Chapitre 18
Suite à la révélation de l'identité de l'empereur, la foule s'était peu à peu dispersée pour retourner à leurs occupations. Beaucoup d'entre eux s'étaient tout de même pressés pour parler avec celui qui allait diriger le plus grand pays du continent. En voyant ça, Wendy comprenait un peu pourquoi il avait gardé le secret. Si le palais était rempli de personnes importantes, ceux qui l'entouraient avaient l'air de ne faire partie que du haut du panier. Jamais il n'aurait pu converser avec des personnes plus basses dans la noblesse s'il s'était révélé au grand jour dès le début.
Du côté de son ancien tortionnaire, celui-ci était resté à terre tout au long de l'intervention de celui qui affirmait être son père. Dès que les choses s'étaient calmées, une jeune fille, de l'âge de la lutalicienne tout au plus, s'était précipité pour l'aider à se relever. Ses habits bien particuliers et surtout l'épais collier de fer qu'elle portait autour du cou lui rappelèrent immédiatement de mauvais souvenirs.
Une fois remis debout, Henri s'était empressé de la repousser violemment, arguant qu'il n'avait pas besoin d'aide. La pauvre tomba à son tour à terre sans que son maître ne se soucis d'elle. Sous les regards noirs de la délégation de Trémiss, le garçon retourna à l'intérieur du palais et laissa son esclave en plan, à terre au milieu de tous.
Wendy avait une profonde peine pour elle. Si son grand-père ne l'avait pas sortie de cet enfer, elle aurait très certainement été à sa place. Elle n'avait rien sur son visage, mais sa robe d'esclave, sans manche et qui ne descendait qu'au dessus des genoux ne pouvaient cacher les nombreuses ecchymoses qui coloraient ses jambes et ses bras.
Si les parties apparentes ressemblaient à cela, la prétendante ne pouvait que s'imaginer l'état catastrophique de celles cachées par ses vêtements. Dans cette famille, les coups de fouets étaient nombreux, elle devait avoir un dos balafré encore pire que celui qu'elle-même voyait quand elle se tournait pour regarder ces traces du passé dans un miroir.
— Tout va bien ? Demanda-t-elle en lui tendant une main amicale pour l'aider à se relever.
Cette question était stupide. C'était une esclave violentée par un maître odieux. Évidemment que ça n'allait pas bien et évidemment qu'elle dirait que tout allait très bien ! Malgré tout, et même si elle savait à quel point cette question n'avait pas de sens, elle se devait de la poser car c'est ce qu'aurait demandé n'importe qui de bien intentionné, mais qui n'aurait jamais été esclave.
Le plan de Wendy était de lui lancer un sort de soin discret au moment où elle prendrait sa main afin de la soulager ne serait-ce que légèrement. Cependant, la jeune esclave la regarda, horrifiée, comme si elle était celle-là même qui lui faisait subir tous ces châtiments. Elle se releva d'elle-même, d'un bond, et courut à la poursuite de son maître.
— Étrange comme comportement, remarqua Ana.
— Pas tant que ça, contredit Wendy qui savait exactement ce qui était passé par la tête de cette esclave. À ton avis, quelle serait la réaction d'un maître tyrannique s'il voyait que son esclave accepte l'aide de ceux qui viennent de l'humilier ? Ça m'enrage de savoir ça, mais il y a de fortes chances qu'elle subisse bientôt la frustration que son maître va vouloir évacuer... Et nous n'y pouvons rien.
À Istram, les esclaves n'étaient guère plus que des objets. Un homme en agressant un autre se ferait arrêter, mais un maître déversant sa colère sur son esclave ne serait pas inquiété. Après tout, personne n'était envoyé en cellule après avoir brisé sa vaisselle sous en coup de colère. Entre une assiette et un esclave, l'assiette devait jouir de plus de droits.
— Pour son propre intérêt, il va devoir être très discret s'il veut se défouler sur elle. Regarde, indiqua Enzo.
En suivant la direction que pointait discrètement Enzo, Wendy tomba sur la duchesse Elisabeth Emvar. Totalement à part au milieu des autres nobles, elle ne participait à aucune de leurs conversations et gardait un regard noir vissé sur l'entrée du palais. La prétendante se mit alors à repenser aux dires de la reine concernant la directrice et ce qu'elle ferait si elle voyait un esclave être maltraité.
Avec un quelqu'un d'aussi terrible que le fils de son ancienne maîtresse, la lutalicienne commençait sérieusement à se demander si ce palais n'allait pas finir en un tas de gravats fumants avant que le sacre n'ait lieu. Fort heureusement pour les personnes qui se trouvaient encore à l'intérieur, la directrice finit par se détourner du palais et reprit sa conversation qu'elle avait laissée en suspens à cause de la parodie de combat qui avait eu lieu.
Pour tout le monde, la journée reprit comme si rien ne s'était passé, la délégation de Trémiss allant à la rencontre de toutes celles qui étaient déjà arrivées. Le seul changement notable était que Wendy était à présent présentée comme étant la fiancée d'Enzo.
Le fait que ce soit une couverture pour qu'elle soit plus tranquille lui permit de mieux l'accepter et de paraître moins gênée dès que le sujet était abordé, mais il y avait tout de même des limites. Dès que la question du mariage était posée, les deux soit disant fiancés perdaient tous leurs moyens et c'était encore pire lorsque la question suivante, concernant les enfants, arrivait.
Pour l'un comme pour l'autre, si rien n'était vrai, ils ne pouvaient empêcher leur esprit de s'imaginer ces situations ainsi que, chose plus embarrassante, ce que cela impliquait. Wendy ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi de telles questions revenaient encore et encore. Même en admettant qu'ils étaient réellement fiancés, le mariage et les enfants ne faisaient partie que d'un avenir lointain.
Ce fut la reine qui, lorsqu'elle lui posa discrètement la question, lui prouva que cet avenir n'était pas si lointain que cela. Dans la noblesse, il n'était pas rare que le mariage soit célébré peu de temps après les seize ans du plus jeune dans le couple. À partir de là, certains couples attendaient encore un peu, comme cela avait été le cas pour elle ou bien au contraire cherchaient à avoir un premier héritier au plus tôt.
Ainsi, s'ils se trouvaient dans le second cas, cela ne laissait que deux ans avant que les fiançailles ne se transforment en mariage et que le premier enfant soit en route. Vu qu'elle n'avait que sa sœur comme référence pour le mariage et les enfants, Wendy pensait qu'il lui restait encore une petite dizaine d'années.
Et pourquoi cela la troublait autant de toute façon ?! Finit-elle par se demander. Ça n'était pas comme si tout ceci était vrai ! Ils étaient juste en train de l'annoncer à... Toutes les personnes importantes du continent... qui les félicitaient déjà par avance... et qui allaient sans doute attendre une invitation de leur part...
Pour ne rien arranger, Ana se mêlait avec joie de ce qui ne la regardait pas en affirmant qu'ils voulaient se marier au plus tôt et qu'il en était de même pour les enfants. Si Enzo et Wendy pouvaient tempérer ses propos, ils ne pouvaient pas non plus être constamment auprès d'elle pour surveiller ce qu'elle disait.
— Ne peut-elle pas nous laisser un peu tranquilles ? se désola la lutalicienne en la voyant, au loin, indiquer quatre avec sa main, nombre minimum d'enfants qu'elle ne cessait de dire qu'ils voulaient.
— Au moins, avec ça, personne n'osera te dire que tu étais une esclave, répondit Elisabeth en se plaçant près d'elle. Vos deux noms sont sur toutes les lèvres et les histoires sur votre enfance commune sont vraiment touchantes.
— J'étais sûre qu'ils ne résisteraient pas, soupira la prétendante avant de baisser la voix pour être sûre que personne d'autre ne l'entende. Le problème, c'est que j'ai le sentiment d'être coincée. À force de l'entendre encore et encore, j'en viens à m'imaginer que cet avenir est presque certain.
— Tu es prétendante à la magie, pas au destin, rit Elisabeth. Mais si tu as raison, serait-ce véritablement une mauvaise chose ?
— Non... Oui... Je ne sais pas...
De nombreux éléments dans le fait de se lier ainsi à quelqu'un pour la vie et tout ce que cela impliquait étaient encore flous pour elle, si bien qu'elle ne pouvait véritablement répondre à cette question. Elle pouvait s'imaginer passer sa vie entière à le côtoyer chaque jour en tant qu'ami, alors pourquoi aller plus loin la dérangerait ? Et Fréone dans tout ça ? Et pourquoi pensait-elle à Fréone à cet instant ?! Tout ceci commençait à lui donner un sérieux mal de tête.
Après avoir enduré cette journée éreintante à en regretter celles où elle ne faisait que rester assise dans une diligence, le calme de sa chambre sonna comme une véritable libération. Le palais d'Istram était si grand qu'il y avait assez de place pour qu'elle ait sa propre chambre sans personne d'autres. Il en était de même pour Enzo et pour la princesse.
Même si elle aimait ce silence, il ne fallut pas bien longtemps avant que quelqu'un n'entre sans même frapper. Une habitude typiquement lutalicienne qui fit deviner à Wendy qui se présentait à elle avant même qu'il ne franchisse le pas de la porte.
— Je peux entrer ?
— Bien sûr, mais dépêche toi. Il ne faudrait pas que quelqu'un d'extérieur à Trémiss te voit et commence à répandre d'autres rumeurs sur moi.
Obéissant à son invocatrice, Sixircun entra dans la chambre, referma la porte et alla s'installer sur le lit. Ils ne s'étaient presque pas parlé de la journée, mais Wendy savait, après ce qui s'était passé, qu'elle ne pourrait échapper à cette discussion.
— Ça a été pour toi ? Questionna-t-elle d'emblée pour éviter d'avoir à commencer par le sujet sensible.
— C'était ennuyeux, répondit-il avec un haussement d'épaule. J'ai préféré te laisser avec Enzo pour que cette histoire de fiançailles prenne bien. Du coup, j'ai fait des allées et venues entre ceux que je connaissais, mais ça n'était jamais vraiment intéressant et personne ne faisait véritablement attention à moi.
— Comme j'aurais aimé qu'il en soit de même pour moi, souffla-t-elle en s'installant auprès de lui. De simple invitée, me voilà devenue la possible future reine de Trémiss dont tout le monde parle et qui n'y connaît presque rien dans toutes les règles que suit la noblesse. J'avais déjà peur de faire un mauvais pas quand je n'étais personne à leurs yeux, alors maintenant c'est encore pire.
— Au moins, maintenant tu es certaine que l'autre ne viendra plus t'embêter.
Embêter... Ce mot semblait étonnamment faible par rapport à ce qu'elle ressentait en sa présence. Pour elle, c'était une véritable torture psychologique.
— Tu veux qu'on en parle ? Demanda-t-elle en sachant très bien qu'elle n'y échapperait pas.
— Au début, je m'en suis voulu de ne pas être avec toi. Je me suis dit que j'aurai dû t'accompagner même si tu insistais pour que je reste. Mais en y réfléchissant, je n'aurai sans doute pas réglé le problème aussi proprement qu'Enzo. Si ça avait été moi, j'aurai causé plus de soucis à tout le monde. Tout comme toi, il me manque les codes de conduite qu'adoptent les nobles pour réagir convenablement.
Étonnant. Wendy s'attendait à ce qu'il reste sur sa première idée et que cela allait mener à un lourd débat pour le convaincre que non, elle n'avait pas besoin d'être collée de cette manière tout le temps. Que quelqu'un d'aussi dissipé ait réfléchi jusque-là montrait bien qu'il était devenu plus mature, mais aussi qu'il s'était profondément ennuyé et avait eut tout le temps d'y penser pendant la journée.
— Et donc, qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
— Agir comme si nous étions de simples amis sans pour autant rester constamment avec toi, répondit-il. Ça ne m'empêchera pas de toujours garder un œil sur toi pour réagir tout de suite si nécessaire.
Là par contre, il n'était pas allé assez loin dans sa réflexion. S'il avait agi de cette manière lors de l'incident, le résultat aurait été le même que s'il l'avait accompagnée. Malgré tout, cet entre deux était satisfaisant pour Wendy. D'un côté, il gardait ce rôle de protecteur, mais d'un autre, il ne risquait pas de faire naître de nouvelles rumeurs en étant proche d'elle trop souvent.
— C'est rassurant de savoir que même si tu n'es pas juste à côté de moi, tu restes là au cas où, sourit-elle. Comme tu l'as dit, tu n'as pas non plus à tout le temps garder tes distances. Avec cette histoire de fiançailles, il faut juste éviter que l'on me voit plus souvent avec toi qu'avec Enzo. D'ailleurs, comme je te l'ai dit quand tu es rentré, fais attention à ce que personne ne te voit si tu viens dans ma chambre. Certains pourraient se poser les mauvaises questions.
Au même moment où Sixircun acquiesça pour montrer qu'il était d'accord avec elle, tous deux entendirent quelqu'un toquer à la porte. Il y avait peu de chances que ce soit quelqu'un d'autre qu'un Trémisséen, mais la lutalicienne ne voulait pas prendre de risque et indiqua silencieusement à Sixircun de prendre sa forme animale. Pour la première fois depuis bien longtemps, la forme de lapin qu'il adopta était parfaitement normale, sans aucune aile sur le dos.
Cette précaution prise, Wendy se rendit jusqu'à la porte qu'elle ouvrit elle-même afin de découvrir qui se cachait derrière. Vu le visiteur qui se présentait, les précautions étaient surfaites.
— Enzo ? Il y a un problème ?
— Non, non. Aucun. Je me disais juste... Qu'on pourrait parler de ce qui s'est passé à notre arrivée.
— Oui, si tu veux, entre, l'invita-t-elle d'un geste de la main.
— Ce gars était vraiment arrogant. Comment peut-on croire avoir une chance de gagner un duel sans avoir touché une épée de toute sa vie ? Se demanda-t-il tout en se rendant jusqu'à la chaise de la coiffeuse pour s'y asseoir. Et puis, il y a ce qu'il t'a dit. Pourquoi est-ce qu'il t'a prise à partie comme ça ?
— En fait... commença-t-elle tout en cherchant elle-même à se rendre au niveau de son lit.
— Aïe !
— Qu'est-ce qu'il y a ? sursauta la lutalicienne en se retournant rapidement.
— Ton lapin vient de me sauter dessus et m'a mordu la main !
Sixircun l'avait attaqué ? Non, ça n'était pas la bonne question. Enzo venait réellement de l'appeler son lapin alors qu'il savait très bien de qui il s'agissait ? Quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire et cela la rendit instantanément très méfiante.
— Fais voir, demanda-t-elle en s'approchant.
— Quoi ? Tu ne me crois pas ? Regarde ! Répondit-il en montrant sa main en sang.
— Ça n'est pas que je ne te crois pas. Je te demande de me montrer pour que je puisse soigner ça.
Tout en prenant sa main blessée dans les siennes, Wendy lança un sort tout à fait basique de soin continental. La proximité que lui offrait ce sort lui permit tout de même de comprendre la situation et de confirmer ses doutes. Elle savait à présent pourquoi Sixircun l'avait attaqué et, plus précisément, pourquoi il lui avait mordu la main. Il manquait quelque chose sur celle qu'elle était en train de soigner. Un bijou. Une bague. Le sceau royal des Sarkine dont de puissants sortilèges l'avaient rendu inimitable. La personne qui se trouvait en face d'elle n'était pas Enzo.
En plus de cela, elle put remarquer une légère trace de magie en se concentrant bien. Il s'agissait d'une illusion extrêmement puissante qui était assez élaborée pour presque passer inaperçu aux yeux d'une prétendante à la magie. Si elle ne s'était pas posé de questions au point de chercher ce qui se passait, elle n'aurait absolument rien vu.
— Je suis vraiment désolée. Je ne sais pas ce qu'il a, il est adorable d'habitude. Il n'aime peut-être pas cet endroit.
— Pourquoi l'avoir emmené ?
— Parce qu'il me suit partout où je vais depuis que tu me l'as offert pour nos fiançailles, mentit-elle.
— à bien y réfléchir, un bijou aurait été bien mieux.
— Ne dis pas ça. Ce cadeau m'a bien plus fait plaisir que n'importe quel bijou, répondit-elle tout en retournant sur le lit et en prenant le mange-magie sur ses genoux pour le caresser. Parfois, il me fait penser à toi. Il est tout aussi protecteur avec moi.
Si d'apparence, Wendy riait et prenait cet événement à la légère, elle ne ressentait absolument rien de tout cela intérieurement. Qui était cet individu qui se faisait passer pour Enzo ? Que lui voulait-il ? Que devait-elle faire ?
Était-ce son ancien tortionnaire qui n'avait pas abandonné son idée et cherchait à obtenir la vérité de cette manière ? Non, il y avait peu de chances. Elle l'avait vu tenter de lancer un sort et celui d'illusion qu'elle avait en face d'elle était d'un niveau totalement hors de sa portée. Il s'agissait là de l'œuvre de quelqu'un qui avait au moins les capacités pour être archimage.
— Donc, pour en revenir à ma question ? Insista-t-il.
— J'allais te dire que j'avais beau y avoir réfléchi toute la journée, je n'ai aucune idée de ce dont il voulait parler. S'il m'avait dit que nous nous étions croisés chez nous, il y aurait eu des chances que nous nous soyons effectivement vus, mais là... Je ne sais pas avec qui il a bien pu me confondre, mais vu comment il a traité son esclave, je comprends pourquoi elle s'est enfuie. Tous ceux qui traitent les gens ainsi devraient subir la même chose au moins une journée pour voir ce que cela fait. Si les maîtres étaient traités comme ils traitent leurs esclaves, peut-être qu'ils comprendraient.
— Oui, moi non plus je ne comprends pas pourquoi l'esclavage existe encore de nos jours.
S'il s'était agi d'Enzo, Wendy aurait cru en ces paroles, mais dans la bouche de cet imposteur, elles sonnaient faux. Il se forçait à dire cela, elle en était certaine. Cela voulait donc dire qu'il s'agissait d'un Istramien.
— En tout cas, merci d'être intervenu pour me défendre. Je t'ai trouvé très chevaleresque.
— Tu sais que je serai toujours là pour protéger ma fiancée. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire en plus, dis-le moi.
— Je n'hésiterai pas, affirma-t-elle. Dans tous les cas, si tu t'inquiétais pour moi, sois rassuré, je vais bien et je m'en suis remise. Par contre, cette journée a été éprouvante et je ne tiens plus debout.
— Je ne vais pas insister et rester trop longtemps dans ce cas. Bonne nuit et à demain.
Tandis qu'il se levait, Wendy le regarda s'approcher de la porte. Elle allait le laisser partir comme ça ? Après avoir découvert son imposture ? Si elle ne savait pas qui se cachait derrière cette illusion, rien ne pourrait être fait. Il fallait au moins qu'elle le sache !
— Attends ! Dit-elle précipitamment alors qu'il avait déjà ouvert la porte.
Stoppant immédiatement son mouvement, le faux Enzo se tourna vers elle tandis qu'elle se rapprochait de lui. Là, Wendy lui prit les mains et lui sourit. Sans doute devait-il s'attendre à un baiser de sa part, mais la prétendante prévoyait une tout autre chose.
— Je voulais juste de dire que... la prochaine fois, je resterai forte.
— J'en suis certain ! Répondit-il, mal à l'aise, sans doute à l'idée de s'éterniser sur le pas de la porte alors que le vrai prince se trouvait à quelques portes seulement.
— Après tout, sans me vanter, je pense être plutôt douée en magie, je suis loin d'être sans défense.
— Tu n'aurais fait qu'une bouchée de lui, commenta-t-il avec empressement.
— Je pense même être assez douée... Pour détecter les sorts qui m'entourent et les briser à ma guise.
Avec cette dernière phrase prononcée d'un air sérieux et grave, Wendy trouva en un instant la source de l'illusion, en prit le contrôle et la dissipa avec facilité. Le faux Enzo se brouilla un instant et changea pour prendre l'apparence d'Henri, son ancien tortionnaire. Peut-être n'était-il pas assez puissant pour lancer un tel sort, mais qu'il avait reçu une aide extérieure.
En étant ainsi démasqué, le fils de son ancienne maîtresse montra une panique certaine qui la fit jubiler. Elle n'en avait cependant pas terminé avec lui et ne comptait pas le laisser partir comme ça. Pour éviter qu'il ne s'échappe tout de suite, elle resserra donc ses mains dans les siennes pour le garder près d'elle.
— Tous comme vous vous êtes faits ridiculiser dans un duel à l'épée, ne vous essayez pas à la magie contre moi. Tentez quoi que ce soit et ça n'est pas par terre que vous finirez, mais en tas de cendres. Je ne suis pas aussi magnanime que mon fiancé, est-ce clair ?
— Je...
— Et votre esclave, ajouta-t-elle. Si je remarque la moindre nouvelle trace sur son corps, vous subirez mille fois les tourments qu'elle a dû endurer à vos côtés. Et vous savez ce qui est le mieux dans tout ça ?
Avant de répondre, la prétendante se pencha pour que sa bouche arrive tout juste au niveau de son oreille.
— Personne ne saura jamais qui vous a fait subir ça, susurra-t-elle. Vous disparaîtrez du jour au lendemain. Je vous ramènerai discrètement chez moi et, là bas, je vous briserai, puis je vous relèverai d'entre les morts pour vous torturer encore et encore comme j'ai pu apprendre à le faire auprès de la nécromancienne. Votre âme sera un jouet entre mes mains et vous en viendrez à regretter de ne pas être parti pour la cité des damnés, là où est votre place.
Lâchant enfin son emprise, Wendy vit qu'elle l'avait presque sonné par ces paroles. Il pouvait partir, mais restait là. Peut-être n'en avait-il pas eu assez.
— Dernière petite précision. J'ai eu le temps de vous marquer, donc ma promesse de tourment sera toujours d'actualité, même quand je serai partie. Maltraitez qui que ce soit et je le saurai. Maintenant dégagez de ma vue avant de vous faire dessus devant ma porte.
Comme si ces dernières paroles l'avaient libéré d'un sort d'entrave, Henri prit ses jambes à son cou et disparut à la première intersection. De son côté, Wendy ferma la porte et s'y adossa tout en poussant un long soupir. Ce devait être la première fois qu'elle devait jouer la méchante ainsi et elle était certaine que son cœur n'aurait pas tenu s'il elle avait eu à garder ce rôle ne serait-ce qu'un instant de plus.
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