VII

[...] ce que tu peux faire après demain.>> Allais


"Lose you" de Pete Yorn s'immisce dans l'esprit de Zoé. Une chanson qui elle et d'autres du même répertoire, ont souvent pris possession de chaque recoin de son ancien salon.
La jeune fille ne peut compter la quantité de fois que sa mère l'a écorchée, lors de ses moments d'ivresse. C'est bien ainsi, grâce à Aurore qu'elle l'a à son tour découverte depuis plus de trois ans.

Zoé fredonne, en cherchant de la vaisselle dans les rangements de la cuisine fermée. Elle met la main sur un bol, des assiettes, des cuillères et mémorise l'emplacement de chacune de ses découvertes.
 

Les doigts croisés, elle ouvre le robinet de l'évier. À son grand bonheur, il fonctionne. Une eau incolore, inodore et froide en sort. Sans attendre, Zoé en prend pour laver ses trouvailles.

Sans feu ni véritables ingrédients, un repas chaud étant impossible à préparer, l'adolescente se console sur des conserves qu'elle a apportées. Au rythme de la musique, elle égoutte quatre petites boîtes de maïs, une de petits pois. Elle les met dans le grand bol, ajoute du sel et des épices en poudre pour en relever le goût. Une cuillère remplie à ras-bord de fromage liquide finit sa course avec ces derniers. Zoé mélange le tout, le goûte. Il lui manque quelque chose. L'amatrice de piment fort soupoudre son plat sucré-salé de piment de Cayenne. Elle le mélange une seconde fois et le tour est joué. Le petit déjeuner qui fera aussi office de dîner, est prêt.

Les paroles de la chanson, lui revenant une à une, Zoé se sert dans l'assiette la moins grande, et recouvre le reste d'une autre. Elle accompagne sa part d'une biscotte, et de raisins frais achetés dans la dernière épicerie où elle s'est arrêtée. Debout face au plan de travail, elle déguste son repas sans se presser.

Repue, Zoé récupère ses outils ménagers à l'arrière du pick-up. Elle s'attèle malgré sa lourdeur à la tâche. Elle débute par la cuisine, de laquelle est enlevée une tonne de toiles d'araignée. Toutes les surfaces sont dépoussiérées, le sol est balayé et son carrelage lustré. Le plus insignifiant des couverts est astiqué avec soin. Tout est propre du plafond au plancher. Chaque objet est rangé au millimètre près. Cette pièce est la première a différé du reste de la maison qui ne demande qu'à recevoir les mêmes soins.

C'est au tour du vestibule d'être débarrassé des amas de fils de soie qui le décorent. La poussière a incrusté les toiles désertes. Aucun signe d'une quelconque araignée vivante. Son nettoyage se termine bien plus vite que la précédente pièce, pour laisser place à la suivante.
 
 

Zoé examine la grande salle. Elle est neutre et impersonelle, vide de toute histoire. Ses meubles sont cachés sous de larges draps, anciennement blancs. Un lustre est en son centre, tout autant protégé. Tout comme l'ont été les lits des chambres du haut, avant que Zoé ne les enlève sur chacun d'eux la vielle. Il n'y a qu'une grande cheminée en pierre brute qui lui apporte du charme.

L'adolescente n'est pas une experte des termites. Mais elle est certaine que cette maison en est, ou en a été infestée. Elle a repéré plusieurs cordonnets termites. Les tunnels soulevés de terres apparaissent en de longues lignes, sur la surface des murs et du sol.

Zoé examine l'un des murs en bois. Celui qui a été le plus attaqué par les insectes. Elle le cogne à divers endroits, pour constater l'ampleur des dégâts. À mesure qu'elle frappe plus bas, plus le son que lui renvoie le mur sonne creux.

Est-ce les fourmis blanches qui ont ainsi dévoré ses entrailles ? se demande Zoé.

Zoé s'agenouille, pour mieux écouter. Elle pose une main sur la paroi, et y pose une oreille. À peine lève-t-elle le poing, qu'elle rentre dans le mur. Zoé écarquille les yeux de panique, et fait marche arrière.

Zoé a craint que ce soit la maison qui parte en miettes. Mais, ce n'est qu'un carré qui s'est dessiné face à elle. Une petite porte dissimulée dans le mur, qui à son tour dissimule une cachette.

L'heure n'est pas à la satisfaction de sa curiosité, mais au nettoyage qui pour l'instant prime sur toute autre chose. S'aidant d'un trou, lui servant de poignée encastrable, elle referme la trappe secrète.

Bien qu'occupée à anéantir les constructions des grignoteurs de bois, -avant de prendre soin de la cheminée, -de multiples interrogations n'ont cessé de tarauder l'esprit de Zoé. Elle ne peut cacher que ce qu'elle a découvert l'a impressionnée, tant que cela a été innattendu. Ses grands-parents ont vécu leur temps, ils ne sont plus. Ils ne peuvent pas lui fournir de réponses.

Le ramonage terminé, l'âtre n'attend plus que de belles bûches enflammées. Sa ramoneuse n'a qu'une envie, les lui fournir. Parce que même si elle ne fait que bouger depuis son réveil, elle a froid. La chaleur que produit son corps ne lui suffit pas.
  
 
Il est douze heures, Zoé n'a pas vu sa mère une seule fois de la journée. Elle s'imagine qu'Aurore doit toujours être en pleine récupération, et ne devrait pas tarder à se réveiller.
Zoé espère qu'Aurore fera de son mieux pour amoindrir sa consommation de boissons alcoolisées, voire l'éliminer.

Nos vies deviendraient tellement plus simple, soupire-t-elle

Zoé est satisfaite du travail accompli au rez-de chaussée et dans une partie de sa chambre. Mais à présent une pause s'impose. Car bien que Zoé soit contre la procrastination, elle est réaliste. Elle sait que sans repos, son corps n'encaissera pas autant d'efforts consécutifs. Et pour se faire, elle doit d'abord trouver des bûches.

Zoé s'essuie les mains et le visage avec des lingettes, puis écrit un mot sur un post-it :

<< Je suis sortie chercher de quoi allumer un feu. Il y a de quoi manger dans la cuisine. Je m'occuperai de ta chambre après ma sieste. Bisous man'.>>

Zoé toque à la porte de la chambre qu'elle a assigné à sa mère, et y colle le post-it. Elle sort de la maison sans savoir où elle pourrait trouver ces morceaux de bois.

Elle demanderait volontiers de l'aide. Mais à qui ? Les adultes qui arpentent la rue, semblent vouloir ne pas être importunés. Zoé ne se laisse pas pour autant abattre. Elle écrit quelques mots sur une feuille, pour être prête lorsqu'une occasion se présentera.

Cinq longues minutes se sont déjà écoulées. Zoé est restée assise devant sa porte attendant une bonne opportunité. La sixième minute qui approche est celle de trop.

Il faut savoir croire en soi, se convainc Zoé.

Elle range son carnet, en abandonnant avec conviction son siège d'infortune. Au même moment elle remarque une jeune fille en robe. Malgré la lenteur des pas de cette dernière, Zoé la course. Elle la dépasse pour se mettre dans son champs de vision. Le visage de la fille déformé par la peur, est vite caché derrière ses bras.

Zoé ne comprend rien à son geste.

Peut-être est-ce une coutume ? Ou qu'elle a eu peur sur le moment, se dit Zoé.

En s'éclaircissant la gorge, Zoé tente de dévier l'attention de la fille vers sa main tendue. Elle fixe avec insistance, sa future interlocutrice qui abaisse petit à petit ses défenses improvisées. Zoé attire son attention sur le carnet qu'elle lui tend. Elle lui sourit pour la rassurer, lorsqu'elle le prend avec hésitation pour le lire.

<< Bonjour. J'espère que vous allez bien. Je suis nouvelle ici. On m'appelle Zoé. J'habite la dix avec ma mère. Je cherche de quoi nous réchauffer. Pourriez-vous, s'il vous plaît m'indiquer où trouver des bûches ? >>

- Tu... Tu es une femelle ?

Zoé répond de sa tête à cette question déroutante. Elle n'assimile pas l'utilité de son sexe dans sa demande. Elle ne saisit pas non plus, les raisons pour lesquelles les yeux gris de cette bouclée ont été possédés par la surprise, puis ont pétillé suite à sa réponse affirmative.

En quoi est-ce joyeux, le fait que je sois une fille ? se perd Zoé.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top