XXV

<< Hésiter est ...

Tous coupables ! Ils paieront tous de t'avoir fait souffrir 'man. Ils paieront tous ! Je ferai n'importe quoi pour te sauver, rumine toujours Zoé en modifiant ses plans.

Sous les recommandations d'une voix dans sa tête, au lieu de la huit elle tente la remise de Lëon. Tout comme conseillé par Ava, plus tôt.

La porte est fermée, Zoé tourne le poignet mais elle ne s'ouvre pas. Zoé entreprend de la défoncer en alternant coup d'épaule, et coup de pied. Elle ne s'ouvre toujours pas. En regardant, énervée, le bas de la porte, elle remarque qu'elle a aussi une fermuture au cadenas.

Zoé prend le marteau qu'elle avait emporté dans l'intention d'infliger des tortures à Lëon, pour casser le cadenas. Au bout de quelques coups bien placés, elle y parvient. Zoé reprend avec les coups d'épaules. Au troisième, la porte cède, laissant Zoé s'étaler par terre.

Avec un brin d'espoir, Zoé répand de la clarté dans la grande remise. Aurore n'y est pas. Les traces, les taches de sang au sol, ne sont pas fraîches, elle n'y était pas non plus. Zoé s'approche des étagères où se trouve des centaines de petits bocaux en verre transparent.

Lorsque Zoé regarde de plus près, elle découvre qu'ils contiennent des morceaux humains, nageant dans un liquide. Sur chacun d'eux est marqué un nom, une date.

Zoé met la main sur l'un de ceux du mileu. Il date de neuf ans, au nom de Ëlzî Burtan. Un doigt de pied : un pouce. Zoé le jette, le laissant s'éclater, sur le sol. Puis au hasard, elle prend un bocal de ceux du haut, datant d'il y a quinze ans, qui conserve un oeil. Zoé l'envoie se briser contre d'autres. Elle prend un dernier, à peine plus large que les précédents. Ce qu'il contient, Zoé n'a jamais eu devant elle, celui d'un humain. Mais elle a déjà vu l'hologramme le représentant en cours de physiologie. Zoé tient entre ses mains le cœur de Lola Accyx, gardé dans cette prison de verre depuis trois mois.

Marteau à la main, Zoé observe les récipients une dernière fois. Elle ajuste sa capuche par-dessus son bonnet, puis se met la tête entre l'intérieur de son coude gauche pour protéger ses yeux.
Zoé casse tout, chaque bocal, chaque étagère. Elle inonde le sol du liquide inconnu, et de différentes parties du corps humain.

Malgré les débris, les éclaboussures, les morceaux humains, -qui se sont propulsés sur elle, sur sa bouche, ses vêtements, -Zoé quitte l'endroit avec un sourire béat. Piétinant au passage, oeil, organe génital, oreille, orteil.

La jeune fille est excitée d'avoir détruit ce qui lui semblait être important pour Lëon.

Je ferai de toi un barbecue incomestible Lëon après avoir retrouvé ma mère, projette Zoé en traversant la rue, en direction de la huit.

À deux pas du perron, Zoé est prise de cours, lorsqu'un acouphène hyper aigu, complété d'une douleur subite l'agresse à la tête, à l'œil et à l'oreille droite. Une douleur à la fois douce et piquante.
Elle lâche sa lampe, et presse ses deux mains contre ses cavités oculaires, alors que des flashbacks font leur apparition. Elle revit cet instant au milieu des hautes herbes, où elle a entendu le cri d'Aurore. Aucun de ceux qu'elle a entendus ce soir, ne la surpasse, même pas le sien. Puis vient le moment, où Zoé l'a vu allonger sur le dos, inexpressive, avec une unique larme. À cette image, la lancinante douleur devient plus intense. En dernier lieu, Zoé revoit ce chien sauvage en piteuse état, qu'elle maudit encore.

Ce retour dans le passé et tout ce qui l'a accompagné, prennent fin un à un, laissant Zoé confuse. Elle avoue avoir oublié, ce moment quelque peu traumatisant, l'instant même après l'avoir vécu. Intéressant...

Une main sur le cœur Zoé fixe le ciel.

- Tu t'es battue seule, cette fois-là. J'avais failli te perdre. Je ne te perdrai pas aujourd'hui. Je me battrai pour toi, jusqu'au bout, murmure Zoé à la nuit dans l'espoir qu'elle apporte ses mots au creux de l'oreille d'Aurore.

.

- Bríss ! Bríss ! Arrête, je t'en supplie. Tu vas la tuer. Prends-moi à sa place, tonitrue une voix féminine.

- Je vais t'arracher la langue, et ça te coupera l'envie de penser pouvoir me donner des ordres, rugit le dénommé Bríss. Je frappe qui je veux, et tu n'as pas ton mot à dire. Que je sache mes coups n'appartiennent pas qu'à Ava et toi. Tu es plus mal-élevée que tes idiotes de filles. Aucune d'entre elles n'oserait m'appeler par mon prénom. Pour toi, c'est Monsieur Wilton. Compris ! Je ne suis pas ton ami. Tu n'es rien Yva ! Tu n'es personne ! Tu n'es même pas capable de me donner un fils. Tu n'es qu'un déchet de l...

Le chef de famille des Wilton n'a pas le temps de finir sa phrase, qu'il ressent une foudroyante douleur au haut de son dos, suivi d'une deuxième. Il voudrait toucher son dos, pour comprendre ce qui lui arrive, mais ses doigts, refusent de lui obéir. Il n'y a que l'expression orale qui semble fonctionnelle, alors il ne se prive pas de l'utiliser pour exprimer sa douleur.

Ses jambes incapables de le soutenir une seconde de plus, il s'affale par terre de tout son long. Il rate de peu d'amortir sa chute, sur le corps meurtri de sa plus jeune progéniture.

- Allez Ève. Ne pleure plus ma fille. Ça va, c'est terminé. Je suis là. Chut... chut...chut, répète Yva en caressant le dos de son enfant.

- Z'ai mal... Ça fait mal..., pleure la petite fille. Ava n'a pas mal, elle, quand monsieur Huit-ton lui fait ça. Elle pleure pas ! Chuis trop petite ? Quand z'serai plus grande ze n'aurai pus mal maman ? Ze chanterai comme monsieur Huit-ton te fait chanter ? Oh ! Eva aussi n'a pas mal... Eva ! Eva me manque.

- Chut... chut... chut... Eva me manque aussi, avoue Yva en consolant sa fille.

Yva garde un œil sur Bríss, et un autre sur cette personne -qui furète partout, -qui a épargné la vie d'Ève.

Yva a vu venir l'individu qui lui est inconnu, avec une longue lame scintillante dans le noir. Elle n'a rien dit car il fonçait droit sur Bríss.

- Pourquoi monsieur Huit-ton chantait ? Pourquoi, il ne bouge plus ?

Ève a raison, Bríss ne bouge plus. Mais, de là ou se trouve Yva, elle écoute ses respirations saccadées, et contrôle la fréquence de soulèvement de son dos en sang. Elle ne sait pas sur quelle position camper.

Être pour ou contre la mort de cet époux, dont elle a si souvent souhaité la mort.

- YVA ! se fait-elle interpeller une ènième fois par Bríss.

- Heu ? sort-elle de ses pensées. Oui ?

- Je t'ai appelée, je ne sais combien de fois. Viens m'aider à me relever. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je ne peux même pas bouger le petit doigt.

Cette expression n'a jamais été si bien utilisée, étant donné son réel incapacité à le mouvoir. Zoé ne lui a pas placé une attaque anodine. Non. Ses cours de sciences se sont invités dans sa tête. Lui rappelant qu'une lésion de la moelle épinière, entre la région cervicale et thoracique, pourrait paralyser tout, ou une majeure partie du corps.

Yva ignore ces détails, Bríss encore moins. Ce qui pourrait expliquer les pensées hésitantes d'Yva.

Si je l'aide, Bríss pourrait changer en bien. Il me serait reconnaissant. Il se comporterait mieux avec nous. Comme lors de ma première grossesse. Lorsqu'après deux ans d'essai infructueux, mon gros ventre qui pendait, lui a donné l'espoir d'un fils, sourit-elle nostalgique en faisant un pas en sa direction.

Yva regagne sa place initiale, en se rappelant des paroles d'un livre qu'elle a lu :

"Personne ne change du jour au lendemain. Tout changement est évolutif." Oui, Bríss n'a jamais montré une quelconque intention de changer. Aucun changement, ne peut se faire brusquement, qu'il soit positif ou négatif. Il y a toujours des petits signaux avant-coureur, assez perceptibles, qu'il faut juste prendre le temps d'examiner. Parfois on est aidé par un petit déclencheur, pour affirmer le changement. Mais, je dois être réaliste : Bríss ne se bonifiera pas du jour au lendemain, parce que je l'aurais aidé. Il n'a jamais nourri du bon en lui. Je ne dois pas être bête. Bríss a toujours agi de mal en pire. La mentalité de la ville est bien trop ancrée en lui. Il ne me dirait même pas un merci, si je l'aidais.

- Yva ! le fait sursauter son époux. Pourquoi tout ce temps ? Attends que je me remette sur pied, et tu verras de quel bois je me chauffe. Quand je te donne un ordre, tu l'éxécutes et vite. Je t'attends, espèce de femelle sans cervelle !

Mais me retrouver veuve ne sera pas en faveur de mes filles, surtout pas en celui d'Ève. Nous serons envoyées dans le pseudo-orphelinat. Si quelqu'un pose son dévolu sur moi, je recommencerai à zéro. Je serai forcée à abandonner, la chair de ma chair, se poursuit les réflexions d'Yva.

Yva ne sait plus quoi penser. Elle n'a aucune idée sur le comportement à adopter. Tout est flou. À chacun de ses temps de réflexion, Bríss s'énerve encore plus.

Yva doit prendre une décision.

L'aider à survivre, ou le regarder mourir ? se pressure Yva.

Lorsque des bruits d'objets renversés, balancés contre les murs de l'étage du dessus percutent l'ouïe d'Yva, elle s'aperçoit avoir perdu de vue l'inconnu tout de noir vêtu. Ses yeux finissent leur course sur sa fille, qui tente au mieux de contenir ce qu'elle ressent, pour ressembler à ses grandes sœurs.

Le déclic attendu !

- Qu'est-ce qui se passe ? questionne Bríss.

- Bouche-toi les oreilles Ève, et ferme les yeux, demande Yva en posant un baiser sur l'une de ses joues, en l'asseyant sur le parquet.

- Oui maman.

Yva s'écarte de sa fille pour s'approcher de son époux.

- Tu te fichais de tabasser à mort ma petite Ève toute fragile, commence Yva en s'accroupissant. Tout ça pour une foutue question dont elle ne connait pas la réponse. Tu as quarante-deux ans, elle en a que cinq. Cinq ans ! Pourquoi je me préoccuperais de ton cas ? Tu n'as que ce tu mérites. On récolte ce que l'on sème. Si tu lisais, tu le comprendrais. Tu ne lis jamais, et tu oses me traiter de sans cervelle, alors que tu es l'esprit le plus inculte de cette maison. Meurs Bríss ! Crève ! Meurs ! Crève bâtard, tu ne manqueras à personne.

En disant ces derniers mots Yva n'a cessé de cogner à l'aide de ses mains, la visage de son époux contre le sol, avec rage. Elle n'écoute aucun de ses mises en garde.

- Crève ! lance Yva à Bríss en le mettant sur le dos, dans le but que cela accélère sa perte de sang.

- Yva, tu vas le regretter ! Je te ferai gober tes mots ! Attends que j'arrive à me relever !

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