8. Deuil.

"Ceux que nous avons aimés et que nous avons perdus ne sont plus là où ils étaient, mais ils sont partout où nous sommes."

Alexandre Dumas.

Daya

Je ferme la porte du séjour, la fatigue me pèse et cette douleur au creux de mon cœur ne veut pas partir. Je frotte mon sternum en déposant les clés de ma moto sur un meuble. Je me retourne et vois tout le monde installé dans le grand sofa devant la télévision.

Je souffle, ne voulant pas être celle qui leur annoncera la nouvelle.

Je viens de rentrer de la morgue, j'ai identifié son corps à l'aide de son tatouage.

Je ferme les yeux, revoyant sa peau bleuté, ses hématomes qui colorient son corps, son visage méconnaissable et cette plaie digne d'un couteau qu'il avait planté dans la carotide quand on l'a retrouvé.

Quand le drap a été soulevé, j'ai su que plus jamais je ne reverrais ses beaux yeux marrons, son air de crapule.

Ryder ne me conseillera plus pour le gang, on ne fera plus de course de moto, ni de coup foireux en faisant chier notre monde.

Il ne m'appellera plus petit oiseau...

Je refoule mes émotions, les enfermant dans un coffre pour faire face à mon gang. Je suis la cheffe, impossible que je montre un signe de faiblesse.

Je m'avance, déglutissant avant de me racler la gorge.

Spades est au téléphone, faisant les cents pas, les jumeaux sont dans la même position, sur des tabourets, se partageant une bouteille de whisky. Devil fume au bord du balcon, ayant délaissé son cure-dent. Crow tapote sur son ordinateur, assis contre le canapé.

Mais mon regard tombe sur Angel entouré d'Undead et d'Harley et mon cœur se fracture.

Ils venaient de se marier, Ryder allait fonder sa propre famille, son rêve depuis qu'il est petit.

Toute frêle, elle se lève pour venir dans ma direction, m'ayant vu avant les autres. Ses yeux sont gonflés et rouge, ses mains tremblent et ne n'a jamais été aussi vulnérable.

Je voudrais fermer les yeux et ne plus jamais les ouvrir, laisser cette responsabilité à quelqu'un d'autres. Pour une fois en plus de dix ans, je n'ai plus envie d'être cette guerrière que tout le monde surnomme héritière de The KillerBlood.

Mais je ne peux pas. Alors je m'éloigne de mes rêves pour revenir à mon cauchemar, ma réalité, ma vie.

— Daya... supplie-t-elle d'une voix cassée en me prenant les mains.

Je n'ose pas la regarder, je ne veux pas lui avouer la vérité.

— Angel, murmurai-je en essayant de rester forte.

Je sens les regards sur nous et je sais que mes prochains mots vont les détruire. Mais je n'ai pas le choix, c'est moi qui porte la couronne du gang et avec, son lot de problèmes.

— Ryder ne reviendra plus...

Mon âme hurle quand je vois Angel secouer la tête, ne pouvant croire à cette dure réalité. L'espoir quitte son regard alors que ses mains glissent jusqu'à mes poignets qu'elle serre pour trouver une ancre qui puisse la faire rester sur terre.

Le bruit d'un vase se brisant contre la télévision me fait sursauter, les morceaux de porcelaine éclatent contre le sol où Undead s'écroule, le visage dans les mains.

Je recule d'un pas, lâchant Angel. Je me rends compte du désastre que je viens de provoquer. Crow referme son écran et vient prendre Angel dans ses bras alors qu'elle pousse un cri de douleur aussi puissant que les enfers. Harley essaye de réconforter Undead malgré ses larmes et Spades frappe dans le mur avant de glisser contre ce dernier. Artémis et Apollon ne disent rien, reprenant leurs casques avant de claquer la porte d'entrée. Seul Devil semble rester neutre mais je sais qu'au fond, son âme aussi pleure la perte de notre meilleur ami.

En quelques secondes, le deuil s'abat sur The KillerBlood et je n'ai aucun pouvoir là-dessus.

Je regarde mon portable avant de me diriger dans mon appartement. Cela fait le dixième message que je laisse à Clyde mais ce connard ne prend pas la peine de me répondre. Je tape sur son numéro pour l'appeler mais c'est encore sur messagerie.

Je fouille dans mon frigo et en sort une bouteille d'alcool et je m'écroule contre ce dernier. Je n'ai pas le temps d'entamer ma descente aux enfers avec ce graal entre les mains que mon portable sonne. Je m'empresse de le prendre en croyant que c'est Clyde mais c'est pire.

Ezra.

J'adopte un air neutre avant de décrocher en visio. Clope au bec et torse nu, je le vois à son balcon, les sourcils froncés.

— Qu'est-ce qu'il se passe ma princesse ? attaque-t-il tout de suite.

Je sais que je suis fichue, je ne peux pas lui mentir, il le verra immédiatement. Mais, têtue comme je suis, j'essaye quand même.

— Le bordel comme d'hab mon prince, et toi comment ça va ? Tu fais toujours le mannequin pour ta femme, tenté-je de plaisanter.

— Te fous pas de ma gueule Daya, gronde-t-il en tirant une taffe de sa cigarette. J'ai ressenti un putain de coup au sternum comme si on m'avait arraché le coeur, alors tu vas me dire tout de suite ce qu'il se passe.

L'âme en peine, je soupire en l'observant. Ses cheveux en pagaille blonds, ses yeux bleus comme le ciel, son air de connard qui lui va si bien. Deux bras s'enroulent autour de ses épaules et la tête d'Azalea apparaît, m'adressant un sourire rassurant.

Et si je le perdais lui aussi ? Je ne pourrais jamais me relever. Et Azalea, non, je ne peux pas lui retirer son ciel.

— Daya... s'impatiente-t-il alors que Azalea sort de la pièce pour lui laisser de l'intimité.

Je mémorise chaque traits de son visage, si je lui dis, il va revenir et je ne veux pas. J'ai sacrifiée toute ma vie pour qu'il reste en vie malgré son enfer personnel, hors de question qu'il revienne pour que je romps la promesse faîtes à notre père.

Pourtant, mes lèvres s'entrouvrent contre ma volonté.

— Ryder est mort.

Je ne prends pas de pincettes, mon frère saura gérer, comme il l'a toujours fait.

Il ne faut que quelques secondes pour que son visage perde des couleurs et qu'il ne se lève. Je vois la caméra qui bouge de partout et mon cerveau comprend ce qu'il fait.

— Ezra, non !

Son visage réapparaît, une flamme brillant dans ses yeux.

— Comment ça, non ? Tu crois que je vais rester ici alors que mon putain de frère vient de mourir ! J'arrive, Aza va me prendre un billet, je serai là dès l'aube.

Je sais que je devrais pas, mais intérieurement, je le remercie. Je ne sais pas si j'y arriverai toute seule.

— Ma princesse, je mentirais si j'te disais que tout ira bien, mais je serais là.

Il parle à Azalea mais je n'entends pas, mon esprit semble s'être fait engloutir dans un chaos sans fin.

— Laisse-toi tomber comme une vaincue mais relève-toi comme une guerrière, récite Ezra en levant sa main où trône sa chevalière en argent.

Je souris faiblement en levant à mon tour ma main.

— Laisse la douleur te faire souffrir une seconde et venge-toi le reste de ta vie, terminé-je en embrassant mon bijou familial en même temps que mon frère.

Je raccroche après qu'il m'ait fait promettre de ne pas boire une seule goutte d'alcool. Je me lève en rangeant mon portable dans la poche de mon jean. À regret, je laisse la bouteille au sol et quitte mon appartement. J'entre dans l'ascenseur et mes pas me guide jusqu'à celui de Ryder.

NDA : Unsteady - X Ambassadors.

Mes yeux détaillent son milieu de vie comme si c'était la première fois que je venais.

Dans un sens, c'est la première fois que je viens sans lui.

Je le revois encore sur la table en fer rangé dans un putain de frigo pour humains !

Flashback, à la morgue.

Les murs sont blancs, l'atmosphère est austère et chaque porte mène à un sanctuaire mortuaire.

Malgré mon envie de vomir, j'avance dans un hall stérilisé et passe une porte qui donne sur un ensemble de cases où se trouvent des corps. Un homme en blouse blanche me guide jusqu'à une table où repose un corps recouvert d'un drap.

Je respire un bon coup, évacuant mes émotions pour faire face à ce que mes yeux vont devoir subir. Le morgueur soulève le côté du drap, me montrant juste assez pour que je puisse seulement voir son tatouage.

Mes mains agrippent le rebord de la table et ma respiration se coupe. Le déni m'a assailli durant tout le trajet, ne voulant pas y croire même si les chances étaient nulles. Mais maintenant que je suis devant les preuves, je ne peux pas reculer ou ignorer que Ryder ne pourra plus jamais vivre.

— Je veux voir le reste, ordonné-je en essayant de maîtriser au mieux ma voix.

— Madame, je vous déconseille de...

— Je ne vous demande pas votre avis, coupé-je, prête à voir une dernière fois celui que je considérais comme un frère.

Le morgueur ne dit rien de plus et retire le drap jusqu'à son bassin. Ma main se plaque contre ma bouche étouffant un cri de détresse qui menace de sortir à tout moment.

Mon Ryder n'est plus rien, juste un amas de chair marquée par de profondes entailles. Sa peau blanche est à présent bleutée et violacée, témoignant la brutalité des coups qu'on lui a donnés. Son bras a un angle impossible comme si a été brisé plusieurs fois. Il n'avait plus rien d'humain, seul un carcasse dévasté représenterai mon frère dans la mort.

Je relève la tête vers l'homme qui me scrute comme si j'allais m'évanouir. Ce qui est peut-être le cas.

— A-t-il souffert ?

Je vois de la pitié dans ses yeux mais je n'en veux pas, hors de question qu'on me préserve alors que Ryder ne pourra plus sourire.

— Je veux la vérité, ordonné-je.

— D'après notre examen, plus de 90% des coups et blessures ont été ante mortem. Le coup qui lui a coûté son dernier souffle est la plaie au niveau de la carotide faite avec un couteau.

Il a subi une torture interminable avant de rendre son dernier souffle.

— Puis-je avoir ce canif ?

— Désolé madame mais la police à déjà récupéré l'arme du crime.

Je hoche la tête et me penche pour embrasser sa côte, seule partie de son corps presque intacte.

— Ton petit oiseau va te venger, je te le promets.

Je recule d'un pas, détournant les yeux.

— Madame, puis-je connaître son identité ?

— Il s'appelait Ryder Caldwell.

Et il faisait partie de ma famille.

Fin du Flashback.

Je me dirige vers sa chambre où l'on passait le plus clair de notre temps. Je longe les murs gris, passant dans son salon rempli de cartons de pizza et de DVD en tout genre.

Ryder n'aime pas le ménage.

Non, n'aimait pas le ménage, Daya...

Je traverse la pièce et bloque devant la porte de sa chambre. Mon cœur bat à vive allure. Je ne me sens plus à ma place, comme une étrangère dans un lieu où elle n'a pas sa place.

Ma main posée sur la poignée, je m'arrête dans mon élan en entendant des sanglots de l'autre côté. Le front contre le bois, je ferme les yeux en entendant Spades calmer Angel qui a perdu l'amour de sa vie.

Je respire un coup et fais demi-tour, regagnant la sortie d'un pas lourd et vide.

J'appuie sur le numéro 10 de l'ascenseur quand mon portable vibre, je m'empresse de répondre en voyant Clyde m'appeler.

— Allo, ici l'hôpital de Bellevue. Je suis désolée d'avoir à vous informer que votre ami a été admis aux urgences suite à un accident de moto. Il est actuellement pris en charge par notre équipe médicale.

Mon portable tombe de mes mains et je maudis ce putain de destin de merde !

Pourquoi tout s'abat sur ma gueule en même temps ?

Je ramasse mon téléphone et informe l'infirmière que j'arrive. D'abord la mort de Ryder et maintenant Clyde à l'hôpital ! Qu'est-ce que ce con a voulu faire comme connerie pour se retrouver à l'hôpital ?

Je sens le poids du monde s'effondrer sur mes épaules. La perte de Ryder, ce pilier de The KillerBlood mais aussi mon frère, est une plaie béante qui refuse de se refermer. La douleur de son absence m'envahit à chaque respiration, comme une ombre froide qui enveloppe mon cœur. Et maintenant, Clyde à l'hôpital...

Je lutte pour ne pas flancher, pour ne pas laisser cette vague de désespoir m'engloutir. Les problèmes des Shadows, ce gang ennemi qui gagne du terrain, et les tensions au sein de The KillerBlood rendent la situation insupportable. Chaque décision semble être un choix entre deux maux, chaque instant une lutte pour ne pas perdre le contrôle.

Je ressens une colère sourde, un mélange d'impuissance et de rage. Tout se désagrège autour de moi, et je dois, coûte que coûte, maintenir les apparences de force. Mais en réalité, je me sens piégée, acculée par la douleur, la peur de perdre ce qu'il me reste, et l'angoisse de devoir affronter seule un avenir qui semble de plus en plus incertain.

Je me dépêche de monter sur mon bolide et fonce dans les rues de New-York. 

Impossible de perdre deux personnes dans la même journée, je refuse catégoriquement.

J'accélère, grille des feux rouges, frôlent des piétons, dépasse les voitures.

Ne crois pas que je m'inquiète pour toi, Clyde. Si tu t'en sors, je m'assurerai que la prochaine fois que tu te retrouveras à l'hôpital, ce sera de ma faute.

***

Hey ma Weakness !

Comment allez-vous ?

Dure chapitre à écrire je vous le dis... Ryder nous a vraiment quitté et tous le gang sombre dans un deuil sans fin. Et Angel, notre pauvre Angel qui est au fond du gouffre.

On veut tous un frère comme Ezra, leur âmes sont liées quoi qu'il arrive.

Clyde est à l'hopital ? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Sa mission aussi a dégénérer ? Pauvre Daya qui doit tous porter sur ses épaules.

Sur ce, prenez soin de vous et n'oubliez pas que vous êtes des pépites ! 

À la semaine prochaine ! 

Kiss ! 

Naëlle.  

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