XI

[...] de donner un bon conseil ; ...

En voyant la maison des Foy, les poils d'Ava se sont hérissés. Elle s'est figée, alors que sa future réalité lui fait de l'oeil :
<< Je vais y vivre jusquà ce que je m'éteigne sous de graves sévices. J'y vivrai et y mourrai.>>

- Connais-tu les Foy ? Les as-tu déja vus ?

Deux autres phrases. Deux questions posées. Zoé est au bord de la crise de nerfs. Elle secoue malgré elle, sa tête de gauche à droite.

Et son besoin de lui claquer la porte au nez ?

- Ce sont eux qui habitent la onze. Le maire : Lëon Foy, en est le chef de famille. Dès que j'aurai seize ans, je serai mariée à son fils. Il a entre vingt-cinq et vingt-sept ans. Ce ne sera ni un mariage d'amour, ni par intérêt.

Ava a peur de ce qui l'attend. Elle n'a aucune échappatoire. Si elle tente de se sauver qui plus est à pied, Lëon le saura, la retrouvera, l'éventrera. Son cœur sera exposé avec d'autres comme trophée sur une étagère.

Si au contraire Ava se résigne à rester, se marie, Oën lui fera connaître des perspectives insoupçonnées de la douleur et de l'humiliation.

- J'habiterai avec leur famille : le maire, sa femme, et Oën. Ce serait une aubaine que je survive une année entière avec Oën comme bourreau, se lamente Ava.

Ava a compris que Zoé ne l'avait pas cru, du début à la fin. Ceci malgré le tableau horrifique qu'est son corps. Elle a aussi assimilé qu'elle ne bénéficiera pas non plus de son aide pour fuir Skueñalas.

Sans espoir, Ava abandonne le perron, tête baissée.

Zoé quant à elle, ne clôt pas cette conversation sur une note négative. Elle en a tiré une information à la dernière minute, le domicile du maire. Elle voulait justement aller le voir, lui parler avant qu'Ava ne l'aborde.


- Où vas-tu ? s'étonne Ava.

La concernée s'arrête de marcher et se croise les bras, ce qui fait s'éclairer le ciel avec sa lampe. D'un mouvement du menton, Zoé désigne l'endroit. Elle se demande :

Quelle idiotie, va-t-elle encore me sortir celle-là. Timbrée de voisine ! En quoi ma destination la regarde ?

- Mais... Mais... Pourquoi ? Tu es folle ou quoi ? N'y va pas !

Bien que Zoé croit qu'elle n'a eu droit qu'à des mensonges ce soir, elle l'a vu. Elle a lu la peur dans les yeux d'Ava, après que son visage soit devenu livide.

Mais cette peur n'excuse pas pour Zoé le fait qu'Ava croit lui dicter ce qu'elle doit ou peut faire.

Pour qui se prend-t-elle, à vouloir me donner des ordres. Déjà que j'ai dû supporter chacune de ses stupides histoires inventées à la noix.

N'ayant jamais apprécié qu'on lui dise comment agir ou ne pas agir, Zoé la dévisage.

- Hum ! fait Zoé d'un air de défi, après un certain nombre de secondes.

- Fais...fais comme bon te semble, tremblote la voix d'Ava, avant de courir terrifiée chez elle.

Zoé n'a pas tout compris à ce qui vient de se passer. Mais, elle admet une chose : même la plus grande des actrices ne peut simuler un tel état d'effroi.

Bon là, je peux dire que cette fille a vraiment peur du maire et de son fils. Peut-être que c'est le fils Foy le petit ami toxique. Et si, elle avait visé plus haut, et que c'était le maire ? À moins qu'elle soit l'actrice la plus convaincante qui soit.

Zoé éclaire le chemin qu'emprunte Ava, en se mordant l'intérieur de la joue. Étant sûre qu'Ava ait bien regagné sa demeure, Zoé traverse la rue, déterminée.

Ah ! Zut ! Je n'ai ni mon carnet, ni mon téléphone.

Dépitée, Zoé rebrousse chemin pour les récupérer.

Zoé met la main sur son portable, puis sur son carnet sans perdre de temps. Elle s'apprête à laisser la cuisine, lorsqu'elle entend des pas. Ils résonnent au-dessus de sa tête. Un léger sourire vient illuminer son faciès.

Plus la peine de sortir, se réjouit-elle en faisant une petite danse de la joie.

Monter les marches une à une, est une option inenvisageable. Zoé les enjambe par deux, par trois, pour arriver le plus vite possible à l'étage. Arrivée tout en haut, elle distingue une forme humaine qui se tient près de l'une des portes. Sans crier gare, et sans se poser de question Zoé se jette à son cou.

- 'Man, soupire Zoé de joie, si bas qu'on dirait un gémissement.

Zoé la serre avec amour. Elle pose sa tête contre l'une de ses clavicules, en ne voulant pas que ce moment s'achève. Elle renifle la naissance de son cou, embrasse son épaule. Sa mère lui a tant manqué, durant ces deux jours passés, sans la croiser.


Mais... se préoccupe Zoé.

L'odeur de sa mère n'est plus la même ? Non pas celle de l'alcool, mais la senteur particulière qui la caractérise a changé. Son corps qui pourtant bien charnu, paraît moins pulpeux, voire frêle sous ses doigts, et tremble comme une feuille.

Le plus déconcertant pour Zoé, c'est qu'elle reste droite comme un piquet. Elle ne lui rend pas son étreinte.

Autant de changements ? Qu'as tu fait de tes journées ? 'Man est malade ! s'affole Zoé.

- Je t'en prie, ne me fait pas de mal.

Le cœur battant à la chamade, Zoé se détache de ce timbre qu'elle ne connaît pas. L'action est fait avec une telle intensité, qu'elle tombe sur ses fesses.

Cet individu n'est pas ma mère. À moins qu'elle ait aussi changé de voix, ait oublié et ait peur de sa propre fille. Impossible. Ce n'est pas ma mère. Où est-elle ? panique Zoé.

Aucun son ne sort de la gorge de la jeune Orlan, alors qu'elle essaie en vain de crier pour qu'on vienne à son secours. Il y a une inconnue chez elle. Mais, elle n'arrive même pas à convaincre ses cordes vocales à demander de l'aide.

Zoé repense à ce que cette étrangère, lui a dit :

- Je t'en prie, ne me fait pas de mal.

Considérant leur stupeur, Zoé suppose qu'elles ont peur l'une de l'autre. Il y a une chance sur deux, qu'elle ait vu juste. Si c'est bien le cas, son plan consistant à faire en sorte de s'enfermer dans sa chambre, devrait fonctionner :

Je n'ai qu'à rapidement passer à ses côtés, pour rentrer dans ma chambre. Je peux le faire. Dans quatre, trois, deux, un, go.

Zoé saisit sa lampe, et en se levant elle croise les yeux marrons clair de l'intruse. Courant comme si sa vie en dépendait, Zoé manque de trébucher. Ce faux pas lui permet de mettre un visage sur celle qu'elle a tantôt prise pour Aurore.

Impossible que j'aie vu juste. Il ne peut pas s'agir d'Ava. Je me suis entravée d'une psychopathe. Une psychopathe ! Tout ça, pour quelques morceaux de bois. Que me veut-elle à la fin ? Pourquoi moi ?

Enfermée dans sa chambre, la terreur gagne chaque parcelle de l'esprit de Zoé petit à petit. La pression devient de plus en plus insoutenable. Zoé ne sait pas comment réagir. Une seule idée lui vient en tête. La seule chose qui est toujours parvenue à la réconforter. La voix de son père. L'empathie et le sentiment de sécurité qui en émanent, ont toujours été de bons rèmèdes.

Zoé fouille dans les fichiers de son portable, à la recherche de l'un de ses plus précieux trésors. Un enregistrement audiovisuel que son père lui a laissé sur un smartphone, avant son décès.

Les écouteurs déroulés, elle les fixe à ses oreilles. Elle souhaite que cette vidéo l'aidera un tant soit peu. Ceci, bien que le contenu ne soit pas propice à cette situation, qui la dépasse.

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