquoi Akashi ou Scyllia sont là. Et dans le cas où il s'agit véritablement de Filloré, il les sentira arriver et cela pourrait s'avérer dangereux pour tout le monde.

Prenant sa tête dans ses mains, Wendy soupira tout en cherchant une nouvelle solution. Comment prouver que l'empereur était Filloré ? Pour elle, le principal indice restait la magie lutalicienne, mais elle ne pouvait décemment pas lui demander de lancer un sort sans que ça n'attire l'attention !

— On a qu'a fouiller dans ses affaires, proposa Sixircun.

— Bien sûr. On va tous se rendre dans ses appartements, les mettre sans dessus-dessous et ressortir. Simple et efficace... Pour se faire prendre. Je te rappelle qu'on ne peut pas faire un pas dans ce palais sans tomber sur quelqu'un !

— Le sort d'invisibilité n'est pas spécialement compliqué à lancer pour toi. En tout cas, tu n'avais pas l'air de peiner à le faire avec Fréone quand c'était pour faire une blague aux autres.

— Je vous arrête tout de suite, prévint Enzo. Tous les lieux importants ont des protections et dans ce genre de palais, l'invisibilité est tout en haut de la liste des sorts qui ne fonctionneront pas.

— Sauf que cette protection n'agit que sur l'invisibilité qu'on apprend sur le continent, nuança Ana. S'il y a un équivalent lutalicien alors...

— Il n'y en a pas, souffla Wendy. Ou du moins, s'il existe, je ne le connais pas. Les lutaliciens cherchent le côté pratique dans la magie et l'invisibilité, dans la vie de tous les jours, ça ne leur sert pas à grand-chose.

— Bon, pas de magie alors... céda Sixircun.

À court de nouveaux moyens d'enquêter sur le futur empereur, le groupe resta silencieux un moment à réfléchir. Malgré ce qu'ils s'étaient dits au départ, tout cela commençait à devenir trop difficile pour eux. Peut-être que l'intervention d'adultes pouvait les aider... D'adulte...

— Et si... Et si on demandait des conseils à ta mère ? Proposa Wendy en se tournant vers Elisabeth. En lui posant des questions de manière détournée, elle pourrait nous donner des conseils sur la marche à suivre.

— Mauvaise idée, grimaça la garde du corps. Je la connais, elle va sentir qu'on manigance quelque chose, nous enfermer quelque part avec elle et ne nous laissera pas sortir tant qu'elle ne connaîtra pas toute l'histoire.

— Et elle ira ensuite tout raconter à mes parents, ajouta Enzo. Ce sera le même scénario avec n'importe qui capable de nous aider.

— Et si cette personne est extérieure à Trémiss ? Comme le cousin de Scyllia ? Tenta tout de même la lutalicienne.

— Non, il n'est pas de Trémiss, mais il reste bien trop proche de mes parents et jugera qu'il faut leur en parler.

— J'ai trouvé ! S'exclama Ana qui ne semblait pas les avoir écoutés jusque-là. Quelqu'un va pouvoir s'introduire dans ses appartements et y chercher des preuves !

— On en a déjà parlé, ça ne va pas être...

— Notre problème est qu'il y a trop de monde au palais, mais il y a un moment où ça ne sera pas le cas. Ou en tout cas, un moment où ils seront tous réunis au même endroit.

— Le sacre ? Devina son frère. C'est vrai que tout le monde sera réuni au même endroit, mais on ne va pas pouvoir nous absenter de toute la cérémonie.

— Mais non, imbécile ! Pas le sacre. Le bal !

— Le bal ? Quel bal ? S'étonna Wendy.

— Celui qui aura lieu dans deux jours, juste avant le sacre, répondit la princesse.

En un instant, la préoccupation de premier ordre qu'était l'identité de l'empereur s'éclipsa pour laisser place à une autre infiniment plus futile dans l'esprit de Wendy. Personne ne l'avait prévenue qu'il y aurait un bal ! Elle avait certes prévu une robe un peu plus spéciale et apprêtée pour le jour du sacre, mais elle restait solennelle, loin des tenues qui étaient portées lors de ce genre d'événement ! Un bal allait donc se tenir dans deux jours et elle n'avait absolument rien à se mettre.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Ana en voyant l'expression de son amie.

— Dis Elisabeth... Tu n'aurais pas une robe supplémentaire par hasard pour le bal ? Demanda-t-elle profondément gênée.

— On cherche à démasquer un dragon qui veut contrôler le monde et tu t'inquiètes pour une robe ? S'étonna Sixircun.

— Une robe supplémentaire ? Je n'en ai même pas une pour moi. Je porterai mon armure, comme d'habitude.

— Attends, tu n'as vraiment rien à te mettre ? S'inquiéta la princesse, faisant elle aussi passer leur enquête au second plan.

— Non mais, vraiment ?! S'entêta Sixircun.

— Vous les garçons, vous ne pouvez pas comprendre quel problème capital elle a. Dehors tous les deux ! Vous n'avez qu'à retourner enquêter !

— Mais je n'ai rien dit ! Protesta Enzo.

— Dehors ! Ordonna sèchement sa sœur.

Sachant très bien que sa sœur ne pourrait pas être raisonnée, Enzo prit Sixircun par le bras et l'emmena à l'extérieur de la chambre. Wendy entendit la mange-magie continuer à protester dans le couloir et elle le comprenait parfaitement. Elle-même n'arrivait pas à se dire qu'elle venait de mettre en pause quelque chose d'aussi important pour une simple histoire de robe.

— Il faut absolument te trouver quelque chose. Le problème est qu'Elisabeth est la seule de ta taille de toute la délégation. Tant pis, sortons pour aller t'en acheter une !

— Ana, souffla sa garde du corps. Ça se voit que tu es une vraie princesse.

— Quoi ? Comment ça ?

— Les artisans viennent à toi en connaissant déjà tes mesures qui leur ont été transmises bien avant, ce qui fait qu'ils n'ont que quelques retouches à faire. Tu as donc l'impression qu'il suffit de l'acheter et le tour est joué, mais pour le commun des mortels, ce genre de chose prend bien plus de deux jours ! Les robes de bal sont faites sur commande. Ce ne sont pas des habits de tous les jours.

— Et vu l'animosité des habitants envers Trémiss, ça m'étonnerait que l'on nous laisse sortir du palais, ajouta la lutalicienne. Ça n'est pas grave, je mettrais celle que j'avais prévue pour le sacre et...

— Non, non et non ! Avec cette histoire de fiançailles qui tourne depuis des jours, tu vas être autant le centre de l'attention que l'empereur lui-même ! Tu te dois d'être la plus belle !

Pourquoi en avait-elle parlé, regretta Wendy. Si elle avait su qu'Ana s'impliquerait autant et avec de telles exigences, jamais elle n'aurait parlé de ce problème. Surtout qu'après avoir passé des années à Lutalica où la beauté des vêtements n'avait aucune importance, elle-même ne voyait pas pourquoi elle en faisait toute une histoire. Tout ce qu'elle voulait était de se fondre dans la masse, pas d'attirer l'attention. D'ailleurs...

— Non, justement. Je ne dois pas être la plus belle. Je dois passer assez inaperçu pour que l'on ne remarque pas mon absence quand j'irai fouiller les appartements de l'empereur.

Son argument se tenait et Ana n'avait absolument rien à répondre à ça. Pourtant, Wendy pouvait voir l'immense déception dans son regard. La princesse donnait presque l'impression qu'elle était sur le point de pleurer pour quelque chose d'aussi futile.

— Robe la plus ravissante ou non, il te faut quand même quelque chose, trancha Elisabeth. Tu te feras tout autant remarquer si ce que tu portes n'est pas approprié et il en est de même si tu ne viens pas du tout. Les gens vont se poser des questions. Comme l'a dit Ana, avec cette histoire de fiançailles, tu vas être le centre de l'attention.

— Vous n'aurez qu'à dire que je ne me sens pas bien.

— Trop risqué, refusa Ana. Si ça arrive aux oreilles de dame Elisabeth, elle viendra voir si elle ne peut pas te soigner.

À peine avait-elle terminé sa phrase que la porte de sa chambre s'ouvrit sans que personne ne se soit annoncé. Toutes les trois se retournèrent immédiatement et ne purent cacher leur étonnement ainsi qu'un air coupable caractéristique des enfants venant de se faire prendre en train de prévoir une bêtise.

— Je n'ai pas bien compris. Qu'est-ce que je vais faire si quoi arrive à mes oreilles ? Questionna la duchesse, les bras croisés.

Le cœur de Wendy s'emballa d'un seul coup. Depuis quand les écoutait-elle ? Vu que Sixircun et Enzo avaient pu sortir sans la croiser, elle ne devait pas avoir suivi la discussion qui concernait leur enquête, mais elle-même venait d'évoquer son intention de partir au beau milieu du bal pour faire quelque chose. Rien que ça, pour une personne aussi intelligente que la directrice de l'académie, pouvait la rendre suspicieuse.

— Wendy n'avait pas prévu qu'il y aurait un bal et n'a rien à se mettre ! S'exclama Ana comme s'il s'agissait d'une véritable tragédie.

Alors qu'un silence pesant s'était installé dans la chambre, la duchesse arqua un sourcil. Elle en avait entendu bien plus, c'était certain ! Se dit Wendy. Cette expression voulait sans aucun doute dire qu'elle savait qu'il y avait autre chose et que cette histoire de robe n'était pas le sujet le plus important.

Devait-elle tout lui dire ? Avec ses connaissances, peut-être pourrait-elle leur permettre d'avoir une réponse rapidement, mais comme ils se l'étaient dit, faire appel à elle leur faisait courir le risque d'impliquer le roi et la reine alors qu'ils n'étaient même pas sûr que l'empereur était bel et bien Filloré.

— Suivez-moi, ordonna-t-elle tout en tournant les talons.

Pensant avoir été démasquées, le trois filles emboîtèrent le pas de la duchesse sans vraiment savoir ce qui les attendait. Elle ne les emmena pas très loin, à seulement quelques portes de la chambre où elles discutaient, et l'ouvrit avant de les inviter à entrer.

Contrairement au couple royal qui avait le droit à une véritable suite, la duchesse et son mari n'avaient pour eux qu'une chambre, mais celle-ci restait spacieuse et avec tout le confort nécessaire pour que des invités de leur rang se sentent à l'aise.

La directrice se dirigea dans un coin où étaient alignées une bonne dizaine de valises. Elle et son mari ne voyageaient pas léger, mais c'était aussi tout à fait compréhensible. Toute la délégation avait fait la même chose vu qu'ils étaient venus par la route et non par magie.

Après avoir sorti l'une d'elles, Elisabeth la porta jusqu'au lit et l'ouvrit pour découvrir qu'elle était entièrement remplie de robes en tout genre parfaites pour des occasions comme les bals. La directrice prit la première de la pile, la déplia et la plaça devant Wendy, lui montrant ainsi qu'elle était à sa taille.

— Pourquoi avoir emmené tout ça ? Demanda la garde du corps.

— En prévision de ce moment, répondit-elle. Je me doutais que Wendy rencontrerait ce genre de problème. J'ai donc réuni quelques robes qui appartenaient à Lise et Scyllia quand elles avaient ton âge, au cas où. Si tu ne trouves pas ton bonheur ici, va demander à Céline.

— À maman ? S'étonna Ana.

— Elle a eu la même idée que moi. Certaines lui appartenaient, d'autres étaient aussi à Scyllia.

— Pourquoi il y a des affaires à Scyllia partout ? demanda Wendy.

— Parce que c'est moi qui l'ai recueillie à la mort de ses parents, mais qu'elle était aussi la pupille de Lucas. Elle avait à peu près votre âge quand Céline est devenue reine et à ce moment là, son petit jeu était de trouver comment habiller Scyllia pour la prochaine réception.

— Elle était en quelque sorte la poupée de la reine ? S'esclaffa la jeune Elisabeth.

— On peut dire ça, rit la duchesse. Se voir offrir autant de choses la gênait vu qu'elle n'a jamais été très matérialiste, mais elle ne disait rien parce qu'elle voyait que ça faisait plaisir à ta mère et lui permettait de penser un peu à autre chose que son nouveau rôle de reine.

Comme s'il s'était agi d'un cadeau fait à elle, Ana se mit à fouiller dans la valise avec un large sourire, oubliant totalement l'enquête et les demandes de Wendy de porter quelque chose lui permettant de se fondre dans la masse.

Même sa garde du corps ne put résister à l'attrait de si belles pièces qui, même si elles avaient été créées avant leur naissance, paraissaient ne jamais avoir été portées.

— Elisabeth, choisis-en une aussi, décida la directrice.

— Hein ? Mais moi...

— Toi tu es encore une jeune fille qui a le droit de profiter un peu de ce genre d'événement, trancha-t-elle. Il y aura bien assez de gardes pour la sécurité d'Ana pendant le bal. Je vais aller en parler au capitaine. S'il y a besoin de faire des retouches, appelez-moi.

Vu l'intonation de la duchesse, la jeune Elisabeth serait relevée de ses fonctions pour la durée du bal. Ni elle, ni le capitaine n'auraient leur mot à dire.

La directrice allait pour les laisser seules dans sa chambre lorsqu'elle s'arrêta sur le pas de la porte qu'elle avait déjà entreouverte.

— Au fait, quoi que vous maniganciez vous et les garçons, ne faites rien de dangereux, d'accord ?

— Hein ? Mais... On ne manigance rien ! Se défendit la princesse.

— Jeune fille, j'ai élevé Scyllia, j'ai été l'enseignante de Zoé et mon meilleur ami était Enzo Lars, la calamité ambulante. Je sens à des lieux à la ronde quand des personnes préparent en cachette quelque chose de dangereux, d'incroyablement stupide ou les deux à la fois. Je peux vous assurer que vous êtes toutes des novices dans ce domaine. Vous n'êtes pas discrètes, je vous ai vu parler à absolument toutes les personnes que vous croisez ces derniers jours et vous réunir ensuite. C'est extrêmement suspect. Je vous laisse jusqu'à demain pour tout me dire avant que je ne commence à employer des méthodes qui vont certainement vous déplaire, mais qui ont fait leurs preuves.

L'avertissement donné, la duchesse sortit de sa chambre et referma derrière elle pour les laisser seules. Wendy était sous le choc, totalement désemparée et ne savait pas comment réagir face à ce qu'elle venait d'entendre.

— Elle est vraiment trop forte, commenta la jeune Elisabeth tout en gardant le regard vissé sur la porte.  

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