IX
[...] on se couche. >>???
Il est dix-neuf heures moins cinq minutes. Ayant arrêté le ménage, il y a peu, Zoé a pris un bain avant d'aller s'allonger sur le canapé. Elle y attend sa mère, qui d'après elle, est sortie faire le tour de la ville. Zoé se demande pour quelle raison Aurore ne lui a pas à son tour laissé un mot. Elle assimile encore moins le fait qu'Aurore n'ait pas mangé ce qu'elle a préparé.
Elle n'y a pris qu'une cuillère, l'a recrachée, mais a préféré des fruits. D'habitude cette préparation lui plaît pourtant , s'est alors lamentée Zoé.
Le temps s'écoule, Zoé fait de son mieux pour se garder occupée. Elle ne jouit pas d'une connexion internet stable, pour penser à regarder un film. Sa seule distraction se résume à écouter sa playlist, en regardant le feu crépiter.
À mesure que les mots et diverses mélodies percutent ses tympans, ses paupières s'allourdissent. Sa fatigue se révèle être bien plus forte que sa détermination à guetter sa mère.
Zoé finit par tomber de fatigue. Une fois de plus, elle rate les cris, les suppliques qui percent les nuits d'ici.
Elle dormira jusqu'à ce que tout signe de fatigue soit comblé. Cela ne peut que lui être bénéfique.
Zoé se réveille en étirant chaque muscle de son corps. Elle a préféré finir sa nuit sur le parquet, et se sent bien reposée.
L'adolescente baille en se dirigeant vers les toilettes. Elle fait ses besoins, s'essuie, et se lave les mains. Elle remplace ce qu'elle vient d'évacuer, sans perdre de temps avec une portion des restes de la veille.
En mastiquant, elle ne peut s'empêcher d'avoir la triste pensée que sa mère l'évite. Elle ne l'a toujours pas croisée, même pas une fois.
- Ce n'est peut-être qu'une impression.
Tout compte fait, elle ne l'a certes pas vue entrer, mais Zoé a entendu grincer les escaliers, ainsi que le parquet de l'étage du haut.
Un verre d'eau, quelques bouffées d'air froid et des étirements plus tard, Zoé monte sa couette dans sa chambre, et met recharger son portable.
Il est plus de huit heures du matin. Paradoxalement l'extérieur est de trois teintes plus sombre que la matinée précédente.
Aujourd'hui le but de Zoé est de libérer la voiture de toutes ses charges. Elle veut l'atteindre au plus vite, au cas où ce ciel ombrageux soit les prémices d'une averse.
Après un brin de toilette vite fait, Zoé va dans la chambre d'Aurore. Elle ne l'y trouve pas. Déçue, elle descend les marches qui mènent au salon, en glissant ses doigts le long de la rampe d'appui.
Dans un élan de positivité, elle suppose que sa mère veut vraiment se reprendre. Qu'elle cherche de quoi s'occuper, un travail. Face à cette probabilité, Zoé émet un faible sourire. Elle croit que cette supposition est plausible vu que le lit de sa mère est bien fait, qu'aucune bouteille ne traîne. De quoi penser que rien n'a bougé depuis son soin de la veille.
.
- Bonjour Zoé, l'interpelle-t-on en plein cinquième aller-retour.
Zoé reconnaît cette voix. C'est la seule qu'elle connaît qui soit originaire d'ici. Elle sourit à son propriétaire, en ne s'arrêtant pas pour autant. Elle revient avec son carnet à la main, et le lui montre.
- Bonjour Ava. Encore merci pour hier. Ça va ? y lit la Wilton, heureuse que Zoé ait retenu son nom.
- Je vais bien. Merci de demander. Et toi ?
Comme toute réponse Zoé hoche la tête, en ne discontinuant pas son travail. Ava regarde la jeune fille vêtue de noire, avec conviction, avant de se lancer :
- Je voulais te parler Zoé. Tu n'as qu'à écouter.
Zoé arrête ce qu'elle fait à contre cœur, pour se concentrer sur ce que lui dit sa voisine.
- Je ne passerai pas par quatre chemins. J'ignore pour quelles raisons ta mère et toi, vous êtes venues habiter ici. Mais, chaque seconde que vous passerez ici votre vie sera de plus en plus en danger. Il n'y aura pas de retour en arrière possible.
Ava prend une pause. Elle veut être sûre d'avoir capté l'attention de son interlocutrice.
Zoé quant à elle, reste calme. Avec un visage neutre qui ne laisse entrevoir aucune émotion, surtout pas son agacement.
- J'ai lu beaucoup de livre, de magazines et j'y ai appris qu'ici on ne jouit pas de la vie réelle. Skueñalas est perdue dans une époque qui n'est plus. On est pris en otage dans ce qui peut s'apparenter à une dystopie patriarcale. Dirigée par de sadiques vicieux, soutenue par des mâles ignorants. Où les femelles sont des souffre-douleur. Vous, vous pouvez encore fuir. Les rares d'entre nous qui nourrissent cette ambition, n'y arriverons pas. Tu as une voiture profites-en.
Zoé ne sait quoi répondre face à ce qui lui paraît être un ramassis de paroles sans queues ni têtes. Rire, lui semble être une bonne option. Par respect, et surtout n'ayant point l'envie, elle s'en préserve. Au lieu de se moquer ouvertement d'Ava, elle lui écrit :
- Une blague ? Ou, est-ce que tu tentes de me faire une sorte de bizutage ?
- J'ai la tête de quelqu'un qui plaisante ? As-tu déjà pris le temps d'entendre les sons, qui s'élèvent dans la nuit ? De bien observer ce qui t'entoure : la rue, l'ambiance, les gens...?
À ces mots les deux jeunes filles regardent les alentours. Ava reconnaît des mâles qui se sont attroupés pour commérer. Ils sont en plein milieu de la chaussée, à quelques mètres d'elles. Leurs regards sévères sont dirigés vers les filles. Ava espère que Zoé ne soit pas autant aveugle que muette pour ne pas les remarquer. Car si ces regards pouvaient tuer, Ava serait morte.
Ces hommes pensent que Zoé est de sexe masculin, de par sa tenue. Son pull col roulé mis sous un sweatshirt oversize, son jogger, son bonnet, ses mitaines et ses chaussures. Puisque pour eux, elle fait partie des leurs, Ava n'a aucun droit de lui adresser la parole, la tête non-baissée. C'est un affront pour eux tous, en tant que mâle.
- Je te donnerai des preuves, si cela peut aider à te convaincre. Il faudra que tu ne perdes pas de temps. Que tu agisses avant qu'il ne soit trop tard Zoé. Je ne peux pas rester plus longtemps, s'excuse Ava.
Prenant peur, Ava écourte leur échange. Les membres du petit groupe, l'intimident de loin, en lui hurlant sans mot, de déguerpir. Alors sans se faire prier, Ava disparaît entre la maison numérotée huit et la dix.
Zoé, quant à elle dévisage les commères un instant, puis retourne à ses occupations. En prenant le micro-onde, Zoé arrive à la simple conclusion que chaque ville à ses propres défauts.
Certaines personnes les supportent visiblement moins bien que d'autres.
Zoé a aussi l'impression que Ava crit à l'aide, car elle se sent s'étouffer à Skueñalas. Qu'elle a une envie de découvrir les endroits qu'elles visitent à travers ses ouvrages, autrement qu'entre leurs lignes.
Zoé croit qu'Ava veut la convaincre de partir, et en profiter pour fuguer.
Ce n'est sans nul doute qu'une mauvaise passe, causée par la crise d'adolescence. Ça lui passera. se rassure Zoé. Oui c'est ça. Juste une mauvaise passe.
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