XXIV

[...]qui n'épargne personne.>> Pierre Corneille

Je l'ai retrouvé, observe Zoé en dévisageant celui qui vient de lui entailler la jambe, puis l'objet utilisé.

D'un air hautain, Arrón tente de se relever en menaçant Zoé de l'arme blanche, utilisée contre elle. Zoé l'interrompt dans ses efforts en le poussant, de son pied. Faisant ainsi tomber le seul instrument de défense de l'homme.

Lorsque Arrón voit le bas du visage ensanglanté de Zoé, doublé de la monstruosité que dégage ses traits, ses yeux, il perd pied. Jamais il ne lui a été donné de voir pareille image. Et il se serait encore moins attendu à le découvrir chez une femelle.

Arrón est terrifié.

Zoé récupère ce qui lui appartient. Il amène ainsi la terreur de l'homme à son paroxysme.

Zoé avance vers Arrón puis tient au dessus de sa tête, cette même jambe qu'il vient de blesser au couteau. Un abominable sourire déforme les lèvres, le visage, de Zoé.

Un sourire qui pousse Arrón à relâcher les muscles de son bassin.

À l'instant où la première goutte d'urine a été évacuée, Arrón intègre le fait que la précédente image, et celle-là, l'hanteront jusqu'à son dernier souffle.

— Je ne sais pas où elle est, finit-il par répondre dans l'espoir que cette simple réponse puisse servir à l'épargner de son funeste présent.

Mauvaise réponse, se secoue la tête Zoé. Mauvaise réponse. Mauvaise réponse.

Sans une once de pitié ou sentiment du même genre, Zoé lui  talonne le visage. Ceci, sans s'arrêter, en se répétant en boucle, qu'Arrón lui a fourni une mauvaise réponse.

Arrón s'efforce à parer les attaques de Zoé, mais il n'y parvient pas. Malgré ses efforts et les implorations de Mara, Zoé ne se déconcentre pas. Au contraire ils l'incitent à continuer.

— Non, non, non, se fatigue à crier Mara en pleurant. Maître, faîtes quelque chose. Non... Non... Non... Je vous en supplie, ne me quittez pas, maître. J'ai besoin de vous.

Sous ces encouragements, Arrón tente avec plus de volonté, de se soustraire des coups de talons, mais en vain. Il a perdu une très grande quantité de sang, et à chaque mouvement il en perd plus. Il prédit qu'il ne lui restera plus beaucoup de temps à vivre, s'il ne se débarrasse pas au plus vite de Zoé.

À deux pas d'abandonner, il réussit à attraper la jambe de Zoé, et s'en sert pour envoyer la jeune sadique contre le pan du lit.

Le visage littéralement défiguré, inondé d'hémoglobines, Arrón se redresse sur ses genous, et crache cinq dents sur le sol. Puis, à l'image d'un torreau en pleine corrida, il fonce sur le bas du visage couvert de rouge de Zoé. Avec pour but d'imiter l'action de Mara qui avait réussi à casser le nez de son agresseuse.

Zoé le voit venir, elle le laisse croire en la réussite de ce qu'il projette de faire. À la dernière seconde, elle se décale. Laissant ainsi Arrón se frapper le crâne, à l'endroit où elle était adossée.

Impassible, Zoé prend appui sur le dos d'Arròn qui a épuisé toutes ses forces. Elle s'entoure la jambe blessée d'une tonne d'adhésif, par dessus son jogging pour s'éviter de saigner plus que nécessaire.

Couché à plat ventre, une main sur la nuque, Arrón hoquette comme si la vie voulait s'échapper par sa gorge. Il voit Zoé approcher en direction de sa tête sans pouvoir esquisser le moindre mouvement de défense. Il voudrait s'enfuir, disparaître, quitte à être traité de lâche. Mais il ne peut même plus bouger ses doigts. Il n'y a que ses larmes qui arrivent à se faufiler entre les commissures de ses yeux, disparaissant dès leur sortie dans le sang qui tapisse son visage.

Zoé ne se fait pas attendre, pour reprendre là où elle s'était arrêtée. Chaque nouveau coup de talon un peu plus violent que celui d'avant.

— Épargnez sa vie monsieur, je vous en supplie. Il ne mérite pas ça.

Monsieur ? Monsieur ? Ils me prennent pour un homme. Oui, c'est ça. Pf. À ma première rencontre avec Ava, elle aussi pensait que j'étais un homme.

Zoé envoie des éclairs à Mara, qui délaisse instantanément ses suppliques verbales, pour celles visuelles.

Comment peut-elle prendre sa défense ? Prétendre qu'il ne mérite pas ce qui lui arrive, alors qu'elle est en si mauvais état ? Alors qu'elle se fait flageller en pleine grossesse ?

Excédée par ce comportement, Zoé exprime à Mara d'un seul regard tout le dégoût qu'elle ressent à son égard. Elle s'arrête de piétiner Arrón, pour joindre ses deux pieds.

Mara mésinterprète son arrêt et se presse à venir en leur direction avec espoir, en disant :

— Merci. Merci, beaucoup monsieur. Maître, maître, je suis...

Mara n'a pas le temps d'achever sa phrase, que Zoé saute de ses deux pieds pour mettre fin à ce qu'elle a commencé. Mara ne peut rien faire, rien dire, pour l'empêcher de poursuivre. Absolument rien. Elle se contente d'endosser le rôle de simple spectatrice en temps réel, de ce massacre.

Le système est son mode de vie. Mara se doit de tout accepter sans réchigner. Accepter tout ce qu'un mâle fait, décide où ordonne. Accepter que cet homme à qui elle a été donnée comme épouse, il y a seize ans, meure sous yeux.

Je me suis détournée de la bonne voie, en ne venant pas soigner mon maître comme il me l'a demandé. J'ai agi aussi mal, que toutes ses mauvaises épouses de Skueñalas. Aussi mal que la jeune épouse du père du maître. Je m'en suis aussi écartée, en fracassant le nez de ce jeune mâle, et en m'interposant à ses plans. J'ai dépassé les bornes de l'acceptable, se culpabilise Mara.

Puisqu'elle croit que Zoé est un mâle, alors elle se résigne à perdre Arrón, sans risposter.

Je suis la suivante, avale Mara difficilement sa salive. Je lis dans ses yeux, la mort qu'il me réserve. Je le mérite après mes actes puérils.

Alors lorsque Zoé s'est arrêtée d'agir comme une fouleuse. Une, qui sous ses pieds n'écrase que de simples raisins, pour en extraire leur jus, Mara conclut que c'est son tour. Elle ne pose aucune question, sur le comment. Si son exécution sera lente, ou brève.

— Je suis prête à recevoir la sentence pour mon affront. Je mérite cette mort monsieur, s'adresse Mara à Zoé la tête baissée en signe de profond respect.

La tête penchée en arrière, Zoé n'a entendu aucun des mots de Mara. Elle s'évertue à aspirer l'air de la chambre, pour y trouver même la plus infime fragrance, du parfum d'Aurore. Mais il n'y a que l'odeur métallique du sang, mêlée à celle de la sueur, et à une autre qu'elle n'arrive pas à identifier, qui répondent présentes.

Ce moment aurait été propice si Mara savait que Zoé n'était qu'une simple jeune femelle. Elle aurait vengé son homme. Mais Mara ignore ce détail, alors elle se contente de se conduire comme elle l'a toujours fait depuis son enfance : "en une bonne citoyenne, respectueuse des lois".

Mara est perdue, lorsqu'elle voit cette personne vêtue de noir, -à qui elle a manqué de respect, -éponger ses chaussures sur son matelas, puis tracer sa route. Elle ne l'a ni frappée, ni insultée. Mara en reste bouche bée.

Mara s'était faite à l'idée de mourir. Elle ne veut pas vivre dans un monde sans son maître.

Ce moins que rien d'Arrón a payé pour avoir osé te toucher maman ! Je viens te sauver. Je te sauverai quoi qu'il en coûte, se récueille Zoé en fermant la porte de la chambre.

Zoé n'entend pas le son de vitre qui explose. Elle n'a pas connaissance de ce que Mara vient de faire.

Zoé ignore le nombre exact de vies qu'elle a ôtées dans ce foyer. Elle poursuit simplement sa route en trombe vers une autre maison.

Celle des Wilton.

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