XXVIII

<< À cœur vaillant...

Le même soucis de téléviseur que Zoé a eu dimanche, refait surface. Mais, elle ne se rappelle pas l'avoir déjà vécu.

Pendant un instant Zoé reste figée devant ce couple habillé, étroitement blotti l'un contre l'autre. Leur image oscille pour laisser place à une autre.

Zoé se frappe la tempe avec l'intérieur de son poignet, avec pour but de se défaire du problème. À chaque coup, elle semble changer de chaîne plus vite, préférant celle -qui offre la mauvaise qualité d'image, -qui est un souvenir de ses parents. Du jour où en rentrant du lycée, elle a appris qu'Aurore allait lui donner une sœur ou un frère. Will cajolait une Aurore endormie dans cette même position.

Papa ? Papa...

Zoé voudrait avancer et tendre la main plus loin. Elle toucherait ces magnifiques cheveux, que Will a perdu à la fin de sa vie. Mais Zoé accepte avec peine le fait qu'il s'agisse d'un tour que lui joue son esprit. Une sorte de mirage trompeur.

Son cerveau a associé l'image de ce couple à son exact similaire dans ses souvenirs. À celle de ses parents dans leur propre lit conjugal.

Si Zoé n'avait pas vu en un premier temps le jeune homme et sa femme, elle se serait laissée berner. Zoé aurait sauté sur eux, sans se poser de questions. Et se serait vautrée entre leurs bras.

Il n'est pas mon père. Non, ce n'est pas mon père. Encore moins ma mère.

Zoé se frotte les paupières fermées pour ne plus les voir. Leur image étant dans sa tête, elle ne s'efface pas. Yeux ouverts ou fermés, Zoé les voit heureux, sur ce lit.

<<Ne les tue pas !>>

Je ne dois pas le tuer ? Oh oui, ils ont l'air différent, amoureux. Il n'y a pas de matelas sur le sol. Ils dorment ensemble. Mais dans la chambre de Lëon aussi, il n'y avait pas de second matelas. Mais, contrairement aux autres maisons, je ne suis tombée sur aucun instrument de torture, ici. Du peu que j'ai vu, cette femme ne paraît avoir aucune ecchymose. Peut-être a-t-elle eu la chance de tomber sur quelqu'un comme Aleck. Elle semble aussi heureuse que maman l'était avec papa.

Se rappelant que ce n'est pas le moment de se laisser distraire, Zoé se ressaisit.

À cette heure, la priorité c'est maman. Je disposerai d'assez de temps pour me remémorer les bonnes et mauvaises périodes que j'ai autrefois vécues.

Pour s'en débarrasser, Zoé se cogne la tête avec son poing, et rouvre les yeux. Avec un pincement au cœur, elle découvre que tout est redevenu normal. Le jeune couple est dans leur propre lit. Les affreux pixels défectueux ne sont plus. Ses parents aussi.

Zoé remet l'arme blanche dans sa gaine en cuir. Des perles d'eau salée, cheminent jusqu'à son menton. Elles lui procurent une douce sensation de brûlure. Les paumes sur les genous, Zoé s'exerce à réfléchir :

J'ai été trop impulsive. Oui. Peut-être que maman avait réussi à s'échapper. Qu'elle était, ou est toujours à l'extérieur de la maison.

Du dos de la main Zoé sèche ses larmes, en s'activant afin de se rendre dehors pour faire le tour de la maison.

- Maman, recommence-t-elle à pleurer, comme un enfant avec des hoquets convulsifs.

Le cuir chevelu en feu, Zoé ne s'arrête pourtant pas de tirer dessus. Elle tire, elle tire, jusqu'à s'en arracher quelques mêches de cheveux. Elle contourne la treize pour la quatrième fois, mais elle ne trouve sa mère nulle part.

Après un dernier tour, Zoé s'arrête dos à la façade. Elle remet son bonnet. Les mâchoires serrées, elle se balance de gauche à droite en se grattant les bras par dessus ses manches.

<< Elle n'est pas là. Tu l'as ratée à cause de ton idiotie. Imbécile ! Crétine ! >>

Accablée par ces reproches qui se répètent en boucle, Zoé s'assoit mollement en tailleur sur le sol, l'échine courbée. Abattue, mais aussi nerveuse, elle pianote sur ses jambes, plusieurs minutes d'affilées.

Œgo, Ûgo.

Zoé avoue les avoir oubliés.

Je dois sauver maman. Personne ne pourra m'en empêcher. Peut-être que l'un de ces hommes...Oui. C'est ça.

Les pas précipités de Zoé la mènent jusqu'au quinze. Elle rentre, l'odeur de sa mère la fouette à plein nez. Zoé tombe sur des bribes d'une conversation, non discrète. Elle les réceptionne, pour qu'elles la conduisent aux interlocuteurs à l'étage.

- [...] je me suis débarassé de son corps, en la jetant du haut de la falaise.

- Pas bête.

- Elle ne manquera pas à grand monde. Ce ne sont pas les femelles qui manquent ici.

- La prochaine fois Ûgo, essaie au moins de t'épanouir sexuellement, avant.

- Tu ne comprends toujours pas Œgo ?

- Quoi donc ?

- Plus elles ont mal, plus je me sens bien. Voir la souffrance habiter leurs âmes, -déformer leurs traits en pulsant leurs veines contre leurs peaux, -les forçant ainsi à me supplier, est plus plaisant, plus excitant et plus joussif que le sexe lui même, cher petit frère. La touche finale, est de regarder la vie les quitter.

- On en reparlera, quand l'envie de procréer s'accaparera de tes pensées, "cher grand frère".

- Tu savais que la deuxième fille de la femelle qui nous a mis au monde, est morte aujourd'hui ? Son mari a payé Lëon pour qu'il l'enterre.

- Il dépense son peu d'argent pour elle ? Quel idiot ! Comme aime le répéter sa génitrice : le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point.

Les deux frères s'esclaffent synchrones, face à cette citation.

Zoé a marre d'enfoncer ses ongles dans sa peau, et de trembler de colère sur place. La douleur la dépasse. Telle une furie, elle fonce sur cet homme en caleçon, au teint presque transparent.

Le cri de rage de Zoé, mêlé à ses sanglots alertent Ûgo de sa présence.

L'homme s'arrête de rire en se retournant, juste à temps. D'une main, il fait accélérer Zoé dans sa course en la poussant contre un mur, tête la première. Il la compresse dos à celui-ci, un bras contre son cou.

- Que fais-tu ici le nouveau ? Tu as perdu ton chemin ?

- Bríss ... dit que ma mère est là ! Où est-elle ? Que lui as-tu fait ? demande-t-elle avec la peur qu'il confirme ses craintes.

- Une femelle ? Tu es une femelle ! Et tu te permets de m'adresser la parole ainsi ? De plus ta voix, on dirait celle d'un moustique riquiqui, doté de la parole.

- Que se passe-t-il Ûgo dans la salle de bain ? demande le frère.

- Viens Œgo ! Viens.

- Je suis occupé.

- Où est ma mère ? chuchote une Zoé impétueuse, encore plus bas que d'habitude.

- Tu vas bientôt le savoir, répond Ûgo en la giflant largement d'un seul revers de main.

- Regarde-moi, invite-t-il Zoé. Que vois-tu ? Du sang n'est-ce pas ? Donc ?

Elle lâche Zoé pour lui présenter son corps musclé, taché de sang.

- Donc ?

<< C'est de ta faute Zoé. Tu l'as tuée Zoé. Tu as envoyé ta mère sous terre. >>

- Une femelle bien domptée, bien apprivoisée, bien dressée, répond quand on lui pose une question. Dans ton cas, il s'agit plutôt de trois questions consécutives.

Ûgo assène une nouvelle gifle à Zoé, qui surpasse la précédente, en complément à sa réplique. Cette dernière envoie l'adolescente, culbuter contre la baignoire remplie d'eau.

- Bríss sait parfaitement quel sort mon frère et moi, réservons à la majorité des femelles, qui pénètrent notre demeure. Il a dû t'envoyer ici pour qu'on te massacre, et pour que tu comprennes par toi-même ce qu'est devenue ta "mère", ricane Ûgo, en plongeant la tête de Zoé dans l'eau.

<< Tu l'as tuée Zoé. >>

Voyant que Zoé ne se débat pas. Ûgo pense à sortir sa tête de l'eau, en l'attrappant par les cheveux. Ne savant pas que Zoé ne possède qu'une courte chevelure, il ne fait que lui enlever son couvre-chef. La force qu'il y met, le fait perdre pied. Il emporte le bonnet dans sa chute.

Ne ressentant plus aucune pression sur sa nuque, Zoé se relève. Elle recrache l'eau, accumulée dans sa bouche, en ajustant sa capuche sur sa tête.

Non, non ! Il ment ! Il ment ! pleure Zoé, en courant, avec pour objectif d'atteindre la falaise.

Ûgo est rapide, très rapide, il talonne déjà Zoé. Il lui attrape le bras, l'obligeant à faire volte-face. Zoé lui répond avec son poing à la figure.

- Tu vas souffrir ! s'énerve Ûgo

Zoé encaisse un uppercut sous le menton, auquel elle rispote par des coups de pied, et un coup au torse. Ûgo la tient par les épaules, et amène son genou au ventre de Zoé, qui enchaîne par un coup de tête. Après ce geste, elle arrive à se libérer pour poursuivre sa course vers la falaise.

Au niveau des escaliers, Zoé reçoit un coup de pied, qui la propulse en avant, la faisant passer par-dessus la rampe d'appui. Elle s'échoue alors brutalement sur le dos, contre les lames de bois du rez-de-chaussée, en un fracas assourdissant.

- Ûgo ! Pourquoi tout ce boucan ? Tu as pour projet de réveiller le vieux ?

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