XIV

<< Il faut battre le fer [...]

Il est inhumain. Il a l'apparence d'un être humain, mais il ne l'est pas. Lëon Foy n'est que la personnification du mal, examine Zoé.

Lëon a personnellement exécuté des femmes, et des hommes. Parmi eux se compte le copain d'Eva. Les habitants de la ville ont tous été conviés à y assister, comme ils le seraient pour une réception. Lëon a voulu tracer un exemple, parce que le malheureux a osé se confronter à lui, et à son fils. Le jeune homme amoureux, avait eu l'audace de s'opposer à ce qu'Oën se marie avec Eva, en clamant son amour.

Pour son double affront, Lëon lui a fait payer de sa vie.

Le père du condamné n'a formulé aucune objection. Aux premières loges avec son épouse effondrée, il n'a rien raté de la scène. Il n'a même pas cillé lorsque la hache s'est abattue avec force sur le cou de son fils.
Lorsque la tête a roulé à ses pieds, il a soupiré, puis tracé sa route. Il a laissé son épouse seule, à pleurer devant le corps sans vie d'un fils qu'elle chérissait.

Sous les ordres de Lëon, la tête a trôné sur un piquet, une semaine entière. Cela a été une vraie torture pour Eva. À la fin de son exposition, les jeunes n'ont plus eu le droit de se côtoyer sans besoin. Nul n'a voulu être le suivant. Alors ils respectent tous le décret du maire.

Cette histoire a expliqué à Zoé le pourquoi qu'une ville soit aussi inanimée. Une question qui a souvent trotté dans son esprit sans trouver réponse.

Des forces reprises, Zoé s'est alors redressée avec plus de conviction après l'écoute de ces récits. Elle ne peut pas se permettre de perdre plus de temps qu'elle en a déjà perdu en récupérant. Même si cela lui a permis d'avoir vent concernant les agissements morbides de Lëon.

Zoé se sent prête à affronter Lëon, Oën, toute la ville s'il le faut pour récupérer sa mère. Elle sait ce dont le maire est capable, et est au courant qu'il a de fervents fanatiques. Mais, elle ne se laisse pas le choix.

Je vais me préparer en conséquence, programme-t-elle. Pour toi maman, je suis prête à tout. À tout !

Ne connaissant pas les intentions de Zoé, les deux Wilton la suivent, partout, sans un mot.

Ce monde n'est pas celui de Zoé, Eva estime par conséquent qu'elle ne devrait pas avoir à subir cela.

Quant à Ava, bien que la situation de Zoé l'attriste, elle s'obstine à croire que sa voisine est le miracle tant rêvé et attendu.

Zoé rentre dans l'une des autres chambres. Ce matin, elle y a découvert une petite male, remplie de différents couteaux de chasse. Bien qu'elle ait déjà vérifié le bon état des lames, assise, Zoé en affûte deux. Ceci, plus pour apaiser son envie de tout briser et son anxiété, qu'autre chose.

Les premiers, biens attachés, autour de sa taille, Zoé cherche où placer les autres couteaux. Elle range le prochain dans son étui, puis le glisse entre sa chaussette et sa chaussure. Avec de l'adhésif, elle le fixe contre sa cheville. Elle fait de même avec l'autre pied.

- Mieux vaut en avoir trop, que pas assez, l'encourage Eva.

Zoé apprécie la remarque d'Eva. Elle pense même qu'Eva est de bon conseil. Sauf qu'Eva ne lui partage pas le fond de ses pensées. Elle n'a partagé que ce que Zoé voudrait entendre.

Suite aux encouragements peu sincères d'Eva, Zoé s'équipe aussi les cuisses. Elle débarasse la poche de son sweatshirt du carnet et du stylo, pour les remplacer par un couteau pliant. Et pour finir, Zoé prend l'un de ceux, les plus tranchants de la cuisine.

- Je viens avec toi, annonce Ava en s'armant d'une seule arme : une feuille de boucher.

Eva n'est pas d'accord. Tout comme elle ne l'est pas à l'idée que Zoé le fasse. Elle sait que son opération est une cause perdue. Mais une fois de plus, Eva s'efface.

Quant à Zoé, de sa tête, elle répond à la négative et écrit vite fait :

- Hors de question ! C'est mon combat, pas le tien. Reste ici avec ta sœur.

- Zoé, que je me prenne quelques coups aujourd'hui ou demain, cela ne changera rien. Ici, je suis promise à la mort, quoi que je fasse.

- Trop de négativité ! intervient Eva.

- Ok. Voilà le plan : on s'immisce chez eux. On assomme les mâles Foy. Je doute que l'épouse de Lëon soit un quelconque obstacle. Par précaution, on l'immobilisera et la bâillonnera. Bref. On sauve ta mère. On prend les clés de leur voiture. Et on revient ici saines et sauves, récupérer Eva. On s'enfuit, et alerte la police pour venir en aide aux autres, résume Ava.

Sa décision est prise, s'opposer ne servira à rien. Ava ne changera pas d'avis. Zoé l'a compris, alors elle obtempère. Mais l'adolescente ne croit pas au plan d'Ava. Si cela aurait pu être aussi simple, elles trois, ne seraient pas dans ces mauvaises postures. Zoé croit que les mères, les sœurs et filles opprimées, qui sont bien plus nombreuses que les hommes et fanatiques auraient pu déjà en venir à bout. Et pas seulement des Foy, mais de tous les autres.

C'est ce raisonnement qui pousse Zoé à rester réaliste.

N'ayant jamais cru au monde des bisounours, Zoé se prépare à toutes les éventualités. Elle n'a qu'une certitude : celle qu'elle se battra jusqu'au bout pour secourir sa mère, et en sortira vainqueur.

- Ava, fais comme ton amie. Toi, dissimules quelques couteaux de chasse sous ta jupe.

Les filles s'apprêtent à écrire une nouvelle page de Skueñalas. Un passage se voulant décisif qui peut tout faire rebondir, ou n'être qu'une page parmi les autres.

Zoé allume la lampe torche de son portable. Avec sa puissance lumineuse faible, elles se feront moins remarquer.

- J'éclairerai ton chemin, et serai ta bouche au besoin, propose Ava le visage épanoui.

Tu seras tellement déçue par ce monde dont tu rêves tant. J'avais été si heureuse de l'abandonner, calcule Zoé.

...

Eva est à présent seule dans cette grande maison, dans laquelle elle y est officiellement la bienvenue, par une propriétaire. Ayant reçu la bénédiction de Zoé, elle s'y sent un minimum à l'aise. Eva se couche sur le canapé, le cœur lourd. L'angoisse et une multitude d'autres sentiments négatifs l'ont envahie. La peur qu'elle ne revoie plus Ava vivante, comprime son cœur. La pression est telle qu'Eva a la terrible sensation qu'il s'arrêtera de battre d'un moment à l'autre.

Ava lui a souvent étalé ses envies de révolutionner la mentalité des gens d'ici. Sa jumelle a toujours qualifié les mâles de fous, leur chef de psychopathe. Elle n'a pendant longtemps cessé de lui répéter que le mal se doit d'être déraciné à la racine. Mais le jour où Aleck, l'amant d'Eva a été décapité, sous les yeux indifférents de la moitié de la ville, Ava a calmé ses ardeurs.

Ce jour-là Ava a compris qu'il serait impossible de libérer seule, ces mentalités. Car elle a été témoin de la cruauté de Lëon, et de l'apathie flagrant d'un bon nombre. Et lorsqu'Oën a jeté son dévolu sur elle, après la disparation d'Eva, ses espoirs d'une vie meilleure se sont envolés. Son envie de se battre s'est entièrement volatilisée, pour laisser place à une certaine morosité.

La présence de Zoé, aujourd'hui change la donne. Ava a senti que l'heure d'arracher la racine de la mauvaise herbe a sonné. Eva a lu dans les yeux d'Ava et de Zoé, une détermination qui pourrait détrôner ce mâle pervers doublé de narcissique, et triplé de sadique.

Ava a tant souffert qu'elle serait prête à sacrifier sa vie, pour assurer une vie meilleure à ses sœurs et aux autres. C'est bien pour cela qu'elle estime que ce soir Oën non plus, ne pourra rester en vie.

Zoé quant à elle, est si attachée à sa mère, qu'elle décrocherait la lune pour la protéger. Elle deviendrait criminelle, pour la sauver des griffes du pire des truands.

Comme on le dit si bien : l'amour donne des ailes.

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