Tombée sur l'inconnue - Chapitre 7
— Qu'est-ce qu...
— C'est pas vrai, Claude ! C'est lui ton maître ?! Et qu'est-ce qu'il fiche ici, l'antiquaire fou ?!
Le mage sombre avait à peine fini d'apparaître qu'il s'interrogeait sur ce qu'il se passait autour de lui. Et Alith secouait Claude, au bord de la crise de nerf. Elle le lâcha finalement pour se mettre à insulter l'antiquaire.
— C'est quoi votre problème, bon sang ?! Vous avez aucune idée de ce que vous faites ! Lâchez votre machin, vous voyez pas que c'est exactement ce qu'il veut ?!
— Vous ! Je vous reconnais ! Vous êtes l'autre démon ! Je vais vous renvoyer tous les trois dans les limbes !
— Hé, comment ça tous les trois ? Je suis pas un démon, moi !
— Tu les accueilles sous ton toit, tu partiras avec eux !
— Mais ça va pas la tête ?! Vous êtes un vieux fou !
— Chut Claude, tu n'aides pas, là !
Le vieillard se lança dans un flot de paroles spécialement conçu afin de contrer les démons alors Alith se jeta sur lui et lui arracha son pendule des mains.
— Stop ! Ça suffit !
Dégainant une croix dorée et un chapelet, l'antiquité sur deux jambes continua son rituel. Cependant, un craquement résonna à travers la pièce et il s'interrompit.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?...
Tous les regards se tournèrent vers l'horloge qui était désormais marquée par une large fissure. Alith jeta un oeil inquiet sur son santemps, le décompte s'était brusquement accéléré et n'indiquait plus que quelques heures. Claude la remarqua et l'interrogea immédiatement.
— Alith ? Il... Il va sortir ?
— Tu comprends pas, Claude ? Il est déjà là. Bon sang, qu'est-ce que je peux faire... Que ferait Az' ?...
— Mais c'est... Mon maître... Tu veux dire que depuis tout ce temps... Alith, s'il te plaît, fais quelque chose...
— Elle ne peut rien faire, petit. Bientôt, je serai libre, et je ferai ce dont tu n'as pas été capable. Ce monde m'appartiendra.
— C'est pas vrai, mais c'est pas vrai... Mais qu'est-ce que j'ai fait... Les démons sont parmi nous... Ils vont asservir le monde... Je n'ai pas su protéger le monde, je suis désolé mon Père...
Le vieillard se recroquevilla sur lui-même et murmura les centaines de prières qui lui venaient tout en triturant son chapelet. Claude sortit le grimoire et s'inquiétait de l'inactivité d'Alith tandis que son maître sorcier le regardait avec amusement. Il avait gagné.
— Mais oui, les fleurs ! Bien sûr, c'est évident !
— Heu... Alith ?
— Bien, Claude, bouge pas d'ici, je vais chercher Sylvain et des anapophytilidies.
— A-Attends ! C'est quoi le rapport ?!
Mais la blonde était déjà dehors. Et elle courait à travers les rues. Puis elle s'arrêta et se souvint qu'elle n'avait aucune idée d'où trouver la brute amoureuse des fleurs.
***
Dans le café, le démon avait décidé de provoquer le vieil antiquaire afin d'accélérer sa sortie et Claude tentait d'éviter toute nouvelle catastrophe.
— Alors vieillard, tu es incapable de me renvoyer en Enfer ? Ce n'est pas étonnant, au fond de toi, tu sais que c'est là-bas que tu finiras très bientôt, hahaha !
— Méprisable démon ! Je suis un homme dévoué et je l'ai toujours été ! Je ne faillirai pas à ma tâche !
— S'il vous plaît, arrêtez ! Ça ne fera qu'empirer les choses !
— Recule, apprenti démon ! C'est ton maître qui sera le premier à tomber !
— Mais écoutez-moi, bon sang ! Vous voyez pas qu'il se sert de vous ? Si vous continuez, l'horloge va se briser !
— C'est exactement ce qu'il faut ! Une fois détruite, le démon sera mort !
— Mais non ! Il sera LIBRE ! Vous m'entendez, oui ?!
Claude attrapa le fervent croyant par les épaules et se mit à le secouer.
— Il suffit, Claude ! Tu es vraiment le pire apprenti sur qui je pouvais tomber !
Le mage tendit la main et effleura l'épaule du jeune homme. Ils n'avaient jamais eu de contact aussi direct auparavant. Un éclair, semblable à une réaction d'électricité statique, apparut entre eux. Claude lâcha aussitôt le vieux et se retourna face à son ancien maître.
— Qu'est-ce qu...
Le sorcier sourit en le regardant s'effondrer, secoué de spasmes. L'antiquaire était affolé et ne savait pas comment réagir. Il passa plusieurs longues minutes à regarder le terrifiant démon, plus sûr de lui que jamais, puis le jeune homme au sol, qui commençait à hurler de douleur comme un possédé. Finalement, il reprit son calme, ou plutôt, à peu près son calme et essaya d'aider, tant bien que mal, le jeune en pleine souffrance. Sa réaction ne plut pas au démon. Il espérait que le vieux continue ses incantations stupides, mais il était tellement concentré sur sa nouvelle mission que rien n'aurait pu l'en détourner.
— Hé Claude ! Petit, allez réveille-toi ! Tu es plus fort que ce type ! Hé, quoi, tu ne vas pas mourir !
— Imbécile... Vieil imbécile... Cela fait des années qu'il est à ma merci. Cela fait des années qu'il m'obéit sans réfléchir... Je lui ai simplement donné l'impulsion nécessaire pour qu'il s'en souvienne... Allez gamin, tue-le.
À ses mots, Claude agrippa la gorge du vieillard de ses deux mains et commença à serrer. L'antiquaire commença rapidement à suffoquer et tentait vainement de se libérer de l'étreinte mortelle. Le jeune homme se redressa, renversant l'ancien et continuant d'appuyer toujours un peu plus fort. Le croyant souffla une dernière prière muette avant de s'évanouir pour de bon.
La porte s'ouvrit à la volée, sur un Sylvestre aux bras chargés d'anapophytilidies. En voyant la scène qui se déroulait dans le café, il lâcha son paquet et se précipita sur Claude pour l'arracher de sa victime.
— Qu'est-ce que tu fous, nabot ?! Tu vas pas bien dans ta tête pour t'en prendre au vieux comme ça ?!
Claude se glissa hors de la poigne de Sylvestre et se jeta sur lui comme un chien enragé. Alith entra à son tour avec de nombreuses autres fleurs, qu'elle lâcha de la même façon que Sylvestre quelques secondes plus tôt.
— Bon sang, c'est quoi ce délire ?
— À ton avis, stupide petite démone ? Claude obéit à son maître, tout simplement.
— Alice ? Qu'est-ce qu'il raconte ? C'est qui lui ? Rah mais Claude, arrête de me mordre le bras !
— Claude ! Écoute-moi ! Tu vaux mieux que ça ! Tu es plus fort que lui ! Si tu continues, il ne t'arrivera rien de bon ! Je t'en prie Claude, reprends-toi !
— Ne l'écoute pas, cher apprenti. Elle est l'ennemie. Elle doit mourir, elle aussi. Dès le départ, elle a refusé de t'aider à réaliser ton rêve... Mais tous les deux, ensemble, nous pourrions devenir les maîtres du monde...
— Il est taré ce gars, Alice ! C'est sérieux cette histoire de maître du monde ?
— Claude, je sais qu'il a tort. Je sais que c'était pas ton rêve mais le sien ! Alors je te promets que quel que soit ton véritable souhait, je l'exaucerai !
— J-Je...
Claude avait abandonné sa lutte contre le colosse. Sylvestre le tenait d'une main et le regardait d'un air méfiant. Le vrai Claude était revenu.
— D-Désolé Sylvestre... Je voulais pas mais je pouvais pas m'en empêcher... Il était... Dans ma tête...
Le jeune homme prit sa tête entre ses mains et tomba à genou. Une douleur fulgurante traversait son corps et il avait l'impression d'être brisé en deux.
— Arrête ça ! Arrête de lui faire du mal ! Je sais que nous sommes au centre du cercle d'anapophytilidies ! Et maintenant que j'en ai ramené ici, on retourne de l'autre côté. C'est fini pour toi, démon fugitif !
— Tu te trompes, je ne suis pas un fugitif ! Celui qui a voulu m'emprisonner s'est planté, tout simplement. Et je me suis retrouvé dans ce monde d'humains stupides !
— Peu importe, il est temps de retourner dans ta prison.
— A-Attends Alice... C'est vraiment un démon ? Et-Et toi tu...
— Je te l'ai dit, je viens d'un autre monde. Occupe-toi de Claude et du vieux, s'il te plaît.
— Mais le vieux... Claude l'a tué...
— Nan, 'l'est pas mort.
Alith rassembla les fleurs auprès de l'horloge, les éparpillant sur le plus large espace possible. Le démon, bien que devenu visible aux yeux de tous, ne pouvait rien faire. De son côté, Sylvestre allongea le corps du vieux et parvint à le réveiller et le faire boire. En ce qui concernait Claude, celui-ci était dans un sale état, du sang coulait de ses yeux et il n'arrivait pas à aligner deux mots.
La petite blonde posa le grimoire sur le tapis d'anapophytilidies et tourna quelques pages avant de tomber sur la bonne formule. Elle sortit également son doïze afin d'amplifier le sortilège. Avant de continuer, elle jeta rapidement un œil à son santemps, il restait moins d'une heure.
— S'il vous plaît, écartez-vous le plus possible, ça peut être dangereux...
— B-Bien, Alice... Venez par-là monsieur... Bouge pas Claude j'arrive t'aider...
— No Nitaë Kopara Tren !
Les pétales des fleurs se mirent à briller dans tout le café. Celles du cercle entourant la ville en firent de même et quelques passants purent observer l'étrange phénomène. La comtoise se fendit en deux, ouvrant un passage vers l'Obscurité. De là où ils étaient, les trois humains présents dans la salle avaient la sensation d'être les premiers à percevoir le vide. Le démon qui se tenait toujours entre Alith et l'horloge fut aspiré par le néant. La jeune femme retourna auprès de Claude, laissant le portail encore ouvert.
— Hé, je te l'ai promis. Alors dis-moi, c'est quoi ton vœu ?
Elle dut se pencher pour connaître sa réponse, dans un murmure si faible que si elle avait été humaine, elle ne l'aurait sûrement jamais entendu.
— Hmmm... Ce sera mieux chez moi... Ça te dit de voyager ? Il n'y aura malheureusement aucun retour en arrière possible...
— Rien ne me retient ici...
— Alors je t'emmène.
— A-Attends Alice ! V-Vous partez ? Tous les deux ? Dans... Ton monde ?
— Oui, il est temps. Désolée des ennuis que j'ai pu causer... Et pour notre première rencontre aussi...
— C-C'est rien, ça... J'le méritais, je sais... Dis... J-Je peux venir avec vous ?
— Non, désolée... Il vaut mieux pas. Ta place est ici, Sylvie.
— Je comprends... Prends soin d'toi, Alice...
Alith lui sourit aimablement puis aida Claude à se lever et à marcher. Elle ramassa le grimoire, consciente qu'il était dangereux de le laisser ici. Ensemble, Claude et Alith pénétrèrent l'Obscurité. L'ombre de la fissure se referma sur elle-même, dévorant l'horloge brisée. Les anapophytilidies avaient toutes brûlées dans le processus. Toutes, sans exception. Ce qui signifiait qu'un cercle de terre brûlée entourerait la ville pour quelque temps après ça.
***
Sylvestre sentit son corps le lâcher et se laissa tomber au sol. La femme de sa vie venait de partir à tout jamais. Avec le nabot, en plus. C'était la pire défaite qu'il eut vécu. Et puis c'était assez humiliant. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire désormais ? Il n'avait plus sa victime préférée, il n'avait plus la jolie blonde super dangereuse et démoniaque... Il n'avait plus rien. Il ne remarqua pas les larmes qui roulaient sur ses joues. Un homme, ça ne pleure pas. Une main osseuse se posa sur son épaule musclée et il détourna le regard.
— Hé gamin... C'était... Complètement fou, hein ? Tout ça... Les démons, un autre monde... J'ai bien l'impression de perdre la tête... Et tout ça, ça s'est passé ici, dans ce café. Tu sais, quand j'étais plus jeune, je passais beaucoup de temps ici. C'est ici aussi que j'ai perdu la fille qui me plaisait...
— Quoi, vous aussi ?
— Eh oui, les vieux n'ont pas toujours été vieux, tu sais. C'était un bel endroit pour rencontrer du monde. J'ai toujours trouvé dommage que ça reste à l'abandon... Mais tu es jeune, tu pourrais en faire quelque chose...
— ... Mais c'est pas chez moi, ici...
— Je suis sûr qu'ils auraient été d'accord. Et puis, j'ai entendu dire qu'ils avaient chercher des fournitures pour une réouverture, ce serait dommage de tout laisser en plan, non ?
— C'est vrai, vous avez raison... J-Je les ai aidé à tout mettre dans l'arrière-salle... Je pourrais peut-être... En faire quelque chose...
Le jeune costaud sécha ses larmes – inexistantes, bien sûr, les hommes ne pleurent jamais – d'un revers de manche et se dirigea vers la pièce d'à côté. Il avait beaucoup à faire. Et s'occuper d'un café, ce ne serait sûrement pas si facile. Enfin, au moins, il avait quelque chose à faire de sa vie.
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