XXXIV

[...] plus amère. >> Johann Wolfgang Von Goethe

Lëon

Zoé ne s'est pas tuée à deviner le propriétaire de cette voix grave et menaçante. La réponse lui avait paru évidente.

La jeune meurtière se retourne, les doigts et machoires crispés. De l'autre côté de la chaussée, elle le voit torse et pieds nus, qui la regarde. Cet homme infâme qu'elle désire découper en de tous petits morceaux.

Comment a-t-il réussi à se défaire de ses liens d'adhésif ? s'étonne Zoé

Lëon est beaucoup mieux préparé que n'importe quel autre mâle, à affronter Zoé. Sa grande hache pend le long de sa jambe droite.

Pour s'alléger de la pluie qui alourdit ses vêtements, Zoé enlève son sweatshirt. Elle y récupère son couteau pliable, puis jette le vêtement au sol. Voyant que Lëon s'apprête à traverser, Zoé attire son attention avec sa lampe. Elle lui fait voir qu'elle avance vers les premiers bâtiments de la ville, ceux des petits commerces et de la mairie. Une ruse dont use Zoé, pour gagner du temps afin de se débarasser de son col roulé, épais, qu'elle déchire à l'aide d'une lame.

Zoé est sans couvrechef, ni un quelconque substitut. Il ne lui reste comme haut que le crop top qu'elle porte à titre de soutien-gorge, et son couperet. Elle a aussi le collier que son père lui avait offert.

Elle se sent plus légère. Il lui sera plus simple de s'armer. Par dessus tout, Zoé se sent encore plus prête à combattre.

La pluie qui se fait torrentielle débarasse Zoé, de toutes les éclaboussures de sang, de petits bouts d'os, de cerveaux et lui nettoie ses multiples plaies. Les gouttes d'eau revigorent Zoé en l'éloignant autant qu'elles le peuvent, de son état de fatigue.

Sous cette douche naturelle, l'adolescente ne se ment, ni ne se fait de film. Elle sait que tous les pronostics sont contre elle. Lëon a une hache avec un long manche, et une lame en acier hyper tranchante.

Les lames de Zoé sont toutes tranchantes, mais leurs manches ne sont pas d'une longueur impressionnante. Son marteau est en bon état, mais inutile de loin.

Zoé ne s'avoue pas pour autant vaincue. Elle croit en elle, et dans l'expérience qu'elle a acquise grâce aux dizaines de mâles qu'elle a exécutés. Elle veut venger sa mère.

— C'est quoi ton problème la muette ?  Tu viens à peine de t'installer, et tu oses t'en prendre à moi. Et tu as aussi entraîné Ava, d'après ce que m'a raconté Ilda. Chapeau ! Je doute que votre but soit de vous échapper. Vu que tu es toujours là !

Zoé est prête à tout donner, puisqu'elle n'a rien à perdre. Absolument rien, qui ait de la valeur à ses yeux.

Pour toi 'man.

Zoé se presse de se rendre sur la chaussée. Elle envoie sa lampe atterrir à l'endroit parfait pour éclairer la scène.

— Tu as réduit à néant ma collection !

Zoé frôle de peu, de se faire fendre de son long, en deux parties égales. Elle n'a même pas eu le temps d'essayer de placer à son tour une attaque, que Zoé faillit perdre toute la partie inférieure de son corps.

Zoé crée un maximum d'espace entre elle et Lëon, en riant. Elle n'arrive pas à croire qu'elle ait pu esquiver à deux reprises, sans une seule égratinure.

— Tu travailles avec Mérald, c'est ça ?  Qu'as-tu fait dans ma ville, après avoir attaché Ilda et moi ? Pourquoi y a-t-il autant de sang dans ma maison. Où est mon fils ?

Même si Zoé n'arrive pas à agencer ses idées, elle a l'impression que Lëon tente de la déstabiliser. Alors elle rit de plus belle, comme un enfant qui subit des chatouilles.

Le voyant prendre de l'élan, arme brandie, en courant dans sa direction, Zoé court vers lui. Aidée par l'eau de la pluie, elle se laisse glisser sur ses jambes, et en profite pour entailler la jambe de Lëon.

Sa cible ratée, la lame de la hache s'enfonce en profondeur dans le sol, et s'y coince. Lëon ne parvenant pas à l'enlever, l'abandonne.

Pas besoin d'une hache pour me débarasser de cette femelle insignifiante. D'une main, je peux en finir avec elle, se dit Lëon en donnant un coup de pied à son arme.

Il contourne la hâche pour avoir Zoé à l'œil, et demande :

— Vous installiez les caméras ? Mérald peut me voir, et m'écouter de là ? Hein ?

Zoé ne comprend pas ce que Lëon raconte.

L'adhésif a eté trop serré ? Ce qui a dû mal distribué l'oxygène dans son organisme, et le fait délirer, se questionne Zoé.

— Pas la peine de simuler que tu ne comprends pas Zoé. Es-tu même vraiment une Orlan ?

Jambes fléchies, parée à attaquer, Zoé se grince les dents. Elle regarde Lëon avancer vers elle, tout en observant partout autour de lui, à la recherche des caméras.

— Mérald, tu n'aurais jamais dû la laisser s'en prendre à moi ! Je vais la tuer sous tes yeux, prévient Lëon un sourire peu rassurant sur le visage. Je lui arracherai encore vivante, chacun de ses membres. Je recommencerai ma collection avec elle. Avec son cœur, sa langue et quelques autres parties. J'espère que tes caméras arriveront à saisir chaque détail. Et que tes téléspectateurs et toi, vous vous plairez de ce spectacle sanglant que je vais vous offrir.

Zoé ne partage pas le même avis que Lëon. Selon l'examen qu'elle a fait, les pronostics ont changé, car Lëon n'a plus sa hache à disposition. Elle n'a pas tort.

— Si toi ou Gérard, osez revenir ici, je vous tuerai de sang froid. Je n'ai pas besoin de votre aide pour entretenir ma ville. Surtout pas de la tienne Mérald.

Sous réserve, Zoé n'a pas voulu se prononcer. Mais voir Lëon s'agiter et ainsi rugir dans le vide, lui fait de plus en plus croire que Lëon en plus d'être un sadique meurtrier, est un homme fou.

— À nous deux la muette. Si tu l'es vraiment.

En deux grandes enjambées, Lëon rejoint Zoé à qui elle assène un violent coup de tête. Zoé en perd l'équilibre, et tombe sur ses fesses. Ce qui n'empêche qu'elle ait eu le temps de grièvement blesser Lëon à la taille.

— Tu ne paies rien pour attendre Zoé.

Lëon attrape Zoé par le cou. D'une seule main, il la soulève plus haut que terre. Zoé lui taillade l'avant-bras, pour qu'il la lâche. Mais il resserre d'avantage sa prise, en la défiant du regard.

— Rien à dire Zoé ? Tu préfères persister dans ton rôle de muette ?

Au lieu de continuer à taillader la peau de Lëon, Zoé lui plante le couteau dans la chair. Par réflexe il lâche Zoé, qui ayant toujours le manche en main, déchire l'avant-bras de Lëon de huit centimètres de long.

En retombant sur ses pieds, Zoé se foule la cheville gauche. Elle ne s'y attarde pas, elle court en toussant, jusqu'à la hache.

Bien positionnée, Zoé emmagasine toutes ses forces pour récupérer la hache. À peine a-t-elle commencé à tirer sur le manche, que Zoé tombe à la renverse. Dans sa chute, elle emporte la hache, dont la lame s'était décoincée après le coup de pied de Lëon.

Le corps de la lame tranchante s'abat sur le front de Zoé. Elle n'a pas eu le temps de s'en protéger.

— Hum ! fait Zoé.

Lëon grogne de douleur, en se rapprochant de Zoé, avec des intentions qui sont loin d'être amicales. Zoé entend le son des plantes de pieds nues de Lëon, qui éclaboussent l'eau. Ses pas se font de plus en plus proches. Zoé prend appui sur la hache pour se relever et faire face à Lëon.

— Que comptes-tu faire avec ça ?  Hein ?

Le cœur de Zoé s'emballe à chaque mot qui sort de la bouche de Lëon. Zoé le dévisage en lui crachant de ses yeux, le feu de sa haine, de sa colère, de son mépris, et de sa rage d'avoir perdu sa mère.

— Tu n'es qu'une banale femelle d'à peine seize ans, si je ne me trompe. Et tu penses pouvoir maîtriser une hache.

Dix-sept ans, imbécile.

Zoé soulève la hache, sous le regard surpris de Lëon. Dans un premier temps, elle vise les genous.
Se sentant menacé, et ressentant la terrifiante détermination de Zoé, Lëon saute plus haut que son bassin.

Zoé réitère son action, mais Lëon s'active déjà à s'éloigner de Zoé. Autant qu'il recule, autant la jeune fille s'approche de lui. La lame s'en prend à trois phalanges distales de la main gauche de Lëon. Les petits bouts de doigts s'échouent au sol, et se font emporter par la pluie.

Lëon hurle puis déglutit, en voyant ce visage féminin qui tantôt exprimait une rage excessif, être une seconde plus tard habité par un épouvantable sourire.

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