Chapitre 21

 De retour dans la partie habitation de la grotte, le groupe retrouva Scyllia qui leur demanda comment s'était passé l'épreuve. Devant le récit du prince et l'air frustré de Kirinne, la duchesse était totalement hilare. Cette épreuve était censée montrer la droiture et le courage de ceux qui le passaient, mais c'était aussi et surtout une très bonne excuse pour la dragonne qui pouvait jouer la méchante et avoir un beau combat.

Avec la bénédiction, les souvenirs qui concernaient cette épreuve avaient été débloqués, mais la prétendante à la vie apporta tout de même quelques précisions par rapport à ce qu'ils avaient pu entendre auprès de Lig. Dans leur groupe, une seule personne avait deviné qui ils affrontaient véritablement. Il s'agissait de Shed, le démon qui la possédait à l'époque. Il n'avait cependant rien dit vu que c'était une bonne occasion pour lui d'avoir le contrôle pour un beau petit combat.

Sur ce point, Kirinne ne voyait pas en quoi ce combat était beau. Ce jour-là, elle avait été humiliée par une gamine de dix ans. Elle avait plusieurs fois pensé prendre sa revanche, sous sa véritable forme cette fois-ci, mais elle avait trop tardé et savait à présent qu'il était totalement hors d'atteinte et qu'un autre combat mènerait juste à une défaite cuisante et instantanée.

Bien que l'important soit la bénédiction, Fréone se sentait presque coupable de l'avoir gagné ainsi et non à la régulière. Il s'inquiéta que le même scénario se répète avec les autres dragons. Si Scyllia ne pouvait rien leur révéler de précis, elle leur assura tout de même qu'il n'y aurait plus une telle tromperie et que rencontrer les gardiens de la source avant l'épreuve ne serait pas aussi problématique.

Devant partir pour l'île où se trouvait la source des dragons, Kirinne décida plutôt qu'elle irait rendre visite à Senca au sanctuaire après avoir prévenu ses souffres douleurs que leur entraînement était suspendu. En entendant cela, sa fille sauta de joie. Elle allait enfin pouvoir quitter cette grotte et voir une véritable ville ! L'emmener n'était pas dans son plan d'origine, mais elle accepta tout de même lorsque la jeune dragonne argumenta que sans sa mère pour la surveiller, rien ne l'empêchait de fuguer.

Ne voulant pas se mêler de leurs histoires de famille, le groupe leur dit au revoir et se donnèrent rendez-vous à la source des dragons une fois toutes les bénédictions réunies. Ils ne sortirent cependant pas de la grotte, mais consultèrent plutôt la carte donnée par Senca pour voir leur prochaine destination.

Le dragon vert ancestral se trouvait dans le pays dirigé par les grands-parents maternels du prince. Comme Kirinne, il se trouvait dans les montagnes, mais lui était bien plus enfoncé dans la chaîne. L'endroit exact marqué d'une croix ne donnait visiblement pas de coordonnées et, même si déplacer légèrement son doigt permettait d'en avoir une, cette distance représentait en réalité plusieurs jours de marche.

Ce problème inquiéta le groupe. Ils n'étaient pas réticents à l'idée de parcourir une telle distance, mais les montagnes pouvaient être piégeuses et il était possible qu'il habite dans un endroit hors d'atteinte. Enzo se sentit alors comme le boulet du groupe qu'il fallait traîner derrière soit et qui ralentissait tout le monde. Il savait que les mages avaient la capacité de voler. Ils pouvaient aussi permettre aux autres de le faire, mais ce genre de sort, d'après les dires de son père qui était un habitué des combats aériens, était loin d'être facile à maîtriser. À cause de lui, ils allaient devoir marcher.

Agabir se chargea immédiatement de le rassurer sur ce point. S'ils maîtrisaient effectivement des sorts de lévitation, celle de Lutalica n'était pas faite pour les grandes distances. Wendy et Fréone connaissaient effectivement le sort équivalent du continent qui était bien plus pratique pour ce cas précis, mais pas lui. Selon lui, s'il fallait compter les temps de repos, ils iraient aussi vite à pied qu'en usant de la lévitation.

Pour leur crainte que le dragon vert se trouve dans un endroit inaccessible, Scyllia se rappela que son épreuve s'était passée dans une maison et non dans une grotte. Kirinne, qui se préparait à partir mais qui avait entendu ce qu'ils se disaient, leur indiqua que Zelen, le dragon ancestral vert, tenait un chalet qui servait de refuge pour les montagnards et les éleveurs qui faisaient monter leurs bêtes pour qu'elles puissent paître. C'était un endroit reculé, mais loin d'être inaccessible et avec des chemins en terre pour s'y rendre.

Rassuré, le groupe remercia la dragonne ancestrale rouge pour ces précisions, puis laissa Scyllia lancer son sort de téléportation pour les emmener à leur prochaine destination. Lorsque le voile de lumière disparut, Wendy eut une impression de déjà vu. Les alentours étaient similaires à l'endroit où ils avaient atterri lors de la première téléportation. La seule chose véritablement différente était le chemin plutôt large qui coupait en deux le bois dans lequel ils se trouvaient.

— Par quel côté ? Questionna Fréone.

— D'après la carte, je dirai à gauche, indiqua Scyllia.

— Vous ne pouvez pas faire comme pour Kirinne ? Demanda Sixircun.

— Je peux percevoir les âmes qui m'entourent, mais c'est un pouvoir qui a ses limites. Avec la distance qui nous sépare de ce dragon, je n'ai aucune chance de le sentir.

— Nous sommes à combien de jours de marche ?

— Je n'en sais rien. Il est difficile d'avoir une distance précise avec une carte du continent. Je dirai au moins quatre jours.

— Quatre ?! J'en ai déjà mal aux pieds ! Se plaignit Sixircun.

Comme pour montrer qu'une telle marche ne lui plaisait pas, le mange-magie prit sa forme de lapin et sauta dans les bras de son invocatrice. Même si elle accepta de le prendre dans ses bras, Wendy trouvait qu'il n'était pas gêné d'agir de manière aussi égoïste. De plus, ça n'était pas comme s'il était uniquement cantonné à cette forme. Il pouvait très bien en prendre une qui lui permettait de voler ou une autre qui lui aurait permis de ne pas se fatiguer sans qu'elle n'ait à le porter !

— Tricheur, commenta Fréone.

Personne d'autre ne pouvant ou ne voulant se soustraire à cette marche, le groupe rejoignit le chemin qui se trouvait en contrebas et prit la direction des montagnes. Le passage sur lequel ils se trouvaient était large et facilement praticable. Si ce que la dragonne ancestrale rouge disait était vrai, alors ce chemin était arpenté par des éleveurs qui y faisaient passer leur bétail.

Pendant qu'ils marchaient, la discussion s'orienta sur Sixircun. Le prince avait été étonné de le voir se transformer ainsi, mais était aussi surpris que Wendy le porte comme si de rien était. Elle lui expliqua donc ce qu'était un mange-magie et exposa ses capacités telles que le fait de pouvoir choisir la forme de son apparence physique.

À cela, Scyllia apporta d'autres précisions. La très grande majorité des êtres vivants avaient été créés par deux dieux. La première était Illiandra qui était la détentrice de ce monde avant d'en céder d'abord une moitié à l'un de ses frères, puis au reste du panthéon. C'est à ce moment là que chaque dieu avait choisit un domaine qui le représenterait tel que la vie, la mort, la magie ou tout autre principe qui était encore à ce jour occupé par les nouveaux dieux.

Le second dieu créateur était donc ce frère à qui elle avait confié la moitié de son monde. Il admirait ses créations et voulait en faire de même, mais avait beaucoup de mal à créer des créatures qui pouvaient bien s'intégrer. Les manges-magie étaient l'une de ses premières créations et le fait qu'il ne leur ait pas donné de corps avait failli mener à une catastrophe. La duchesse n'entra pas dans les détails et se contenta de dire qu'il avait dû appeler sa sœur en renfort pour qu'elle règle les problèmes qu'il avait engendrés avec ses créations.

Si tout ceci était très instructif, Fréone ne put s'empêcher de commenter en disant qu'elle n'avait pas tout réglé vu les problèmes que Sixircun avait pu causer. À cela, Scyllia répondit que les humains étaient aussi la création de cette déesse et on ne pouvait pourtant pas dire qu'ils étaient exempts de tout défaut.

Que ce soit les voyageurs de Lutalica ou le prince, tous voulaient en savoir plus sur l'époque des premiers dieux. Cette question prit quelque peu Scyllia au dépourvu vu qu'elle ne se plongeait habituellement dans les souvenirs de la première déesse de la vie que pour récupérer des informations spécifiques. Elle fit tout de même de son mieux pour leurs donner le plus d'informations possibles et répondre à leurs questions.

Au soir, alors que la nuit commençait à tomber, le groupe arriva au niveau d'une maison en bois pourvue d'un enclos où était enfermé un petit troupeau de moutons. Au dessus de la porte avait été placée une pancarte indiquant qu'il s'agissait d'un refuge.

En entrant à l'intérieur, le groupe y trouva un berger à qui appartenait les bêtes à l'extérieur. Passer la soirée avec lui leur permit d'avoir de nombreux conseils pour leur périple ainsi que la confirmation qu'ils étaient sur le bon chemin.

Le fait que la personne en charge du dernier refuge soit un dragon était connu. Il habitait sa cabane depuis des centaines d'années, si bien qu'il connaissait les familles de bergers depuis des générations et tous le considéraient comme un membre de leur famille.

Pendant le repas qu'ils partagèrent avec lui, Agabir et Fréone posèrent toute sorte de question sur son travail. L'homme, heureux que l'on s'intéresse ainsi à son mode de vie et à ses bêtes, leur parla de tous les aspects de son métier.

Leur discussion dura jusqu'à tard dans la soirée, si bien que les deux Lutaliciens eurent du mal à se lever le lendemain. Ce petit retard put être compensé la journée suivante où ils arrivèrent à un nouveau refuge, vide cette fois-ci. Comme l'avait indiqué le berger, ce genre de point était espacé d'un jour de marche accompagné de bétail. Même si cela les faisait s'arrêter un peu tôt, mieux valait y faire une halte plutôt que de pousser jusqu'à la nuit tombée et dormir à la belle étoile.

Ils visitèrent ainsi cinq autres refuges sans croiser âme qui vive avant d'enfin arriver au dernier. Quelque temps avant de l'apercevoir, Scyllia avait annoncé qu'elle pouvait percevoir l'âme du dragon ancestrale vert. Ils allaient enfin pouvoir obtenir une nouvelle bénédiction, se dit Wendy.

Si sa quête avait très bien commencé en récupérant à la fois la détentrice de la source des dragons et la première bénédiction, le rythme s'était grandement ralenti vu qu'il leur avait fallu une semaine pour rejoindre le deuxième dragon. L'adolescente espérait d'ailleurs que les suivants ne seraient pas aussi longs à trouver. Zuria avait estimé qu'elle avait donné un temps confortable pour accomplir cette mission sans pour autant lui donner une date précise. À cause de ça, Wendy ne savait pas si cette semaine à arpenter les montagnes était négligeable ou si le temps jouait à présent véritablement contre eux.

Arrivé en vue du dernier refuge, le groupe aperçut un homme qui se tenait sur le pas de la porte et leur faisait de grands signes. Il avait dû sentir leur arrivée et était sorti pour les accueillir. En tout cas, il semblait bien moins porté sur le combat que sa consœur aux écailles rouges.

— Scyllia ! s'exclama-t-il une fois qu'ils furent à portée de voix. Tu ne peux pas savoir comme ça me fait plaisir de te revoir ! Tu aurais pu me rendre visite depuis la dernière fois. Ma cuisine ne t'a pas plu ?

— Zelen ! Sourit la duchesse. Tu sais bien que ta cuisine est excellente. Si je ne viens pas, c'est surtout parce que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de venir dans la région et faire une semaine de marche pour arriver jusqu'ici.

— Une semaine ? Ça fait des décennies que je demande aux mages de ce royaume de cartographier cette zone pour la téléportation. Je vois qu'ils n'ont toujours rien fait.

— Ou bien Senca nous a donné une carte qui date un peu trop. Quoi qu'il en soit, je suis avec des personnes qui ont vraiment besoin de te voir. Tu as un peu de temps pour les écouter ?

— la table est mise et le ragoût est presque prêt. Nous ferons les présentations et vous me direz ce qui vous amène ici autour d'un bon repas, qu'en dites-vous ?

— Manger autre chose que des rations de voyage ? J'adore déjà ce dragon ! s'enthousiasma Fréone.

Le jeune lutalicien avait toujours aimé la cuisine de George et Clara, mais depuis qu'il était arrivé sur le continent, Wendy avait l'impression que cette curiosité s'était transformée en véritable passion. Si après avoir sécurisé la ville volante celle-ci repartait dans un isolement total, cela allait sans aucun doute l'affecter.

Invités par le dragon à entrer, le groupe découvrit un lieu bien plus chaleureux que les refuges précédents. Cela se voyait tout de suite qu'une personne y habitait à l'année. Dans la pièce principale où étaient installées plusieurs grandes tables les unes à la suite des autres, deux hommes étaient attablés, un verre de vin à la main.

Une odeur alléchante caressait leurs narines et, si Wendy n'avait pas la passion de Fréone pour la cuisine continentale, elle ne pouvait nier qu'il avait raison. Ils allaient enfin pouvoir manger autre chose que des rations fades.

Après s'être installé à table, chaque visiteur se présenta pendant que Zelen servait une portion de son ragoût dans chaque assiette. Lorsque vint le tour de Enzo, les deux bergers ne purent s'empêcher de lui demander s'il était le prince de Trémiss. Avec l'approbation de Scyllia, il acquiesça et ravit les éleveurs.

Ceux-ci se mirent à parler de ses grands-parents et de sa mère qui était partie de leur royaume pour épouser le roi de Trémiss. De ce qu'il en ressortait, leur royaume était gouverné avec la même intention de faire passer le peuple en priorité, ce qui faisait que la famille royale était aimée de tous.

Avoir le prince avec eux fut une véritable aubaine à cet instant. Si Wendy acceptait de parler de Lutalica aux dragons, elle était très réticente à l'idée d'aborder ce sujet devant d'autres personnes. En accaparant leur attention et en entamant la discussion avec eux, Enzo permit au reste du groupe d'aborder le sujet principal avec le dragon vert sans que les humains ne les écoutent.

— En tant que gardienne, c'est ton droit de remettre la source à sa place, mais j'imagine que tu as tout de même pu vérifier leur histoire avant d'accepter ? Questionna Zelen en posant deux coupes au bout de la table.

— Je n'ai pas été vérifier par moi-même si Lutalica existe bel et bien, mais ils m'ont donné des arguments que personne n'aurait pu inventer, répondit-elle. Je sais qu'ils ne mentent pas.

— Si j'ai bien compris, en plus des bénédictions, il faut que les cinq dragons soient présents pour finaliser la cérémonie, intervint Wendy. Même si vous doutez de notre histoire, vous pourrez toujours demander à Senca à cet instant. Il pourra vous confirmer que ce que nous disons est vrai.

— Il a pu visiter cette ville ?

— Non, mais lorsque nous étions à la recherche de la cité des premiers mages avec ma sœur et mon grand-père, c'est lui qui nous a aidé à la localiser. L'un de ses fils nous a accompagné, s'est marié avec ma sœur et tous deux ont eu un enfant. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ne nous accompagnent pas. J'ai préféré les laisser au sanctuaire pour qu'ils profitent plus longtemps de ces retrouvailles familiales.

— Donc si vous passez cette épreuve, cela ne vous pose pas de problème que je me rende chez lui pour le questionner ?

— Nous comprenons que cela paraît invraisemblable, admit Agabir. Kirinne, la dragonne ancestrale rouge a décidé de faire la même chose. Cela ne nous pose bien sûr aucun problème.

— Dans ce cas, nous pouvons passer à l'épreuve. Je vous préviens, elle a l'air simple, mais est mortelle si vous échouez.

— Dites nous tout, insista Wendy.

— J'ai ramené deux coupes. Dans l'une se trouve simplement de l'eau, mais dans l'autre...

S'arrêtant dans son explication, Zelen écarquilla les yeux lorsqu'il les posa sur les coupes. Intriguée, la prétendante à la magie s'avança et regarda à son tour ce qui le surprenait à ce point. Si l'une des coupes était bel et bien remplie, l'autre était vide.

— Dites, vous n'avez pas touché aux coupes avant que j'ai donné les explications, n'est-ce pas ?

— Non, affirmèrent les Lutaliciens.

— Il y avait quoi dedans ?

— Un breuvage alchimique incolore, inodore et sans goût. C'est un poison mortel qui n'a pas de remède connu et je suis absolument certain de l'avoir versé dans la coupe.

Se posant un instant pour réfléchir à ce mystère, Wendy rassembla les informations qu'elle avait. Enzo était occupé avec les bergers et ne s'était pas approché des coupes. Scyllia savait qu'il ne fallait pas toucher aux coupes vu qu'elle était la seule à avoir accès à ses souvenirs des épreuves. Les deux Lutaliciens auraient paniqué en apprenant qu'il s'agissait d'un poison mortel. Il ne restait donc plus qu'un seul suspect qui, à bien y réfléchir, était passé près des coupes avant d'aller s'asseoir plus loin.

— Sixir ?

— Quoi ? Ah non, ça ne va pas recommencer de m'accuser comme ça sans aucune preuve !

— D'un autre côté, à chaque fois qu'on t'accuse, c'est vraiment toi le coupable, commenta Fréone.

— Il n'empêche que ça reste très vexant !

— Mais c'est toi qui as bu cette potion ou pas ?

— Là n'est pas la question !

— Ah si si, c'est justement la question que tout le monde se pose. Est-ce que tu as bu dans cette coupe ?

— C'est vraiment amer votre truc-là.

— Sixir !

— Je n'aurai jamais dû les apporter avant d'avoir expliqué l'épreuve, je suis terriblement désolé, s'excusa le dragon.

— Il s'en remettra, commenta Scyllia en balayant l'air devant elle comme si elle parlait d'un genou écorché.

— Toi tu as pu y réchapper en plongeant dans la source le jour même. Si vous ne vous dépêchez pas, il mourra !

— Mais non. Il n'en a pas l'air, mais il n'est pas humain. Ce genre de chose ne lui fera absolument rien.

— Tu es sûre ?

— Certaine. Et puis...

Hésitant un instant, la duchesse ne finit pas sa phrase à voix haute. À la place, elle s'approcha du dragon et lui chuchota la suite à l'oreille.

— Bon, très bien, je te crois.

— J'espère que les mauvaises manières de notre compagnon ne nous ont pas fait échouer l'épreuve, craignit Agabir.

— Je vais remplir la deuxième coupe et vous pourrez la passer, mais votre ami ne devra pas intervenir pour vous aider. Pour ce qui est de l'épreuve, vous devrez boire la coupe qui contient l'eau et non le poison pour réussir. De plus, je vais ajouter une nouvelle règle pour vous empêcher de faire comme une certaine personne qui s'est crue maline en mélangeant les coupes pour tout boire et réussir l'épreuve comme ça. À la fin de l'épreuve, une des deux coupes doit toujours être remplie du même liquide qu'elle contenait à la base.

Vu que Scyllia se retenait difficilement de rire, il n'y avait aucun doute sur la personne dont il faisait référence pour cette nouvelle règle. Wendy ne l'aurait de toute façon pas tenté. Il fallait être totalement suicidaire pour faire une telle chose.

— Seule la source pouvait soigner ce poison et j'étais de toute façon condamnée si je ne l'atteignais pas, expliqua-t-elle.

— Et voilà les coupes, annonça Zelen en revenant vers eux avec les deux calices de nouveau remplis. Qui veut tenter sa chance ?

— J'ai peut-être une idée. Je peux essayer ? Demanda Fréone.

— Tu es sûr de toi ?

— En fait, ça dépend. Ce poison est mortel à quelle dose ? Une goutte par exemple ?

— Une goutte ne te fera rien, indiqua le dragon.

Prenant de l'assurance grâce à cette réponse, Fréone s'approcha des coupes. Il trempa d'abord son index dans la première et la porta à sa bouche, puis en fit de même avec la seconde.

— Tu perds ton temps. Ce breuvage n'a pas de goût, prévint Zélen.

Comme pour le contredire, à peine avait-il porté son doigt à la bouche qu'il grimaça, alla prendre le verre dont il s'était servi lors du repas et cracha dedans. Wendy, contrairement à Sixircun, n'arrivait pas à voir du premier coup d'œil le breuvage alchimique. Il devait en être de même pour Agabir et Fréone, mais l'adolescente pensait savoir ce qui venait de lui arriver.

— Il faut boire la première, j'en suis absolument certain. Agabir, tu peux confirmer ?

Imitant le jeune lutalicien, le mage prit d'abord une goutte dans la première coupe, puis réitéra l'expérience avec la seconde et la recracha immédiatement. Ayant eu la confirmation qu'il attendait, Fréone prit la première coupe et la but d'une traite avant de la reposer et de fixer le dragon, dans l'attente du verdict.

— Vous... Vous avez réussi. Mais comment ?

— Les lutaliciens sont très sensibles à la magie dans leurs aliments, expliqua Wendy. Pour eux, c'est un goût très désagréable. Sixircun, lui, se nourrit exclusivement de magie, alors le fait qu'il ait bu le poison voulait dire que ça n'était pas un simple mélange de plantes, mais que vous avez utilisé la magie pour le créer.

— Pourquoi personne ne passe l'épreuve comme elle devrait être passée, se désola le dragon.

— On te l'a dit la dernière fois pourtant ! Ton épreuve est totalement tordue ! Personne n'irait penser à te demander directement quel est la bonne coupe !

— Quoi ? C'est ça la solution ? s'exclama Enzo qui s'était arrêté de parler avec les bergers pour les observer.

— Ça va, ça va, j'ai compris ! Je réfléchirai à en trouver une autre pour la prochaine fois. En attendant, Félicitations. Moi, Zelen, dragon ancestral vert et gardien du deuxième anneau de la source des dragons lors de son effondrement vous accorde la bénédiction de la confiance.

Une nouvelle fois, Wendy sentit des picotements lui remonter l'échine, signe qu'elle avait effectivement reçu la bénédiction. Ils étaient arrivés à la moitié du chemin. Plus que deux bénédictions et Lutalica serait sauvée.  

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