XXVI
[...] est un signe...
Avec un sentiment aussi amer que le fiel, Yva crache sur celui qu'elle espère bientôt être qu'une simple dépouille. Mais en voyant ce pied s'abattre contre la bouche de Bríss, elle se lève avec précipitation.
Face à ce visage taché d'une substance qu'elle ne reconnaît pas, Yva déglutit, fait deux grands pas en arrière.
— Vous... Vous cherchez Ava monsieur ? questionne Yva, terrifiée pour sa vie, et par la réponse.
Zoé la dévisage. Elle pèse le pour et le contre, en la toisant. Puis se contente de marmotter : << je suis une fille. Pas un homme ! Pas un garçon ! Pas un garçon ! >>
— Oh ! Oh ! c'est l'amie de Ava. C'est un secret maman. C'est une femelle, pas un monsieur, intervient Ève d'une petite voix innocente. Tchu vois pas, elle ne sait pas parler. Ava dit, elle est zolie, et différente de nous.
— Ah ! Excuse-moi, de ce quiproquo. Vous êtes une nouvelle voisine. Ici, les femelles ne portent pas de pantalons. Tu sais où se trouve Ava ? Je suis sa mère.
Le peu de lumière ne laisse pas voir la terrifiante face de Zoé à cette mère et sa fille. Elles ne voient que ce doigt pointé.
— Chez toi ?
Yva reprend Ève dans ses bras, en voyant Zoé sortir le couperet. Elle comprend aussitôt que quelqu'aurait été l'aboutissement de ses raisonnements, Bríss aurait toujours fini par mourir. Elle pressent ce que Zoé lui réserve.
La question d'Yva reste en suspens. Zoé n'est plus avec elles. Ne voulant pas que sa fille assiste à ce qui va suivre, Yva laisse cette maison pour se rendre dans la dix.
— Sale impure ! Sale femelle ! recommence l'homme, une fois sa bouche libérée.
Zoé ignore les insultes de Bríss, elle se contente de s'agenouiller, et de le remettre sur le ventre.
— Qu'est-ce que tu as fait à ma maman ? Son parfum est encore là !
— Tu vas me faire quoi, si je ne te réponds pas, hein ? Tu comptes faire quoi avec ce couteau ? Hein?
Zoé regarde l'homme au sol. Elle perd toutes réactivités. Elle se replonge dans des pensées inexistantes, et se tait. Son visage se vide de toutes expressions. La rage l'habitant s'émousse petit à petit.
Zoé s'écroule comme un gros tas insignifiant, puis se roule en boule, en tenant fermement le manche de la feuille de boucher.
— Je m'en doutais. Rien ! Absolument rien. Sale misérable petite chose.
Zoé a du mal à se concentrer. Tout semble tourner au ralenti autour d'elle, accompagné d'une impression de nager dans le néant. Elle est prise d'un vif sentiment d'inconfort, accompagné d'un souffle court violent. L'air n'arrive plus en quantité suffisante à ses poumons. L'adolescente ouvre grand la bouche et le nez pour respirer, en se tenant le cou. Elle tremble sous des sensations de courant électrique.
Elle ne fait plus aucun mouvement. Elle reste inerte. Figée dans une seule position.
Bríss l'observe avec satisfaction, alors qu'il est loin d'être au meilleur de sa forme. En sueur, il ferme ses yeux pour contenir sa douleur, mais ne se prive pas de narguer Zoé :
— C'est ce que je croyais ! T'es pathétique. Sans doute autant que celle que tu appelles maman. Toutes les femelles sont pathétiques. Ça se croit en mesure de menacer. Mais quand il est question de passer à l'action, il n'y a plus personne. Incapable ! Va !
Zoé ne réagit pas aux provocations de Bríss. Elle en est pour l'instant incapable. Bríss se fatigue. Il arrête ses piques, pour se laisser aller aux bras de Morphée qui l'attire.
Au bout de quelques minutes, Bríss sort de sa somnolence en criant à plein poumon. En panique et souffrant bien plus qu'il n'a jamais souffert, il tombe sur l'expression rieur d'un être méconnaissable.
Cette personne s'approche de lui, sur les genous. D'une main elle tient ce que Bríss reconnaît à la seconde.
— Ma...ma jambe ? Tu as coupé une jambe ! Tu es folle ?
— Mais c'est la réponse à..., murmure-t-elle émerveillée. Pourquoi toute cette exitation ? Calme-toi. J'ai entendu toutes tes remarques déso...bligeantes. Donc, voilà, c'est ce que j'allais te faire au cas où tu ne me réponderais pas. Je préfère agir que parler. Tu comprends ? ajoute Zoé en riant aux éclats.
Bríss est pétrifié. C'est la première fois de sa vie, qu'il a autant peur. Il avale sa salive avec peine, en s'empêchant de pleurer.
Si un jour on lui avait dit qu'il aurait peur d'une femelle, il aurait ri au nez de cette personne. Pourtant il est là, le cœur battant à la chamade d'épouvante, à cause d'une simple femelle.
Bríss est bloqué au sol, terrifié, en ne pouvant rien faire.
— Tu sais, Brutus. Non, ce n'est pas toi Brutus. ''Bríss''. Toi tu t'appelles Bríss. C'est ça. Je disais ? [...] Oui ! Dans mon ancienne ville, il y a un endroit particulier où pendant un long temps, j'aimais me rendre. Devine où.
Face au silence de Bríss, Zoé le frappe avec sa propre jambe dégoulinante.
— Quand je fais l'effort de te murmurer un truc, tu me réponds Bríss, prévient-elle d'une voix très calme. Tu me réponds, compris ? Ou sinon c'est le couperet qui s'abattera sur ta face, non pas cette pièce détachée de ton corps. Compris ?
— Oui, répond Bríss le timbre tremblant.
— La bonne réponse c'était : chez le boucher. Oui, tu as bien entendu à une boucherie mon cher Bríss. Une boucherie traditionnelle, je dirais. Au début je m'y rendais chaque jour pour acheter de la viande fraîche. Alors que j'aurais pu acheter une grande quantité de viande pour éc'miser du temps. Ceci non pas pour admirer le boucher qui est bel homme. Non non, j'aimais observer la précision et la rapidité avec lesquelles les carcasses de viandes se faisaient débiter, transformer, détailler. Je ne saurais te dire pourquoi cet intérêt soudain pour ce métier. Cela m'a attirée, c'est tout. J'ai fini par acheter plusieurs couperets pour m'exercer. En premier lieu, sur Brutus âgé de sept ans. J'ai confondu ton nom avec le sien tout à l'heure.
Zoé fixe Bríss dans le blanc des yeux, pour être sûr qu'il écoute. Un sourire aussi froid que flippant aux lèvres, elle met le morceau d'humain, à plat sur le sol, en poursuivant :
— Il était malade, il allait mourir. J'ai voulu l'aider à partir plus tôt. Un beau petit cochon dinde. [...] Bref ! Ayant acquis de l'expérience toute seule, sur de grosses pièces de viande, je suis devenue une apprentie, très douée, de cette même boucherie. Très très douée, répète-t-elle en tranchant d'une traite une lamelle de la jambe. Je crois que ça fait plus d'un an que j'ai brusquement arrêté de me présenter à cet endroit. Que ce soit pour regarder, ou pour le faire moi-même. Je crois même être devenue végétarienne.
Bríss a un haut-le-cœur, suivi de près par un flot de larmes, lorsque Zoé l'oblige à avoir sa propre chair en bouche.
— Mais tu sais, avant aujourd'hui, je n'avais jamais volontairement exterminé le moindre petit moustique. Oui, je n'ai pas tué Brutus. Non, je n'aurais pas pu. J'aime trop les animaux. Et cela aurait été mal. Je suis une partisante des bonnes actions. Je n'ai fait que regarder Brutus se mourir un peu plus chaque jour, sans pouvoir, ni vouloir rien faire. Il a beaucoup souffert, je ne lui ai pas donné de quoi se soulager. Je me suis exercée sur lui, que post-mortem. J'ai pendant un temps, gardé son pelage en souvenir. Tu comprends ? Ou mes mots sont trop ..., hum... Pour ta tête de linotte ?
— Non, ça va, répond-il la bouche débordante de bave.
— Mais, tu es dégoûtant Bríss. Allez, mâche Bríss. Ne gaspille pas cette lamelle que j'ai pris le soin de bien découper pour toi. Mâche et avale, menace-t-elle l'homme en pointant la feuille tranchante sur sa joue.
Bríss s'exécute, manquant à plusieurs reprises de vomir.
— J'adore les couteaux Bríss. Je les maniais bien, très bien même. À ma grande surprise, je n'ai pas perdu la main. Non. Ma préférée est de loin celle-là, car d'un seul coup il peut fendre un gros os en deux. Alors, comme je suis polie, je réponds à ta seconde question : <<je compte me servir de cette feuille de boucher pour te découper en lamelles jusqu'à ce que tu te décides à me répondre.>> Compris ? explique Zoé d'un ton détaché, en lui coupant cette fois, une main, comme on couperait du pain.
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