6. Ma Weakness.
"Vivre, c'est souffrir ; survivre, c'est trouver un sens à la souffrance."
Friedrich Nietzsche.
Clyde
Un sentiment de paix s'empare de moi. Assis, les bras entourant mes jambes, j'ai les yeux fermés. Ma respiration coupée, je profite de ce calme et des rayons qui transpercent ma peau, n'écoutant que les battements de mon cœur. Le poids sur mes épaules semble s'apaiser et mon esprit s'égare pour retrouver des souvenirs nostalgiques mais joyeux. Le temps où je n'étais qu'un enfant aimant taquiner une fille aux cheveux blonds et aux yeux aussi bleu que l'océan.
Flashback.
Un pas sur le côté, je tourne sur moi-même avant de reprendre mon équilibre et d'adapter une position stable tout en me protégeant. L'adrénaline fait battre mon cœur tellement vite que j'ai peur qu'il sorte de mon torse, ma respiration est irrégulière et mon corps se tend à chaque mouvement que je fais.
Malgré tout, j'aborde toujours ce sourire provocateur qu'elle déteste tant, juste pour la faire rager encore plus.
Après avoir appris l'art de l'attaque et de la défense comme des pros, c'est notre premier combat officiel avec Daya. On s'est entraînés depuis petits avec toujours l'interdiction de se battre avec les règles du gang, c'est-à-dire jusqu'à la mort. Aujourd'hui, Monsieur Marshall, le père de Daya que je considère comme le mien aussi, a voulu nous pousser dans nos retranchements.
Mes yeux la scannent de haut en bas pour y déceler la moindre faille. Ses jambes écartées et les pieds bien à plat, ses bras relevés pour mettre sa garde, son air déterminé et concentré, son pouls qui pulse contre sa carotide... J'observe tout dans l'espoir qu'elle fasse un pas de travers et que je profite de cette fente pour attaquer.
Le problème c'est qu'on a été éduqués pareil, nos attaques sont les mêmes ainsi que notre analyse de combat.
Si je trouve sa faille, elle trouve la mienne.
Je resserre le couteau dans ma main droite, la défiant de faire le premier pas. Daya est rapide, comme un serpent venimeux, son canif est déjà prêt à fendre l'air pour me tuer. Elle tente un coup direct que j'esquive immédiatement en me baissant, je lui fais une balayette qu'elle dévie avec aisance.
Je me laisse guider par mon instinct et effectue chaque geste avec précision et audace, frôlant la mort à chaque fois qu'elle essaye de me toucher. Le métal de nos armes retentit dans le jardin et nos yeux reflètent la force de notre caractère et notre refus d'abandonner.
Le prochain coup, je sais ce qu'elle va faire et la détourne de ces intentions avant de commencer un corps à corps. Un coup de poing dans l'abdomen la fait grogner de douleur mais c'est mon pied latéral qui la fait tomber à terre, sur le ventre. Au-dessus d'elle, je m'apprête à mettre fin à ce combat quand elle me sourit et fait une roulade arrière pour récupérer son canif et se remettre debout en un rien de temps.
Et je ne sais pas si ça m'énerve ou ça m'impressionne.
Comme si on dansait, nos canifs virevoltent dans l'air, nos pas ne sont qu'une chorégraphie de nos entraînements et chaque souffle de douleur est une mélodie de notre combat. Deux enfants perdus dans une danse dangereuse, un pas de plus près du danger à chaque coup porté.
Bien que chaque coup soit maîtrisé, j'ai l'impression que ce duel va bien au-delà de ce que nous faisons ici. Chaque geste, chaque mouvement, est une déclaration de notre propre force, et malgré la violence, je ne peux m'empêcher de ressentir une sorte de respect pour elle.
On ne se bat pas seulement pour gagner; c'est une question de fierté, de prouver quelque chose à nous-mêmes et aux autres.
Daya riposte et je dois faire un salto arrière pour éviter une blessure qui aurait pu me mettre à terre. Elle me fait signe de venir jusqu'à elle avec son air insolent et je décide de répondre à son appel par un coup de traître, lançant ma lame dans son épaule droite avec un geste sec et vif. Elle lâche son arme et ses genoux touchent le sol boueux alors que je suis déjà derrière elle, le couteau sous sa gorge.
Je regarde son père qui a suivi tout le combat et attend qu'il annonce comme d'habitude la fin du combat en sifflant à l'aide de ses doigts.
Sauf que ce moment ne vient pas.
Essoufflé et trempé de sueur, je perd mes moyens quand je comprends enfin les règles de The KillerBlood. Ici, la mort est le destin de chaque perdant.
Je sens la peur paralyser mon corps quand la respiration de mon ennemie se coupe. Daya lève la tête vers moi, ses mains serrant mon avant-bras, les larmes aux yeux. Je déglutis et resserre ma prise sur son cou pour l'entailler légèrement. Ses nuances de bleu dans son regard m'achèvent quand j'y lis l'abandon. Silencieusement, je lui demande de me pardonner alors que son sang s'écoule sur ma main.
Un sifflement me fait relâcher tout mon corps et Daya s'affaisse sur le sol tandis que je range mon arme. Ethan Marshall hoche simplement la tête avant de faire demi-tour, les mains croisées dans le dos. Dès qu'il rentre dans la maison, je m'accroupis et aide Daya à se relever.
Elle essuie ses mains sur son pantalon et je ramasse son couteau pour le poser sur le tronc à côté. Épuisée, elle s'y assoit en tenant son épaule, grimaçant contre la souffrance qui doit lui prendre tout le bras.
Je fais demi-tour et cours dans la maison où Diana, sa mère, m'attend avec une trousse de secours. Elle me sourit et me fait signe d'aller la rejoindre ce que je m'empresse de faire.
Je m'agenouille en face d'elle et sort du coton que j'imbibe de désinfectant. J'appuie sur sa blessure alors que ses gémissements me font l'effet d'une pique dans le cœur. Je sens son regard sur moi alors que je me concentre sur sa plaie, elle n'est pas profonde mais elle va l'handicaper quelques jours.
Quand on a commencé les petits combats où on se blessait légèrement, le gagnant se chargeait de soigner l'autre, sûrement pour effacer cette culpabilité qui le rongeait. Depuis, c'est devenu presque normal, chaque blessure est désinfectée et guérit par notre adversaire.
— Arrête de jouer le héros, réplique-t-elle sûrement agacée de sa défaite.
Elle tient toujours le même discours quand je la soigne, argumentant sur le fait qu'elle n'est pas une princesse en détresse mais une guerrière qui a perdu une bataille. Et comme à chaque fois, je ne réponds que je suis tout sauf un prince charmant ou un héros.
— T'as raison, reprend-t-elle. Toi, t'es plutôt un hors-la-loi.
Je souris en lui bandant son épaule et j'ose lui jeter un coup d'oeil en rangeant le matériel. Nos regards se percutent et je sais qu'à cet instant on a la même pensée. On a perdu notre combat en n'allant pas jusqu'au bout de la règle du gang. On a déçu Ethan et cela ne sera pas sans conséquences.
— C'est ta faute, râle-t-elle.
Je sais, j'aurais dû la blesser plus profondément, lui faire plus mal physiquement et mettre fin au combat sans hésitation.
— Peut-être. Mais ça ne changera rien.
J'aperçois un léger sourire sur ses lèvres et lui tend ma main qu'elle prend en la serrant de toutes ses forces pour me faire mal.
Nous marchons jusqu'à nos chambres respectives avec le cœur lourd d'angoisse face aux épreuves de demain qui vont être pire à cause de notre échec. Je ferme la porte et m'assois contre cette dernière, ma tête se laissant aller contre le bois, je ferme les yeux.
C'est à cet instant que j'ai compris qu'importe la haine que je lui porte, Daya sera toujours ma faiblesse.
Ma weakness.
Fin du flashback.
Une explosion me force à ouvrir les yeux en râlant intérieurement contre Undead. Je décroise mes bras et remonte à la surface où je prends une grande goulée d'air avant de fusiller ce con de mon regard vairon.
— Putain Undead, tu fais chier, grogné-je en nageant jusqu'au rebord de la piscine du QG.
Cet après-midi, notre cheffe a décrété que nous avions tous besoin d'une pose pour souffler et faire descendre toute cette tension depuis l'attaque des Shadows. Et comme à son habitude, Undead ne peut pas s'empêcher de faire des bombes alors que je médite sous l'eau.
J'entends le rire démoniaque d'Harley qui se fout de ma gueule alors qu'elle joue une partie de tennis avec Apollon, la balle traditionnelle remplacée par une grenade. Le jardin de notre QG s'est transformé en un espace détente qui semble plaire à tout le monde. Des chaises longues autour de la piscine, des tables avec des snacks et de l'alcool, un coin pour le barbecue et plus loin, un stand de tir improvisé.
Ryder et Angel discutent avec Spades qui s'occupe des viandes à faire griller, Artémis bronze avec un magasine sur une des chaises longues, Crow en Undead sont en pleine bataille d'eau et Devil s'entraîne au stand de tir.
NDA : My Immortal - Evanescence.
J'aperçois Daya, assise au bord de la piscine, elle trempe ses jambes dans l'eau, le regard sur son portable avec un sourire aux lèvres. Celui qu'elle a quand son frère est dans les parages. Je nage jusqu'à elle et ma présence semble la perturbé car elle lève les yeux vers moi, sa joie remplacée par une moue blasée.
— Comment va Ezra ? demandé-je en passant une main sur mon crâne rasé.
Elle plisse les yeux en éteignant son téléphone qu'elle pose sur le côté.
— Comment tu sais que c'est mon frère ?
Je hausse les épaules, refusant de lui dire que je l'analyse beaucoup quand elle ne le remarque pas. J'ai toujours été dans l'observation. Chaque manière, parole, mimiques ou regard m'informe sur la personne en question.
Elle lève les yeux au ciel en me répondant qu'il a emmené Azalea, sa femme, faire un tour sur les toits de Paris.
Ezra Marshall a beau être mon meilleur ami, il reste un romantique rempli de niaiserie qui me donne envie de vomir.
— Je lui est parlé des Shadows, m'annonce-t-elle en but blanc.
Je fronce des sourcils et m'accroche au rebord.
— Comment il a réagit ?
Elle baisse les yeux sur ses mains qu'elle triture.
— Mal, tu t'en doutes bien. Il veut revenir dans le gang.
— Quoi ?
Le choc me fait ouvrir la bouche mais je m'empresse de la refermer. Ezra ne peut pas revenir, pas alors qu'il a enfin retrouvé la femme de sa vie et qu'il vit tranquillement à Paris.
— Il ne peut pas revenir, Daya, contré-je en bougeant des jambes pour rester à la surface.
— Je sais. J'ai essayé de l'en dissuader mais tu le connais, il est aussi déterminé que moi.
Elle fait bouger ses jambes dans l'eau créant des ondes rondes, ses cheveux lui tombent sur les épaules alors que ces dernières sont tendues à l'extrême.
Daya a lutté toute sa vie pour que son frère reste en vie, prenant même la place de l'héritière du gang alors que le trône revenait à Ezra. Elle a toujours tout mis en œuvre pour que le dernier membre qu'elle considère comme sa famille soit épargné de la violence de notre monde. Je ne vais pas dire qu'Ezra a les mains propres, lui aussi a dû tuer pour survivre mais il a eu la chance de croiser le chemin de son étoile, ce qui lui a sauvé la vie.
Voyant Daya ruminer dans son coin, je décide de lui divertir l'esprit. Sous l'eau, je frôle sa cheville de ma main la faisant sursauter. Elle me jette un regard noir alors que je pouffe de rire. Je tente une approche plus direct en attrapant sa cheville.
— Qu'est-ce que tu fous, Clyde ? grogne-t-elle en essayant de se défaire de ma prise.
Je fais glisser ma main sur son mollet et son corps se crispe, accentuant mon sourire. Doucement, je pose mon autre main sur son genou et le caresse, mon torse touchant ses jambes froides et mouillées. Je lève la tête pour planter mes yeux dans les siens alors qu'elle ne bouge pas, comme paralysé par mes gestes.
— Et si on jouait à un jeu pour te changer les idées ? proposé-je en inclinant la tête.
Elle ricane en secouant la tête.
— C'est jour de repos, on ne peut pas se battre.
— Qui a dit qu'on allait se battre ? répliqué-je en caressant ses cuisses.
— Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse alors ? On est bon qu'à ça.
— Une course en nageant ? Non, oublie, coupé-je directement. La dernière fois qu'on a fait ça, on a fini avec un flingue entre les mains.
Son rire contagieux m'atteint attirant la bande. Harley se met dans la même position que Daya, les jumeaux plongent directement alors que les autres se placent autour de nous.
— Vous faîtes quoi ? demande Crow en retirant ses lunettes pour les essuyer avec son t-shirt.
— Clyde proposait un jeu, répond Daya.
— Il me reste une bouteille vide de bière, renchérit Ryder en se levant.
— Action ou vérité ! crient en chœur Harley et Undead.
Cinq minutes plus tard, la bouteille tourne et s'arrête sur Devil qui grogne déjà.
— Devil, commence Angel en souriant. Action ou vérité ?
— Vérité.
— Dans une autre vie, qu'est-ce que tu aurais fait comme métier ?
— Tueur à gages, déclare-t-il sous les rires de certains et l'air défaitiste d'Angel.
Il fait tourner la bouteille qui se stoppe sur Harley et elle choisit "action".
— La prochaine fois qu'on va en mission tu as interdiction de prendre ta batte, nargue-t-il, son cure-dent en bouche.
— Quoi ? Mais non ! s'emporte celle-ci. C'est pas juste, ma batte est toute petite comparé à l'arc d'Artémis !
— Ne mêle pas mon arc à tes affaires, se défend notre rousse préférée.
— Oui, mais son arc ne manque pas de m'assommer à chaque fois qu'on monte dans la voiture, ajoute Devil.
La bouteille est de nouveau tournée et cette fois, je n'y échappe pas. Voyant que c'est la folle du groupe qui va guider mon jeu, je préfère prendre action. Au sourire qu'elle a, je peux déjà sentir la merde arriver.
— Dis une chose dans l'oreille de quelqu'un que tu n'a jamais dis à personne.
Je réfléchis quelques instants et une idée me traverse la tête quand je me tourne vers Daya. Toujours dans l'eau, je nage vers Daya qui me regarde surprise par mon geste. J'écarte ses cuisses pour me placer entre mes mains de part et d'autres de ses hanches, je me hisse à l'aide de mes bras et approche mes lèvres de son oreille.
Je sens ses jambes frôler mes bras musclés et un frisson lui parcourt le corps quand je souffle sur une de ses mèches blondes. Jouant le jeu, je lui confie quelque chose que personne autour de cette piscine ne sait.
— Tu te souviens quand on avait huit ans et que ton père nous a forcé à nous entretuer ? Je ne me suis jamais autant senti heureux et vivant que quand la balle m'a atteint.
Depuis, qu'on a appuyé sur la détente, nous n'avons jamais parlé de cet événement qui a brisé le peu d'âme qu'il nous restait. Aucun mot n'a franchi la barrière de nos lèvres pour exprimer notre ressenti à tirer sur un être humain à partir de huit ans. Nous avons tout simplement enfermé tous ça dans un coffre et on a jeté la clé.
Ses mains se placent sur mes avant-bras et je recule, nos regards s'accrochent et le reste de la bande disparaît, tout disparaît, ne reste plus que les souvenirs de notre passé brutal. Nous retournons dans notre bulle de douleur où l'on a tellement souffert que l'idée d'être mort nous réjouissait.
Daya glisse ses mains jusqu'à mes joues et murmure un "je suis désolé" à peine audible.
Je laisse le fantôme d'un sourire s'afficher sur ma gueule avant de lui répondre.
— N'aie pas de remords, Weakness. Mourir par ta main, c'est le seul putain de destin que j'accepte.
***
Hey my weakness ! Comment allez-vous ?
Petit flashback de leur quotidien alors qu'ils n'étaient que des enfants, le père de Daya voulaient faire d'eux des machines, aurait aussi laissé Clyde tuer sa fille ?
Moment entre Daya et Clyde qui essaye de la rassurer comme il peut alors qu'Ezra veut débarquer pour foutre tout en l'air, comme d'hab !
Rien de tel qu'un action ou vérité pour resserrer les liens et la phrase fin de Clyde, je meurs !
Si pour l'instant la romance n'est pas trop présente nous vous inquiétez pas, après tout c'est un slow burn !
Et que pensez-vous des surnoms respectifs ? Vous aimez ?
Sur ce, prenez soin de vous et n'oubliez pas que vous êtes des pépites !
À la semaine prochaine !
Kiss !
Naëlle.
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