VI
<< Ne remets pas à demain, ...
La nuit n'a pas été aussi récupératrice que l'adolescente l'aurait souhaité. Elle se sent encore plus exténuée que la veille. Elle baille tellement qu'elle a la sensation que sa mâchoire inférieure se disloquera d'un moment à l'autre. De plus, sa tête héberge un concert de tous les types de percussions. Son esprit est embrouillé. Ses membres sont lourds.
Zoé n'est plus qu'une loque humaine anéantie par la fatigue.
Elle ne regrette alors pas d'être sortie récupérer sa couette hier soir. Son corps fatigué l'aurait lâchée si elle s'était mise en quête d'en trouver dans des placards qui lui sont inconnus. Dans lesquels, elle n'a non plus aucune garantie d'en trouver.
Si elle avait pris le risque, elle aurait pu s'effondrer sur le parquet. Et comme conséquence, son réveil aurait été pire. D'encore plus affreux courbatures seraient maître de son corps, de la tête aux pieds. Le froid habitant la maison, l'aurait frigorifiée.
Non sans peine, Zoé se redresse pour s'asseoir. Ses muscles quémandent du repos. Mais Zoé a d'autres projets qui sollicitent leur aide.
La procrastination sur ses tâches, Zoé ne l'a jamais apprise, ni pratiquée. Le repos attendra. Un long repos en bonne et due forme, qui sera bien mérité.
Zoé éternue une bonne dizaine de fois avant de descendre de ce lit. Un lit dont l'odeur et la poussière qui y trônent, ont déclenché ses allergies.
Mes médocs...
Il n'y a que ses antihistaminiques qui peuvent la soulager. Ils sont à l'intérieur de la voiture, dans sa trousse.
Se mettre debout n'est pas une mince affaire. Tant pis ! -Ses allergies ne s'apaiseront pas toutes seules. -Les bûches de bois ne se trouveront pas toutes seules. Ces dernières sont indispensables pour allumer un feu. Que ce soit pour se réchauffer ou chauffer la maison.
Il faut aussi que je dépoussière le plus tôt possible quelques unes des pièces, calcule-t-elle.
Le téléphone de Zoé affiche être lundi et qu'il est à peine sept heures. Il l'alerte aussi n'avoir plus que treize pourcents de batterie. Son estomac, quant à lui, gargouille sa faim. Il est à moins zéro pourcent. Pour fait, il n'a accueilli que trois fruits, des bonbons et de l'eau en deux jours.
Sans se faire prier une minute de plus, Zoé remet ses chaussures. Elle se nettoie les yeux, ajuste sa capuche, et attrape ses clés.
En train d'ouvrir la remorque, Zoé ne peut toujours pas croire qu'il soit sept heures. Le ciel est gris, vide de couleur.
L'astre solaire semble être en plein combat contre le brouillard -qui embrasse la ville, -pour gagner sa place. L'amas de gouttelettes est en position de force. Il crée une atmosphère particulière : blanche, lumineuse, mais à la fois sombre. Le soleil, n'arrive pas à le dissiper. C'est comme si il ne s'était pas levé.
Zoé est donc ravie que plusieurs lampadaires, dont ceux qui sont les plus proches de sa maison ont cessé de clignoter.
La boîte contenant les provisions alimentaires, est la première à être posée au sol. Celle qui contient le kit d'urgence, les produits d'hygiène corporelle, et de ménage la rejoigne sans tarder.
Le sac qui abrite les sous-vêtements propres de sa mère et les siens, sur le dos, Zoé ferme le fourgon. Elle glisse les clés dans la poche de son sweat, et s'occupe de la première caisse.
Le sac finit accrocher au porte-manteaux mural, et les produits comestibles dans la cuisine.
Zoé se presse d'aller récupérer le dernier contenant en plastique. En descendant les marches, elle remarque pour la première fois depuis son arrivée, quelques uns de ses voisins. Ils la dévisagent comme une bête curieuse. Poursuivant ses pas, Zoé leur rend la pareille, nonchalante.
L'œil de lynx aperçoit l'unique femme parmi ces curieux. Elle porte une tenue très peu flatteuse. Une robe longue à la limite d'être un haillon bien entretenu.
À mesure que Zoé avance, son champs de vision se libère de toute présence humaine. Les curieux se dispersent. Ils la laissent seule en plein milieu de ce nuage.
Afin de se réchauffer les mains, Zoé se les frotte sur son bas. Ensuite, elle soulève la caisse sous les plaintes de son ventre.
À mi-chemin, elle est prise de court par de violents slaves d'éternuements. Ces expulsions d'air inattendues causent un atterrissage forcé du bac et de son contenu. Son nez irrité lui pique, alors que son œil gauche larmoie. Son estomac non plus n'a pas été épargnée. Un goût âcre y trace son chemin jusqu'à ses papilles.
- Saletés de poussière, jure presque silencieusement l'allergique en s'essuyant le visage, avec une manche de son haut.
Blasée, Zoé se plie pour ramasser un à un, tout ce qui est tombé de la boîte.
~~°~~
Ce dimanche soir, le jour de son arrivée, une autre personne a aussi observé Zoé. Oën... Un jeune homme d'une vingtaine d'années, aux yeux bleu clairs.
Il est arrivé chez lui lorsque Zoé est sortie chercher sa couette. Camouflé par le noir de la nuit, Zoé ne l'a pas vu.
Oën, lui, n'a point spéculé sur le fait que Zoé pourrait être un garçon ou une fille. Il sait déjà que sa voisine est de sexe féminin. Il la qualifie déjà de femelle : insolente, capricieuse, rebelle, qui se croit tout permis. Une, dont il se ferait la joie de briser, dans tous les sens du terme. Puis qu'il façonnerait, comme bon lui semble. Une dont il finirait par se lasser, et qu'il jetterait comme les autres.
Oën n'a jamais tenté l'expérience avec une étrangère. Mais, il croit qu'elle ne peut être que satisfaisante, enrichissante et jouissive.
Oën a un mot d'ordre. Celui de toujours finir ce qu'il a commencé. Et pour ce, le sort d'Ava prime sur la sienne. La métissée a une dette à payer. Celle de sa sœur. Ava devra souffrir pour deux. Elle gémira deux fois plus.
Son passage sera bref, car sa remplaçante est déjà toute trouvée. Ses fins de jours seront deux fois plus lentes et douloureuses que celles de ses prédécesseuses.
Hâte de me débarrasser d'Ava, pour pouvoir m'occuper de celle-là, comme il se doit, pense Oën, un air mauvais peint sur sa face.
À l'image de dimanche, il suit aujourd'hui chaque fait et geste de Zoé. Ceci, depuis qu'elle a alerté de sa présence, lorsqu'elle a ouvert la porte en éternuant bruyamment.
Oën ainsi que d'autres se sont donc approchés d'une fenêtre, pour trouver l'origine d'un tel vacarme. Après, tous ont regagné leur occupations, sauf lui.
- Déjà des vues sur la petite Orlan à ce que je vois, lance le père d'Oën en s'approchant de lui.
- Je vais lui apprendre le respect à cette moins que rien. Tu la connais ?
- Être maire a ses avantages, fils. La femelle qui l'a mise au monde m'a appelée pour me prévenir de leur venue, il y a quelques jours de cela. Elles ne sont que deux dans une si grande maison, confie l'homme.
- Intéressant, sourit Oën avec un sourire loin d'être rassurant.
- Apparemment, sa progéniture ne parle pas. Elle n'est pas sourde, pour autant.
- Et son nom ?
- Zoé Orlan, si je ne me trompe.
- Zoé, Zoé, Zoé, répète Oën en se croisant les bras.
- Elles n'auront pas autant de chance que les Orlan avant eux, si elles tentent de fausser la ville compagnie, ajoute son père d'un ton qui donne froid dans le dos.
Le spectacle se termine pour Oën. Zoé parvient à entrer avec la deuxième caisse sans mauvaise surprise.
Pensant être à la fin de l'acte, le spectateur délaisse son point de visionnage. Mais, une nouvelle slave d'éternuements lui fait comprendre que ce n'était qu'une entracte.
Zoé est dehors, elle ouvre la voiture. Elle y prend un câble blanc qu'elle met autour de son cou. Ses mains, ne sont cette fois, occupées que d'une trousse jaune fluo. Elle rentre chez elle, et claque la porte.
Fin de l'acte.
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