Chapitre 21

 À la suite de l'entrevue entre le futur empereur et la famille royale de Trémiss, il fut décidé que l'histoire impliquant Henri ne ferait l'objet d'aucune compensation immédiate et qu'elle devrait être oubliée. Étonnamment, ce fut le futur dirigeant d'Istram qui s'y opposa avant de finalement accepter. Pour lui, ne pas réparer cet affront le plaçait dans une position de faiblesse où il serait leur débiteur, cependant, les Trémisséens ne voyaient pas les choses de la sorte. Eux trouvaient que commencer une nouvelle relation entre les deux pays par une telle histoire de dédommagement n'allait pas les aider à bâtir un meilleur avenir.

Finalement, ce fut Elisabeth qui, malgré sa position de garde royale qui devait tenir sa langue ne put s'empêcher de trancher en disant que s'il insistait autant, il n'aurait qu'à faire un très beau cadeau à Enzo et Wendy lorsqu'ils se marieraient. Bien qu'habituée à ce genre de railleries de son amie ainsi qu'à cette histoire de mariage dont elle n'avait cessé d'entendre parler depuis la veille, le fait que ce sujet revienne sur la table en petit comité et devant une personne aussi importante empourpra de nouveau Wendy.

La lutalicienne était incapable de dire quoi que ce soit et, si elle avait essayé, elle savait qu'elle n'aurait fait que bafouiller, comme d'habitude. De son côté, Enzo réagissait d'une tout autre manière. En présence du futur empereur, il essayait de garder une posture droite et digne pour faire honneur à son nom, mais ceux qui le connaissaient savaient percevoir certains signes qui ne trompaient pas. À cet instant, Enzo ne voulait qu'une chose. Sauter sur Elisabeth pour la faire taire.

Ce genre de scène faisait presque partie du quotidien. Lorsque l'un d'eux avait lancé la pique de trop, l'autre se jetait sur lui et ils commençaient à se bagarrer. Dans ces moments-là, ils ressemblaient presque à des chats qui n'appréciaient pas la présence de l'autre et le faisaient savoir par la force.

Le roi et la reine virent en cette proposition spontanée une très bonne idée pour couper la poire en deux. À les voir aussi amusés, s'en était presque à se demander si ça n'était pas eux qui avaient missionné Elisabeth pour qu'elle devienne la meilleure ennemie de leur fils comme l'ancien directeur de l'académie l'avait été avec le roi.

Trouvant ce compromis acceptable et se disant même qu'il pourrait ainsi dédommager directement les victimes de son fils, le futur empereur accepta. Ana, silencieuse jusque-là, conclut enfin le sujet, affirmant avec un large sourire et un regard appuyé tourné vers son frère qu'elle avait hâte d'y être pour voir ça.

Ainsi, l'incident diplomatique fut requalifié en tant que simple brouille d'adolescents et le sujet fut clos. Cela permit d'enchaîner sur d'autres sujets plus importants. Comme il l'avait avoué, le futur empereur avait hâte de discuter avec la délégation de Trémiss.

S'accordant avec le discours qu'il avait prononcé après s'être révélé à tout le monde ainsi que sur l'importance de pouvoir se parler sans que les titres ne les restreignent, le roi proposa de mener cette discussion d'une manière plus informelle. D'oublier les belles tournures et autres enrobages protocolaires et d'avoir la franchise comme mot d'ordre.

Le futur empereur acquiesça, se présentant de nouveau sous son nom plutôt que par son titre. Charles. Étrange. Si l'on déplaçait ne serait-ce que trois lettres et que l'on en changeait seulement quatre autres, cela donnait Filloré, pensa Wendy. En quelques mois, le dragon fou avait réussi l'exploit de se hisser au plus haut du plus grand des pays et avait appris à contenir ses pulsions.

Le premier sujet abordé fut la dernière guerre entre les deux nations. Plutôt que de croire à l'histoire répandue dans tout le pays comme quoi Trémiss aurait été l'agresseur qui aurait déclenché la guerre, il avait fait ses propres recherches et trouvé que l'armée était prête étonnamment rapidement pour répondre à une première soit disante attaque. Après avoir entendu la version de l'ancien ennemi, il admit qu'effectivement, celle-ci était bien plus logique.

Évoquer le passé ne fut cependant qu'une courte partie de l'entrevue qui dévia rapidement sur le présent et l'avenir. Charles se gardait d'entrer dans les détails de certains sujets qu'un pays voisin n'avait pas besoin de savoir, mais les trémisséens n'étaient de toute façon pas là pour décortiquer en profondeur sa politique et s'immiscer dans des affaires internes qui ne les concernaient en rien.

Pour Wendy, cela ne servait à rien de se targuer de mener une discussion informelle si l'on ne pouvait pas tout se dire, mais elle était aussi consciente que la politique était un jeu de cartes géant entre nations et qu'il valait mieux ne pas révéler toute sa main.

Ce qui en ressortit fut principalement une feuille de route que le futur empereur comptait suivre pour redresser son pays en profitant à la fois de sa superficie ainsi que sa place centrale. Istram la belliqueuse allait devenir Istram la commerçante. Celle par qui transiterait les marchandises entre la bande ouest et la bande sud du continent.

Cela demanderait du temps et des aménagements conséquents pour que les marchands finissent par préférer passer par les routes terrestres plutôt que maritimes comme ils en avaient pris l'habitude, mais le futur empereur croyait en ce projet.

Toutes ces routes et même ces villes à construire posaient de gros problèmes de financements, mais cela n'intéressait pas Wendy qui ne put s'empêcher de décrocher rapidement de la discussion en cours. Après tout, parler d'argent était bien l'une des dernières choses qu'il fallait faire pour intéresser une Lutalicienne.

Elle se recentra cependant sur la discussion lorsque fut abordé le sujet de l'esclavage. Bien qu'il s'agisse de politique interne qui ne les concernait normalement pas, le roi et la reine de Trémiss étaient tout de même attachés au principe de liberté, surtout lorsque cela concernait des personnes qui n'avaient rien fait de mal pour mériter un tel sort.

L'ancienne esclave fut ravie d'apprendre que lui non plus n'était pas pour cette pratique et qu'il avait lui-même convaincu sa femme de libérer la cohorte de serviteurs qui dormait tous les soirs sous les combles de son manoir. Beaucoup étaient partis, quelque rares étaient restés en tant qu'employés libres et payés. Cette nouvelle mit du baume au cœur de Wendy bien qu'elle ne pouvait s'en réjouir ouvertement. Cette bonne nouvelle fut cependant ternie lorsqu'elle se souvint d'une chose qui la fit douter de ses dires.

— Pardonnez-moi, s'avança-t-elle. Non pas que je remette votre parole en doute, mais votre fils a toujours une esclave avec lui.

— Malheureusement, si j'ai pu convaincre ma femme de relâcher ceux dont elle était propriétaire, c'est le nom d'Henri qui se trouve sur son acte de propriété. Il en est de même pour ma belle-fille qui n'a pas voulu se séparer de ses trois esclaves. Tout ce que je peux faire actuellement, c'est tenter de les convaincre de les libérer. Je n'ai aucun droit de les forcer à le faire. Et puis... Croyez-le ou non, mais cette jeune fille est venue me voir pour me demander d'arrêter. Que c'est ce qu'elle souhaitait.

— Elle ne veut pas être libérée ? S'étonna la lutalicienne.

— Je n'en connais pas la raison, mais oui. Il est possible qu'elle voie sa situation comme une pénitence pour expier un quelconque crime qui lui aurait fait perdre sa liberté, mais là encore, ça n'est qu'une supposition vu qu'elle n'a jamais voulu nous dire comment elle s'était retrouvée esclave.

Une esclave qui voulait rester esclave ? Si encore son maître était aussi bienveillant que George ou que tous ces aubergistes chez qui ils avaient passé une nuit pendant leur périple, elle pourrait comprendre, mais rester esclave de ce tyran ?! Personne au monde ne méritait une telle torture à vie !

— Et donc, que comptez-vous faire concernant l'esclavage ? Demanda Wendy pour revenir sur le sujet principal en sachant qu'elle ne pourrait sans doute jamais comprendre les raisons qui poussaient cette esclave à vouloir le rester.

— à long terme, je compte proscrire cette pratique.

— à long terme ?! bondit presque celle qui avait subi ce statut. Toutes ces personnes qui sont traitées comme des moins que rien, des objets, des consommables, vous comptez leur redonner leur liberté à long terme ?!

— Wendy, du calme, tempéra la reine en posant une main sur son épaule. Je vous prie de la pardonner, c'est un sujet qui lui tien particulièrement à cœur.

— Je ne m'en offusque pas, rit le futur empereur. La jeunesse est poussée par ses idéaux. Je l'étais tout autant à son âge, à rêver d'un monde juste où tout le monde serait heureux et épanoui. Si la question de l'abolition de l'esclavage pouvait être réglée d'une simple signature sur un décret, il serait le premier que je signerai.

— N'est-ce pas justement aussi simple que ça ? Signer un décret ? Demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

— Tout décret est facile à signer s'il l'on est prêt à en accepter les conséquences. La famille royale de Trémiss a la réputation d'être de celles qui aiment le plus son peuple et qui en fait le plus pour eux. Je suis certain que, s'ils le pouvaient, ils feraient en sorte que personne n'ait à payer l'impôt. Malheureusement, c'est impossible pour des raisons évidentes.

— Mais là, on ne parle pas d'argent, mais d'être humains, s'entêta-t-elle.

— Au contraire, le problème est bien l'argent car leur liberté a été monnayée. Imaginons que l'esclavage soit interdit du jour au lendemain. Cela reviendrait à confisquer ce qui a été acheté légalement. Que faire dans ce cas ? Les rembourser ? Et qui va prendre en charge cette dépense ? Istram n'a pas les fonds nécessaires. Ceux qui ont des esclaves ne sont pas tous riches non plus. Pour certains, perdre cette main d'œuvre leur fera fermer boutique puisqu'ils n'auront pas l'argent nécessaire pour prendre un employé à la place de l'esclave. Se précipiter sur cette question est le meilleur moyen d'obtenir une révolte populaire.

L'argent, l'argent, encore l'argent... À cet instant, Wendy se sentait plus que jamais lutalicienne à rejeter ce concept. Elle savait que le système mis en place dans la ville des premiers mages ne pouvait pas fonctionner à plus grande échelle, mais sur ce point précis de l'esclavage, elle n'arrivait pas à accepter cet argument.

Malgré son air mécontent face à cette réponse, le futur empereur se montra tout de même rassurant. L'interdire sur le long terme ne voulait pas nécessairement dire laisser cette question de côté. Des améliorations seraient apportées petit à petit pour que la transition soit plus douce pour tout le monde. Cela pouvait passer par des droits qui rendraient un peu de leur humanité aux esclaves ou des ventes plus encadrées, par exemple pour interdire la vente d'enfants.

Pour Wendy, si certains points pouvaient effectivement être appliqués, elle trouvait que c'était lui qui, cette fois-ci, était un idéaliste. Bannir les châtiments injustifiés ? Et qui irait contrôler ça ? Rien n'empêcherait les maîtres de maltraiter leurs esclaves et, s'ils étaient questionnés, d'inventer un prétexte jugé adéquate à de tels sévisses.

Au moins, elle ne pouvait pas lui enlever qu'il était ouvert à la discussion. Elle le monopolisa presque une heure sur ce sujet sans qu'il ne s'impatiente et sans relever les moments où elle s'emportait. Plusieurs fois, le roi et la reine s'excusèrent en trouvant qu'elle allait trop loin, mais Charles restait calme et, au contraire, la poussait à exprimer ce qu'elle avait sur le cœur.

À quelques reprises, Wendy se demanda pourquoi elle continuait ? Après tout, il s'agissait de Filloré qui se trouvait en face d'elle. Lorsqu'il l'avait rencontrée, ses intentions de dominer le monde étaient plutôt claires et les humains n'étaient que des insectes pour lui. Supposer qu'il les voyait tous comme des esclave et que tout ceci n'était que de belles paroles n'était pas compliqué.

Et pourtant, une petite part d'elle-même gardait espoir. L'espoir qu'elle se trompe sur toute la ligne et que ce qu'il dise soit vrai. Qu'Istram change du tout au tout au point de ne plus être reconnaissable, dans le bon sens du terme.

Lorsqu'elle en eut finalement terminé avec le sujet de l'esclavage, le roi et la reine reprirent la conversation pour aborder les autres sujets importants. D'après eux, ils n'avaient fait qu'effleurer la surface, mais cela faisait déjà bien assez pour une seule matinée. Après tout, ils avaient commencé cette discussion juste après le petit-déjeuner et il était à présent temps de se remettre à table pour le déjeuner.

Le groupe d'adolescent retrouva Sixircun dans la salle dédiée à Trémiss. Vu qu'il avait attendu avant de sortir de la chambre pour éviter qu'on ne le voit, il n'était pas présent lorsqu'ils avaient été emmenés en privé pour parler de l'incident de la veille. Le mange-magie s'était donc naturellement rapproché de la duchesse Emvar qui l'avait rassuré sur l'absence de son invocatrice.

Autour de la table, pendant le repas, le sujet principal fut évidemment l'entretien qui avait fait l'objet de nombreuses spéculations au sein de la noblesse Trémisséenne. La première partie dédiée à l'incident fut évidemment passée sous silence, mais pas le reste. L'assemblée fut rassurée en apprenant de leurs souverains que le futur empereur avait fait forte impression et que cela augurait un bel avenir pour leurs deux nations s'il suivait effectivement les plans qu'il avait évoqué avec eux.

Écoutant en silence le compte-rendu, Wendy ne put s'empêcher de grimacer plusieurs fois pour montrer son désaccord. Dans son assiette, la lutalicienne se contentait de balader ses légumes avec sa fourchette sans jamais porter la moindre bouchée à sa bouche.

— Qu'est-ce qu'il y a ? finit par remarquer Ana. C'est parce que la libération des esclaves te semble trop lente ?

— Si ça n'est pas immédiat, ça ne sera jamais assez rapide à mon goût, répondit-elle en un souffle. Mais je comprends malgré tout ses arguments et sa vision est déjà une belle avancée vers leur liberté.

— Alors qu'est-ce qu'il y a ? Avant le repas, tu étais plutôt souriante et assez satisfaite de cet entretien et là, tu donnes l'impression que c'était un désastre et que nous avons fait face à un tyran.

— C'est autre chose, se contenta-t-elle de répondre de manière évasive. Je vous en parlerai tout à l'heure quand nous serons entre nous.

Vu qu'elle avait prononcé sa dernière phrase à voix basse de façon à ce que seuls ses amis l'entendent, Ana n'insista pas. Son intervention avait au moins permis à Wendy de se rendre compte qu'elle pouvait attirer l'attention en faisant une telle tête. Si ce qu'elle avait à l'esprit justifiait son air inquiet, elle ne voulait pas non plus attirer l'attention à cause de ce dernier.

Pour le reste du repas, la lutalicienne prit soin de ne rien laisser transparaître de ses inquiétudes. Lorsque tout le monde commença à se disperser après le dessert, elle proposa à ses amis d'aller dans un endroit plus calme. Le groupe d'amis se rendit donc jusqu'à sa chambre où elle s'assura une dernière fois que personne ne se trouvait à proximité avant de fermer la porte à clé.

— Alors ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu nous inquiètes là, commenta Enzo.

— Ana, Sixir. Vous qui avez une certaine sensibilité à la magie, comment est-ce que vous décririez l'empereur ? Demanda-t-elle.

— Là comme ça, je dirai que c'est évidemment un mage, assez puissant, mais tout de même pas au niveau d'Elisabeth ou des autres archimages de Trémiss, répondit la princesse.

— Pareil, rien d'extraordinaire, confirma le mange-magie avec un haussement d'épaule.

— Oui, c'est aussi ce que j'ai ressenti, mais...

— Mais quoi ?! S'impatienta la garde du corps. Crache le morceau !

— J'ai le sentiment que l'empereur n'est pas ce qu'il prétend être et que c'est pour ça que Siguir m'a demandé de vous accompagner.

— Alors... Quand je t'ai demandé de cracher le morceau, ça serait bien que tu en craches un qu'on puisse comprendre ! S'agaça Elisabeth. Je sais que les mages aiment bien parler en énigme, mais moi ça a le don de m'énerver, alors soit plus clair !

— Je pense que l'empereur est en réalité Filloré ! Lâcha-t-elle finalement.

Après leur avoir avoué ce qui l'inquiétait tant, un long silence s'installa dans la chambre. Comme elle s'y attendait, personne ne savait vraiment comment réagir, même si elle nota que Sixir s'était naturellement rapproché d'elle pour la protéger.

— Pardon... Qui ? Finit par demander la garde du corps, une totale incompréhension se dessinant sur ses traits.

— Lorsque nous avons tenté de sauver Lutalica, nous avons voulu utiliser la source des dragons. Ça ne s'est pas bien passé et ça a réveillé Filloré qui était emprisonné en dessous. Il s'agit du frère de Zuria qu'elle a elle-même plongé dans le sommeil et enchaîné parce qu'il était devenu fou.

— Zuria est la matriarche des dragons et Filloré est le patriarche, compléta Sixircun. S'il est aussi puissant que l'était Nebeli, je ne vois pas comment nous pourrions en venir à bout.

— Mais vous venez de dire qu'il paraissait parfaitement normal pour un mage ! Releva Elisabeth.

— Il sait se faire discret. Je l'ai déjà rencontré au sanctuaire et il avait réussi à échapper à la vigilance de Senca qui sait pourtant tout ce qu'il se passe chez lui.

— Mais dans ce cas, ce pourrait être absolument n'importe qui, réfléchit le prince. Qu'est-ce qui te fait dire que ce pourrait être lui ?

— La magie lutalicienne ! S'exclama-t-elle comme si elle énonçait une évidence. Henri a voulu utiliser la magie des premiers mages après votre duel et c'est aussi cette magie qui a été utilisée quand lui et sa servante ont changé d'apparence.

— Tu as pourtant dit toi-même que ce sort n'était pas de son niveau, releva Ana.

— Parce qu'il a été lancé par quelqu'un d'autre maniant cette magie. Filloré ! Je vous assure que le sort qu'il préparait contre Enzo était d'origine lutalicienne et c''est l'empereur qui lui enseigne. Ça veut dire que lui aussi maîtrise cette magie, mais c'est impossible pour un mage chevronné de s'y essayer. Tous ceux que je connais ont échoué. Il faut commencer à apprendre les deux en même temps pour pouvoir les utiliser ! L'empereur maîtrise donc la magie lutalicienne, ce qui veut dire qu'il y a de grandes chances qu'il soit en réalité Filloré ! Il m'a avoué qu'il voulait s'emparer du monde. Je ne m'attendais pas à ce qu'il le fasse de cette manière, mais devenir empereur du plus grand pays du continent est une bonne manière de commencer, non ?

— C'est un peu faible comme argument, grimaça Elisabeth.

— Je ne vois pas ce qu'il te faut de plus, contredit la lutalicienne.

— Tu viens de donner toi-même une hypothèse tout aussi crédible que celle que tu maintiens. Henri a appris la magie récemment. Il est exactement dans le cas où il est possible d'apprendre les deux types de magie. Qui te dit qu'il n'y a pas une troisième personne qui lui apprendrait la magie ? Après tout, tu n'as pas vu l'empereur lancer le moindre sort. Tu ne sais donc pas s'il utilise notre magie ou la tienne.

Face à cet argumentaire, Wendy ne put que rester bouche bée sans parvenir à trouver quoi répondre. Et pour cause, son amie avait parfaitement raison ! Filloré était peut-être impliqué, mais accuser l'empereur était peut-être un peu trop précipité. Si elle avait jusque-là l'impression d'avoir presque terminé le puzzle que représentait cette énigme, elle se rendait compte à présent qu'elle avait peut-être un peu trop forcé sur certaines pièces pour qu'elles s'emboîtent et que le dessin final n'était peut-être pas celui qu'elle avait cru déceler.

La prétendante se rendit alors compte qu'elle avait raisonné à l'envers. Elle avait pris les quelques faits qu'elle avait à sa disposition, extrapolé une conclusion, puis construit ses hypothèses pour qu'elles correspondent à cette dernière tout en les transformant en certitude.

— Je... Ne te savais pas aussi douée pour ça, finit-elle par dire avec hésitation.

— Dis que je suis bête aussi pendant que tu y es !

— Non, pas du tout ! S'empressa de se défendre la lutalicienne. C'était un compliment. Je disais juste que je ne connaissais pas cette facette de toi.

— Mes deux parents ont fait partie de la garde de la ville. Les enquêtes ça les connaît et ils m'ont tout appris. Surtout de se méfier de certaines certitudes qui peuvent causer de gros problèmes à une personne innocente. Je ne dis pas que tu as faux. L'empereur est peut-être effectivement ce Filloré, mais peut-être qu'il ne l'est pas. Il faut s'assurer de sa véritable nature avant de l'accuser.

— Et pour ça, tu peux compter sur nous, ajouta Enzo, un sourire d'excitation illuminant son visage. On va résoudre ce mystère tous ensemble !

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