XVIII
<< À quelque chose ...
— Argl.
Ava se retient un moment de s'apitoyer sur son sort, pour prêter attention à ce qui l'entoure. Encore un "argl". Il se distingue des perpétuels cris. Ce son est proche d'Ava. Très proche.
Ava tourne sur elle même, pour en trouver la provenance.
— Zoé ? recommence ses larmes, sur le dessin de son sourire.
La raison de continuer à se battre, saute alors aux yeux d'Ava : "soutenir Zoé". Une paume sur le flanc percé, pour endiguer le sang, à l'intérieur de son corps, Ava cherche comment venir en aide à Zoé.
En regardant sa voisine, Ava comprend que c'est elle, qui entretiendra -sans s'en rendre compte, -la flamme du flambeau de la rébellion enclenchée.
Elle le fera tant qu'elle n'aura pas retrouvé sa mère, et pu quitter Skueñalas. Zoé ne laissera rien au monde l'empêcher d'arriver à ses fins, même pas la morale ou sa peur de mourir, conclut-elle.
Ava l'a compris, sans que Zoé n'ait à le lui dire de vive voix. Alors tout comme Zoé l'aide à atteindre ses objectifs fraîchement déterrés, Ava veut contribuer à celle de Zoé. Petite ou grosse contribution, peu importe, juste un geste utile avant qu'elle ne s'éteigne.
Une idée illumine l'esprit embrumé d'Ava. Malgré les menaces muettes d'Oën, elle se contraint à combler l'espace entre eux.
Sans crier gare, la blessée emmagasine toute son énergie pour piétiner le pied troué d'Oën. La douleur engendrée, fait se crisper chacun des muscles de ce dernier.
Le couteau entaché de sang, tenu de sa main gauche, finit sa course au sol. Sa seule chance d'arriver à bout de cette corde de cuir, ou de celle qui tire dessus, s'évanouit lorsqu'Ava envoie le couteau valser à l'autre bout de la pièce.
Un genou à terre, Oën est contraint à prendre appui sur son pied abîmé. Ce qui le désavantage en tout point. Il tente de se relever, mais impossible. Ses blessures, l'ont affaibli.
Ava aggrave la mauvaise posture d'Oën, en enfonçant ses doigts dans l'une des plaies de son abdomen. L'hémorragie devient alors plus abondante. Oën ne peut plus supporter. Il puise de ses réserves pour repousser une Ava, toute frêle. Il l'envoit s'échouer contre un mur.
Énervée par le geste d'Oën, Zoé pivote encore plus sur elle-même, -du coté droit, -en tirant le fouet des deux mains, de toutes ses forces.
Oën suffoque. L'oxygène ne parvient plus à ses poumons encore moins à son cerveau. Il commence à voir trouble. Ses yeux d'un bleu pâle, sont au bord de la révulsion. Il sent la vie le quitter. Elle s'échappe peu à peu de son corps mutilé.
Oën essaye avec plus de conviction de glisser ses doigts entre l'unique lanière et sa gorge. C'est peine perdue. La détermination de Zoé est sans faille. Oën le sent. Sinon d'où lui viendrait toute cette force. Mais, il ne sait pas ce qu'est sa source de motivation. Il n'est sûr que d'une chose : Zoé veut le tuer.
Oën a raison.
Même pas une fois, Zoé n'a volontairement tué un moustique. Aujourd'hui, elle ne rêve pourtant que d'assister au moment où Oën va rendre son dernier souffle de par ses mains. Oui, sans une once d'hésitation, elle compte lui ôter la vie. Ce n'est qu'une question de temps.
Les bras d'Oën ne peuvent plus combattre la gravité. Oën ne peut plus résister, il n'arrive plus à lutter. Il est entrain de partir. Il finit par s'écrouler du côté gauche, sur le sol. Le poids de son corps inconscient, emporte Zoé dans sa chute. Zoé se dépêche de se redresser pour continuer à serrer le fouet plus fort. Serrer encore et encore, même si le cordon en cuir lui scie les mains. Serrer jusqu'à ce qu'Oën ne soit plus qu'un cadavre. Un corps sans vie, au visage tuméfié et rouge, aux lèvres pâles, aux yeux injectés de sang.
— Ah !
— Ava ? s'inquiète Zoé.
— Ah ! Ah ! se met à geindre Ava de plus belle.
En voyant le visage d'Ava autant déformé par la douleur Zoé cesse tout effort. Le cas d'Oën devient secondaire. Elle arrête de tirer sur le fouet. Elle met un terme à la compression de sa trachée. Elle abandonne près de son but. À quelques secondes près.
Zoé accourt au chevet d'Ava.
D'entre elles deux, Ava a de loin été la plus éprouvée de la soirée. Elle est bien mal-en-point. Avec compassion, Zoé lui tient une main.
Son dos, la peau de son crâne, son menton, la profonde blessure à son ventre. Oën ne l'a guère ménagée. Rien ne va, Ava est sur le banc des agonisants. Zoé voudrait la soulager d'une de ses sources de douleur, en la subissant à sa place. Mais elle ne peut pas. Elle s'en veut de n'avoir pris que des coups de fouet, et quelques entailles superficielles au couteau. Et ceci, grâce à Ava qui est venue la secourir.
C'est la dernière chute de Zoé, qui a fait prendre cette fatale blessure à Ava. Elle aurait pu continuer sa route, mais Ava a fait demi-tour pour Zoé. Pour l'aider à se relever.
Zoé se sent redevable. C'est à son tour de venir à sa rescousse. Elle veut lui sauver la vie, pour se rattraper de n'avoir rien fait pour Brutus. Brutus ?
Mais comment ? Je ne suis ni médecin, ni infirmière, ni secouriste.
Secouriste, secouriste!
La fervente amatrice de série se rend compte qu'elle n'a pas besoin d'un titre pour y arriver. Tous ces films, ces séries, ces vidéos qu'elle a regardés, elle y a appris tant de choses utiles. Elle va combiner plusieurs de ces méthodes, en mettant foi dans leur réussite.
— Tiens bon. Courage. Fais-moi confiance, rassure Zoé assez fort pour qu'Ava l'entende. Je reviens.
Zoé ne connaît pas l'emplacement des linges propres dans cette maison. Elle allume la lampe torche de son portable, et commence à chercher partout. La recherche est fructueuse et rapide. Munie de quatre petites serviettes, une longue écharpe sur l'épaule, deux bols à anse dont l'une remplie d'eau, Zoé revient. Elle a tout ce dont elle a besoin pour l'instant.
La secouriste du dimanche, se met au niveau de sa patiente, qui somnole.
— Reste éveillée. Ne t'endors surtout pas, conseille Zoé à Ava après lui avoir donné quelques petites claques pour la réveiller.
L'eau est partagée entre les deux bols. L'une des serviettes est mouillée dans le premier bol, pour être posée sur le front luisant de sueur d'Ava. Une autre débarasse son menton du sang qui en suinte, et de celui qui a commencé à se coaguler. Vient le tour de la plus grave blessure.
Le tissus du vêtement sali de sang , est déchiré pour que la plaie soit mieux exposée. Zoé est prise d'un haut-le-cœur en la voyant.
Zoé repense à toutes ces chairs fraîches, qu'elle a côtoyées, ceci de très près, ces dernières années. Elle en a touchées, et débitées plus d'une tonne l'année dernière, avant qu'elle n'arrête tout.
Mais jamais celle d'un être humain, dégoulinante de sang, qui plus est vivant ! Alors, elle repense à ces carcasses animales, pour se donner une certaine contenance.
— Zo...Zoé, ne te fatigue pas. T..ta...ta mère. Cherche d..dans la remise, et la forêt. C'est l..l..là qu'il g..garde ses vic...times. Lëon... Tue..tue-le après, pour pour moi, bégaie Ava sous le poids de la douleur, en tenant la main de Zoé.
— Chut ! fait Zoé un doigt devant sa bouche.
Le même tissu est trempé puis essoré. Zoé l'utilise pour nettoyer minutieusement le coutour de la blessure sans la toucher, pour ne pas l'infecter, s'il ne l'est déjà. L'eau du premier récipient et la serviette sont devenues aussi rouge que le sang. Zoé rince le troisième tissu , à l'aide de l'eau propre, le repasse aux mêmes endroits, puis se charge de la main d'Ava.
Zoé garde espoir, qu'Ava pourra s'en sortir. Les organes vitaux semblent avoir été épargnés, car dans le cas contraire Ava aurait eu une hémorragie plus importante, et-ou serait déjà morte.
Une compresse d'infortune est improvisée avec la dernière serviette. Zoé la maintient du mieux qu'elle peut avec l'écharpe, en évitant de saccager Ava. Elle finit par déchirer des points stratégiques de la robe, dont le devant est imbibé de sang, pour pouvoir la lui ôter.
De meilleures soins seront prodigués chez elle, en attendant ceux d'un hôpital. Ce qui risque de prendre beaucoup de temps, ou ne jamais arriver.
Sans que personne ne s'y attende, Oën ouvre grand les yeux, et la bouche. Il absorbe la plus grande quantité d'oxygène possible. Sa gourmandise d'air, lui vaut une quinte de toux. Des toux qui s'accaparent de l'attention des deux jeunes filles, et les surprennent.
Oën n'est pas mort. Il regagne ses esprits.
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