Chapitre 1 - Une journée comme les autres
7h00
Mon réveil sonne, laissant entendre quelques notes d'une musique que je ne prends même pas la peine d'identifier, et laisse échapper un râle agacé, étouffé par mon oreiller. Je me retourne à contre-coeur dans mon lit pour désactiver à tâtons mon alarme avant qu'elle ne réveille également mon petit frère Thomas, qui dort juste de l'autre côté de la cloison.
Je suis personnellement déjà consciente depuis une petite heure, comme toujours tenue éveillée par mes pensées tourmentées, mais je préfère rester allongée dans mon lit plutôt que d'aller affronter mes démons de si bonne heure. Alors j'essaie de me rendormir, je change régulièrement de position, j'écoute un peu de musique douce, jusqu'à l'heure prévue, qui arrive généralement beaucoup trop vite.
Je me tire de mes pensées et me redresse en soupirant, prenant appui sur mes bras encore engourdis, ce qui me vaut presque de retomber. Je laisse courir un instant mon regard sur le décor de ma chambre : depuis l'angle où est placé mon lit j'en aperçois la totalité en un instant.
À ma gauche, un grand placard entrouvert qui laisse apercevoir les piles de vêtements qu'il contient. Sur le mur de droite - le long duquel se trouve mon lit -, deux fenêtres et un radiateur. En face de moi, un bureau encombré de cahiers et de feuilles volantes, surmonté de quelques posters de séries ou de livres que j'adore. Enfin, sur le mur qui me sert de tête de lit, on trouve le “Wall of Fame". Sur ce mur, j'accroche tout ce qui m'a valu un moment de gloire, ou dont je suis fière. On y trouve donc mon brevet, mon attestation de vol en soufflerie, les compte-rendus des parties de laser game où je suis arrivée première, les affiches de mes spectacles de danse et de chorale, et la liste est encore longue. Interrompant mon observation matinale du mur, je me lève du lit et me dirige vers la salle de bains.
Une fois déshabillée, je passe un instant à m'observer dans le miroir. Je détaille la masse informe de cheveux bruns qui me tombent sur les épaules. Le nez épaté qui trône au milieu de mon visage. La quantité astronomique de boutons qui parsèment ma peau, malgré tous mes efforts et tous les produits que j'applique. Je passe un main tremblante sur mon ventre qui, même vide, est loin d'être plat, puis sur mes cuisses, qui se touchent pratiquement. Quelques larmes s'échappent de mes yeux à la couleur indéfinissable (vous savez, ces yeux qui sont verts sur le contour de la pupille, marrons au cœur de l'iris et oranges sur la bordure extérieure…), larmes que j'essuie d'un geste rageur, dégoûtée d'avoir une fois encore été incapable de les retenir.
Je me détourne de mon reflet, et entre rapidement dans la douche. Je règle l'eau sur une température élevée, et ferme les yeux, savourant la sensation de brûlure que je ressens dans mon dos. Je me savonne et me rince rapidement, puis, dents serrées, change la température pour la régler au plus froid possible. J'ai pris cette habitude de passer cinq minutes sous l'eau gelée depuis que j'ai vu qu'en dix minutes, si l'eau est en dessous de 25°C, on brûle environ 150 calories. Alors ça fait mal, mais bon… Qui n'a jamais entendu l'expression “il fait souffrir pour être belle" ?
Je finis par arrêter l'eau, et me retrouve donc rapidement enveloppée dans ma serviette, tentant d'arrêter les frissons incontrôlables qui me parcourent de la tête aux pieds. Désireuse d'abréger au maximum le temps que je passe dans cette pièce, je me sèche en quelques mouvements, et retourne rapidement dans ma chambre.
Je me dirige vers mon placard, que j'ouvre en grand pour profiter du miroir accroché sur l'intérieur de la porte. Après quelques essais infructueux, je me décidé pour une tenue style "bûcheron" : un débardeur noir à larges bretelles, accompagné d'un pantalon de la même couleur, déchiré au niveau des genoux. J'enfile des bottines, toujours noires, et dotées de talons bas. Pour couronner le tout, je noue une chemise à carreaux rouges et noirs autour de ma taille. Je passe un moment à ajuster le tout, puis sors de ma chambre.
Lorsque j'entre dans la cuisine, elle est déserte : mes parents sont déjà partis, et mon frère dort encore. J'ouvre le frigo, à la recherche d'un pomme ou d'un brugnon, mais n'en trouve pas. Lèvres pincées, je me dirige vers le placard dans lequel nous stockons les céréales. J'en sors une boîte et un bol, et attrape une cuillère en revenant vers la table. Alors que je m'apprête à me servir, mon regard tombe sur le tableau nutritionnel affiché sur le côté de la boîte, et je repose brusquement le paquet de muesli. Je ne me laisse pas le temps d'hésiter, et range mes affaires en un instant, avant de remonter dans ma chambre, le ventre vide et l'esprit en ébullition.
Je traverse ma chambre et retourne dans la salle de bains. En cinq minutes, je me lave le visage et les dents, puis fait face aux pinceaux et autres accessoires qui emplissent mon tiroir. J'opte pour quelque chose de léger, et commence par un peu d’anti-cernes, que j'applique aussi sur les boutons les plus visibles de mon visage. J’humidifie mon blender et étale l'anti-cernes, tentant de le fondre un minimum avec ma peau pour ne pas avoir une tête de panda (comme me l'ont si gentiment fait remarquer les filles de la division les rares jours où j'oubliais d'en mettre). J'y ajoute une touche de poudre matifiante pour m'éviter de luire comme une luciole pendant toute la journée. Je complète par du mascara et un peu de rouge à lèvres assez neutre, qui redonne juste un coup d'éclat à mes lèvres.
Pour finir, je relève mes cheveux en un demi-chignon, qui dégage mon visage sans toutefois me donner cet air coincé inévitable quand j'attache l'intégralité de mes cheveux.
De retour dans ma chambre, je prépare mon sac, et pousse un profond soupir en découvrant mon emploi du temps : j'ai aujourd'hui une heure d'allemand, une de français, une de bio et deux de physique. Je fourre sans ménagement les affaires correspondantes dans mon sac, puis le jette sur mon épaule après avoir enfilé mon perfecto. Je descends rapidement la volée de marches qui me sépare de l'entrée, tout en mettant mes écouteurs et en sortant mon portable. Je lance la musique – Shawn Mendes ! – et m'approche de la porte. Je sors, puis m'apprête à refermer, quand, la main sur la poignée, j'inspire brusquement, la gorge soudain serrée, avant de me tancer mentalement et de faire volte-face sur le palier de l'immeuble : après tout, c'est une journée comme les autres.
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