XVII
...il faut le boire.>> ???
Oën attrape Ava, -qui plus près de lui, -par les cheveux. Il la force à se mettre debout avec sauvagerie.
Le cuir chevelu d'Ava lui fait trop souffrir, pour penser à résister. Elle se laisse faire par crainte de se le faire arracher, et laisser les muscles de son crâne à vif.
Ava se retrouve alors en sandwich entre le corps d'Oën et le mur. Tel un demeuré, ce dernier inspire l'odeur de sa nuque. Sans délicatesse, il retourne sa tête pour expirer dans le creux d'une de ses oreilles. Il place les avant-bras d'Ava au dessus de sa tête sans douceur, puis l'embrasse à pleine bouche.
— J'aurais préféré Eva. Vous vous ressemblez, mais êtes si différentes. Ta petite taille est énervante.
Oën penche la tête d'Ava en arrière. Ava ne sait pas ce qui l'attend. Ni elle, ni Zoé, n'ont bougé. Ava espère de tout son être ne pas être entrain de faire face à la règle numéro quatre.
Les dents d'Oën viennent lui caresser le menton. Ava trouve un tel geste étrange. Ce n'est que lorsque Oën ferme sa mâchoire avec force sur son menton, qu'Ava comprend son intention. Il la mord pour la marquer. Pour incruster ses empreintes dentaires dans sa chair.
Sanguinolente, la peau du menton d'Ava lui fait beaucoup souffrir. Sous la pression des dents d'Oën, la pointe de sa mandibule semble être sur le point de céder. Mais Ava ne bouge même pas d'un iota. Tout son corps reste crispé.
Aucun son de douleur ne traverse les lèvres d'Ava. La peur de se retrouver avec une aiguille et un fil les lui transperçant encore et encore, et aussi sa crainte de ne plus pouvoir manger, si elle parvient à mettre hors d'état de nuir Oën, a surpassé son besoin d'atténuer ses signaux douloureux. Ava préfère de loin perdre un doigt.
Il n'y a que ses larmes qui trahissent son état. Aucune règle n'étant formulée à l'égard de celles-ci, Ava se contente de pleurer.
Un soudain étonnement prend possession de la personne d'Ava, lorsqu'un cri perce son tympan. Il ne provient pas d'elle, mais a été émis très près de son oreille.
Que ? Quoi ? Zoé ? s'enquiert Ava.
Un tenor a rejoint les autres dans leur concert, cette nuit. Un mâle adulte, Oën, et ceci sous les directives d'une femelle. Une première à Skueñalas où les hommes se doivent d'être choyés, respectés.
Aucune rébellion n'a dans le passé plus que présent de cette ville, atteint un tel niveau. Mais aujourd'hui est un autre jour, une nouvelle page, un autre livre. Avec une partie d'un chapitre consacrée à Oën.
Ce dernier, trop obnubilé par l'exécution de sa morsure, a tout oublié. Il a oublié qu'ils n'étaient pas que deux dans cette pièce. Oublié, la présence du deuxième intrus : Zoé.
Une aubaine dont Zoé s'est résolue à profiter à ses risques et périls.
L'audacieuse a osé bouger. D'abord ses doigts, qui se sont mûs avec discrétion pour prendre les deux couteaux portés par ses jambes. Puis, sans un bruit, elle s'est traînée vers Oën à quatre pattes.
Calme, mais non sans rage, elle a perforé le pied d'Oën. Les cordes vocales de l'homme ont réagi à la seconde, en hurlant sa douleur.
Face à son cri, Zoé a un instant eu un léger mouvement de recul. Mais, elle s'est aussi vite reprise pour planter la seconde lame à deux reprises, au dessous des côtes droites d'Oën. Ce dernier, perdu, vit chaque coup porté, en ne s'expliquant pas la manière dont la situation lui a échappé. Son esprit ne se réveille qu'après réception du heurt, donné par Ava à son entre-jambe.
— Les crétines ! Vous faîtes bien de courir.
Oën s'accroupit en prenant de l'appui sur son talon gauche. Les dents serrées, il encercle le manche qui dépasse sa chaussure. D'un seul coup, il libère son pied, en occasionnant une assez importante perte de sang. Il ne s'y attarde pas.
— Oh, que vous allez souffrir ! Hors de question que vous bénéficiez d'une mort rapide. Je m'occuperai personnellement de vous, s'égosille Oën d'un ton menaçant.
Malgré la douleur lancinante, lui venant de quatres parties de son corps, Oën essaie de faire de grands pas. Les filles ont pris une certaine avance en courant. Vu qu'il boite, et a perdu du temps dans la montée des escaliers, Oën ne parvient pas à combler la distance entre eux. Au contraire, elle se creuse.
Presqu'arrivées à la porte d'arrière, les pieds de Zoé s'emmêlent à la lanière du fouet subtilisé. Elle finit écraser face contre terre. Ava s'en rend compte, elle rebrousse chemin pour l'aider. Oën aussi s'en aperçoit. Il se sert de cette vue comme anesthésiant pour améliorer sa cadence.
L'avance des filles se perd petit à petit. Zoé est debout. Mais quelques secondes trop tard. Oën est à leur niveau, juste derrière Ava, couteau à la main. Il tire Ava par le bras, et place son avant-bras droit, contre sa gorge. De sa main gauche, il force le barage créé par un cubitus et une main d'Ava. Oën est bien trop fort, Ava n'arrive plus à tenir. Le bout du métal touche de plus en plus sa peau. Il n'y a rien qu'elle puisse faire.
C'est la fin se dit Ava, il n'y a plus d'espoir.
L'objet tranchant qui tantôt a logé dans le pied d'Oën, fait une ouverture dans son ventre. Un liquide chaud en sort,et coule sur son corps lorsque le couteau est enlevé. Ne se sentant plus entravé par Oën, Ava touche sa plaie.
Toujours traumatisée par les règles imposées, il y a peu, la poignardée regarde sa main trempée par son propre sang, sans la moindre réaction.
Que faire ? Il n'y a plus rien à faire. La preuve, raisonne Ava en regardant le tissus de son vêtement s'imprégner du liquide rouge. Pourquoi continuerai-je à lutter ? Je me le demande. C'est la fin. J'ai échoué et gagné. Échoué dans ma quête d'une vie meilleure pour mes soeurs, ma mère, les autres femelles lucides, et moi. Gagné une mort qui m'épargne de bien de sévices. J'ai surtout gagné parce que j'ai essayé, bien que j'aie échoué. Mais peu importe, quelqu'un d'autre remportera la victoire. J'ai posé la pierre, qui prouve que ce n'est pas impossible.
Ava repense à tous les livres qu'elle a lus. Les romans, les atlas, et tant d'autres. Elle a lu et relu des contes où les histoires se terminent bien. En les lisant, elle a nourri la secrète envie de vivre une fin heureuse. Comme dans ces histoires, où tout semble possible. Une happy end sans prince, sans chevalier, car Ava ne s'est jamais considérée être une princesse en détresse.
Aujourd'hui, Ava se dit : "qu'elle a eu tort de lire et relire ces histoires. Que ceux qui se moquaient d'elle, ont eu raison de ne pas perdre leur temps à les lire. Que ce temps "gâché", lui aurait été profitable pour lire d'autres ouvrages plus utiles. Car au final, elle se retrouve debout en pleine nuit, l'abdomen troué. Elle est à des années lumières de ce qui pourrait être qualifié de fin heureuse."
Serait-ce cela la soi disant fin heureuse que je mérite ? Ou est-ce la meilleure fin que j'aurais pu espérer avoir dans cette maudite ville ? se demande Ava.
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